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  • Ginette Lauer (1914-2001), mécène et femme de lettres

    Après une conférence de René Nelli sur Joë Bousquet en 1961 dans la salle des fêtes de la mairie, le journaliste du Midi-Libre acheva son article par cette phrase 

    "Il faut remercier la Société des Belles Conférences et féliciter Madame Ginette Lauer de maintenir à Carcassonne une certaine primauté des valeurs de l'esprit. De nos jours, il faut sauver l'intelligence."

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    Née en novembre 1914 - seulement quelques mois après le début de la Grande guerre - Ginette Lauer épouse ensuite Jacques-Ernest Lauer, le dernier représentant de la brasserie Fritz Lauer fondée au XIXe siècle dans le quartier de la Trivalle. Cette femme cultivée et élégante - lauréate à 16 ans des Jeux floraux de poésie - fut des nombreux visiteurs de la chambre de Joë Bousquet, après s'être occupée bénévolement de la bibliothèque municipale avant guerre. Elle s'investit ensuite pleinement dans les domaines artistiques, à la fin des années 1950. A t-on oublié qu'elle fut à l'origine de la création du Festival de la Cité, dont elle assurait la gestion administrative aux côtés de Jean Deschamps ? Le compagnon de route de Jean Vilar participa avec Henri Castella et  Clément Cartier à l'ouverture de Fontgrande, au pied de la Cité. Ce domaine - propriété actuelle de Christine Pujol - avait été acquis par Ginette Lauer ; il fut le lieu d'exposition et de concerts de nombreux artistes. Parmi eux, le jeune débutant Henri Gougaud animait de ses textes et avec sa guitare quelques soirées.

    Portons au crédit de Madame Lauer son dévouement au sein des Jeunesses Musicales de France avec Robert Meynard et Louis Signoles.

    La galerie Mistral

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    © chroniques de Carcassonne

    La librairie de la Cité vers 1990

    Vers 1957, Ginette Lauer rachète la librairie de la Cité - rue G. Clémenceau - à Vitalis Cros.  La vente de livres est conservée au rez-de-chaussée et une galerie d'art s'implante au premier étage dans un cadre feutré. L'accès se fait depuis la rue Frédéric Mistral dont elle empruntera le nom. On se souviendra de Charles Castres, le charismatique vendeur de cette librairie.

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    Jean Cau dédicace "La pitié de Dieu" (Prix Goncourt), à la librairie Mistral en 1961

    Le 28 avril 1961, la galerie est inaugurée après son agrandissement et sa rénovation. Tout a été repensé : éclairage, suspensions par chaînettes à crémaillères, meubles de style... Jean Deschamps et Henry de Monfreid honorent de leurs présences cet évènement. Les oeuvres de Georges Artemoff sont en vedette, ce jour-là.

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    Exposition Gérard Calvet en février 1962

    Au centre, le poète Jean Lebrau entouré de Ramon Marti et de Gérard Calvet

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    Exposition Toulouse-Lautrec et Tiné

    À gauche, M. Hussenot, le mari de Tiné, parle à un groupe de jeunes des sculptures de sa femme. Accrochées au mur, les toiles abstraites de Lautrec.

    La galerie Mistral exposa des peintures, tapisseries, dessins, lithographies et céramiques. Parmi les peintres de renom : Pierre Palué, Desnoyers, Brayer, Lhotte, Simone Oddou, Camoin, Lotiron et Gromaire, Max Savy, Declaux, Bardou, De Galkeim. Ajoutons les gravures sur bois de Jean Camberoque et la céramique de Saint-Avit. Bien entendu, les visiteurs pouvaient acquérir des oeuvres pour un prix allant de 12000 à 15000 nouveaux francs.

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    © Charles Camberoque

    Gravure sur bois de J. Camberoque

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    Exposition Moussia de Saint-Avit (1961)

    Moussia s'entretient avec M. Jules Fil (Maire de Carcassonne) accompagné par son épouse. À gauche, M. Joulia (adjoint au maire)

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    Armand Meffre, peintre et acteur

    Ginette Lauer s'éteint à l'âge de 87 ans en novembre 2001 à Saint-Didier (Vaucluse). Nous espérons par cet hommage que de nombreux Carcassonnais se souviendront et que d'autres, connaîtront désormais le nom de cet illustre femme d'esprit.

    Merci à sa fille Bénédicte pour l'ensemble de ses archives

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Quand on s'achoulait sur les peirous...

