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  • L'abbé Albert Gau, la belle âme d'un envoyé de Dieu au service de l'humanité (1)

    C'est le 10 juillet 1910 que naît à Conques-sur-Orbiel, Albert Louis Joseph Gau, fils d'Armand et de Marie Guiraud. Juste à peine le temps de chérir son papa que celui était tué à l'ennemi en 1915 lors de la bataille des Dardanelles, durant la Grande guerre. Le pupille de la Nation n'oubliera pas ; il se battra toute sa vie contre la haine et la guerre. Après le conflit, sa mère fait la connaissance de Mademoiselle Suzanne Laisné.

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    Les deux femmes vivent ensemble et élèvent le jeune garçon au sein d'un sérail féminin très dévot. Albert commence sa scolarité à l'école primaire de Conques, avant de poursuivre ses études secondaires au Petit séminaire de Castelnaudary, puis au Grand séminaire Saint-Sulpice de Paris sous la haute autorité du cardinal Verdier. Il s'agit d'un choix de sa part, car il se méfie de l'étroitesse de l'enseignement en province : "Là, je trouvais une atmosphère internationale, une grande qualité de pensée et de très grands professeurs."

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     Petit séminaire de Castelnaudary (1924-1925)

    Le 29 juin 1934, il est ordonné par Mgr Pays en la cathédrale Saint-Michel de Carcassonne. Il dira sa première messe le lendemain, mais n'exercera pas de fonctions paroissiales. Directeur des Œuvres, de la jeunesse J.O.C et J.A.C, il s'occupe des Mouvements Populaires des Familles qui, deviendra ensuite l'Action Catholique Ouvrière. En 1937, le père Gau fonde un journal mensuel "Le midi social" qui sera supprimé par Vichy. Envoyé au collège Beauséjour à Narbonne, il enseigne et dirige l'équipe de rugby de l'établissement jusqu'au mois de septembre 1939. La France vient de déclarer la guerre à l'Allemagne nazie et le prêtre se retrouve mobilisé comme tous les hommes de sa génération. Ceux-là même qui avaient vus leurs pères se faire tuer en 1914-1918.

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    L'abbé Gau à l'extrême gauche sur cette photographie

    De retour à Carcassonne après l'armistice en ayant échappé à la capture, il s'oppose d'emblée au nazisme et à la politique de collaboration du maréchal Pétain. 

    "Mon entrée dans la vie publique est due à la Résistance. J'étais dans la Résistance dès 1940. A ce moment-là, il fallait marcher à contre-courant. Je faisais des sessions de formation sur le nazisme. Par la suite, nous avons été très aidés par "Témoignage Chrétien" qui, avec ses cahiers "France, prends garde de perdre ton âme", nous a passé des études sur la perversité du nazisme. Nous n'étions pas nombreux en France à apprendre le devoir de désobéissance. trop de dignitaires, prêchaient la soumission au devoir établi. Je n'ai appartenu à aucun mouvement de résistance."

    Il s'implique avec l'accord de l'évêché au sein des aumôneries, des jeunes et des ouvriers et réside à la Maison des Œuvres. C'est l'actuel Lycée Saint-François, rue des Amidonniers.

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    Maison de l'Œuvre. Lycée St-François

    Il utilise le bâtiment mis à sa disposition pour fabriquer des faux papiers et obtenir l'équipement nécessaire. Avec des tampons volés à la Gestapo, le voilà bien équipé. Il délivre également de faux certificats de baptêmes, à condition uniquement que les juifs ne se convertissent pas. Dans les locaux mitoyens de son appartement, il cache des juifs pendant un certain temps qui sont envoyés avec l'aide de deux amis, juifs eux-mêmes : Nicole Bloch et Klein. Il ouvre un restaurant, supposé être tenu par quelque femme qu'il connaissait, comme lieu de planque, et le couvent des Carmélites dans la banlieue de la ville où il était aumônier, coopère volontiers quand il a besoin d'aide. A la demande du père Gau, la mère supérieure admit dans le cloître un juif poursuivit par la Gestapo. Elle le déguisa en none carmélite et le sauva de l'arrestation.

