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  • Hommage à Jeannot Lapasset (1946-2017)

    Avec la disparition de Jean Lapasset à son domicile vendredi dernier, après une longue maladie, s'éteint le dernier d'une génération de cafetiers brandissant l'amitié et la serviabilité comme étendard. Le café des Négociants c'était le café Lapasset, tellement le nom de cette famille marqua de son empreinte le cœur des Carcassonnais de toutes les générations. Pour preuve, malgré la vente de l'établissement en 2008 et son changement d'enseigne, on désigne toujours l'endroit comme étant chez Lapasset. L'ancien siège de l'USC, de la boule tapageuse, des jeunes lièvres, du FAC, etc. Autant de rires, de tapes dans le dos, de bons gueuletons entre amis avec la caserne Laperrine et ses bisasses du 3e Rpima. Combien de troisièmes mi-temps, les jours de défaites comme les jours de victoires ? Combien de lotos et de canards gras gagnés ? Au-delà de la perte physique de Jeannot Lapasset, c'est toute la bibliothèque immatérielle de ce lieu qui vient de brûler. Cette richesse lui avait été léguée par son père René, en même temps que le café. Notre devoir était d'en sauver un peu la mémoire. C'est ce que je fis en 2010 quand il me reçut à son domicile, en m'ouvrant ses souvenirs photographiques. Cet homme avait à la fois la force d'un chêne et le cœur d'un poète ; c'est d'ailleurs ce qu'il y a de remarquable chez les rugbymen. Nous n'allons pas être tristes, car l'homme aux belles bacchantes avait pour habitude de les sublimer d'un sourire. Nous allons simplement rappeler l'histoire de cette famille et de ce qu'elle apporta à la vie de notre ville.

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    © Collection Martial Andrieu

    Tout commence en 1905 avec Jean Lapasset qui après avoir quitté Paris achète les trois cafés de la place d'armes (Aujourd'hui Général de Gaulle) pour n'en faire qu'un seul. Il le baptise "Grand café des négociants" en raison des nombreux courtiers en vins de passage les jours de foire, sur le boulevard Barbès.

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    © Collection Martial Andrieu

    Dans les années 1920, les clients et amis du café posent autour de Jean Lapasset. Le charisme du patron emporte l'adhésion des clients. Ce sont des négociants en vins qui les jours de foires, finalisent leurs affaires autour du zinc. 

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    © Collection Martial Andrieu

    Jean Lapasset passe ensuite la main à son fils unique René en 1930, surnommé amicalement "Luigi". Ce dernier fit les beaux jours d'une ASC qui jouait jusque dans les années 30 à XV, au poste de talonneur. 

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    © Coll. Jean Lapasset

    René Lapasset jouait à l'ASC

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    © Coll. Jean Lapasset

    René Lapasset s'était lié d'amitié avec les cirques qui s'installaient régulièrement sur la place d'armes (aujourd'hui, général de Gaulle). Ci-dessus, une photo avec Mustapha, le patron du cirque Amar. Il était également un grand ami d'Achille Zavatta et de tous les forains. 

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    © Coll. Jean Lapasset

    Le passage du Tour de France dans les années 1950

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    Soirée de loto au Café des Négociants, au cours de laquelle René Lapasset annonçait les numéros tirés du sac. Les heureux gagnants repartaient avec canards gras, poulardes et jambons.

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    Jeannot Lapasset entouré par sa mère et son père semble prêt à prendre la relève. Il a alors une dizaine d'années. C'est au début de 1970 que René passera la main à son fils unique. En fait, René ne quittera jamais vraiment les lieux dans lesquels il mourra en février 1992, à l'âge de 90 ans. 

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    © Coll. Jean Lapasset

    Jean Lapasset avec sa petite Vespa devant le café de son père

    "Jeannot" prit la succession et modernisa le café. Il bénéficia de la clientèle fidèle, mais il sut surtout la conserver. Les lycéens ne manquaient pas les parties de flippers et de glisser une pièce dans le juke-box. Les samedis, combien de matches du Tournoi des 5 nations suivis depuis l'unique télévision du café ? 

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    © Collection particulière

    Jeannot Lapasset avec des amis bien connus

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    © Collection particulière

    Jean Lapasset avec le maire Raymond Chesa. 

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    © Collection particulière

    Jean Lapasset était passionné de belles voitures. On lui doit la création de la course du Col du Portel. En 2008, il vendit le café des Négociants à Norbert Serres. L'établissement allait devenir le Saint-Germain, car l'ancien propriétaire ne souhaitait pas que l'on conserve le nom d'origine. 

