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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 244

  • La Roseraie : Histoire d'un gâchis social et financier

    La congrégation religieuse des Petites soeurs des pauvres fut fondée en 1839 par Jeanne Jugan (1792-1879) à Saint-Servan sur mer (Ille et Villaine). Elle participe à l'acceuil et aux soins des personnes agées isolées et dans le besoin sans distinction de nationalité ou de croyance.

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    Les religieuses s'installent à Carcassonne le 21 novembre 1879 dans une maison inhabitée de l'avenue du Pont neuf (Arthur Mullot), où elle fondent l'asile des Petites soeurs de pauvres. (Source: Henri Alaux)

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    Un peu à l'étroit, la congrégation fait construire en 1883 un nouvel établissement en bordure de la route de Narbonne (flèche rouge).

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    Cet ouvrage est l'oeuvre de l'architecte Charles Emile Saulnier (1828-1900). Il se présentait à cette époque sous la forme d'un U ; une chapelle à l'arrière du bâtiment principal et de chaque côté l'aile des hommes et celle des femmes.

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    La chapelle des Petites soeurs des pauvres au début du XXe siècle

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    © J. Blanco

    L'entrée à droite avant qu'elle ne soit entièrement refaite.

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    Les soeurs vont ensuite faire construire un bâtiment reliant les deux ailes, dont la façade et l'entrée donneront sur la route de Narbonne. Elles resteront à Carcassonne jusqu'en 1973, année où l'ensemble immobilier sera vendu à la ville.

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    En début d'année 1977, la municipalité Gayraud décide la transformation de l'ancien Asile des Petites soeurs des pauvres, en 53 logements-foyer pour personnes âgées. Le bâtiment est acquis par le Conseil général de l'Aude qui le vend à la ville pour le franc symbolique. Celle-ci le rétrocède à l'Office H.L.M. Le montage financier s'établit comme suit :

    Caisse des prêts aux organismes HLM : 2.818.00 frs

    E.P.R : subvention de 170.000 frs

    O.R.G.A.N.I.C : 141.000 frs

    B.A.S : 500.000 frs

    H.L.M Aude : autofinancement 150.000 frs

    Ville de Carcassonne : 500.000 frs

    La restructuration des bâtiments et leur transformation est confiée à l'architecte Mlle Cailhau. La gestion est placée sous la responsabilité de Mlle Brieu, sous l'égide du Bureau d'aide sociale de la ville.

    La Roseraie dispose d'une superfine totale de 2905 m2 dont 1575 sont réservés aux logements. À l'intérieur, les aménagements collectifs comprennent une salle à manger de 72 places située dans l'ancienne chapelle, 4 salons, une salle de jeux (46 m2), une cuisine collective (63 m2), une salle polyvalente pour 99 personnes (232 m2) et un jardin de 12 000 m2. 

    Ce sont au total 55 logements qui sont construits pour des personnes âgées non dépendantes. Il s'agit de studios avec cuisine et chambre à l'exception de neuf type F1 et d'un type F2. Chaque pensionnaire bénéficie d'une buanderie équipée de machines individuelles et d'un service de restauration, qu'il peut prendre en salle ou dans son appartement. Les loyers vont de 480 à 890 francs (allocation logement comprise). Selon le maire, tout a été fait pour que l'on puisse se loger et se nourrir même avec le minimum vieillesse de 916,66 francs. En 2015, il est de 800 euros. Le jour de l'inauguration 60% des  logements avaient déjà été pourvus ; un succès qui ira croissant dans les mois suivants.

    Au dessus du portail, le dessin en faïence est l'oeuvre du peintre Jean Camberoque (1917-2001).

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    La chapelle est visible depuis la rue Alexandre Guiraud et servirait, parait-il, de gymnase. Elle a été désacralisée, mais l'abbé Jean Cazaux à son grand regret ne sait pas ce que sont devenus les objets du culte. Ciboires, calices, maître autel, chemin de croix, confessionnal, statues, etc... ont disparu à jamais.