    Voici comment a commencé mon action clandestine. Un jour arrive chez moi une responsable nationale du mouvement juif. Elle voit qu'il y a pas mal de place dans la Maison des Œuvres et me demande si j'accepterais de recevoir des juifs cherchant un refuge en attendant de les caser dans des familles ou de les faire passer en Espagne. Je dis oui. C'est alors qu'une nouvelle période de ma vie débutait. Je pourrais écrire un livre pour en raconter les péripéties, mais je ne m'en tiendra qu'aux évènements essentiels. Chaque jour ou presque je recevais des juifs, surtout des jeunes. J'ai dû monter un restaurant pour les faire manger. Heureusement, les militaires de l'aviation qui travaillaient à Salvaza acceptèrent d'y prendre leur repas, ce qui couvrait pas mal de choses. De plus au Secours National, j'ai eu la collaboration des deux principaux dirigeants, M. Roty et Mlle Bancilhon qui alimentaient le restaurant. J'ai dû fabriquer en grande quantité de fausses cartes d'identité et de ravitaillement. Je donnais même à chaque juif un certificat de baptême, à la seule condition qu'il ne se fasse pas baptiser. J'avais l'occasion de prendre dans les sacristies les cachets paroissiaux, ceux de Conques me furent donnés par le curé lui-même. J'avais créé plusieurs centres notamment celui de Millegrand dont le Directeur et la Directrice étaient deux juifs camouflés sous un faux nom, ils m'aidaient. 

    Tout marchait très bien, mais il évident que cette activité ne pouvait se poursuivre longtemps. A la suite d'arrestation de personnes que j'avais hébergées, je fus recherché. Un jour, je fus informé par un policier qu'une perquisition devait être effectuée à la Direction des Œuvres en vue de retrouver le matériel servant à confectionner des fausses cartes. Je précise que nous étions en zone occupée. Un juif n'avait pas droit à la vie. Je ne gardais dans les bureaux que les portraits du Maréchal Pétain, immenses affiches envoyées par Vichy qui nous servaient pour divers usages. Trois mois après, il n'y avait pas encore eu de perquisition. Je reçus la visite de trois délégués qui me dirent : "Il faut tout changer, voici de nouveaux cachets..." Je leur répondis : "Attendez-moi, je reviens ici dans une heure, je vais donner mon cours au Lycée". J'en étais l'aumônier, et mon ami, M. Sirven le Directeur. J'ajoutai : "Pendant ce temps, travaillez dans ma chambre et faites-moi un certain nombre de cartes d'identité et d'alimentation". A mon retour, la maison était cernée par des policiers en civil. On me demanda si j'étais l'abbé Gau et on présenta un ordre de réquisition : "Avouez que vous faites de fausses cartes, me dit-on et que vous abritez des juifs, ce sera plus rapide". Je niais tout mais je demeurai inquiet. Je ne savais pas ce qu'étaient devenus les occupants : juifs et responsables nationaux. Heureusement, ils avaient pu s'enfuir. Mais on m'avait laissé sous l'édredon tout l'attirail, celui-là même que l'on recherchait. La perquisition dura de 15h à 18h30. A mon bureau on ne trouva rien, toutes mes lettres furent visitées. En descendant l'escalier nous passâmes devant une porte entrouverte ; je sentais l'odeur des acides utilisés par mes visiteurs pour transformer certaines cartes. "Où couchez-vous ?", me demanda t-on. J'entrai alors dans une vive colère : "Cette chambre est réservée à l'Evêché. Vous n'avez pas le droit d'y entrer sans la permission de l'Evêque. Et puis j'en ai marre !" Je continuai à descendre entraînant un policier par la main. Alors un autre policier plus compréhensif dit à ses collègues : "Fichez-lui la paix, c'est fini". Rien ne fut découvert.

    Un soir, à 23 heures, un messager vint m'apporter un billet : "La Gestapo vient chercher un ménage juif à l'Hôtel Vitrac, chambre numéro ?". Mais ce billet me parvenait avec retard car l'arrestation devait avoir lieu à 22 heures. Il ne fallait pas hésiter, il n'y avait pas une seconde à perdre. Je pars sur le champ, je monte à l'étage. Je dis aux occupants de la chambre : "Vite suivez-moi, la Gestapo arrive". Ils me suivent. En descendant, nous avons croisé les Allemands, en retard, qui eux montaient. Je ne sais pas ce que j'ai dit en les voyant pour les tromper.

