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  • Une plaque en l'honneur des maires de Carcassonne

    Je viens de découvrir, au détour d'une page Facebook, que la municipalité a posé récemment une plaque en marbre dans l'ancien Hôtel de Ville de Carcassonne. Cet élégant affichage reprend les noms de l'ensemble des maires depuis la Révolution, contenus dans mon livre "Les maires de Carcassonne depuis la Révolution française à aujourd'hui". On pourra se réjouir de l'heureuse initiative, tout en regrettant de l'avoir découvert inopinément sur Facebook.

    Crédit photo

    Chroniques de Carcassonne

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  • Le domaine de Prat-Mary, propriété de la ville de Carcassonne, va t-il sombrer ?

    N'ayant jamais eu plus qu'un levier pour alerter sur l'incurie du patrimoine culturel Carcassonnais, nous avons informé nos lecteurs sur les réseaux sociaux de l'état de la bâtisse du domaine de Prat-Mary. Plus largement, de l'aqueduc du XVIIe siècle du sieur Cailhau qui traverse la propriété le long de la route de Limoux, depuis l'Auberge des chênes jusqu'au rond-point de l'ancien hôpital A. Gayraud. L'une ne serait être dissociée de l'autre, tant ces deux éléments patrimoniaux risquent fort de disparaître. Au moins, ne pourra t-on pas nous reprocher d'être resté silencieux. 

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    Si l'état du parc, amputé de ses magnifiques buis, demeure un lieu conservé et entretenu par un gardien. Il n'en est pas de même pour la bâtisse dont la toiture prend l'eau depuis trop longtemps. C'est l'arbre qui cache la forêt ! À l'arrière de la maison, l'humidité a envahi les murs en même temps que la mousse. Les anciennes gouttières en céramique émaillée sont cassées. Ne parlons pas des huisseries, ni des fenêtres. 

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    En 2005, la ville de Carcassonne sous l'impulsion de M. Larrat fit l'acquisition du domaine et de ses dépendances. La commune a dès lors vendu presque la totalité des terrains agricoles, hérités du Marquis de Gonet. Seul le jardin finit par bénéficier d'un traitement à la hauteur du site. Entretenu et gardé, il offre encore aujourd'hui la quiétude à ceux qui s'y rendent. Que dire de la bâtisse ? Depuis 2005, elle se trouve dans son jus. Chacun peut aisément comprendre ce que cela signifie pour un immeuble du milieu du XIXe siècle.

    Malgré l'exception d'un tel site, aucun projet n'a vu le jour afin de lui trouver une destination. Ah ! si... La municipalité Pérez de 2009 a installé une structure réceptive pour la location de mariages. Pour la somme de 400€, les nouveaux époux pouvaient s'offrir un cadre champêtre chez l'ancien marquis de Gonet. Il n'en demeure pas moins que la bâtisse ne leur était pas ouverte. Sinon, pourquoi aurait-on importé dans le parc un algéco blanc en aluminium du plus bel effet ? En prenant soin de restaurer l'édifice, on aurait évité d'acquérir cet immonde structure. Ne valait-il pas mieux mettre cet argent dans la réhabilitation ? D'autant qu'aujourd'hui, il n'y a guère plus de mariages à cet endroit. M. Oudanne, propriétaire de l'ancienne Auberge des Chênes, vient à 200 mètres de créer une même structure réceptive pour les mariages. C'est son métier. Quoi de plus normal ?

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    Ce qui nous paraît choquant, c'est que depuis 2005 personne n'ait songé au potentiel culturel du domaine de Prat-Mary ? D'abord, on a construit un EPHAD à 300 mètres de là : Les Rives d'Odes. La ville aurait pu chercher à intégrer la maison de retraite au parc du domaine. Ainsi, les résidents (valides) n'auraient pas à faire tant de chemin pour profiter de l'ombrage du parc. Des manifestations culturelles (expositions) auraient créé du lien social et intergénérationnel dans ce quartier. Les élèves de l'Ecole es Arts auraient pu y donner des concerts. Le Festival Off aurait pu s'exporter hors les murs de la Bastide. Après tout, les quartiers ont aussi droit à la culture. Pas seulement la leur qui les enferme dans des guettos communautaires. Ils ont aussi droit au jazz, à l'opéra, au théâtre classique.

