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  • La visite du peintre Edgar Degas à Carcassonne en 1890

    Le célèbre peintre impressionniste Edgar Degas (1834-1917) se trouve dans la station thermale de Cauterets à la fin du mois d'août 1890.

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    Comme beaucoup de personnes de la "bonne société", il est d'usage de prendre les eaux à cette période de l'année. Le mercredi 3 septembre, il prend le train à Pau pour se rendre à Genève en Suisse et envisage de s'arrêter à Carcassonne dans le but de visiter la Cité médiévale. Ce sont surtout les restaurations de Viollet-le-duc qui attirent la curiosité du peintre. Le voyage ne se déroulera pas selon son plan initial, puisque Degas pris par la faim, fera halte à Toulouse à 6 heures et demi du soir. Ceci l'obligera à attendre jusqu'à 11 heures, un nouveau train en direction de Carcassonne qu'il atteindra seulement deux heures plus tard.

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    © Martial Andrieu

    L'hôtel Bernard en 1914

    Il se couche à l'hôtel Bernard (actuelle Résidence de l'officialité) situé dans la Grand-rue (rue de Verdun), vers 1 heure du matin et se lève une heure plus tard que l'horaire prévu. De sorte qu'il n'a pas pu se rendre par le service de voiture de l'hôtel Bernard, à la Cité et repartir de Carcassonne par le train de 9 heures et demi.

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    Degas s'installe à la terrasse du futur café Not (aujourd'hui, agence bancaire) sur la place Carnot. Il sirote une anisette tout en écrivant une lettre à son ami, le peintre Albert Bartholomé :

    "Je tiens à vous écrire dans ce lieu et devant le marché ombragé par de beaux platanes."

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    La place aux herbes en 1890

    Il est 10 heures et demi du matin. Degas repartira vers Cette en direction de Genève à 1 heure de l'après-midi, après avoir déjeuné à l'hôtel Bernard. De ses impressions sur Carcassonne, il indique :

    "Je repartirai de ce lieu qui ne me déplaît pas"

    Il n'a malheureusement pas posé son chevalet à Carcassonne. Qui sait s'il n'a pas pris un cliché de la Cité, car Degas comme beaucoup de ses collègues s'était pris de passion pour la photographie. Cette visite serait passée inaperçue sans le courrier envoyé à Bartholomé. La bibliothèque municipale de Carcassonne en conserve l'original dans ses archives. Nous espérons qu'après le déménagement à Montquiers et l'épisode malheureux du désherbage de 2010, elle s'y trouve encore.

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    Ce courrier se trouve dans l'ouvrage édité chez Grasset en 1931

    "Lettres à Degas"

    Livre

    Edgar Degas / Natalia Brodskaya

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Histoire de l'achat de la maison du poète Joë Bousquet

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    Pourquoi cette plaque depuis 2011 n'est-elle pas fixée sur la façade ?

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    Je vous propose de vous expliquer l'histoire de l'acquisition de la maison de Joë Bousquet - ce que personne ne vous a jamais raconté. 

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    © Archives départementales de l'Aude

    La chambre de J. Bousquet dans laquelle il reçut Aragon, Benda, Paulhan, Gide, Gallimard, Magritte... Là, où la barde de l'occupant, fut organisée la résistance intellectuelle au fascisme. Sur la cheminée se trouvaient deux anges de pierre gothique ; ils furent offert par Bousquet à René Nelli en cadeau de mariage.

    À la fin des années 1980, la maison de l'illustre poète - située 53 rue de Verdun - était restée fermée depuis des années et en indivision dans la famille de J. Bousquet. Depuis 1950 - date de son décès - la chambre était restée dans son jus ; pas un seul objet n'avait été déplacé, ni remplacé. La nièce de Bousquet souhaitait vendre l'imposant immeuble qu'elle n'avait plus les moyens d'entretenir. Considérant la richesse patrimoniale du lieu, elle fit intervenir son cousin l'abbé Cazaux pour proposer à la ville de Carcassonne de l'acquérir. C'est à Pierre Sarcos - pharmacien de son état et adjoint au maire - que le prêtre s'adressa afin d'avoir un rendez-vous avec Raymond Chésa. La réponse de ce dernier fut - selon l'abbé - la suivante :