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    J'avais photographié le café Lapasset en 2008 avant sa transformation. Aujourd'hui, ce lieu a changé d'aspect mais l'âme des Lapasset y est encore pour de nombreuses décennies. En ces moments difficiles, je voudrais témoigner de mon amitié à Marie-Aude, sa fille durement éprouvée par la perte de son père. Ainsi, bien sûr, qu'à l'ensemble de sa famille.

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine /2017 

  • Le 20 août 1944, l'avion de James Millard Alston est abattu au-dessus de Pezens.

    L'avion du lieutenant américain James Millard Alston, né à Linden en Alabama le 12 décembre 1918, est abattu par la Flak (DCA Allemande) au-dessus de la nationale 113 entre Pezens et Pennautier, le 20 août 1944. Son appareil appartient à une escadrille de SQ 01 spécialisés dans la chasse de nuit. Elle a pour mission de mitrailler les colonnes allemandes en provenance de Toulouse, afin d'éviter qu'elles ne rejoignent la vallée du Rhône.

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    © findagrave.com

    Lt James Millard Alston

    (1918-1945)

    Touché par un tir de la DCA ennemie, l'avion prend feu et s'écrase à Grazailles (Carcassonne) à proximité du domaine de Gougens. Pour le situer grossièrement aujourd'hui, disons près du Conseil départemental.

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    © Patrick Ertel

    Le lieu du crash en 1944

    James Millard Alston s'est éjecté de son appareil. Il a une légère blessure dans l'avant-bras gauche causée par des éclats l'obus ; il atterrit en parachute au lieu-dit "As Plos" sur la commune de Pennautier. Grâce à Sylvain le Noach - spécialiste des unités et mouvements de troupes allemandes dans l'Aude - nous avons une traduction du rapport rédigé par le lieutenant à son retour de mission.

    j. millard alston

    Avion semblable à celui de J. Millard Alston

    Voici des extraits du rapport de mission 

    "Touché par le mitraillage d'une Flak. Fuite épaisse de fumée noire. Finalement le moteur est mort. Le voile de parachute ne s'est pas déployé. Redéployé le plus loin possible, j'ai pu m'extirper en lâchant le bord de fuite. [...] J'ai atterri à côté du lit d'un ruisseau séché, à 15 pieds des arbres. J'ai grimpé dans les arbustes. J'ai couru le long du ruisseau couvert d'un sous-bois dense. J'ai longé le lit du ruisseau, j'ai trouvé un trou sous une bûche et j'ai réussi à mes glisser parmi les troncs d'arbres. J'avais l'intention de rester jusqu'à la tombée de la nuit. Une heure et demie plus tard, j'entends quelqu'un venir des sous-bois. Un paysan vraiment âgé. Je lui au fait comprendre (indéchiffrable) vers des civils. Il a mimé qu'il allait revenir. Quinze minutes plus tard, il est revenu avec un chapeau blanc en flanelle ou un béret. 

    Il m'a amené chez un ami. On a suivi des chemins de campagne jusqu'à une ferme. J'ai été nourri et il a insisté pour j'aille me coucher. J'ai dormi trois heures. Je me suis réveillé et un autre homme était là (probablement un maquisard). Escorté 3-5 minutes jusqu'à une autre ferme. Deux maquisards sont venus. Un d'entre-eux m'a amené à Saverdun. Je suis resté là jusqu'au 25 août. Famille Fontanelle. Ils m'ont bien soigné. Je pouvais demander tout ce que je voulais.

    Deux ex-pilotes sont allés pour s'assurer que l'avion était complètement détruit. Je suis monté dans une voiture et je suis allé à Foix. Ici, j'ai contacté la mission des alliés - la ville venait juste d'être prise. Une journée avec eux. Quelqu'un de Toulouse a envoyé une voiture pour moi et je suis allé là-bas. "

    j. millard alston

    Manuscrit du rapport du Lt James Millard Alston

    Grâce à la Résistance française, le lieutenant américain rejoindra l'Angleterre, l'Irlande et enfin son pays d'origine. Il reprendra du service lors de la bataille du pacifique contre les Japonais. Son appareil est à nouveau touché au sud d'Okinawa le 25 mars 1945. Cette fois, la mer n'aura pas épargné la vie de James Millard Alston. Son corps n'a jamais été retrouvé.