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    Les buis du parc, photographiés en 2017, ont disparu

    Au lieu de cela, il n'est pas une idée qui ne soit arrivée à germer dans l'esprit de nos décideurs. Nous les invitons à aller visiter d'autres villes, comme Aix-en-Provence. Ils ont Cézanne ? Nous avons Achille Laugé. Ils ont le compositeur Darius Milhaud, dont la maison a été transformé en Office du tourisme. Nous avons Paul Lacombe ! Enfin, nous avons deux patrimoines mondiaux : La Cité et le Canal du Midi. Comment font-ils pour avoir une fondation de mécènes (Suez, LVMH, Orange) qui finance la restauration du patrimoine ? S'est-on une seule fois posé la question ici, quand nous n'avons pas un centime à dépenser pour cela ? Qu'il faut des siècles pour voir un projet enfin aboutir !

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    Le journal l'Indépendant dans son édition d'aujourd'hui, consacre un article au domaine de Prat-Mary. Il relaie nos craintes et nos remarques. L'élu en charge de la culture y répond en ces termes :

     — Nous avons évidemment des envies, quant à la destination du site, mais encore une fois, la politique, la gestion d'une ville demande d'opérer des choix. La destination viendra, pour l'heure nous sommes dans la conservation.

     — Les gouttières seront réparées.

     — Le domaine de Prat-Mary n'est pas la priorité du moment en matière de gestion publique.

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    Il appartient à chacun de se faire une opinion à la lumière de ce que nous venons de publier.

    Ci-dessous l'histoire de Prat-Mary

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2021/04/17/la-veritable-histoire-du-domaine-du-marquis-de-gonet-a-prat-3251058.html

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  • Meurtre du capitaine Charpentier : Une affaire de docteurs...

    Nous avons souvent abordé sur ce blog l’étrange affaire de l’assassinat du capitaine Charpentier alias Noël Blanc, chef des parachutages de l’Aude et agent du BCRA à Londres. Le 4 septembre 1944 en fin d’après-midi, Charpentier se trouve chez Louis Nicol dans la rue de l’Hospice (actuelle rue Brassens). À 20H30, le capitaine, brassard FFI au bras sort de chez Nicol pour se rendre à la clinique du Bastion où une importante réunion de résistants l’attend. Charpentier semble soucieux et inquiet, Nicol propose de l’accompagner. Charpentier refuse, il n’est pas homme à fuir ses responsabilités. Il doit le lendemain rendre à son chef régional à Béziers, le capitaine de Riencourt alias Nonce, l’avance de 50 000 francs. Comme tout agent du service des parachutages, cette somme doit être restituée pour clôturer les comptes. Nicol a t-il pris la peine d’informer Charpentier que depuis l’inhumation de Bringer le 31 août, le docteur Delteil tente de faire passer le capitaine pour un traitre ? Nicol était pourtant au courant, mais n’aurait pas pris la chose au sérieux. De toute manière, Charpentier n’a peur de rien. De son propre aveu, il va chez Delteil pour demander des comptes. 

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    Le 6 septembre 1944, à l’aube, des chercheurs de champignons circulent à bicyclette sur la route n°42 entre Palaja et Fajac-en-Val. Il s’agit de MM. Pierre Roquefort âgé de 38 ans et de Étienne Plantié, 25 ans. Avant d’entrer dans le bois, tous deux prennent soin de dissimuler leurs vélos sous un ponceau passant sous la route. Il ne faudrait pas qu’ils se les fassent subtiliser. En écartant les branches qui en obstruent l’entrée, les hommes aperçoivent la silhouette d’un individu couché sur le dos. Et si c'était un bôche ? Ils remontent sur la route en enfourchant leurs bicyclettes. La cueillette se fera un peu plus loin… Lorsque vers midi, ils redescendent en direction de Palaja, l’un d’eux à l’idée de s’arrêter sous le ponceau. Il faut vérifier si cet inconnu a fini par quitter les lieux. Oh ! Surprise. L’individu, toujours étendu, n’a pas bougé d’un centimètre. Ils prennent la décision de s’en approcher. Arrivés à sa hauteur, ils finissent par découvrir un corps presqu’en entièrement calciné au niveau des membres inférieurs. Ils dressent les premières constatations. Le crâne présente deux orifices d’entrée de balles.

