C'est en effectuant des recherches sur le poète Guillaume Apollinaire, que nous avons découvert que l'un de ses amis européens a séjourné à Carcassonne. Faik Konica, né en 1875 à Konitza en Albanie est l'une des plus grandes figures de la culture de ce pays. En 1890, il n'a que quinze lorsqu'il est envoyé pour étudier en France où il passera sept années. A Dijon, il est diplômé en philologie romane. A Paris, il étudie pendant deux ans le français médiéval, le latin et le grec au Collège de France. C'est aux Etats-Unis dans la célèbre université d'Harvard qu'il achèvera ses études, avant de s'établir à Londres où il fait la connaissance d'Apollinaire en 1902. Au cours de l'été 1926, Ahmet Zogu (futur roi autoproclamé d'Albanie) le nomme comme ambassadeur aux Etats-Unis ; poste qu'il occupera jusqu'à l'invasion italienne de son pays en avril 1939. Faik Konica mourra à Washington le 15 décembre 1942 et sera inhumé au cimetière de Forest Hills à Boston. Ses restes seront transféré à Tirana (Albanie) à la fin de l'ère communiste.
Faik Konica
En 1892, Faik Konica ne pouvant supporter le climat froid de Lisieux s'établit à Carcassonne. Sa Cité médiévale l'attire, tout comme le climat méditerranéen plus adapté à sa constitution fragile. Dans "Amis européens de Guillaume Apollinaire" publié aux presses nouvelles de la Sorbonne (4e colloque / Sep 1988), nous avons une description précise de son passage dans notre ville.
"En dehors des heures passées à la Bibliothèque municipale, le spectacle des témoins de la civilisation médiévale stimule son ambition de connaître en profondeur le Moyen Age, période de la mémoire de son peuple. Avec ses vingt siècles d'histoire, Carcassonne témoigne de valeurs qu'il peut s'assimiler au plus vite. Au lycée, ce premier de classe admire en particulier son professeur de lettres, dont il saura garder le souvenir. En 1893, il obtient le prix d'honneur de rhétorique et, chaque année, son nom figure au palmarès. Il arrivé même qu'il reçoive des mains du vainqueur du Dahomey, le général Dodds, ancien élève de l'établissement."
Le général Dodds
Faik Konica fait partie de ses brillants élèves qui passèrent par le lycée impérial de Carcassonne, situé dans la Grand rue (rue de Verdun, aujourd'hui). Quant à Guillaume Apollinaire, il se peut fort bien qu'il ait connu Carcassonne à travers les récits de son ami Albanais. A moins qu'il n'y soit passé durant les fêtes de noël en allant rejoindre Madeleine Pagès à Oran ? Publié dans "le guetteur mélancolique", Apollinaire écrivit un poème intitulé "Cité de Carcassonne" en 1915.
Ville presque morte, ô Cité
Qui languis au soleil d’été,
Toi dont le nom putride étonne,
Tu symbolises la très Bonne,
La très Douce, sans vanité,
Qui n’a jamais compris personne,
La toujours Belle qui se tait,
L’Adorable que je couronne,
La toute Ombreuse dolemment
Comme une ville ombreuse et coite,
La toute Brune jamais droite,
Toujours penchée exquisement.
J’ai vu ses lèvres d’anémone
Mais point son Cœur, à la très Bonne.
Je n’ai jamais vu Carcassonne.
Guillaume Apollinaire
(1880-1918)
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