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  • Quand l'évêque de Carcassonne fut expulsé de l'évêché par l'armée

    Il est des épisodes historiques totalement ignorés ou plus exactement rarement relatés dans les livres de notre département. Aussi, lorsque nous avons la chance de tomber sur un témoignage dactylographié et inédit, émanant d'une personnalité comme celle de la soeur de Joë Bousquet, il ne faut surtout pas passer à côté. Henriette Bousquet épouse Patau, relate avec un vrai talent littéraire l'expulsion de Mgr de Beauséjour, évêque de l'Aude. Il s'agit là d'un évènement dont elle fut l'un des témoins oculaires.

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    Mgr de Beauséjour

    Au début de ce siècle (1906, NDLR), de profonds remous politiques aigrissaient les rapports entre l'église et l'état. Après bien des tentatives infructueuses, le concordat fut dénoncé ; les écoles religieuses, les communautés de soeurs, obligées de subvenir à leurs besoins, fermèrent leurs portes ou furent chassées de leurs couvents. Certaines trouvèrent un asile en Espagne. Il y eut une grande émotion dans le public. Des scènes douloureuses éclatèrent dans la rue, et les catholiques pratiquants aidèrent le clergé spolié à résister. Ils s'enfermèrent dans l'enceinte de la maison qu'on leur enlevait (l'évêché, NDLR) et résistèrent à toutes les sommations. La troupe fut mobilisée et on décida d'employer la force. Le premier représentant du clergé expulsé fut l'évêque Monseigneur de Beauséjour.

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    © AAVC

    Hôtel Murat (CCI de l'Aude), ancien évêché de 1826 à 1906

    Une foule immense, prévenue du drame qui se préparait se massait sur l'avenue qui desservait l'évêché. Au milieu d'un silence de mort, un juge frappa trois fois à la porte avec des menaces. Le portail s'ouvrit tout grand et Monseigneur parut, applaudi par les fidèles, qui criaient "Vive Monseigneur". Très droit, regardant avec une immense dignité le magistrat gêné qui lui faisait face, grandi, vraiment en cette minute, consacré "prince de l'église", il sortit, suivi de ses prêtres et la foule l'accompagna en chantant sans regarder l'armée : de jeunes soldats pleuraient. Je pleurais, moi aussi ; j'étais petite, mais tante Lucie avait voulu me prendre. Elle me donnait la main, son autre bras brandissait belliqueusement  un grand parapluie qui aurait pu faire une arme redoutable (elle ne s'en servit pas).

    Monseigneur avait loué un grand appartement près de la cathédrale, au 67 rue Voltaire. Un jardin séparait le nouvel évêché de la partie de l'immeuble occupée par des membres de notre famille.

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    D'après l'abbé Cazaux - ancien curé de St-Vincent - que j'ai contacté, sa cousine Henriette s'est trompée de rue. Mgr de Beauséjour habita chez les Bousquet, au 67 rue Aimé Ramond. C'était l'ancien Hôtel de Saix de Polignan (à gauche sur la photo ci-dessus). Il devint l'évêché de Carcassonne pour un temps. Mgr de Beauséjour a ensuite acquis une maison dans la rue Jean-Jacques Rousseau, où il habita et fit ses bureaux.

    Une grande intimité s'établit très vite entre les arrivants et la famille Cazaux. Monseigneur venait les voir souvent. D'une vive intelligence, d'une admirable dignité il se plaça moralement au-dessus des spoliateurs et commença à réorganiser son diocèse. Bientôt la maison fut appelée "Le petit évêché" à la grande fierté de notre tante qui passait une grande partie de sa vie à surcharger d'ornements et de cierges, la chapelle St-Roch, confiée à se soins.

    Puis, les communautés furent chassées de chez elle. Les religieuses, qui n'avaient pu partir en Espagne, revinrent dans leurs familles. Le couvent des Capucins fut fermé le dernier après un siège de trois jours ; ils sortirent de chez eux, avec leurs amis de la ville, en voitures découvertes pour gagner la gare d'où ils partirent en exil. La ville entière était dehors. Son passage était salué de vivats, un cantique, avec un bruit de tonnerre déferlait à mesure au passage des capucins qui nous bénissaient.

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    St-Joseph de Cluny (aujourd'hui, collège André Chénier)

    La préfecture et la mairie étaient fermées ; on ne rencontra pas d'hommes politiques... Le tribunal était au passage, vide de juges, qui avaient dû obéir aux ordres, ou renoncer à leurs places. A ce moment, le couvent de Cluny fut fermé également ; mon frère (Joë Bousquet, NDLR) dut rentrer au Petit lycée et j'eus une institutrice Mlle Evelyne, qui me fit travailler, en attendant pour mon entrée dans une institution religieuse.

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  • Auguste Pierre Pont (1880-1964), chanoine de la Basilique St-Nazaire et St-Celse de Carcassonne

    Si par décision municipale en date du 16 février 1970, l'ancienne place St-Nazaire prit le nom d'Auguste Pierre Pont c'est parce que le dévouement de cet homme d'église fut exemplaire. Au moment où une certaine formalité politique tente d'installer dans les esprits qu'être catholique c'est faire passer les pauvres pour des profiteurs, les étrangers pour des criminels et qu'être bien français c'est être chrétien, on pourrait alors exhumer des mémoires l'oeuvre de ce curé. Car lui ne regarda jamais d'où venait la brebis, si elle était aisée, ni de quelle couleur était sa robe. L'oeuvre du bon pasteur est de rassembler le troupeau, n'est-ce pas ?