    "100 millions pour une chambre, c'est bien cher"

    La ville rejetant la proposition d'achat, la famille Bousquet se tourna vers le Conseil général. L'abbé Cazaux intervint alors auprès de Roger Bertrand - conseiller général et futur candidat socialiste à la mairie de Carcassonne en 1989. Emballé par l'idée, ce dernier réussit à convaincre le président Raymond Courrière de ne pas laisser partir à un bailleur privé, ce trésor historique de Carcassonne. Ainsi fut sauvée la chambre de Joë Bouquet et l'immeuble pour 125 millions d'anciens francs.

    Remerciements

    Abbé Jean Cazaux

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  • Le poète Louis Aragon et son épouse ont habité à Carcassonne

     

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    Louis Aragon

    (1897-1982)

    Le poète surréaliste Louis Aragon et son épouse Elsa Triolet s'installeront à Carcassonne durant trois mois, à partir du mois d'août 1940. Comme de très nombreux écrivains et artistes fuyant la capitale occupée par l'armée allemande, ils trouveront refuge en zone libre. Nous allons voir comment et dans quelles conditions, leur périple les a amené dans la capitale audoise.

    Le communiste

    Aragon est d'abord un intellectuel sympathisant du Parti communiste qui se félicite de la signature du pacte Germano-soviétique de 1939. Il suit la ligne du camarade Staline comme tous les communistes français et invite son gouvernement à se lier avec l'URSS. L'article qu'il écrit le 29 août 1939 dans "Ce soir" - journal dont il a la direction - provoque l'arrestation des communistes et l'interdiction du PC. Aragon se réfugie à l'ambassade du Chili sous la protection de son ami Pablo Neruda.

    "Le pacte de non-agression avec l'Allemagne, imposé à Hitler qui n'avait pas d'autre possibilité que de capituler ainsi ou de faire la guerre, c'est le triomphe de cette volonté de paix soviétique. (…) Et que ne vienne pas ici comparer le pacte de non-agression germano-soviétique qui ne suppose aucun abandon de la part de l'URSS aux pactes « d'amitié » qu'ont signés les gouvernements toujours en exercice en France et en Angleterre avec Hitler : ces pactes d'amitié avaient pour base la capitulation de Munich… L'URSS n'a jamais admis et n'admettra jamais de semblables crimes internationaux. Silence à la meute antisoviétique ! Nous sommes au jour de l'effondrement de ses espérances. Nous sommes au jour où l'on devra reconnaître qu'il y a quelque chose de changé dans le monde et que, parce qu'il y a l'URSS, on ne fait pas la guerre comme on veut."

    La débâcle de l'armée française

    Après la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, suite à l'attaque de la Pologne, Louis Aragon est incorporé comme médecin-auxiliaire. Il se trouve à la frontière belge et dirige une unité sanitaire composée d'étudiants. Le 26 mai 1940, Louis Aragon obtient une citation à l'ordre de la brigade. Pris dans la poche de Dunkerque avec une grande partie de l'armée française, il réussit à joindre l'Angleterre vers Plymouth. Le 2 juin 1940, il revient en France avec son unité et débarque à Brest. Après avoir été fait prisonnier à Angoulême, il s'évade avec six automobiles et trente hommes. On lui décerne une citation à l'ordre de l'armée pour avoir sous le feu de l'ennemi et au péril de sa vie, ramassé de très nombreux blessés. 

    L'armistice de juin 1940

    Louis Aragon tente de se rapprocher de son épouse Elsa, réfugiée à Bordeaux. Lui, se trouve à Ribérac en Dordogne. Le 28 juin 1940, ils se retrouvent enfin à Javerlhac où ils restent quelques jours. Il écrit "le lilas et les roses" et est démobilisé le 31 juillet 1940.

    Ô mois des floraisons, mois des métamorphoses

    Mai qui fut sans nuage et juin poignardé

    Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses

    Ni ceux que le printemps dans les plis a gardés

    À Carcassonne...

