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Pierre Cabanne (1921-2007), un grand critique d'art Carcassonnais

Pas un mot, même une référence. Vous ne trouverez absolument rien à Carcassonne sur la vie et l’oeuvre de Pierre Cabanne. C’est un peu comme si le célèbre critique et historien de l’art, internationalement connu, n’avait jamais existé chez nous. S’il n’y était pas né, s’il n’avait pas fréquenté la chambre de Joe Bousquet et conservé tout au long de sa vie, les amitiés les plus fidèles de Jean Camberoque et de René Nelli. Tout cela a été remisé, oublié et finalement méprisé comme tant d’autres choses dont on n’a cure dans le Carqueyrolles de Bousquet. Pourtant, difficile de passer à côté des écrits et des archives radiophoniques de Cabanne pour qui s’intéresse à l’art. La bibliothèque Nationale de France recense plus de 150 livres sur Degas, Derain, Marfaing, Garouste, Picasso, etc. Sans compter les nombreux ouvrages de vulgarisation, comme Le guide des musées de France paru en 1997. L’homme offrit de magnifiques interviews, dont plus célèbre fut celle de Marcel Duchamp. Que fut réellement Pierre Cabanne ? Ce n’est pas la modeste notice Wikipédia qui put nous renseigner. Copiée à l’envie, on la retrouve sur tous les sites où l’on évoque son nom. Absolument rien à Carcassonne, mais si peu de choses en vérité ailleurs. Nous avons donc tenté de combler cette injuste lacune en rassemblant tout ce qui était épars ; dispersé dans des revues, des journaux. L’étude généalogique fut un point de départ, l’aide des souvenirs lointains de Charles Camberoque favorisa nos investigations. De mots clés en noms propres, nous sommes parvenus à obtenir le nécessaire pour une étude biographique. Pierre Cabanne ne laissa en héritage que très peu de sa vie personnelle, pas même une descendance.

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Ici, est né Pierre Cabanne en 1921

Pierre Marie Joseph Désiré Cabanne naît le 23 janvier 1921 à Carcassonne, au numéro 11 de la place Carnot. C’est le siège de la Société générale, où ses parents vivent dans un logement de fonction. Joseph Cabanne (1886-1958), originaire des Pyrénées-Atlantiques, occupe un poste de fondé de pouvoir dans cette agence bancaire. D’un caractère un peu taciturne, le père ne nourrit pas un grand affect pour l’art. La mère, un peu souffreteuse, confie ses douleurs au kiné Magimel. Las de l’écouter se plaindre, ce dernier lui rétorque qu’il n’exerce pas « une entreprise de caresses ». Le couple fréquente la bourgeoisie Carcassonnaise de cette époque et, notamment, la famille du poète Joë Bousquet. C’est vraisemblablement dans ce creuset que naîtra la vocation de leur fils unique pour le dessin. Pierre Cabanne suit ses études au lycée de la rue de Verdun où il a pour camarade, Noël Parayre ; futur cardiologue bien connu à Carcassonne. Après son baccalauréat, il entre à l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse et à la faculté des Lettres. Nous sommes au début de la Seconde guerre mondiale ; il a pour professeur Yves Brayer. L’artiste peintre s’est replié dans le Tarn depuis la zone occupée. Aux Beaux-arts de Toulouse, Cabanne fait la connaissance de Michel Goedgebuer et Robert Fachard qui deviendront ses amis. Dans « La nuit folle », Jacques Henric, révèle ses conversations avec Cabanne lors d’un repas. Le Carcassonnais lui explique comment, alors jeune étudiant à Toulouse, il rendait visite à Joë Bousquet dans sa chambre : « Appelé par lui, il le retrouvait à dix heures du soir pour l’aider à trier ses lettres et ses papiers. Dans la journée, il participait à l’exécution de lithographies destinées à illustrer des plaquettes de ses poèmes. » Ce sont précisément deux dessins de Bousquet, réalisés par Cabanne que l’on retrouve dans « La chambre de Joë Bousquet », publié en 2005.

