Comme nous vous l'annoncions vendredi, l'administration du lycée Paul Sabatier placée sous la responsabilité de Monsieur Mercadal — proviseur de l'établissement — avait jeté jeudi à la benne à ordures, un grand nombre d'archives et d'anciens manuels scolaires. Ce dépotoir de la mémoire collective se trouvait devant les bureaux du proviseur situés à l'entrée du lycée à la vue des futurs universitaires. Un beau symbole, en somme ! Sans la curiosité et la présence d'esprit de Julien Llamas — élève à Sabatier et excellent jeune citoyen Carcassonnais — cet évènement serait passé aux oubliettes. Julien a d'abord demandé l'autorisation à M. Mercadal de pouvoir fouiller et prendre des photographies de la benne. Ce qu'il fit. Ensuite, s'apercevant que les documents constitués par des listes d'appels, des fiches, des croquis de travaux dataient pour les plus anciens de 1884, il entreprit d'en sauver le plus qu'il pourrait à pied emporter chez lui. Aujourd'hui, ce sont autant de preuves visant à démontrer la faute de ces fonctionnaires de l'Éducation nationale.
Alerté par l'élève qui avait posté la photo ci-dessus sur Facebook en expliquant le problème, je décidais de rendre publique ce désherbage sauvage des archives du lycée. Jusqu'à présent, je m'en remettais aux dires de Julien quant à la qualité des archives vouées au pilon, considérant le fait comme grave. On imagine aisément l'effet produit sur la toile et les répercutions dans la ville. Aussi, le vendredi matin Julien vit deux hommes de l'administration descendre dans la benne pour d'après lui, en extraire les documents les plus anciens sous les yeux d'un proviseur faisant l'étonné. La benne fut ensuite bâchée, ce qu'elle n'était pas la veille. Il semblerait que l'on ait pris conscience des conséquences, en tentant de réparer l'erreur. Enfin, il faut l'espérer.
Le vendredi à 14 heures, je décidais d'appeler la directrice des archives départementales. Elle m'indiqua ne pas avoir été mise au courant de ce déserherbage par le proviseur du lycée. La procédure veut qu'en pareil cas, les archivistes procèdent au tri des documents en vue de leur conservation. La directrice m'assura alors qu'elle allait dépêcher sur place ses agents. À 16 heures, elle me confirma qu'ils s'y étaient rendus en me remerciant vivement pour ma démarche. Nous savons que l'on tentera par tous les moyens de minimiser les responsabilités en racontant qu'il n'y avait rien dans cette benne de bien important. Aussi, avons-nous rassemblé les preuves du contraire, grâce aux documents récupérés par Julien.
Il s'agit purement et simplement des archives du Lycée Impérial de Carcassonne qui fonctionna jusque dans les années 1960, avant la construction du lycée Paul Sabatier. Notons que l'historien Claude Marquié faute d'archives pour réaliser une conférence à la SESA, pensait qu'elles avaient été détruites lors du déménagement. En fait, elles ont transité par le lycée Sabatier qui les détient depuis 50 ans, avant de les jeter aux ordures dernièrement. Il me semble que les administrations ont l'obligation passé un certain délai, de verser leurs papiers aux archives départementales.
L'ancien Lycée Impérial de Carcassonne, rue de Verdun
Une liste d'appel des élèves pour l'année 1891
Les réparations effectuées au lycée en 1902
Une liste des fonctionnaires du Lycée Impérial
Les professeurs de années 50-60 dont René Nelli
Les services et émoluments du personnel pour 1947, mais également les provisions pour la cantine en période de guerre et la comptabilité.
Un dossier du XIXe siècle
Exposés au regard des élèves, les fiches individuelles des anciens avec leurs noms, adresses, téléphone et filiation. Ici les années 1970...
Là, l'année scolaire 2003-2004. Nous avons masqué les renseignements confidentiels, mais ils ne l'étaient pas. Certaines fiches contiennent même l'exclusion et le parcours disciplinaire.
Nous espérons que les Archives départementales auront pu récupérer l'ensemble de ces dossiers, car Julien n'en a sauvé que 5%. Sur mes conseils, il déposera aux Archives de l'Aude ce qu'il a pu extraire de la benne. L'administration du lycée n'admettra jamais sa faute ; au moins, donnera t-elle en secret ce qu'elle a récupéré à l'intérieur de la benne le vendredi matin... Je remercie beaucoup Julien Llamas et tous les historiens devraient en faire de même. Pour ma part, je désespère chaque jour de voir cette ville aux mains de gens si peu concernés par le patrimoine.
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