    Un jour la Gestapo vint m'arrêter, mais j'ai pu m'échapper. Puge, militant communiste, fils de la concierge qui lui servait de boîte à lettres, et quelques ennuis, mais il n'y eut pas d'arrestations. C'est alors que j'entrais dans la clandestinité. Cela dura deux ans, je me cachais le jour, je sortais la nuit comme un malfaiteur. Le plus dur était l'isolement moral. Il m'arrivait de me demander si je ne serais pas un paria toute la vie, surtout au début... Un maréchal de plus en plus en décrépitude n'entendait plus aucun appel. Il ne représentait plus la France, et beaucoup continuaient à le considérer comme un protecteur, jouant le double jeu alors qu'il n'en jouait qu'un seul. Il était devenu un fantoche, une marionnette dont les Allemands tiraient les fils.

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    L'abbé Gau avait l'accord de son évêque, Mgr Pays, qui demandait tout de même à lire le texte de ses sermons à la cathédrale, avant approbation. Une accord, jusqu'à un certain point... "Là, cela devient trop dangereux, Père, la Gestapo vous à l'œil". L'évêque lui demande de stopper ses activités clandestines, mais Albert Gau ne se démonte pas. Le même jour, une femme sonne à sa porte. Elle est juive et enceinte ; après l'avoir faite entrer, il appelle son évêque : "J'ai une femme juive enceinte, ici. Vous m'avez dit d'arrêter, alors je vais l'envoyer chez vous ! Vous avez suffisamment de place." A ces mots, Mgr Pays répliqua : "Bon, d'accord. Faites ce que vous avez à faire, mais gardez-là." L'hôtel Vitrac, rue du Pont vieux, qui était pourtant requis pour servir la cantine à la Légion des Combattants servait d'hébergement pour les familles juives en transit vers l'Espagne. Malgré les relations cordiales qu'il entretenait avec sa hiérarchie, le père Gau se montrait critique envers l'attitude de l'Eglise française pendant la guerre :

    "Ce que je reproche à l'Eglise est son obéissance à l'Etat, au maréchal Pétain. Pour moi, même si Pétain avait été élu, nous devions lui désobéir parce qu'il était un outil des Allemands... Mais Vichy accordait à l'Eglise certains privilèges pour ses écoles, re-instituait des processions, etc. Aussi les Evêques supportaient le gouvernement. Même le courageux Cardinal Saliège avait trop de respect pour l'Etat... Quand l'Evêché disait aux populations qu'elles devaient obéir et partir aux travaux obligatoires en Allemagne, que c'était un devoir patriotique, je distribuais des papiers aux jeunes du pays, qui disaient : Si l'Evêque vous dis de partir au STO, il perd son autorité et vous ne devez plus lui obéir. Je ne vous dis pas de rejoindre la Résistance, mais vous devez agir selon votre conscience... Comme vous pouvez imaginer, l'Evêque ne m'aimait pas beaucoup... Jusqu'à la Libération. Puis ils étaient bien contents de pouvoir montrer mon exemple. Aider les juifs n'était pas un problème de religion pour moi, cela devait simplement être fait. Ils vivaient dans la peur, se cachaient dans des cours, chassés jour et nuit. Ils souffraient trop..."

    Albert Gau se fait dénoncer à plusieurs reprises et au cours de perquisitions le 29 mars 1943, on ne trouve rien. Ils cachait les tampons sous ses édredons. Au cours de l'une d'elle, il réussit à fuit par les toits et trouve refuge à Issel dans la famille Reynès. Sa piste est retrouvée, mais les Allemands ne le trouveront pas dans un coin de cette maison où il était caché.

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    A la Libération, le Président du Comité Départemental de Libération, Francis Vals vient le chercher pour prendre la Préfecture de l'Aude et s'y installer. Malgré un comité essentiellement communiste et pas pro-catholique, une place est offerte à l'abbé Gau en son sein. Nous évoquerons plus tard, les suites de la vie publique d'Albert Gau. Nous consacrons cet article uniquement à sa vie résistante.