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Camberoque par Pierre Cabanne

Le fils de Jean Camberoque nous permet d’enrichir cet article d’une caricature de son père, dessinée par Pierre Cabanne en 1944. Le futur critique n’a alors que vingt-trois ans. Après la Libération, Pierre Cabanne monte à Paris et commence à se mettre au service de plusieurs journaux. Dans France-Soir en 1951, on retrouve plusieurs de ses dessins, illustrant des articles artistiques. Trois ans plus tard, l’édition de « Le chemin de croix » de Georges Bernanos s’enrichit de quatorze eaux-fortes signées de Pierre Cabanne. « Le mal du soir » de Joë Bousquet, édité Chez Bordas (autre Carcasonnais), rassemble quatre lithographies de Cabanne. Peu à peu, le dessinateur laisse place au critique d’art. Il publie des articles dans « La Gazette des Beaux-arts » et dans Combat, le journal de la Résistance. Citons à ce titre, l’étude sur Alberto Giacometti.

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Joë Bousquet par Pierre Cabanne

Collaborateur des principales revues d’art françaises et étrangères, réalisateur d’émissions culturelles de radio et de télévision, Pierre Cabanne est doté d’une mémoire inépuisable. C’est d’après ses pairs, l’un des plus influents critiques des trente glorieuses. En 1970, il intègre l’Ecole des Arts Décoratifs comme professeur et fonde au sein de l’institution, l’Atelier de rencontre. 

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Hors du sérieux de ses écrits, Pierre Cabanne jouissait d’une nature blagueuse qu’il partageait avec ses amis lorsqu’il descendait au pays. Charles Camberoque se souvient : « Quand il arrivait chez nous, rue Antoine Marty, il rentrait carrément sur un vélo par la porte d’entrée et traversait la maison pour ressortir par la porte de l’atelier donnant sur la rue de Lorraine. Avec mon père, ils rivalisaient à coups de calembours et autres contrepèteries qu’ils se racontaient inlassablement à chaque fois qu’ils se retrouvaient. Les samedis soir d’été, nous avions l’habitude de partir en campagne faire des pique-nique pantagruéliques qui étaient toujours joyeux et très animés. Nous partions nombreux dans plusieurs voitures. Un jour, ou après avoir soupé dans la campagne des Corbières, nous avions décidé d’aller boire un café dans un village proche, Noël Parayre nous avertit de ne pas déconner. Il était très connu comme médecin dans ce village qui comptait beaucoup de ses patients. Nous étions donc tous restés sérieux mais, dès l’entrée du village, Pierre se mit à prendre un air de gros débile poussant des cris, bavant et se livrant à toutes sortes de délires. Cabanne attirait tous les regards et à leur tête, nous voyions ce que les gens pensaient. Voilà le docteur Parayre qui promène un de ses patients en grande difficulté. Voilà l’humour typique de Pierre ! Lui et René Nelli parlaient régulièrement d’aller faire les fcos à Limoux, mais ils ne l’ont jamais fait. »

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© Charles Camberoque

Pierre Cabanne en 1973

Doté d’une grande intelligence, Cabanne n’a pas sa langue, ni sa plume dans sa poche. L’oubli dans lequel il est tombé à Carcassonne, peut s’expliquer par une vieille rancune des Carqueyrollais à sa personne. Le critique d’art s’est toujours insurgé contre les héritiers des tableaux de la collection Joe Bousquet, amis du poète. Vers 1960, ces derniers sont allés tous revendre les toiles des surréalistes au lieu de conserver toute la collection au musée de la ville. Pierre Cabanne en voulait tout particulièrement à James Ducellier, d’avoir vendu des Max Ernst pour s’acheter des camions de transport de vin pour son entreprise. Autant dire qu’ici – je suis bien placé pour le savoir – si vous osez critiquer la bourgeoisie en place, toutes les portes se ferment. Cabanne s’en fichait, il ne devait rien attendre de ces gens qu’il prenait pour des incultes. Toutefois, aujourd’hui, nous aurions toujours au musée une unique collection de Ernst, Fautrier, Masson, Arp, Dubuffet, Picasso, etc.