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    © findagrave.com

    Vieux cimetière de Linden (Alabama)

    En 2001, des membres de sa famille sont venus des Etats-Unis, se recueillir sur le lieu du crash à Carcassonne. Avec cet article, nous souhaitons rendre hommage à tous ces combattants étrangers qui ont défendu la liberté sur le sol français. 

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    © Patrick Ertel

    La famille de J. Millard Alston sur les lieux du crash à Carcassonne

    A Pennautier, une plaque rend hommage au lieutenant Alston et à tous ses compatriotes

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    Merci à Sylvain le Noach

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017

  • L'Œuvre de la Miséricorde : Un bureau de charité oublié des Carcassonnais

    On pourrait résumer l'Œuvre de Miséricorde dans la religion chrétienne, aux paroles contenues dans le chapitre 25 de Saint-Matthieu :

    "Donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts."  

    Au fil de nos études sur ce blog, nous constatons le désintérêt des chercheurs locaux pour l'histoire religieuse de Carcassonne. Aussi, lorsque nous avons voulu enquêter, ce n'est pas dans les livres contemporains de notre époque que nous avons trouvé des informations. Alphonse Mahul dans son Cartulaire, nous apprend que l'Œuvre de la Miséricorde fut fondée vers 1680.

    "Légalement instituée par Lettres patentes du 20 novembre 1739 enregistrées au parlement sous dénomination Bureau de charité, l'oeuvre jouissait d'une entière indépendance à l'ombre des Jésuites du Collège."

    Les sept oeuvres de miséricorde

    A Carcassonne, il s'agissait d'une espèce de bureau de bienfaisance dirigé par des Dames de la ville. En 1739, Monseigneur de Bezons - Evêque de Carcassonne - s'occupa du bureau des dames de la Miséricorde pour leur donner des règlements, qui devaient placer ce bureau sous son autorité. Jusque-là, il jouissait d'une indépendance relative puisque ce sont les Jésuites qui assuraient la formation des dames, tout en exerçant leur influence sur elles. Cette dépossession ne fut pas une petite affaire. Les Dames qui composaient le bureau de la Miséricorde résistèrent par voie de droit. Ce n'est que par lettre de cachet du roi en date du 16 juin 1760 qu'elles durent se soumettre.

    "De part le Roy. S.M. ordonne à la veuve Pinel, l'une des Dames de l'Œuvre de Miséricorde à Carcassonne, qu'aussitôt qu'elle aura connaissance du présent ordre, elle ait à remettre au bureau dudit Œuvre de la Miséricorde, généralement tous les papiers, actes et titres qu'elle en a déplacés, et ce à peine de désobéissance."

    Depuis lors, les Dames de la Miséricorde qui se réunissaient au Collège, chez les Jésuites, se réunirent à l'Evêché.

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    © Droits réservés

    En 1842, l'œuvre devint l'Orphelinat des filles de la Miséricorde et s'établit dans la rue de la liberté. Connu également sous le nom d'Œuvre des orphelines, il est tenu avec les sœurs de la charité de Saint-Vincent-de-Paul. Le 10 février 1862, les Dames patronnesses de l'Œuvre de la Miséricorde entendent le discours de Mgr de la Bouillerie dans la chapelle de la Miséricorde de l'église Saint-Vincent. En 1896, l'orphelinat reçoit des filles légitimes de 6 à 12 ans, orphelines ou semi-orphelines indigentes de la ville et de l'arrondissement et les garde gratuitement jusqu'à 21 ans. Il peut offrir 51 places. Il existe dans Carcassonne la Maison de la Providence (à Sainte-Gracieuse) qui reçoit les filles orphelines dès 4 ans. Pour les garçons, il existe l'Hôpital général, l'orphelinat de Millegrand (Fondé à Trèbes en 1873 et dirigé par les Sœurs de la Présentation de la Vierge) et celui de Limoux (Frères des Ecoles chrétiennes).

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    © Droits réservés

    L'ancien bâtiment de l'Œuvre des Orphelines se trouvait contre le bastion Saint-Martial, face à l'actuel restaurant Chez Fred. Sous l'Ancien Régime, le bastion prit le nom de la Miséricorde. A l'intérieur de celui-ci, se trouvait le jardin des Sœurs de la Charité. Les bâtiments de l'orphelinat ont été rasés par la ville en 1974. Ils ont permis de dégager les vestiges de l'ancien rempart de la ville basse.

    Sources

    La France charitable et prévoyante / N°1 / 1896

    Cartulaire / Mahul / Vol 6 (1ère partie)

    L'assistance publique à Carcassonne / Thèse de doctorat / Ch. Boyer / 1919

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