    Le Juste parmi les Nations

    En 1980, René Klein et son épouse Nicole Bloch avec lesquels il avait gardé le contact, proposent de présenter Albert Gau à la commission Ad hoc chargée de délivrer le titre de "Juste parmi les Nations". Le 20 novembre 1986, comité de Yad Vashem décide d'attribuer cette distinction au père Gau. Le 17 juin 1987, l'avocat et président du CRIF Théo Klein vient à Carcassonne pout donner une conférence sur la mémoire de l'holocauste et rendre hommage à son ami, Albert Gau. Dans l'assistance se trouvent le Dr Roger Bertrand, Nicole Bertrou, Henri Sentenac (déportés de l'Aude), Madame Félix Roquefort, Joseph Vidal (député) et Mgr Pierre-Marie Puech. Cet évènement en plein procès Klaus Barbie prenait un dimension particulière. Théo Klein rappela les propos de Michel Noir, Ministre de l'économie de Jacques Chirac : "Mieux vaut perdre une élection que son âme". Il faisait référence aux sirènes de l'union avec le Front National auxquelles certains élus de droite étaient tentés de répondre. Ce 13 septembre 1987, Jean-Marie Le Pen lançait sur les ondes de RTL que "Les chambres à gaz étaient un détail de l'histoire de la Seconde guerre mondiale". Ce soir-là à Carcassonne Théo Klein lui répondit : "Qu'ils me les rendent (les révisionnistes) les membres de ma famille qui sont passés par là et les 6 millions de personnes exterminées".

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    L'abbé Gau et Théo Klein à Carcassonne

    Quand je vois l’auditoire qui vous a écouté avec beaucoup d’intérêt, je ne crois pas me tromper en disant que nous menons tous le même combat pour l’homme, tous attachés aux libertés. Notre horizon est sans frontière, sauf celle de l’odieux racisme. dont la montée nous inquiète, aujourd’hui. L’on recherche toujours des boucs émissaires pour créer la peur et l’exclusion qui aboutissent fatalement, à l’élimination. Tout a commencé par un simple tampon sur les cartes d’identité ou par une étoile jaune. Tout s’est terminé par les fours crématoires.
    Dans Mein Kampt, Hitler a écrit ce qu’il ferait, l’on était averti, il écrivait : « Le monde ne peut être gouverné que par l’exploitation de la peur ». Et ça recommence ! Comme si rien ne s’était passé. Mon grand ami Edmond Michelet, ancien de Dachau, ou notre ami Sentenac (Président des déportés de l’Aude) ici présent, l’a connu et beaucoup estimé. Michelet me répétait souvent : « Il faut se souvenir du passé pour vivre le présent ».
    Et si le procès Barbie réussit seulement à mettre en évidence la réalité de l’extermination de 6 millions de juifs, en tant que juifs, dans les chambres à gaz, ce procès n’aura pas été inutile.
    Des jeunes qui ont vu le film « Shoah » à Carcassonne, la semaine dernière, ont dit à la presse : « Nous ne voulons plus revoir cela ». Malheureusement, ils sont encore peu nombreux à le dire. Heureusement, l’information va se poursuivre en classe.
    Il faut savoir que le racisme reste la donnée centrale du nazisme. Et ce nazisme a été défini déjà en 1932 au Reichtag par le député Karl Schumacher : « Un appel au salaud qui dort dans l’homme". Cette définition reste valable aujourd’hui. Elle a valu à son auteur 12 ans de martyre. Vous ne risquez encore rien si vous l’utilisez. (Extrait du discours de l'abbé Gau)

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    L'abbé Gau plante l'arbre des Justes à Jérusalem

    Le 13 septembre 1987, Albert Gau reçoit au mémorial de Yad Vashem la médaille et le diplôme des Justes parmi les Nations. Il est accompagné d'un autre résistant qui fut déporté, Pierre Madaule. A la suite de la cérémonie, le père Gau prononce un discours dont je vous livre ci-dessous quelques extraits.

    Pardonne, mais n’oublie pas, lisons-nous sur le mur des martyrs. Ils sont de vrais martyrs. Chacun de nous doit être alerté, en permanence, sur la menace que fait peser tout propagande, même déguisée comme le faisait Hitler, en faveur du racisme, par l’exploitation systématique de toutes les déficiences de la société, afin de prendre le pouvoir.
    Le retour de ces monstrueux forfaits est toujours possible. Sachons dépister, développer des campagnes mensongères de rejet et de discrimination raciale. Nous avons vu comment cela commence et comment cela finit.
    Pratiquons cette union de la différence si chère à Théo Klein. Il faut que l’humanité soit pénétrée de cet esprit de tolérance, de respect mutuel, si nous voulons faire naître un monde vraiment nouveau.
    Si hallucinantes que furent les atrocités nazies, il faut les connaître, et demander aux jeunes de les méditer, car c’est de nous mêmes qu’il s’agit. Leur sort aurait pu devenir celui de tous les hommes libres si, finalement, Hitler n’avait pas connu une défaite retentissante. Unissons-nous donc dans nos différences, pour préparer ensemble, par la paix et la justice, l’avènement d’un monde libre et fraternel, celui dont l’espoir a soutenu l’élan de tous nos martyrs.
    Au moment où les peuples se demandent si l’humanité n’est pas à la veille de se détruire, il faut que le sens humain, le sens éthique, se développent à la mesure des forces effrayantes dont l’homme est devenu le maître.