    Venus à Carcassonne pour rejoindre l'éditeur Gallimard qui possédait une propriété à Azille, le couple Aragon retrouve Julien Benda, Jean Paulien, Pierre Seghers et René Magritte chez Joë Bousquet - 53, rue de Verdun. Ce dernier avait ouvert sa porte à tous ses compagnons de littérature. 

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    Chez Mlle Bayle - 24, route minervoise - Louis et Elsa demeurent d'août à décembre 1940 à l'étage d'un restaurant appelé "La grillade". Ils n'ont plus aucun revenu ; ils paient leur logeuse avec leurs droits d'auteur. Aragon rencontre Jean Paulhan dans un café de la ville ; il lui lit "Les lilas et les roses". Avec ce dernier, il va organiser la résistance intellectuelle au nazisme en montant une stratégie pour déjouer la censure de Vichy. Le 10 octobre 1940, Aragon et Paulhan mettent au point un code contre la censure.

    "Dès Carcassonne, écrit Saoul. Aragon avait établi un plan de résistance littéraire légale. Son difficile combat durant la drôle de guerre lui avait prouvé qu'il pouvait continuer d'exprimer ses sentiments profonds par ses vers. Dans les nouvelles conditions créées par la défaite, l'occupation hitlérienne, le gouvernement Pétain, les censures de la Gestapo et de Vichy, il fallait organiser légalement, par le moyen de la poésie, un mouvement de résistance littéraire qui utiliserait avec la fiction et les contradictions de la Zone libre toutes les publications les plus diverses."

     Dans la cuisine de l'appartement où Pierre Seghers et Aragon se retrouvent régulièrement, le poète remet à son ami plus de la moitié des poèmes du "Crève-coeur".

    "Les douleurs ne ressemblent pas, varient à l'infini. Ainsi le sombre malheur que nous éprouvâmes à Carcassonne, aux derniers mois de 1940 ne ressemblait-il à aucune des peines jusque-là connues. Une mélancolie comme l'immobile eau noire du canal, noire comme les cyprès de cette ville.

    La citadelle croulante et factice...

    Le vent. Et notre seul havre, la chambre obscure de Joë Bousquet, seule lumière, seule âme de cette ville aux portes closes, inhumaine. Non, il y avait notre logeuse, une vieille demoiselle qui s'était prise d'affection pour nous, et de nous voir si démunis, ne sachant qu'entreprendre, qui était prête à acheter une épicerie pour nous en confier la gérance." (Elsa Triolet)

    Le 2 septembre 1940, le général Weygand décerne à Aragon la médaille militaire et la Croix de guerre avec palme. À Carcassonne, un dîner est organisé par J. Bousquet en l'honneur de cette distinction. Les écrivains Pierre et Maria Sire sont chargés de la besogne. Ainsi, autour d'une table dressée chez les Sire (18, rue porte d'Aude) dans la Cité médiévale, se trouvent Joë Bousquet, Louis Aragon, Elsa Triolet, René Nelli et son épouse. Bousquet épingle sa propre décoration de 1918 sur la veste d'Aragon.

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    La maison Pierre et Maria Sire à la Cité

    Durant la seconde moitié de décembre 1940, le couple Aragon quitte Carcassonne. Il se rend avec Pierre Seghers à Villeneuve-les-avignon. L'éditeur installa le couple aux Angles, dans une maison de curé.

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    Louis Aragon, Elsa Triolet et Pierre Seghers en 1941 à Villeneuve-les-avignon

    © Wikipedia

    Que reste t-il du séjour de Carcassonne à Louis Aragon ?

    Plusieurs poèmes dont "Ombres", "Richard II Quarante", "Zone libre", "Les croisés"...

    Que reste t-il de Louis Aragon à Carcassonne ?

    Pas même une plaque sur la façade du 24, route minervoise...

    Remerciements

    Madame Sylvie David

    Abbé Jean Cazaux

    Sources

    Le temps des Bohèmes / Dan Franck

    Aragon, un destin français / Pierre Juquin

    Minuit / Dan Franck

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