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Pierre Cabanne s’était marié à Carcassonne en 1963 avec Claude Bonnéry. Il décéda le 24 janvier 2007 à Meudon, rue Léonie Rouzade ; le même jour que l’Académicien Jean-François Deniau. Il est inhumé au cimetière de Fanjeaux. Sans enfants, sa collection fut vendue chez Drouot en 2014 et dispersée.

pierre cabanne

© Charles Camberoque

Exposition à la Galerie Boissière en 1965. Au premier plan, Claude Bonnéry, épouse de Pierre Cabanne. A l'arrière plan, Maurice Sarthou.

"Que l’on parle du Midi, et l’on pense aussitôt soleil, couleurs éclatantes, rigolades, pétanque et jolies filles ; mais il y a un Midi sombre, austère, grave, un Midi où le soleil lui-même est prisonnier de ses propres reflets comme un miroir qui n’aurait reçu que des larmes.

Une lumière glauque éclaire des pierres nues, des troncs séchés, des villages à demi-abandonnés, la mélancolie, la solitude. Le Midi noir se situe entre les étangs de Sigean et de la Nouvelle, la mer, la Clape rugueuse où le cimetière marin des Auzils, qui fut celui de Valéry, balance ses pins pleins de rumeurs sourdes, et les Corbières carcasse grise et rougeâtre clouée au sol par les lames des cyprès. Un poète en a dit l’envoûtement : Joë Bousquet. Un peintre le répète qui fut son ami : Camberoque. Ces deux hommes, le mort et le vivant, ont lié à jamais nos cœurs à ce pays d’ombre, de pierre et de sel.

Il  arrive chaque jour que des peintres «montent » du Midi à Paris pour conquérir la capitale ; ici, il s’agit de bien d’autre chose que l’ « à nous deux » ridicule de Rastignac : Camberoque n’est que de passage. Il ne cherche pas à convaincre ou à séduire mais à montrer comment il exprime les longs et fervents dialogues qu’il entretient entre son pays et lui. Il dépose ses tableaux sous nos regards comme les parcelles vivantes du dernier royaume privilégié où une race d’hérétiques a installé ses repaires ; il est non le témoin, l’imagier ou le flâneur qui plante son chevalet dans les bons coins mais le familier des phantasmes ou des mystères qu’il fait lever pour en conjurer la malfaisance et en dresser le constat. Sur le sol cathare les hommes ne composent guère, ils sont tout d’une pièce, inébranlables comme le roc. La peinture de Camberoque leur ressemble, solide et dure, dénuée de concessions et d’artifices ;  il est impossible de la délier de ses racines, mais on ne saurait pourtant la considérer comme un produit « régional ». Par ses exigences et ses résonances, son contenu humain, elle atteint l’absolu.

Le désordre et la confusion actuels l’isolent. Elle s’est déployée dans le silence, la voici maintenant, cette œuvre que nous n’imaginions pas aussi sensible sous son écorce, installée en nous, prisonniers involontaires de ses sortilèges. Ne serait-ce point que chaque tableau ne nous rappelle rien d’autre - ni théories, ni maîtres, ni modes – mais qu’il dépouille le réel de ses apparences pour le revêtir d’une chair nouvelle. Il y a toujours, Degas le disait, un peu de sorcellerie dans la création. Toute œuvre d’art est à la fois engloutissement et délivrance, corps arraché à la terre qui l’enlisait ; l’univers minéral de Camberoque nous rend complices d’un étrange phénomène : son œuvre est désormais la nôtre parce que nos regards n’auraient pu l’imaginer." Pierre Cabanne.

Galerie Boissière Expo du 4 Mars au 3 avril 1965

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Commentaires

  • Très émouvant pour moi de voir cette page sur Pierre Cabanne qui rassemble quelques un de mes vieux souvenirs, un peu épars dans ma mémoire.
    Merci Monsieur Andrieu de lui avoir rendu cet hommage bien mérité.

  • Merci pour ce bel hommage amplement mérité. Un grand critique d'art et une belle plume.
    Il a très bien écrit notamment sur l'artiste (presque carcassonnais) dont je suis la spécialiste: Achille Laugé (1861-1944).

