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  • L'enfer de Simon Salzman de Caudebronde à Auschwitz

    Simon Salzman fut envoyé dans un camp d'extermination en 1942 avec sa soeur et ses parents parce qu'ils étaient de religion juive. Tout ceci ne serait peut-être pas arrivé s'ils n'avaient pas été dénoncés par un habitant du petit village de Caudebronde - légèrement plus de deux cents habitants en 1942. Cette personne devait être bien informée, puisque pour les douze juifs Polonais réfugiés au village ont avait créé de faux certificats de baptême afin de les protéger. L'individu en question a t-il été rémunéré pour cela ? Dénoncé, mais également arrêté par des français car c'est bien la Milice française de Carcassonne qui effectue la rafle au matin du 24 août 1942.

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    © Centre de la mémoire combattante

    Simon Salzman

    La famille Salzman s'était réfugiée en France après l'invasion de la Pologne par les troupes allemandes. Le père avait été mobilisé dans l'armée polonaise avant l'armistice de juin 1940. Une fois arrivée en France, c'est l'internement au camp de Brens près de Gaillac au mois d'octobre, puis dans celui de Rivesaltes dans lequel se trouvent des républicains espagnols, des gitans et des juifs. Avant leur arrestation, les Salzman avaient été envoyés par le gouvernement de Vichy à Caudebronde et employés comme main d'oeuvre pour la construction de routes. D'autres juifs travaillent à la mine de Salsigne.

    F. Oustric,

    témoin de l'arrestation

    "Il se trouve qu'en 1943 (j'avais six ans), j'ai assisté dans mon village natal de Caudebronde (Aude) à l'arrestation par la milice française (les gammas) des juifs qui s'étaient réfugiés là, et en majorité, pour les hommes, travaillaient à la mine d'or de Salsigne. Il y en avait onze, qu'ils avaient parqués, en face de ma maison, dans la cour de l'école. L'un d'eux, qui venait souvent passer veillée, était entré pour faire sa toilette. Il se rasait à l'évier familial quand deux gammas sont arrivés et l'ont entrainé, une joue encore pleine de savon, j'ai vu cela et je m'en souviens parfaitement. J'ai entendu ma grand mère dire en patois à l'un des policiers: "C'est du beau travail que tu fais là" Un seul est revenu vivant, Simon Salzman, qui était mon ami, et qui a pu toucher un dédommagement grâce à mon père qui a rédigé et signé un témoignage. Simon vient de mourir, il y a, je crois deux ans. Il y a eu à Caudebronde une cérémonie assez remarquable à cette occasion. Voila, je sais une quantité d'anecdotes sur ces arrestations, entre autre ce fait, surréaliste, du commandant allemand de Carcassonne, prévenant le maire "Ernest Cousinié" de l'arrestation imminente des juifs, la veille même ! et d'autres choses, comme le nom d'un traître, que je ne peux pas écrire. Voila mon humble témoignage."

    L'attestation sur l'honneur de S. Salzman

    "Comme de nombreux juifs de toutes nationalités, je suis victime du régime nazi. Voici ma traversée dans cet enfer ; habitant jusqu'au 13 mai 1940, la Belgique qui fut envahie par l'armée allemande, mon père, ma mère, ma soeur et moi-même, nous sommes venus nous réfugier en France. Arrivant le jour du 17 mai 1940 à Figarol par Salies-du-Salat (Haute-Garonne) étant de nationalité juif polonaise, mon père fut mobilisé dans l'armée polonaise à Bressuire. Quand l'armistice fut signée en juin 1940e entre le maréchal Pétain et Hitler, mon père fut démobilisé par la gendarmerie à Salies-du-Salat par la suite, toute la famille, ainsi que moi-même. Nous avons été internés au camp de Brens du début octobre 1940 au 15 janvier 1941 et par la suite du camp de Rivesaltes jusqu'au 8 août 1941. Nous étions groupés avec des Espagnols républicains, des gitans et des juifs de toutes nationalités. Ma mère et ma soeur étant restées au camps de Rivesaltes, mon père et moi-même avons été incorporés dans le groupe du 422e de travailleurs étrangers pour effectuer des agrandissements de routes pour la compagnie SAFER de Toulouse à Caudebronde, où par la suite ma mère et ma soeur nous ont rejoints. 