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    Le maître autel dans le choeur de la chapelle, autrefois...

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    © Jean-Luc Bibal / La Dépêche

    Au moins de décembre 2010, la Communauté d'Agglomération du Carcassonnais présidée alors par Alain Tarlier, fait l'acquisition des bâtiments de la Roseraie au bailleur social Habitat Audois, représenté par Robert Alric. Habitat Audois avait obtenu les bâtiments pour l'euro symbolique de la ville de Carcassonne. La valeur vénale estimée par France domaine, s'élève à 2,29 millions d'euros. Le président indique son souhait d'y installer les bureaux de l'Agglo ; le déménagement coûterait 8 millions.

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    Finalement après cet achat onéreux pour les finances publiques, la Communauté d'Agglomération abandonnera son projet. Elle s'installera dans les locaux de l'ancien EDF, dans lequel elle avait promis de créer la médiathèque. La Roseraie restera sa propriété mais à l'abandon (voir photo ci-dessus). Depuis ce temps, l'administration territoriale cherche à se débarrasser de ce bien. On apprend cette semaine qu'elle vient de trouver un acquéreur. 

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    © Nathalie Amen-Vals / L'Indépendant

    C'est la société immobilière Nexity qui vient de réaliser une belle affaire. En effet, elle emporte la Roseraie pour 1,1 millions d'euros afin d'y réaliser une résidence privée pour séniors. La Communauté d'agglomération viendrait de perdre en sept ans 1,19 millions d'euros : 2,29 M acquis en 2010 - 1,10 M vendu en 2017. Elle s'enorgueillit quand même d'avoir réussi à se dessaisir de ces bâtiments, en ayant réussi à récupérer 1 millions d'euros pour ses finances. La belle affaire ! Sans compter que si elle en avait pris soin depuis ce temps, le prix aurait peut-être pu être négocié à la hausse. 

    Sur le plan purement social, nous sommes passés d'un asile et une maison de retraite publique pour personnes âgées désargentées en 1977, à une résidence privée pour séniors fortunés. Quand on sait le coût actuel des maisons de retraites, on se demande dans quel établissement iront les "vieux" qui n'ont pas le sou. Pire encore, ce sont les contribuables qui viennent de perdre 1,1 millions d'euros en faveur d'une société immobilière privée. 

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  • Montplésir d'été : une guinguette au bord de l'Aude

    Que sait-on de Monrplésir d'été, improprement écrit "Montplaisir d'été" dans les très rares ouvrages qui évoquent son existence ? Presque rien, sinon que cet endroit situé sur la rive droite de l'Aude, fut une guinguette dans laquelle on venait se rafraîchir et danser à la belle saison. On y accédait par une barque qui traversait le fleuve en aval du Païchérou ou bien à pied, par les terrains de l'île.

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    Monplésir est complet depuis que sur l'Herbette, on a trouvé des mots écrits par un poète. Ô couples amoureux gardez-vous d'oublier, que nous avons ici l'Or-Kina Sabatier

    De ce temps-là, il ne nous a pas été possible de retrouver le nom des propriétaires. Aucun des annuaires que nous possédons, ne nous donne cette information. En revanche, les registres du commerce nous apprennent que Laurent, Pascal Bourdel exploitait une "vente saisonnière au détail de boissons hygiéniques" après la Seconde guerre mondiale. Le fonds sera exploité jusqu'au 31 décembre 1974 par son épouse Raymonde, Marguerite Bourdel (née Pech). Margot, bien connue des Carcassonnais, vendait sa production maraîchère au marché de place Carnot. On l'appelait "La campardine". Quant on cherche l'étymologie de ce surnom, on observe qu'en provençal, un campardin est un fanfaron.