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    N’écoutant que leur courage, nos deux hommes décident d’alerter à Palaja M. Joseph Ricard, président du Comité Local de Libération. Il remplit provisoirement les fonctions de maire de la commune. Ce dernier, une fois sur les lieux, s’empresse de prévenir la gendarmerie et le docteur Henri Piétrera, résidant rue Barbacane à Carcassonne. Le voisinage n’a rien vu ; n’a rien entendu.

    A 16h, les constatations sont établies. Le Dr Piétrera rédige son certificat médical sur place. Il s’agit d’un homme blond mesurant 1,85 cm entre 25 et 30 ans et de forte corpulence. Il ne reste que des lambeaux de tissu d’un costume bleu marine à rayures blanches. La mort est due à l’impact d’une balle d’un pistolet de 7 ou 8 mm ayant traversé l’espace inter-omo-vertébrale jusqu’au-dessus de la clavicule gauche. La perforation du cœur a entraîné un décès instantané. La carbonisation a eu lieu post-mortem. On a retrouvé une quinzaine d’allumettes près du cadavre. La mort remonterait à moins de 18 heures. Les témoins qui assistèrent à cette découverte macabre MM. Menjucq et Ricard, affirmèrent que le corps était parfaitement reconnaissable. Ce dernier constata deux orifices dans la nuque.

    En fin d’après-midi, le corps est transporté à la morgue de l’hôpital. Au même moment, le docteur Piétréra s’en va prévenir son confrère le docteur Emile Delteil de la découverte de ce corps. Pour quelles véritables raisons le chirurgien du Bastion devait-il être si rapidement mis au courant ? Notons que l’ensemble de ceux qui ont connu Charpentier, comme Nicol et d’autres résistants ne seront avertis que le 14 septembre. Exactement, une semaine après… Le Dr Piétréra prétexta qu’il avait eu connaissance lors des obsèques de Bringer que Delteil connaissait bien Charpentier. Or, au moment, où le cadavre fut découvert, personne n’avait encore identifié le capitaine. Fait encore plus troublant, Piétréra savait que Delteil l’avait désigné comme traitre.

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    Le Dr Emile Delteil

    Le cadavre entre à la morgue. Il n’est autopsié que le lendemain, 7 septembre 1944 à 16h30, par le médecin légiste Philippe Soum en présence du juge d’instruction Darles. Que s’est-il passé à l’hôpital entre la soirée du 6 septembre et le moment de l’autopsie ? Les conclusions de celle-ci paraissent assez surprenantes puisque les caractéristiques de l’individu autopsié ne correspondent pas avec la description faite à Palaja. Nous voilà en présence d’un homme  corpulent, mesurant 1,72cm. Le corps est entièrement brûlé ; ses mains le sont aussi. A Palaja, l’individu mesurait 1,85 cm. Seuls les membres inférieurs étaient entièrement carbonisés ; ses mains ne l'étaient pas. MM. Roquefort et Plantié ont décrit des mains d’intellectuel. 

    Le corps autopsié n’a rien au thorax, contrairement aux observations du Dr Piétréra. En revanche, le Dr Philippe Soum signale une plaie de 20 cm à l’abdomen où s’échappe l’estomac et une partie du duodénum et de l’intestin grêle. Robert Soum, le fils, qui aidé son père au cours de l’autopsie indique en 1953 : « Cette plaie n’a pu se produire spontanément pendant le séjour du cadavre à la morgue ». Contrairement à son père qui note dans son rapport en 1944 que les gaz, contenus dans l’estomac, ont pu sous l’action de la chaleur faire exploser l’abdomen. Le crâne présente trois orifices d’entrées de projectiles : Deux côte à côte dans la région frontale et un sur la ligne médiane de l’occipital (nuque).

