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  • Molières-sur-l'Alberte fut longtemps la plus petite commune de l'Aude et de France

    Sur la route D110, après Ladern-sur-Lauquet en direction du Val de Dagne, on peine encore à apercevoir celui qui fut très longtemps le plus petit village de France. Molières ne se différencie du célèbre auteur dramatique que par le pluriel de son nom. Il n’existe de rapport entre les deux, que du point de vue étymologique. D’après le « Tresor doù Felibrige », rédigé par Frédéric Mistral en 1878, uno mouliero serait une carrière de pierres meulières ou une terre grasse et marécageuse. L’abbé Sabarthès dans son Dictionnaire topographique du département de l’Aude parle de Moleyra dès 1106 avec son église Saint Jean-Baptiste, ancienne commanderie du Temple puis de Malte. Sans aller aussi loin dans l’histoire, la famille Raynaud y était installée depuis le XVIe siècle. C’est d’ailleurs Jacques Raynaud — nous y reviendrons - qui en était le maire en 1950. Le village comptait quatre lieu-dit rattachés : Jean d’Estève, Rieunette, La Verrière, Les Cazelles et Le merle.

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    Carte de Cassini (XVIIIe siècle)

    Avant la Révolution française, le village comptait à-peu-près 120 habitants. Les baptêmes, mariages et obsèques, tout comme la messe, y étaient célébrés par l’abbé Malvy. La situation démographique s’est lentement dégradée au fil du XIXe siècle. Tant et si bien qu’au début du siècle suivant, les habitants se comptaient sur les doigts des deux mains. On n’a pas eu à ériger de monument aux morts de la Grande guerre, ni d’ailleurs pour la suivante. Aucun enfant de la commune ne fut la victime des conflits mondiaux. L’école dirigée en 1885 par Marie Rouzaud avait été depuis transformée en rendez-vous de chasse. Quant à l’église et au cimetière, n’en parlons même pas. L’herbe, si haute, ne permettait plus d’apercevoir les tombes. Le maire ne la coupait que pour la Toussaint. En 1945, il fallut renouveler le Conseil municipal qui avait siégé pendant l’Occupation. Les neuf électeurs de la commune, tous conseillers municipaux, se blanchirent avec cette différence que Clément Raynaud (né en 1881 à Molières) fut remplacé par Jacques, son fils.

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    © Ici Paris / 17 au 23 avril 1950

    La famille Raynaud en 1950

    Recensement 

    1836 : 99 hab. 1846 : 101 hab. 1851 : 95 hab. 1856 : 84 hab. 1861 : 82 hab. 1866 : 90 hab. 1872 : 78 hab. 1876 : 64 hab. 1891 : 60 hab. 1950 : 9 hab.

    1021 hectares. Pour l’essentiel des terres cultivables appartenant en 1950 à l’unique famille Raynaud, surnommée Racine. Certainement, par opposition à Molière. Le 26 juillet 1949, un heureux évènement bouscula la quiétude du village. Le maire, Jacques Raynaud (1917-2006) finit par trouver chaussure à son pied. Une bretonne de passage, originaire de Douarnenez, s’éprit de lui et finit par l’épouser. Anna Béatrice Marie Le port (1919-1998), dactylo de son état, demeura l’ultime espérance démographique de Molières-sur-l’Alberte. L’église, dont les cloches avaient été volées en 1915, n’avait pas célébré une naissance depuis 1929 et le dernier défunt, M. Callabat, rendit l’âme en 1941. En 1963, c'est le bénitier qui disparut.