    Simon Salzman

    Le camp de Drancy gardé par la police française

    Le jour du 24 août 1942, je fus arrêté à Caudebronde avec ma famille par la police spéciale française pour être transmis aux autorités allemandes au camp de Drancy et déporté en Allemagne le 9 septembre 1942 dans des convois de wagons à bestiaux plombés, entassés de 80 personnes (Hommes, femmes et enfants). En arrivant là-bas, je fus séparé de ma mère et de ma soeur qui ont continué le voyage pour une destination inconnue, depuis ce jour je ne les ai jamais revues. C'est ici où commence l'enfer, la souffrance et l'humiliation.

    Simon Salzman

    Les déportés juifs arrivent à Auschwitz

    Voici le récit de mes camps de concentration nazis, bien sûr les chambres à gaz, les fours crématoires et charniers ont existé, mais pour ma part je n'ai pu les voir, car du travail nous rentrions au baraquement. Du 13 septembre 1942 au 1er octobre 1942 (camp d'Annaberoerechtal - Haute-Silésie), nous fûmes dépouillés de nos habits et de nos affaires. Ils nous ont obligés de porter d'autres vêtements où ils avaient découpé l'étoile juive. Comme nourriture, une tartine de pain noir, un quart de litre de soupe liquide. Du 1er octobre 1942 au 1er juin 1943, toujours en Haute Silésie, au camp de Lazy (Katowitz) pas d'eau pendant un mois pour boire et se laver. Les poux nous envahissaient et nous rongeaient. Pour dormir une paillasse et une couverture où l'hiver il faisait - 32°. Lever à 3 heures et demi pour nettoyer les baraquements suivi par un appel incessant jusqu'à 6 heures du matin. Départ au travail, arrivée au chantier pour effectuer des voies de chemin de fer. Nous étions surveillés et battus par des sentinelles en uniformes kaki avec un brassard rouge à croix gammée. Mon père étant malade et épuisé, ne pouvant plus leur servir ; comme les nazis le laissaient croire, l'ont envoyé dans une maison de repos. Je devine la suite... Je ne l'ai plus revu. Du 1er juin 1943 au 15 janvier 1945 : Camp de Blechammer, Kommando de travail sous les autorités d'Auschwitz.

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    © Centre de la mémoire combattante

    L'arrivée au pouvoir d'Himmler a entraîné les SS à nous faire subir des atrocités monstrueuses. Nous étions toujours au travail forcé, toute en travaillant, nous recevions des coups de cravaches de nerfs de boeuf ; certains déportés ne pouvaient pas résister et en mouraient. La température toujours aussi basse incita Himmler à apporter un changement vestimentaire ; nous sommes vêtus du pyjama rayé qui porte l'étoile jaune, un triangle rouge et jaune qui signifiait déporté politique. Nous avons reçu notre identité ; un matricule la remplaçait dont mon numéro 178623 que l'ont retrouvait tatoué sur notre avant bras gauche et qui ne s'effacera jamais de notre peau, notre corps, notre coeur et notre âme. Notre groupe de travail avait refusé de décharger des wagons. En arrivant au camp, le commandant SS nous a fait venir à la place d'appel et nous a dit ce que vous avez fait, c'est du sabotage en cas de guerre. Vous avez mérité la pendaison. Je ne ferai pas le rapport aux autorités d'Auschwitz, mais vous ferez de la culture physique à notre méthode. Les SS nous en ont fait faire pendant trois heures ; nous n'en pouvions plus avec les cravaches. Un jour sur le chantier, un déporté qui avait été surpris en prenant un morceau de pain dans le baraquement du contre-maître, a été pendu avec le chef du bloc qui voulait le déclarer innocent. c'était toujours la même nourriture, soupe de rutabaga, une tartine de pain et une petite pincée de margarine comme la moitié du petit doigt. Nous avions les kapos comme chef de groupe qui nous commandaient au travail.

    L'aviation alliée nous bombardait l'usine qui produisait de l'essence synthétique. Les SS  nous ont obligé de quitter le camp de Blechammer. Voici le pire cauchemar... Nous voilà parti 3500 déportés sur les routes avec pour survie, notre pyjama rayé et une petite boule de pain. Avec la faim nous que avions eu, nous l'avions mangé instantanément.