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    © J-L Bergnes

    Le chanoine Auguste Pierre Pont

    Né à Chalabre le 1er janvier 1880, Auguste Pierre Pont fit ses études à St-Louis de Limoux. Admis au Grand séminaire de Carcassonne, il fut ordonné prêtre le 29 juin 1904. Vicaire d'Alzonne le 1er août de la même année, de Lézignan le 16 octobre 1906, de St-Vincent à Carcassonne le 1er août 1908. Curé de Montlaur le 15 juillet 1925 ; c'est en 1934 qu'il prend la charge de la basilique St-Nazaire de la Cité. Il la gardera jusqu'à sa mort. Auguste Pierre Pont fut de ses hommes d'église qui, pendant la triste période de l'occupation, eurent une attitude remarquable. On peut citer avec les abbés Gau et Courtesole. Alors que le sommet de la hiérarchie catholique s'était plus ou moins compromis avec Vichy, ces curés firent actes de résistance. A St-Nazaire, l'abbé Pont cacha dans la crypte des personnes pourchassées. On peut citer un aviateur américain : le colonel Sully H. de Fontaine.

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2013/12/19/un-aviateur-dans-la-crypte-de-la-basilique-st-nazaire-183516.html

    Quand vint l'heure du jugement dernier pour ceux qui avaient opté pour le mauvais camp, l'abbé Pont qui était aumônier de la prison confessa les prisonniers avant leur exécution. Ce n'était après tout que des brebis égarées qu'il fallait ramener sur le chemin de la rédemption. 

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    © J-L Bergnes

    Les obsèques d'Auguste Pierre Pont par Mgr Puech

    « Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite: “ Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” (Evangile selon St-Mathieu)

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  • Faik Konica (1875-1942), l'ami de Guillaume Apollinaire à Carcassonne

    C'est en effectuant des recherches sur le poète Guillaume Apollinaire, que nous avons découvert que l'un de ses amis européens a séjourné à Carcassonne. Faik Konica, né en 1875 à Konitza en Albanie est l'une des plus grandes figures de la culture de ce pays. En 1890, il n'a que quinze lorsqu'il est envoyé pour étudier en France où il passera sept années. A Dijon, il est diplômé en philologie romane. A Paris, il étudie pendant deux ans le français médiéval, le latin et le grec au Collège de France. C'est aux Etats-Unis dans la célèbre université d'Harvard qu'il achèvera ses études, avant de s'établir à Londres où il fait la connaissance d'Apollinaire en 1902. Au cours de l'été 1926, Ahmet Zogu (futur roi autoproclamé d'Albanie) le nomme comme ambassadeur aux Etats-Unis ; poste qu'il occupera jusqu'à l'invasion italienne de son pays en avril 1939. Faik Konica mourra à Washington le 15 décembre 1942 et sera inhumé au cimetière de Forest Hills à Boston. Ses restes seront transféré à Tirana (Albanie) à la fin de l'ère communiste.

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    Faik Konica

    En 1892, Faik Konica ne pouvant supporter le climat froid de Lisieux s'établit à Carcassonne. Sa Cité médiévale l'attire, tout comme le climat méditerranéen plus adapté à sa constitution fragile. Dans "Amis européens de Guillaume Apollinaire" publié aux presses nouvelles de la Sorbonne (4e colloque / Sep 1988), nous avons une description précise de son passage dans notre ville.

    "En dehors des heures passées à la Bibliothèque municipale, le spectacle des témoins de la civilisation médiévale stimule son ambition de connaître en profondeur le Moyen Age, période de la mémoire de son peuple. Avec ses vingt siècles d'histoire, Carcassonne témoigne de valeurs qu'il peut s'assimiler au plus vite. Au lycée, ce premier de classe admire en particulier son professeur de lettres, dont il saura garder le souvenir. En 1893, il obtient le prix d'honneur de rhétorique et, chaque année, son nom figure au palmarès. Il arrivé même qu'il reçoive des mains du vainqueur du Dahomey, le général Dodds, ancien élève de l'établissement."

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    Le général Dodds

    Faik Konica fait partie de ses brillants élèves qui passèrent par le lycée impérial de Carcassonne, situé dans la Grand rue (rue de Verdun, aujourd'hui). Quant à Guillaume Apollinaire, il se peut fort bien qu'il ait connu Carcassonne à travers les récits de son ami Albanais. A moins qu'il n'y soit passé durant les fêtes de noël en allant rejoindre Madeleine Pagès à Oran ? Publié dans "le guetteur mélancolique", Apollinaire écrivit un poème intitulé "Cité de Carcassonne" en 1915.

    Ville presque morte, ô Cité
    Qui languis au soleil d’été,

    Toi dont le nom putride étonne,
    Tu symbolises la très Bonne,

    La très Douce, sans vanité,
    Qui n’a jamais compris personne,

    La toujours Belle qui se tait,
    L’Adorable que je couronne,

    La toute Ombreuse dolemment
    Comme une ville ombreuse et coite,
    La toute Brune jamais droite,
    Toujours penchée exquisement.

    J’ai vu ses lèvres d’anémone
    Mais point son Cœur, à la très Bonne.
    Je n’ai jamais vu Carcassonne.

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    Guillaume Apollinaire

    (1880-1918)

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