    Après la découverte du cadavre, finalement identifié comme étant celui de Charpentier, l’enquête est confiée à la justice militaire. Celle-ci est dépêchée depuis Montpellier pour enquêter sur les auteurs du meurtre. La thèse de la substitution du corps de Charpentier à la morgue par un autre individu retient l’attention des militaires. L’officier en charge de l’affaire, consulte les registres d’entrée de la morgue pour les journées du 6 et 7 septembre 1944. Aucun cadavre carbonisé, autre que celui de Palaja, n’a été déposé à la morgue. L’enquêteur ne peut pas démontrer l’échange des corps, malgré les différences constatées lors de l’autopsie. 

    Interrogé par les enquêteurs, le Dr Marty, radiologue à l’hôpital, déclare avoir vu entrer à la morgue le cadavre d’un homme découvert à Palaja de haute stature et forte musculature. Cépendant, il ajoute : « qu’à cette époque révolutionnaire l’entrée du dépôt mortuaire restait ouverte en permanence et qu’on y entrait et sortait des cercueils sans qu’un contrôle efficace soir exercé ». Il précise que la morgue, en fait, ne restait pas ouverte la nuit, mais il était loisible à tout résistant de la faire ouvrir sans que le personnel hospitalier puisse s’y opposer…. "À cette époque, conclut-il, le domaine des morts appartenait davantage à la Résistance qu’à nous-mêmes. »

    A défaut d’avoir trouvé parmi les miliciens exécutés ce 6 septembre 44 des raisons valables pour expliquer une substitution de l’un de leurs corps, l’enquêteur militaire à apporté cette hypothèse : « Faut-il penser également à un corps quelconque, non identifié, correspondant à la taille du corps autopsié, faute de mieux, qui aurait été carbonisé pour les besoins de la cause. Faut-il encore trouver un cadavre au moment où il était nécessaire de l’utiliser. »

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    Noël Blanc alias Charpentier

    Voyez-vous, chers lecteurs, c’est cette dernière phrase qui m’a mis la puce à l’oreille. Je me suis alors souvenu que le 6 septembre 1944, un inspecteur de police a été assassiné par les Milices patriotiques communistes de Limoux. J’avais quelque part ce dossier dans mes archives. Oui ! L’inspecteur André Got a été affreusement tué par la bande à René Chiavacci à Saint-Martin-de-Villeréglan. Et alors, me direz-vous ? Il se trouve que le Dr Philippe Soum, médecin légiste de l’hôpital de Carcassonne, a autopsié le cadavre. Dans ce rapport, il se trouve que l’individu présentait à l’abdomen une plaie de 20 centimètres de laquelle sortait tripes et boyaux. Or, le cadavre carbonisé présenté à la morgue comme étant celui de Palaja, avait exactement la même blessure. Ce n’est quand même pas si courant d’avoir deux corps aux plaies identiques le même jour, non ? Nous pourrions donc en conclure que l’on aurait fait passer le cadavre d’André Got, après l’avoir carbonisé, pour celui du capitaine Charpentier. L’entrée différente des projectiles entre les deux hommes facilite ensuite la dissimulation de la vérité vis-à-vis du tireur. 

    Le capitaine Charpentier a reçu trois balles, ainsi que les témoins de Palaja le décrivent : Une en plein coeur, tirée de l’arrière, à perforé l’omoplate gauche. Les deux autres, tirées dans la nuque. Thérèse Paillet, infirmière à la clinique, s’est accusée du meurtre en plaidant la légitime défense. Or, le tir dans la nuque ne peut accréditer cette thèse. De plus, il fallait savoir bien viser et avoir une connaissance de l’anatomie pour viser la région du cœur. Il a été prouvé lors de la reconstitution que l’infirmière ne savait pas manier les armes. Alors, un homme. Un gaucher… comme qui, par exemple ? Un certain chirurgien, mais rien ne le prouve encore.

    Sources

    Les documents qui m'ont permis de mener cette enquête ne sont pas conservés aux Archives départementales de l'Aude. Une partie se trouve dans un fonds de justice militaire. L'autre partie, dont les originaux ont disparu, m'a été donnée par le fils d'un enquêteur qui avait gardé des copies. 

    Photo en une

    Le capitaine Charpentier et son épouse

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