    Pendant quinze jours, nous avons marché dans la neige, mal chaussés, le vent, le froid et la faim. Nous avions si faim que nous mangions ce que l'on trouvait sur notre passage. Il nous arrivait même de se disputer les détritus des poubelles, des poignées de neige, des betteraves glacées. Les SS à coup de bottes et d'armes qu'ils tenaient dans leurs mains nous faisaient parcourir 40 Km par jour environ. Il nous était impossible de nous échapper ; tout déporté qui faisait le moindre geste pour s'échapper était abattu. Celui qui ne pouvait plus marcher était abattu d'une balle dans la nuque sur place. Après cette marche de la mort de 600 km ? Nous sommes arrivés de ce calvaire d'enfer que dans les 350 déportés environ au camp de Buchenwald où je suis resté du 30 janvier au 22 mai 1945. Nous sommes passés à la désinfection, changé de pyjama rayé et pesé. J'atteignais le poids pour aller en Kommando de travail. J'ai été placé en quarantaine dans le petit camp où nous attendions la mort. Le jour du 11 avril 1945, nous avons eu la joie d'être libérés par l'armée américaine. On s'embrassait les uns les autres en pleurant de joie. Rapatriés en France, Paris nous a ouvert ses bras en chantant la Marseillaise.

    En mon nom, pour toutes nos générations, jamais plus de telles souffrances et d'atrocités.

    Simon Salzman

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    © La dépêche

    Simon Salzman a voué le reste de sa vie à témoigner de ce qu'il a vécu. A son retour des camps, il a été adopté par la famille Péralba. Il s'est éteint le 7 avril 2014 dans sa 91e année. La cérémonie a eu lieu à l'église de Caudebronde, village dans lequel il repose désormais.

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016 

  • Je n'ai pas trouvé de titre

    Samedi dernier avait lieu à Carcassonne dans la librairie Breithaupt et à la Maison de la presse, la présentation et la dédicace de mon dernier et ultime ouvrage sur Carcassonne. À ce titre, je remercie Fabienne Breithaupt et Nathalie Bastouil pour leur accueil chaleureux. Elles font un travail formidable dans un secteur concurrencé par Amazon et dans une rue piétonne délaissée par les clients. Au passage, j'aurais aimé voir le manager du centre-ville à ma dédicace, alors que je milite pour le soutien aux commerces indépendants de la Bastide ; sinon, je serai allé à Cultura avec l'assurance d'un potentiel commercial plus important. Je n'en prends pas ombrage - on peut bien avoir des empêchements et autre chose à faire un samedi.

    Quand il n'y aura plus du tout de libraire en centre-ville, les Carcassonnais crieront au scandale. Tant pis si leurs discours sont incohérents vis à vis de leurs actes. Est-ce plus sympa la culture et la littérature quand on la suit comme des veaux dans une stabulation ? Dans les salons du livre renommés, l'audience n'est plus mesurée en fonction du talent des écrivains ; c'est la file d'attente devant celui qui est passé le plus souvent à la télévision. Dans l'art, c'est la même chose... 

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    Samedi, donc, j'ai eu la joie de rencontrer une cinquantaine de personnes bravant la pluie et la paresse de devoir se garer pour marcher. N'habitant plus depuis vingt ans cette ville mais à 350 km de là, je réalise à compte d'auteur et sans subventions des ouvrages sur Carcassonne - cette dernière me fait bien marcher, elle. La collecte de documents, la conception ainsi que l'écriture prend une année.

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    Chez Breithaupt avec le Dr François Bluche

    L'absence de représentants du bureau de l'Académie des Arts et des Sciences et de la Société d'études scientifiques de l'Aude, sociétés savantes auxquelles je suis affilié, a été remarquée. Peut-être y avait-il une kermesse culturelle subventionnée ou une bar mitsva commémorative dans le coin ? A défaut de journalistes pourtant invités, c'est à mon cher Jacques Blanco que nous devons les photographies de cet article. L'appel du 18 juin, qu'une troupe de défileurs (néologisme) tous bien huilés avait fait passer devant la librairie, s'était défilée à répondre au mien - d'appel. Sur le retour, la Comédie - le café, je précise - leur a vu charger les canons.