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    La médaille des Justes de l'abbé Gau

    Toute la vie de ce prêtre hors du commun fut consacrée aux œuvres sociales et à la défense de la dignité humaine. Nous le verrons dans un prochain article consacré à son mandat de député, il instaura un lien entre les hommes d'opinions différentes. Il lutta sans cesse pour abolir les préjugés et les sectarismes. Son héritage jeté aux oubliettes devrait nous engager, nous contraindre à refuser ce qui n'est pas humainement acceptable. Cet envoyé de Dieu fidèle à la pensée d'Aragon, savait réunir ceux qui croyaient au ciel et ceux qui ne croyaient pas.

    Sources

    Fonds Abbé Gau / ADA 11

    Témoignage d'Eva Fleischner

    Mémorial de Yad Vashem

    Cet article est un peu long, à l'image du grand homme que fut l'abbé Gau. Il a nécessité plusieurs heures de recherches, de synthèse et de rédaction. Puisse t-il éveiller les consciences de ce monde afin qu'il ne retombe pas dans l'enfer d'hier.

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  • Mlle Gabrielle Saulnier, pianiste Carcassonnaise et amie de Gabriel Fauré

    © Archives de la famille Saulnier

    Seconde fille de l'architecte Charles Saulnier à qui nous devons notamment l'immeuble de la Caisse d'Epargne, Gabrielle (1872-1964) fut une pianiste émérite. Ancienne élève du célèbre musicien Francis Planté, Mlle Saulnier côtoyait et aimait jouer les œuvres de Paul Lacombe (1837-1927). Tantôt dans les salons de l'hôtel de Rolland (actuelle mairie) tous les lundis, tantôt à la belle saison sous le kiosque à musique du square Gambetta. La belle société de musicale de l'époque venait également chez elle, rue du marché. On y croisait même de célèbres figures de la musique classique française, comme Gabriel Fauré ou Déodat de Séverac. Nous avons retrouvé une partition de Lacombe dédiée à Gabrielle Saulnier ; il s'agit de la 2e valse en si bémol.

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    L'ancien salon de musique de l'hôtel de Rolland. Aujourd'hui, bureau d'Isabelle Chésa, premier adjoint au maire. On aperçoit les éléments décoratifs de la musique au-dessus de la cheminée.

    Dans son appartement de l'actuelle rue Tomey, la pianiste donne des cours et partage son local avec une confrère, Madame Combes. Toute la bourgeoisie carcassonnaise, prend des cours chez mademoiselle Saulnier. Ne vous méprenez pas, elle donne aussi des cours à des élèves peu fortunés dont elle ne réclame rien. On tient salon chez Mlle Saulnier et au cours d'après-midi musicales, les élèves interprètent des pièces à deux ou quatre mains. Pendant la guerre de 1940, l'école sera le refuge d'intellectuels de passage qui avaient fuit la zone occupée. Ce sera le cas de son neveu J-C Briville avec son ami Albert Camus. On y dansait également avec les élèves de l'école Topart dirigée par madame Chausson. Mlle Saulnier invitait aussi de grands pianiste comme Henriette Fauré, élève de Maurice Ravel et Simone Saulnier, élève d'Henrique Granados, nièce de Gabrielle. Mlle Simone se trouve sur la photo en tête d'article, en arrière plan. Ce sérail artistique a marqué les esprits de beaucoup d'élèves aujourd'hui disparus. Fort heureusement ma tante Isabelle Alay qui a fréquenté cette école a pu me rapporter ce témoignage. Elle a eu la chance d'y apprendre le piano malgré les petits moyens d'une mère espagnole, veuve à 24 ans avec quatre enfants à nourrir. A son tour, professeur de piano, elle a emprunté les méthodes et l'esprit de Mlle Gabrielle Saulnier, décédée à 92 ans et inhumée avec son père.

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    Le caveau de la famille Saulnier au cimetière Saint-Vincent à Carcassonne. Gabrielle Saulnier y repose avec son père, Charles Saulnier.