  • Le texte cité est magnifique. J'avoue une totale découverte. Merci

  • Merci Martial pour cette biographie de Pierre Cabanne. Bien sûr, quand on "n’a pas sa langue, ni sa plume dans sa poche" on est mal vu de beaucoup de personnes et les événements actuels continuent de nous prouver ce que l'on peut considérer comme un adage. Ma mère très proche de la sœur de Jean Camberoque parlait souvent de lui dans leurs conversations et j'aspirais à rencontrer cet homme que j'imaginais différents des autres hommes et dans lequel, à travers justement ces conversations j'imaginais libre et heureux de vivre. Il n'est donc pas étonnant que Pierre Cabanne et Jean Camberoque fussent amis. Amis de la liberté et de la Vérité et amis en Art. Pierre Cabanne écrit à propos de la peinture de Camberoque : "Par ses exigences et ses résonances, son contenu humain, elle atteint l’absolu". Joë Bousquet en parlant du peintre écrivait: "Il veut affranchir la lumière de la pesanteur mais sauver avec elle les objets qu'elle imprègne; et les introduire dans un nouveau climat où ils deviendront la source des vibrations qu'ils divisaient [...] Il a voulu faire de l'espace la mesure du ciel. "
    Il y a de la "sorcellerie dans la création" de Jean Camberoque et de la sorcellerie dans la critique de Pierre Cabanne et j'aime cette sorcellerie et ces sorciers. Ces sorciers qui ne sont certainement pas des "Apprentis sorciers", mais des amoureux de la vie et de l'Art; ils sont notre substantifique moelle, il ne faut surtout pas les oublier. Merci Martial de les faire revivre.
    Dr JO

  • Merci Martial pour cette biographie de Pierre Cabanne. Bien sûr, quand on "n’a pas sa langue, ni sa plume dans sa poche" on est mal vu de beaucoup de personnes et les événements actuels continuent de nous prouver ce que l'on peut considérer comme un adage. Ma mère très proche de la sœur de Jean Camberoque parlait souvent de lui dans leurs conversations et j'aspirais à rencontrer cet homme que j'imaginais différents des autres hommes et dans lequel, à travers justement ces conversations j'imaginais libre et heureux de vivre. Il n'est donc pas étonnant que Pierre Cabanne et Jean Camberoque fussent amis. Amis de la liberté et de la Vérité et amis en Art. Pierre Cabanne écrit à propos de la peinture de Camberoque : "Par ses exigences et ses résonances, son contenu humain, elle atteint l’absolu". Joë Bousquet en parlant du peintre écrivait: "Il veut affranchir la lumière de la pesanteur mais sauver avec elle les objets qu'elle imprègne; et les introduire dans un nouveau climat où ils deviendront la source des vibrations qu'ils divisaient [...] Il a voulu faire de l'espace la mesure du ciel. "
    Il y a de la "sorcellerie dans la création" de Jean Camberoque et de la sorcellerie dans la critique de Pierre Cabanne et j'aime cette sorcellerie et ces sorciers. Ces sorciers qui ne sont certainement pas des "Apprentis sorciers", mais des amoureux de la vie et de l'Art; ils sont notre substantifique moelle, il ne faut surtout pas les oublier. Merci Martial de les faire revivre.
    Dr JO