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    Avec David Scagliola, le rescapé de l'appel du 18 juin... 2016

    On ne va pas faire de cinéma par ordre d'apparition à l'écran, mais je tiens à remercier nominativement de leur présence les personnalités suivantes :

    Dr François Bluche, David Scagliola (Centre de la Mémoire Combattante), Charles Camberoque (Photographe et reporter), Dr Marie-Hélène Melendez, Jacques Blanco et Marie-Chantal Ferriol (Association des Amis de la Ville et de la Cité), Alain Machelidon (Photographe privé), Olivier Dukers (écrivain), Marie Saleun (Artiste peintre) Jean-Louis Bès (adjoint, représentant M. le maire), Anny Barthes (conseillère municipale chargée du patrimoine), Jean-Marie Detrey (Estivales de la Malepère)

    A ces personnes s'ajoutent la fidélité des nombreux amis et anonymes présents, qui ont souhaité me témoigner leur reconnaissance pour l'énorme travail accompli bénévolement sur ce blog. Merci également à ceux qui se sont excusés de ne pouvoir être là.

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    Vous trouverez ce livre dans les points de vente suivants

    Librairie Breithaupt, rue Courtejaire

    Maison de la presse, rue Clémenceau

    Cultura, zone de la Ferraudière

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  • Scandales et gâchis à la Bibliothèque municipale de Carcassonne

    Comment la ville de Carcassonne qui court depuis tant d'années après un pôle universitaire, pourra t-elle un jour s'en prévaloir sans une médiathèque, outil indispensable à tout chercheur et étudiant ? Comment l'état et la région pourraient-ils s'investir dans un tel projet, alors même que Carcassonne est dans l'incapacité depuis cinq ans de remplacer feu l'ancienne bibliothèque municipale ? Voilà un sujet qui ne manque pas d'audace et qu'il vaut mieux - pour la compréhension de tous - reprendre chronologiquement depuis le début...

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    Depuis 1861, Carcassonne possédait une bibliothèque municipale installée dans l'ancien Palais de justice, situé au début de la rue de Verdun. C'est même à cet effet que les locaux furent acquis par la ville ; le musée des Beaux-arts n'y viendra que quelques temps après. Cette bibliothèque s'enrichit grâce aux dons de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne ; les membres de cette association savante sont à l'origine du fonds constitué par de nombreux et inestimables incunables. Flamenca, monument anonyme de l'amour courtois, exhibe ses sobres pages de parchemin parcourues du texte en occitan. Dans la même armoire, les œuvres de Saluste consignées dans un livre du XVe siècle partagent les rayonnages avec un livre d'heures en latin rehaussé d'une enluminure pleine page sur parchemin, les œuvres de Quintilien ou encore un Policraticon de Jean de Salisbury du XIVe siècle...
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    © La dépêche

    Jusqu'en 2011, la bibliothèque reçut ses lecteurs dans sa vieille salle de lecture, au premier étage du musée des Beaux-arts. Les livres poussiéreux se trouvaient rangés et à la vue du public dans l'ancienne bibliothèque des moniales de l'abbaye de Lagrasse - elle a été démontée depuis sans que l'on sache où elle se trouve. Alors que la ville de Narbonne s'était dotée d'une belle médiathèque numérisée en centre-ville depuis le début des années 2000, Carcassonne utilisait encore les fiches cartonnées du XIXe siècle dans un local sans sortie de secours, ni système pour réguler la température. Il était temps pour les élus de prendre en main l'avenir de la Bibliothèque municipale...

    La bataille électorale

    A la fin de son mandat, le maire de Carcassonne M. Gérard Larrat annonce la réalisation future d'une médiathèque sur les terrains de Prat-Mary, en bordure de la route de Limoux. Lors de la campagne des élections municipales de septembre 2009, l'équipe de l'opposition socialiste dénonce l'implantation d'un bâtiment à l'extérieur de la ville qui n'aura pour vocation que de tuer sa fréquentation. Arguant qu'il faudra un véhicule pour s'y rendre, la liste "Tous pour Carcassonne" déclare - si elle est élue - qu'elle achètera le bâtiment de l'ancien EDF au square Gambetta. C'est là qu'elle aménagera la médiathèque en promettant de refaire l'ancien square, rasé pour un parking souterrain. Le maire sortant, répond qu'il faudrait d'abord que l'EDF soit vendeur - ce qui n'est pas le cas - et que l'implantation à Prat-Mary se justifie par le fait de sa position géographique au coeur de la Communauté d'Agglomération.