    Ne cherchez pas dans la langue de Molière le verbe pronominal "s'achouler" ou pire "s'espatarrer" car ils proviennent de la langue occitane. Cela n'empêche pas que dans nos villages, ils sont entrés dans le langage courant du français, pour désigner l'action de s'assoir avec force où de tomber fortement sur le sol. En ce qui concerne les peirous, il s'agit de perrons devant les maisons de nos villages en Languedoc.

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     La rue des peirous

    À Villalbe, il y a une rue des peirous. Ce sont des espèces de bancs naturels en pierre devant les maisons, où les riverains venaient s'assoir le soir à la veillée pour discuter avec le voisinage. En occitan, "pèira" ne signifie t-il pas pierre ? Cette pratique sociale était très répandue à l'époque où la télévision n'existait pas. 

    À la Barbacane

    Dans le plus vieux quartier de Carcassonne avec la Trivalle voisine et principalement dans la rue longue, les discussions allaient bon train durant les soirées estivales. C'est précisément lors de ces moments privilégiés de cordialité que les cultures se mélangeaient. En effet, ce quartier était connu pour avoir accueilli des familles espagnoles, italiennes ou gitanes. On y apprenait le patois occitan sur le devant de porte... 

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    Dans la rue longue...

     "L'Occitan, nous l'avons appris sur le pas de la porte, le soir, à la fraîche, assis sur des chaises, en discutant avec les voisins ou les parents. (Ramon Gougaud)"

    Après le repas du soir, les vieux sortaient les chaises qu'ils enfournaient en posant les coudes sur le dossier. Les femmes, la vaisselle à peine achevée, sortaient avec leur tablier et venaient se mêler aux conversations. Quand les gosses se couraient après dans la rue dans un bruit étourdissant de cris juvéniles, les voix s'élevaient et tout le quartier connaissait la vie des uns et des autres. Vers dix heures du soir, seules les tours illuminées de la Cité donnaient un peu de soutien à l'astre lunaire, avant que l'allumeur de réverbère ne passe. 

    "Parfois, les hommes jouaient aux cartes, mais l'essentiel c'était de parler. En Occitan, bien sûr. Et nous, les gamins, saisissions les mots, les expressions, à la volée : "Val maï un pitchoun degourdit qu'un gran estabousit"

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    La famille Barberis en 1962, rue longue

    Quels étaient les sujets de conversations ?

    "D'abord et essentiellement des nouvelles du quartier et de la rue. Que devenait un tel, à quelle heure était rentré le fils de la voisine... Évidemment, les absents avaient torts et quelques oreilles devaient siffler comme des locomotives. À ce jeu du ragot, les grands-mères étaient redoutables. Elles préféraient compter les fiancés de la belle du quartier que ceux de Stéphanie de Monaco. Un second sujet revenait tant dans les années 1930 que dans les années 1950 : la guerre. Ici ou là, se trouvait toujours un ancien pour raconter quelque période noire ou quelque anecdote héroïque. L'actualité locale ou nationale pimentait, de temps à autre, les débats. C'était surtout au moment des élections.

    Les réunions se déroulaient entre voisins par petits groupes. Il n'était pas rare qu'on s'interpelle à cinquante mètres de distance. Ce n'était pas propre à la Barbacane ; dans les autres quartiers de la ville, on papotait le soir entre voisins : place Jospeh Poux, rue Pasteur, place Saint-Gimer, rue Trivalle, rue du 24 février... Les anciens évoquent encore les fêtes d'autrefois qui débutaient en mai par la Barbacane, avril à la Trivalle et août à la Cité. Dans un article de la Dépêche daté de 1992, on fait parler ceux de la rue de la Gaffe comme Mme Pouilhes, les époux Terrer et Izard. Mme Jamma fournissait le cresson et le persil à tout le quartier.

    "Nous allions danser au Pont-rouge, à Grougnou. Les gens étaient à pied et ne pouvaient quand même pas faire 10 km tous les soirs. On se distrayait sur les chaises et moi je préfère ça à la télévision."

    Mme Gallego explique qu'elle a quitté la Trivalle pour le quartier "ennemi", celui de la Barbacane. Malheur à ceux qui durant le tour de table des fêtes de la Trivalle dépassaient le milieu de la rue de la Gaffe. Rue Longue, Mme Del Pino s'ennuie chez elle le soir ; elle préfère retrouver ses voisines le soir dans la rue. Nous sommes en 1992...