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  • Quand le Centre dramatique "les tréteaux du midi" programmait le Festival de la Cité

    Entre 1968 et 1975, le Centre dramatique National du Languedoc-Roussillon présidé par Jean Deschamps résidait à Carcassonne. Il faisait toute la programmation du Festival de la Cité dont la notoriété dépassait de loin les frontières de notre département. À cette époque, Carcassonne se trouvait presque sur le même pied d'égalité, en terme de programmation théâtrale, que le Festival d'Avignon. En 1975, Jean Deschamps décida de passer la main au comédien Jacques Echantillon. Le Théâtre du midi changea de nom pour Les tréteaux du midi, domiciliés cette fois à Béziers. La compagnie assurera également la programmation de la saison du théâtre municipal. 

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    © Archives municipales de Carcassonne 

    Affiche du festival 1976

    Jacques Echantillon réalise la programmation en collaboration étroite avec les associations culturelles de la ville, les techniciens de la culture, les élus municipaux et les grandes organisations syndicales. L'adjoint à la culture de l'époque cite cette phrase de Paul Langevin : "La culture est ce qui permet à l'individu de sentir pleinement sa solidarité avec les autres hommes".

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    © Archives municipales de Carcassonne

    Les tréteaux du midi - Centre Dramatique National Languedoc-Roussillon - ont pour mission de procurer tout au long de l'année un service à l'ensemble de la population de la région. L'idée de service public, chère à Jean Vilar, suppose une disponibilité permanente de la part de l'équipe du C.D.N à l'égard du public. Le théâtre, la musique, le music hall, les arts plastiques, la danse, le cinéma, toutes les formes d'expression seront accueillies dans les lieux les plus divers : Théâtre de la Cité, Cour du Midi, Jardins et cours intérieures, remparts et cafés.

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    © en.notrecinema.com

    Jacques Echantillon

    Né à la Tronche (Isère) en décembre 1934, Jacques Echantillon obtient un Premier prix d'Art dramatique au conservatoire de Grenoble puis "monte" à Paris. Il est reçu à l'unanimité au conservatoire de Paris, après audition des bouts de scènes de Figaro du "Barbier", le sosie d'Amphitryon , Lubin de "Georges Dandin". Le voilà pour deux ans dans la classe d'Henri Roland. Après un passage par la guerre d'Algérie, il réintègre le conservatoire d'où il sortira avec un Premier prix moderne et un accessit classique.

    Il multiplie les rôles de valets, les sapins, etc. À la télévision, il obtient un rôle de 800 lignes dans "Un pareil milliardaire" avec Claude Santelli. Il rêve d'avoir une troupe et monte des farces de Molière avec Francis Lemaire, France Darry, Jean-Luc Bidaut, Ramade et Paulette France.

    A la Maison de la culture de Nantes, il joue "Voulez-vous jouer avec moi" de Marcel Achard. L'auteur qui était dans la salle préféra confier la pièce à la troupe d'Echantillon plutôt qu'à celle de Robert Dhéry. Il eut alors envie de changer de style "pour se remettre en question", et il eut le culot de monter "l'espace dedans" d'Henri Michaux, dans le premier café-théâtre du quartier du Marais. Personne n'y croyait mais au bout de dix jours c'était la queue ; deux séances par jour.

    Au festival de Mexico, il obtint les deux premiers prix - pour la troupe et pour le spectacle. Au retour, après la reprise de Scapin à la Comédie Française. Après avoir roulé sa bosse dans de nombreux pays, Jacques Echantillon s'établit en Occitanie. A partir des années 75, il dirige des institutions : Michel Guy le nomme au Centre dramatique de Carcassonne, le Théâtre du Midi. L'aventure s'achèvera avec Carcassonne en 1981, où il sera remplacé à la tête du Festival de la Cité par Jean Alary. Jacques Echantillon est décédé le 17 décembre 2009.

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    © Archives municipales de Carcassonne

    Jacques Echantillon a porté notre culture jusqu'à Paris. On pourra citer le succès de "Jésus II" de Joseph Delteil, au théâtre de Paris en 1977. Que reste t-il aujourd'hui de tout cela ? La nostalgie, sans doute, d'une époque où les artistes étaient appréciés comme des porteurs de rêves et non, comme la variable d'ajustement de l'économie du secteur culturel. 

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