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    © La dépêche

    L'ancien EDF au square Gambetta

    Les élections municipales de 2009 sur fond d'invalidation pour fraude électorale, sont remportées par l'équipe de Jean-Claude Pérez. Immédiatement, son adjoint à la culture M. Alain Tarlier qui endosse également la présidence de l'Agglo, annonce que la ville va se porter acquéreur de l'ancien EDF. Il y a un os... Le préfet souhaite y installer l'ensemble de ses services. Quant au président de l'Agglo, il propose 2,6 millions d'euros pour ce bâtiment. C'est une promesse de campagne, Alain Tarlier fera la médiathèque à cet endroit.

    "Gérard Larrat, qui ce week-end affirmait sur son blog que « la médiathèque ne se fera pas à Gambetta ». Le maire déchu affirme que « ce projet n'est pas réalisable ». Et réaffirme que le sien, à Prat-Mary, était (forcément) le meilleur, raison pour laquelle il avait l'assentiment des élus de l'Agglo. Sauf qu'un « travail pédagogique » a été fait avec les édiles en question et que, désormais, c'est le projet de Gambetta qui fait l'unanimité. Seul point qui suscite quelques roumégances : ce n'est pas demain la veille que la Culture et les médias auront un écrin digne de ce nom."

    (La dépêche /9 février 2010)

    Un an plus tard, on apprend dans la presse que l'état renonce à investir les locaux de l'EDF laissant à la ville l'opportunité d'y faire sa médiathèque. L'arbitrage du premier ministre M. Fillon a plaidé pour la construction de locaux sur le boulevard Barbès. La voie est libre pour la médiathèque à Gambetta, mais le préfet rappelle à M. Pérez que ce bâtiment est en zone inondable - c'est d'ailleurs pour cela que l'état y a renoncé. Idem pour le terrain d'en face qui en plus doit être dépollué, mais là encore la ville indique qu'elle n'en fera qu'un lieu d'exposition.

    Le désherbage

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    Au mois d'août 2011 - en plein été et à la vue de tous - la bibliothèque municipale de Carcassonne passée sous la responsabilité de la Communauté d'agglomération effectue un désherbage. Les locaux doivent faire place nette car M. Tarlier envisage un agrandissement du musée des Beaux-arts dans l'ancienne salle de lecture. Les livres doivent être déménagés dans un local loué au Crédit agricole à Montquiers ; il faut faire de la place.

    Des centaines de livres et de revues sont jetées dans une benne à ordures dans la rue de Verdun. Alors que les gens se précipitent pour récupérer des ouvrages, des érudits alertent le président de l'Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne. Une passe d'arme d'échanges musclés s'engage alors entre M. Gérard Jean et le conservateur de la bibliothèque ; il n'hésite pas à parler de Bibliocauste, car selon lui, il se trouve dans cette benne des ouvrages de valeur. Gérard Jean écrit au préfet et saisit les autorités culturelles de l'état ; de leur côté MM. Tarlier et Mercadal promettent un procès en diffamation au président de l'Académie - Gérard Jean sera relaxé par le tribunal en janvier 2015. Le conservateur de la bibliothèque tombe en dépression et se met en arrêt pendant plusieurs semaines.

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    Emmanuel Pidoux

    © La dépêche

    Le 20 août 2011, M. Pidoux indique que tous les livres ont été transférés à Montquiers dans un bâtiment loué au Crédit agricole. Les incunables se trouvent aux archives départementales ; le reste des ouvrages est dépoussiéré et nettoyé afin de supprimer la moisissure. L'entrepôt dans ce bâtiment n'étant que provisoire, la nouvelle médiathèque ouvrira en 2015 à Gambetta. 