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  • Qu'a voulu cacher la Résistance de Carcassonne ?

    Cela fait plusieurs mois maintenant que je mène un travail d'enquête sur les conditions de dénonciation, d'arrestation et d'exécution de Jean Bringer, chef de la Résistance audoise. Sa veuve a toujours clamé qu'on l'avait vendu pour de l'argent suite à la disparition d'un parachutage d'Alger pour lequel il s'était mis en tête de retrouver les coupables. Après sa disparition Madame Bringer tentera de mener sa propre enquête, jusqu'à ce que M. Pastour, Procureur de la République de Carcassonne, ne lui conseille d'arrêter car selon lui, elle risquait de mettre sa vie en danger : "Vous tombez dans un panier de crabes, lui dit-il".

    Que de cadavres retrouvés assassinés dans des conditions suspectes... Et maintenant que de dossiers importants disparus ! Des auditions du procès de René Bach, l'agent de la Gestapo, on a expurgé les dossiers les plus compromettants. Ceux qui sans doute mettaient en cause des responsables de la Résistance Carcassonnaise et du maquis de Villebazy. Qu'importe ! J'ai retrouvé des copies à 500 km de Carcassonne dans un autre service d'archives. Lors du meurtre du capitaine Charpentier dans la clinique Delteil, la sûreté militaire s'est saisie d'enquêter. On lui a fait obstacle, car des hauts responsables locaux parmi lesquels MM. Morguleff, Sablé et Amiel auraient avoué s'être rendus à Montpellier auprès du colonel Leroy. Les dossiers d'enquêtes furent alors brûlés. Ce que ne voulaient pas ces chefs c'est que l'on salisse l'honneur de la Résistance, même si pour cela il fallait faire entrave à la justice et protéger les crapules. Que de contradictions dans les auditions, d'une année à l'autre !

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    Au mois de mai dernier, je fais une demande de dérogation auprès du Ministère de la culture, afin de pouvoir consulter le registre d'écrou de la Maison d'arrêt de Carcassonne entre avril et novembre 1944. Etant indexé et consultable dans la série W (préfecture) des archives de l'Aude, j'espère enfin pouvoir constater les noms et le nombre de prisonniers internés par les Allemands avant la Libération et déterminer ceux qui furent relâchés de ceux qu'on exécuta le 19 août 44 à Baudrigues. On ne peut tout de même pas inscrire ces noms sur la seule foi d'une liste rédigée par le Dr Delteil à sa sortie. D'autant plus qu'il aurait dû logiquement mourir avec Ramond et Bringer...

    L'autorisation m'arriva par courrier à la fin du mois d'août. Lundi, je me rends aux archives de l'Aude avec le précieux sésame. On me présente donc le registre d'écrou suivant la côte que j'avais demandée, mentionnant Maison d'arrêt de Carcassonne.
    Je l'ouvre... Oh ! surprise et déception, il s'agit de celui de Limoux. Evidement point de résistants, mais que des voleurs de poules.
    Je rends compte à l'archiviste de service de cette erreur très inhabituelle pour ne pas dire impossible. L'heure est grave, car je viens de découvrir une énorme lacune. La nouvelle directrice des archives de l'Aude me fait la faveur de descendre me voir. Une personne charmante et dévouée à ma cause, signalons-le. Tout comme d'ailleurs l'ensemble du personnel des archives.
    Pourquoi donc a t-on remplacé sous une fausse côte le registre de la Maison d'arrêt de Carcassonne par celui de Limoux ? Bizarre... Les autres registres classés par ordre chronologique dans la série sont bien de Carcassonne, seul celui pour la période Juillet-Août 44 manque.
    A t-on interverti les registres ? Non, après vérifications.
    Mais où est donc passé ce registre ?
    Je me souviens alors avoir lu dans un document d'archive daté de 1945 (il ne se trouve pas à Carcassonne) sur l'enquête de la mort du Capitaine Charpentier, occis dans la clinique Delteil qu'en 1945, ce registre avait disparu. Puis, on l'aurait retrouvé à Montpellier. Puis, il serait revenu à Carcassonne.
    Sans être formel, je peux dire qu'il y a des gens dans cette ville qui ont eu intérêt à faire disparaître des documents avec la complicité de l'administration, afin de protéger les intérêts de certains à une époque où cela chauffait pour eux.
    Mon enquête se poursuit...

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