  • Merci Martial pour cette biographie de Pierre Cabanne. Bien sûr, quand on "n’a pas sa langue, ni sa plume dans sa poche" on est mal vu de beaucoup de personnes et les événements actuels continuent de nous prouver ce que l'on peut considérer comme un adage. Ma mère très proche de la sœur de Jean Camberoque parlait souvent de lui dans leurs conversations et j'aspirais à rencontrer cet homme que j'imaginais différents des autres hommes et dans lequel, à travers justement ces conversations j'imaginais libre et heureux de vivre. Il n'est donc pas étonnant que Pierre Cabanne et Jean Camberoque fussent amis. Amis de la liberté et de la Vérité et amis en Art. Pierre Cabanne écrit à propos de la peinture de Camberoque : "Par ses exigences et ses résonances, son contenu humain, elle atteint l’absolu". Joë Bousquet en parlant du peintre écrivait: "Il veut affranchir la lumière de la pesanteur mais sauver avec elle les objets qu'elle imprègne; et les introduire dans un nouveau climat où ils deviendront la source des vibrations qu'ils divisaient [...] Il a voulu faire de l'espace la mesure du ciel. "
    Il y a de la "sorcellerie dans la création" de Jean Camberoque et de la sorcellerie dans la critique de Pierre Cabanne et j'aime cette sorcellerie et ces sorciers. Ces sorciers qui ne sont certainement pas des "Apprentis sorciers", mais des amoureux de la vie et de l'Art; ils sont notre substantifique moelle, il ne faut surtout pas les oublier. Merci Martial de les faire revivre.
    Dr JO

  • Merci Martial Andrieu, pour ce portrait si vrai de Pierre Cabanne. On est loin du texte froid de Wikipédia....J'ai retrouvé Pierre Cabanne, tel qu'il était dans votre bel article. J'étais son filleul, et, ainsi, ai de lui une photographie de lui à trente ans. Il venait d'arriver à Paris. En 1946 Germaine Cabanne avait téléphoné aux Ribes, des enfants de Fanjeaux, "notre grand fils s'est mis dans la tête de monter à Paris ! Il veut connaître du monde !" Suzanne Ribes lui trouva une chambre rue Dominique chez une veuve italienne, madame Cuneo. Il allait le soir dîner chez les Ribes. C'était la misère un peu, en réalité la bohème. Il s'inscrivit à la Grande Chaumière, où il retrouva Brayer et se lia avec Mac Avoy. Il fit un portrait d'Edith Piaf qui eut du succès, et illustra, entre beaucoup d'autres, les Mémoires de Barrault. Il maudissait les chats de madame Cuneo : "ils n'arrêtent pas de pisser sur mes estampes !" Dans la maison de ma mère, qui est très âgée, il y a toujours sur les murs ses aquarelles du Pays Cathare, de style Brayer, et des huiles, des arlequins surtout. Tout cela a beaucoup de charme. Un jour, j'ai demandé à Pierre pourquoi il avait arrêté le dessin et la peinture , il me répondait : "parce que je n'étais pas bon..." Ce n'était pas convainquant, je lui ai dit que cela avait le parfum d'une époque et que, cela, aussi, cela compte ; il prit l'air qu'on lui voit sur la seconde photographie de Charles Camberoque, un peu mélancolique. J'ai le cœur serré quand je repense à Pierre Cabanne. Il était la vie même, volcanique ; dans ses indignations comme dans ses admirations, il explosait et son accent rocailleux du Lauragais en faisait toute la sève. Il s'emballait, je me souviens de ses éruptions verbales en mai 68. Il surprenait parfois, j'ai été étonné de son admiration pour les dessins d'Uderzo des albums d'Astérix et Obélix, loin des personnages qu'il admirait, de Goya ou de Callot ; il me demanda un jour quel était mon peintre préféré, j'ai cité Ingres (c'était après l'exposition Ingres, au Petit Palais, j'avais 15 ans), il émit un tonitruant "ouais...'", sonore, joyeux et ironique, et, pourtant, quelques temps après il publia sur Ingres des lignes qui le démentaient. Il m'avait proposé, comme jeune médecin, d'accompagner Maeght dans ses derniers soins, je n'ai pu y aller, c'est un grand regret, car j'ai eu, par le suite, le sentiment de lui avoir manqué, comme une petite trahison dont je n'étais pas maître. Pierre Cabanne était, en réalité très sensible ; il ne pouvait voyager en train. Il avait de la famille, je me souviens d'une nièce avec qui j'ai dîné, au Procope, il y a des lustres.
    Merci beaucoup aussi pour la photographie de Claude, qui la restitue comme elle était, si présente à la villa de Meudon.
    PS : Il y avait aussi un ami Carcassonnais, Georges Peyronnet, avec qui il faisait les 400 coups, du temps de la Grande Chaumière.

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