    Habiller Paul pour déshabiller Jacques

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    L'oeuvre de M. Tarlier fait son chemin... On éjecte la bibliothèque sans projet concret, pour agrandir à grands frais le musée des Beaux-arts. En janvier 2013, le musée se dote de nouvelles salles consacrées à l'art contemporain dans les anciens locaux de la bibliothèque. Durant l'été, elles accueilleront le parcours d'art contemporain, évènement culturel ambitieux pour Carcassonne. Pendant ce temps, l'ancien EDF qui devait servir de médiathèque devient le siège de la Communauté d'Agglomération, alors même que l'ancienne Roseraie - avenue du général Leclerc - avait été achetée pour à cet effet pour 2 millions d'euros à Habitat Audois. C'est aujourd'hui un bâtiment désaffecté - toujours propriété de l'Agglo.

    Jean-Luc Roux interpelle "Au départ, la médiathèque devait être aménagée dans les bâtiments d'EDF. J'en déduis que vous souhaitez garder le siège de l'Agglo dans le site actuel. Mais alors que va devenir le site de la Roseraie que vous avez acquis ?".

    Jean-Marie Mercadal a souligné l'importance de la localisation de la future médiathèque, comme liaison entre ville basse et ville haute. "Pour la Roseraie, nous trouverons d'autres destinations lorsque nous aurons une opportunité", a rajouté le vice-président. 

    (L'indépendant / Janvier 2013)

    Toujours plus fort

    Toujours en ce mois de janvier 2013, le conseil de l'Agglo entérine l'acquisition d'un terrain appartenant à GDF rue Pierre Germain, juste en face des anciens locaux de l'EDF qui devaient servir de médiathèque. Par coup de baguette magique, ils sont devenus le siège de l'Agglo. C'est sûr, ce terrain de 1,2 ha verra la construction de la future médiathèque à l'horizon 2016. L'acte de vente a été signé chez un notaire le jeudi 24 janvier 2013. Coût : 600 000 € alors que les domaine l'avaient évalué à 355 000 €

    A cela, il faut ajouter 120 000 € de frais de cabinet d'étude pour la conception du futur bâtiment, dont la destinée se trouve entre les mains d'un comité de pilotage. Un concours d'architecte désignera celui qui sera en charge de sa réalisation. Il est dit que les travaux débuteront au début de 2014. Grain d'sel, situé rue Fédou, devra être libérée pour la réalisation d'un musée archéologique. Il y a toutefois un hic... Le terrain de GDF est non seulement en zone inondable, mais il faut encore le dépolluer. Le coût de cette opération reste flou... La facture totale s'élèverait finalement à 19 millions d'euros pour un bâtiment de 4300 m2.

    "Gilbert March, seul contre cette délibération, s'est ému du coût : "Vous m'aviez promis qu'elle ne coûterait pas plus de 10 M€!". Même réflexion pour Jean-Paul Ferrif qui s'est abstenu lors du vote : "Le recours systématique à l'emprunt est risqué." Tamara Rivel, élue de Carcassonne, s'est interrogée sur le devenir des antennes existantes. Grain d'Aile, située à la halle à la volaille, se transformerait en salle d'exposition ; Grain d'Art subsisterait ; et Grain d'Sel, deviendrait un musée de la préhistoire, selon Jean-Marie Mercadal.

    L'adjointe au maire chargée de l'urbanisme s'est étonnée que son service n'ait pas été consulté, - à l'exception du risque inondation -, pour l'intégration de cet outil dans ce quartier de Carcassonne. Erreur en partie réparée hier car l'élue fera partie du jury qui choisira le maître d'œuvre, alors que sa participation n'était pas initialement prévue."

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    Le projet de la médiathèque

    © La dépêche

    En novembre 2013, parmi les 120 candidatures reçues quatre projets d'architectes ont été retenus pour le sprint final. Il s'agit de Rudy Ricciotti, de Odile Decq, de Loci Anima et du cabinet Du Besset-Lyon. Le budget est passé en dix mois de 19 M à 23 M d'euros. Il est prévu que les travaux débutent au début de 2015 pour une livraison fin 2016. Selon Alain Tarlier, c'est "un projet pour les 50 à 60 ans à venir"

    La fin des illusions

    Après des élections municipales de 2014 favorables à l'équipe de Gérard Larrat, un nouveau conseil d'agglomération se met en place. Celui-ci désigne comme président le socialiste Régis Banquet en remplacement d'Alain Tarlier. Malgré une assemblée largement favorable à la gauche sortante, le député et ex-maire de Carcassonne J-C Pérez n'obtient pas de Vice-présidence. C'est dans ce climat de règlement de comptes - dans tous les sens du terme - que va se décider le sort de la médiathèque.