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    © Keystone

    Claire Ferrié

    La liste des maires de Molières depuis 1802 porte les noms suivants : Hyacinthe Raynaud, Louis Gellis, Pierre Fages, Paul Boussieux, Antoine Callabat, Jean-François Rivière, Antoine Garrabou, Louis Gellis, Raynaud,  Paul Fages, Callabat, Clément Raynaud, Jacques Raynaud et Paul Embry. L’histoire devra retenir que le dernier maire fut une femme de Ladern-sur-Lauquet : Claire Ferrié. Élue par 5 voix contre 7, à la suite du décès de Paul Embry le 7 septembre 1964, elle fut concurrencée par la veuve Embry et Madame Marcus. Son programme électoral lui permit sans aucun doute d’obtenir la majorité ; elle promit l’eau courante et l’électricité dans la commune. Elle n’eut pas le temps de le mettre en oeuvre. Le 17 février 1965, Molmières-sur-l’Alberte perdit son statut de commune de l’Aude et fut rattachée à Ladern-sur-Lauquet.

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    Le journal de Spirou consacra en décembre 1964 un article portant le titre suivant : Molières se meurt. Il a été rédigé par Jean-Pierre Fourès dont le grand-père maternel fut maire de cette commune.

    Sources

    Ici Paris / Avril 1950

    Dictionnaire topographique de l'Aude / Abbé Sabarthès / 1912

    Tresor doù Felibrige / Frédéric Mistral / 1878

    Carte de Cassini

    Recensement / ADA 11

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2024

  • Tout le monde n'avait pas été Résistant...

    Durant la dernière semaine du mois d'août 1944, un esprit de vengeance s'empara du département de l'Aude à l'encontre des miliciens et des collaborateurs des nazis. Ils avaient agi pour le compte du gouvernement de Vichy, dirigé par Pierre Laval sous l'autorité du maréchal Pétain. Le bras séculier de la justice n'allait pas tarder à rattraper ceux qui avaient porté les armes contre les maquis, ou dénoncé résistants et juifs. Aussi étrange que cela puisse paraître, on n'eut pas de mal à les débusquer chez eux. Après la dissolution de la milice de l'Aude, les lampistes s'en étaient retournés dans leurs fermes ou châteaux. Avec naïveté, ils n'avaient sans doute pas mesuré la gravité de leurs fautes. Leurs chefs, quant à eux, avaient obtenu un passeport pour l'Argentine via l'Espagne grâce au concours de Franco. Ils ne furent jamais inquiétés lorsqu'ils revinrent en France après les lois d'amnistie des années 1950. Leurs subordonnés et quelques sous-chefs furent cueillis et incarcérés à la maison d'arrêt de Carcassonne dans l'attente de leur jugement.

    Par arrêté du préfet Jean Augé en date du 31 août 1944, la cour martiale fut instituée, s'appuyant sur la loi du 9 août 1849 sur l'état de siège. 

    Article 1

    Il est intitulé dans le département de l'Aude une cour martiale à laquelle seront déférés les infractions ou agissements ayant eu pour but ou pour effet de nuire au Peuple français, notamment les actions contre les patriotes français, les agents de la Résistance, les dénonciations faites à l'ennemi et les relations avec celui-ci, les attentats sur les immeubles privés et édifices publics ainsi que sur les personnes, les vols de biens appartenant à la Nation, ainsi que les infractions graves à la législation sur le marché noir.

    Article 2

    La cour martiale est composée d'un président, de quatre assesseurs, d'un commissaire du Gouvernement et d'un greffier. Tous ces membres sont désignés par le commandant des FFI.

    Article 3

    Les individus arrêtés seront déférés à la cour martiale par décision du commandant des FFI, ordre qui vaudra mandant de dépôt au d'arrêt.

    Article 4

    La Défense ne pourra être représentée devant la cour martiale que par un défenseur désigné d'office par le Président de cette Cour. L'inculpé aura la faculté d'y renoncer. Les débats auront lieu à huis clos.

    Article 5

    La cour martiale est compétente pour apprécier toutes les infractions commises dans le département de l'Aude ; elle connaîtra également des faits reprochés à tout individu domicilié dans le même département.

    Article 6

    L'inculpé renvoyé par décision du commandant des FFI devant la cour martiale sera amené devant cette juridiction pour être jugé sans citation et sans délai.