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    On les revoit assis sur leurs vieux bancs de pierre ou sur les pas de portes, l'été, après le dîner. pour la plupart, des hommes ; la vaisselle, les gosses en bas âge, des grands-parents malades et une pudique retenue sexiste retenant la plupart des femmes "dedans". On les revoit groupés par une même langue (le français, l'espagnol, mais aussi le patois, à défaut d'occitan). Il y avait toujours plusieurs groupes par pâté de maisons.

    Le plus souvent, c'était toujours les mêmes qui prenaient la parole, toujours les mêmes qui contredisaient et toujours les mêmes qui comptaient les points en silence. Certains jouaient à la pétanque, d'autres aux cartes dans les cafés, d'autres poussaient la chansonnette ou faisaient de la musique. D'autres, encore - et ils étaient nombreux - préféraient faire le tour des boulevards en marchant pour s'arrêter au gré des visages connus, aperçus sur un banc ou croisés en chemin. Les rares postes de télévision étaient en noir et blanc et ne les retenaient pas tous à la maison. Pas encore. Les jeunes jouaient au ballon dans la rue ou sur les places, ou bien se défiaient à vélo pour un tour de quartier où ils ne croisaient guère que quelques voitures... en stationnement. Quand la nuit avançait, commençait les "tustets" et les visites interdites dans les cimetières.

    La rue et l'avenir nous appartenaient. Comme chantait Ferrat, on serait flic ou fonctionnaire, de quoi attendre sans s'en faire que l'heure de la retraite sonne. Il oubliait, Jean Ferrat, de préciser que nous serions aussi chômeurs pour certains d'entre nous. 

    Bref, c'était notre enfance avec ses dimanches poulet-frites et gâteaux. Avec ses nuits blanches et ses soirs bleus d'été. Quelque part en France, c'était notre enfance. À Carcassonne, quartier des Capucins ou route de Toulouse, dans les années 60, c'était notre enfance à bien d'autres pareilles. (Gérard Denoy)Capture d’écran 2015-10-21 à 10.35.58.png

    Les perrons de la rue longue en 2015

    Source

    La dépêche du midi / Novembre 1992

    Photos

    Martial Andrieu

    Paola Bourrel

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Philippe Soum (1888- 1968), un maire oublié des Carcassonnais.

    Avez-vous vu une rue, une avenue ou encore un bâtiment municipal dans Carcassonne portant le nom de Philippe Soum ? À ma connaissance, il n'y en a pas et pas davantage pour Marcel Itard-Longueville et Gaston Faucilhon qui furent comme lui, maire de Carcassonne. Voilà donc trois anciens maires de la ville durant le XXe siècle, passés aux oubliettes de la reconnaissance publique, quand d'autres en ont été largement gratifiés : Henri Gout, Albert Tomey, Jules Fil, Antoine Gayraud et Raymond Chésa. Pourquoi donc cet oubli ? Notons que Philippe Soum et Marcel Itard-Longueville ont été des Résistants avec même pour le second, une déportation au camp de Neuengamme en juin 1944. Étrange donc que ces deux hommes aient été jetés dans les mêmes oubliettes de la renommée que Jules Jourdanne, maire nommé par le gouvernement de Vichy en 1941....

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    Philippe Soum par Paul Manaut

    Philippe Soum naît le 26 mai 1888 à Perpignan, d'Isidore et de Joséphine Jambert, originaire d'Estagel dans les Pyrénées-Orientales. Il effectue ses études secondaires au collège de Perpignan et en sort bachelier le 19 juillet 1904 à l'âge de 16 ans. Tout naturellement s'en suit une brillante carrière universitaire et professionnelle : études de médecine à la faculté de médecine de Bordeaux, puis interne en psychiatrie à Château Picon où il est l'élève du Professeur Régis. Après avoir présenté sa thèse, il prête serment le 6 juin 1912 et devient médecin.

     C'est au cours de son service militaire à Carcassonne qu'il rencontre sa future épouse Marguerite Durand, chez des amis communs. Il termine son service militaire le 21 mai 1914 avec le grade de médecin auxiliaire décerné le 3 juin 1913 et épouse Marguerite Durand née le 21 janvier 1889 à Carcassonne, fille de Joseph Durand officier de marine originaire de Cherbourg et de Marguerite Milles née à Carcassonne. Elle habite 12 rue d'Isly , sur l'emplacement de l'ancienne ferme Cailhau. Philippe Soum est mobilisé pour la première guerre mondiale et rentre à Carcassonne en 1919, après son affectation dans l'armée d'Orient. Il reçoit la Croix de guerre et s'installe à Carcassonne en 1919 comme médecin généraliste. 