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    © L'indépendant

    Au mois de mai 2014, Régis Banquet reconnaissant maladroitement qu'il n'a l'image d'un homme de culture - comme c'est regrettable ! - indique que "Cette année, nous avons inscrit au budget de l'Agglo ce qui était prévu : la suite du concours d'architecte et les études. La médiathèque, comme les autres projets, fera partie de toutes les réflexions que nous mènerons sur les ajustements budgétaires. Mais, contrairement à ce qui a été dit, rien n'est décidé !". 

    Un million d'euros pour rien 

    Le 16 janvier 2015, le président Banquet renvoie aux calendes grecques le projet de médiathèque initié par son prédécesseur : "C'est un projet infaisable". En vérité, sa réalisation plomberait pour de longues années le budget d'investissement de l'Agglo, d'autant plus que la facture de 23 M pourrait s'alourdir au final. Si l'on en croit La dépêche du 5 avril 2014, ce sont pas moins de 960 000 € qui ont été déboursés par la collectivité pour un projet renvoyé sine die. 

    La facture se compose ainsi : 600 000 € (achat du terrain) + 120 000 € (cabinet d'étude) + 60 000 € de dédommagement aux quatre candidats architectes = 960 000 €. Voilà donc une belle affaire pour les comptes publics.

    Un lapin sort du chapeau

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    Grain d'aile

    © Aude tourisme

    Le 11 avril 2015, on apprend que la ville de Carcassonne souhaite reprendre l'espace aménagé sous les halles, occupé par la médiathèque Grain d'aile. Il s'agit d'un lieu de lecture de la presse, d'emprunt de livres récents et de CD avec libre accès à internet. Grain d'aile avait été aménagé par la municipalité Pérez avec le concours de l'Agglo. La nouvelle municipalité avance que ce lieu est très dispendieux en chauffage l'hiver ; elle souhaiterait en faire un centre d'exposition culturelle - comme c'était le cas avant la perte de la mairie par Gérard Larrat. Plus d'un an après, Grain d'aile est toujours là pour la grande joie des habitués.

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    Au même moment, un lapin sort du chapeau de l'Agglo. Elle pourrait acheter à la Mutuelle de l'Aude, le bâtiment que celle-ci met en vente sur l'avenue Roosevelt. Soit à près de 2 km du Square Gambetta ! Retour à la case départ : 10 ans de perdus et 1 M d'euros plus tard pour une querelle géographique. La dépêche indique alors, qu'il faudrait débourser 8 à 10 millions pour l'achat de l'immeuble, avant de tout mettre en oeuvre pour sécuriser les ouvrages. Ce projet serait toujours en veille...

    Montquiers

    Ce qui devait n'être que provisoire s'est installé dans la durée. Les ouvrages sont toujours entreposés dans des locaux non adaptés près du domaine de Montquiers. Le bâtiment est loué au Crédit agricole depuis 2011 pour la somme annuelle de 120 000 € (Source : La dépêche). Cela fait donc 600 000 € à rajouter à une facture déjà insoutenable. Ce n'est d'ailleurs pas prêt de changer de si tôt.

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    D'après les informations que nous avons, il y aurait un gardien pour sécuriser le site. Concernant le risque de sinistre, le bâtiment ne serait pas aux normes actuelles. La bouche incendie ne se trouverait pas à une distance suffisante et ne délivrerait pas assez de pression pour une intervention optimale des services de secours. Il est urgent pour les élus de l'Agglo de prendre la mesure des risques de l'anéantissement de plusieurs milliers de livres, en grande partie irremplaçables. 

    960 000 € (projet médiathèque) + 600 000 € (frais de location depuis 2011) = 1 540 000 € de dépensés en pure perte.  Carcassonne mérite mieux que toute cette gabegie.

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    La médiathèque de Narbonne

    © CAUE

    Sources

    La dépêche

    L'indépendant

    Magazine de l'Agglo

    Tracts campagne élections municipales 

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