    Article 7

    Le jugement sera rendu à la majorité des voix ; il sera exécutoire immédiatement et ne sera susceptible de recours que devant le commissaire régional de la République. Ce recours devra être formé dans l'heure suivant le jugement.

    Article 8

    Les peines que prononcera la cour martiale seront celles prévues au Code Pénal. Si la cour se déclare incompétente, elle pourra maintenir l'inculpé en détention jusqu'à la saisie d'une nouvelle juridiction. Ses décisions seront affichées à la porte du domicile du condamné et de la mairie du lieu du siège de la cour martiale pendant un mois et publiés par voie de presse.

    Article 8

    La cour martiale pourra siéger dans toute localité de son choix.

    Contrairement à certaines idées transportées par les ennemis de la République, il ne s'agissait pas d'un tribunal sauvage dirigé par des communistes. Pour exemple, le commandant FFI Georges Morguleff qui avait remplacé Jean Bringer, avait été chassé par les bolcheviks en 1917 de Russie. C'était un Russe blanc. Par ailleurs, chaque dossier d'inculpé fit l'objet d'une instruction et de dépositions. Le début des audiences de cette cour martiale eut lieu le 1er septembre 1944 dans la salle du tribunal civil de Carcassonne en présence de : Commandant Bousquet (Président), Capitaine Louis Raynaud, Lieutenant Chaumont, Sergent Rancoule, Soldat Montaim, Capitaine Bonfils et du greffier Frontil. Le capitaine Alaux fut désigné comme défenseur.

    Lors de cette première journée, le jugement des six inculpés prononça une relaxe, une peine de Travaux forcés à perpétuité et quatre peines capitales. A chaque fois, les condamnés à mort sollicitèrent un recours en grâce. Toujours rejeté par le commandant des FFI dans l'impossibilité d'obtenir l'avis du Commissaire régional de la République, en raison de l'éloignement et du manque de communications. Il semble que l'urgence de l'exécution de la peine prévalut sur les droits du condamné. Nous citerons le cas, d'un pète et de son fils, l'un condamné aux Travaux forcés et l'autre relaxé. Leur retour à la prison, entre les mains de résistants de la 25e heure, les fit passer à trépas après d'abominables tortures. Quant à ceux qui attendaient le peloton, c'est atrocement mutilés qu'il s'y présentèrent. On leur passa les pieds et les mains dans la presse à copier.

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    © ADA 11 / 148J92

    Exécution au champ de tir de Romieu

    Ces suppliciés furent amenés sur un camion devant le mur du bâtiment de l'ancien manège, à la caserne Laperrine. Là, les attendaient leurs cercueils soigneusement alignés. Après s'être assis sur celui qui leur était destiné, chacun son tour ils allèrent brièvement se confesser auprès d'un prêtre (l'abbé Auguste-Pierre Pont) avant d'être passés par les armes. La foule, enivrée de vengeance, vociférait autour d'eux comme aux heures les plus sanglantes de 1793. Le plus jeune des fusillés n'avait que 21 ans. Il avait payé pour avoir tiré sur des maquisards de son âge lors d'expéditions répressives avec les Allemands. Le spectacle, si l'on peut dire ainsi, attisa tellement les haines que l'on finit par sursoir les exécutions en ville. Dans les mois qui suivirent, les condamnés furent fusillés sur le champ de tir de Romieu.

    Ce dernier paragraphe m'a été raconté par mon père. Il avait sept ans ; il a tout vu. Etait-ce un spectacle pour un enfant ? Pourtant, mon grand-père l'avait amené voir l'exécution de ces miliciens. Il faut replacer tout cela dans le contexte d'une époque de souffrances, de trahisons, de haine et de peur. La fin d'une guerre civile ou les français se dénonçaient entre eux. Mon père en fit des cauchemars pendant très longtemps.

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