    Maire de Carcassonne

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    Philippe Soum est élu maire de Carcassonne d'octobre 1947 à Mars 1950 sous la bannière Radical Socialiste. Son premier adjoint est Jules Fil, membre de la S.F.I.O. Les élections municipales du 19 octobre 1947 donnèrent les scores suivants : Parti communiste 32%, Radicaux 24%, S.F.I.O 16%, M.R.P 15% et R.P.F 13%. Les radicaux gérèrent la ville avec la S.F.I.O et le M.R.P  pour seulement deux ans et demi... Une discorde sur le budget de la ville en proie avec les difficultés financières de l'hôpital dont le maire était le médecin-chef le força à démissionner. Il fut mis en minorité au conseil municipal en raison du ralliement du M.R.P avec le P.C et le R.P.F .

    Son mandat et son oeuvre     

    Parmi les réalisations à mettre au crédit de la municipalité Soum, il faut compter le monument à la Résistance en 1948 ; oeuvre de René Iché dans le square Gambetta. Une urne contenant de la terre provenant du camp de Buchenwald avait été fixé à son pied.

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    Le square Gambetta en 1950

    L'inauguration de la station des eaux de Maquens en décembre 1949, à côté de l'Auberge des Chênes sur la route de Limoux. Les lettres accrochées sur des plaques de marbre ont disparu.

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    La station des eaux de Maquens

    Travaux de déblaiement des fossés de la cathédrale Saint-Michel avec mise à jour de vestiges des anciens remparts de la Bastide Saint-Louis.

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    © medieval.mrugala.net

    Tour médiévale dans les fossés de la cathédrale

     

    Visites de personnalités 

    Au cours de son mandat le Dr Philippe Soum rendit hommage le 9 décembre 1947 au général Leclerc de Hauteclocque, chef de la 2e DB ; libérateur de la France. La route de Narbonne (RN 113) prit à cette occasion le nom d'avenue du général Leclerc. Le 19 juin 1948, c'est le ministre de l'agriculture Pierre Pflimin qui est reçu à l'occasion de la foire exposition agricole. Le jeudi 24 juin 1948, le romancier américain Charles Morgan est à l'hôtel de ville. 

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    Le 9 janvier 1948, son excellence l'honorable Jefferson Caffery, Ambassadeur des États-Unis d'Amérique est reçu à la mairie à l'occasion de l'inauguration de l'avenue Franklin Delano-Roosevelt. En bas, à droite, le général Revers, chef d'État-Major Général, représentant le gouvernement Français. 

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    Messe solennelle en hommage au lieutenant Paul A. Swank (1921-1944) tué au combat près d'alet-les-bains, le 17 août 1944. En présence de Georges Guille (député), Philippe Soum (Maire), Jefferson Caffery (Ambassadeur).

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    La tombe de Paul A.Swank en bordure de la route d'Alet-les-bains.

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    Le livre d'or de la ville de Carcassonne

    D'autres personnalités ont été reçues par Philippe Soum : Norman Reader, chef des relations publicitaires des USA avec la France, le 5 mars 1949 ; le docteur Charles Paul, médecin légiste des tribunaux de la Seine, le 9 juillet 1949 ; Edgar Faure, ministre secrétaire d'état aux finances, le 11 décembre 1949 à l'occasion de l'inauguration de la station de pompage d'eau brute de Maquens.

    Distinctions 

    Officier d'Académie (21 janvier 1931)

    Croix de légion d'honneur (28 novembre 1936)

    Chevalier de l'ordre de santé publique (23 juillet 1947)

    Officier de la légion d'honneur (19 août 1952)

    Officier de l'ordre de santé publique (21 janvier 1956)

    Qualités

    Président de la Société des arts et sciences

    Juge au tribunal des pensions

    Médecin légiste

    Expert près des tribunaux

    Médecin-chef de l'hôpital de Carcassonne

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    © chroniques de Carcassonne

     Philippe Soum prend sa retraite le 31 décembre 1967 et meurt à son domicile, 15 rue Aimé Ramond à Carcassonne, le 21 Novembre 1968. Il a des obsèques très officielles. Le cortège se dirige à pied de son domicile à Saint-Michel, avec un arrêt devant la mairie où un jeune homme présente ses décorations sur un coussin de velours ; puis de l'église au cimetière Saint-Vincent. Sa tombe n°353 se trouve allée 09.

    Il a eu deux fils, Pierre et Robert qui furent médecins généralistes à Carcassonne et élus municipaux. Un de ses petits fils, Philippe Soum, est lui-même médecin à Carcassonne.

    Un grand merci à Madame Anne-Marie Picarel-Soum

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