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Albert Sarraut : Texte inédit sur les raisons de la guerre de 1939

Il s'agit d'un document dactylographié par Albert Sarraut (1872-1962) que j'ai trouvé dans le Fonds Sarraut, conservé aux archives départementales de l'Aude. L'ancien Ministre  de l'Intérieur (Radical-Socialiste) du gouvernement Daladier intitule son texte : « La guerre évitable et les fauteurs de guerre  / Note dactylographiée d’Albert Sarraut sur son « examen de conscience » après la défaite de 1940."  Ce document est assez long ; il m'a fallu plusieurs heures pour le recopier mais il présente un grand intérêt puisqu'il a été rédigé juste après le mois juin 1940. A l'intention de l'histoire, il explique les carences de la diplomatie française face aux "gangsters" du Reich. 

Fauteur de guerre

Les notes qui vont suivre ne répondent, à proprement parler, à aucun dessein défini. Elles concernent une des parties de l’ensemble de cet examen de conscience auquel nous nous livrons tous, depuis le désastre qui nous a frappés, et dans lequel nous éprouvons le besoin de nous expliquer avec nous-mêmes. Elles sont comme l’expression d’un besoin de clarté vis-à-vis  de soi même, pour notre esprit accablé. leur utilité n’a pas d’autre raison. Peut-être, un jour, me serviront-elles pour l’un des chapitres de mes mémoires., si tant est que j’aie jamais le goût ou le loisir de les écrire. Peut-être aussi auront-elles un usage moins ostensible, Netplus familial. Il se peut qu’un jour plus ou moins lointain mes enfants, ou mes petits-enfants, tombent sur quelque vieux journal, jauni par le temps, quelque numéro de Gringoire, de Candide ou de l’action-française, où ils liront que j’ai été l’un des fauteurs de la guerre de 1939, l’un de ceux qui l’ont voulue. Je ne serai probablement plus là pour leur expliquer que c’était un odieux mensonge. Mais je leur aurai du moins laissé ce manuscrit pour qu’ils puissent s’édifier sur mon rôle et ma pensée dans l’effroyable évènement dont ils supporteront encore les conséquences prolongées. Ils verront, dans ces notes, que j’ai toujours en horreur la guerre - j’en donne les raisons formelles - et que j’ai toujours voulu l’éviter, mais dans l’honneur intense et la dignité de ma patrie.

Je ne suis pas juif, d’une part, et je n’ai jamais eu la moindre accointance avec la finance juive, nationale ou internationale. Je n’en ai même jamais eu avec la finance tout court. On n’a jamais vu mon nom figurer dans aucune affaire financière, aucun conseil d’administration, non plus d’ailleurs que dans aucun scandale financier, que ce soit celui d’Oustric ou celui de Stavisky. Je n’ai jamais eu à ménager ni à solliciter les puissances financières, juives, catholiques ou protestantes, et je n’ai donc jamais eu à subir leurs influences.

Je ne suis pas davantage franc-maçon. je n’ai jamais songé à m’affilier à aucune loge d’aucun rite. ce n’était pas par animosité contre ces organismes. C’était simplement parce qu’une sorte d’indépendance, naturelle m’écartait de toute incorporation à un groupement autre que celui de mon vieux parti politique, le Parti Radical. Cela me suffisait. C’est un fait, et un fait aisément contrôlable. Les gens de droite ont vainement fouillé et compulsé, jadis, les documents maçonniques et les annuaires des loges pour y trouver mon nom. De guerre lasse, un journal de droite, l’Action Française, dans sa volonté de m’englober dans sa haine contre les franc-maçons, a, un jour simplement imaginé de faire un faux, en inventant mon affiliation à une loge de Hanoï en Indochine !… J’aurais ainsi attendu d’avoir passé la quarantaine, de devenir gouverneur général et d’avoir traversé les mers pour aller au bout du monde chercher une adhésion eu Grand Orient.

C’était simplement idiot que le journal dont il s’agit n’a plus essayé de regonfler ce ballon d’essai.

Je ne suis pas, enfin, un Communiste, ou un sympathisant du communisme. De ce côté-là, aussi, la preuve n’est assurément plus à faire. Le cri fameux, qui a eu une rapide et persistante fortune. « Le communisme, voilà l’ennemi », c’est moi qui l’ai poussé en 1927. C’est moi, le premier, qui ai apporté, à la tribune du Parlement, la révélation et la démonstration méthodique du danger communiste, en braquant contre moi la haine forcené de ce parti que je dénonçais comme l’ennemi de la patrie, de l’armée, de la République et de l’ordre social. Sa juste animosité contre moi continuait de s’exprimer avec violence, six ans après, lorsqu’en novembre 1933, je constituais mon premier Ministère, qui fut, d’ailleurs, de courte durée. Le communisme Ramette montait à la tribune de la Chambre des Députés pour m’apporter l’expression de la haine personnelle de son parti. Plus tard, mon collègue M. Gabriel Péri venait à la même tribune m’exprimer la même haine et m’accuser d’avoir fourni, le premier, au Chancelier Hitler toute l’argumentation de sa croisade contre le Komintern. Mon sentiment de méfiance hostile à l’égard du communisme ne changeait pas, même lorsqu’après le voyage à Moscou de M. Pierre Laval, en 1935, et la signature par lui du pacte Franco-Soviétique, les communistes français faisaient soudain volte-face et peau neuve, se jetaient dans la surenchère du patriotisme et du militarisme, votaient à l’unanimité les budgets de la défense nationale, exaltaient l’âme traditionnelle de la France et brandissaient le drapeau tricolore dans leurs manifestations. Toutes ces apparences, tous ces revirements n’annulaient pas en moi un sentiment de méfiance profonde que j’exprimais catégoriquement en public, après les élections de 1936, dans une conférence tumultueuse du mois de décembre 1936 aux Ambassadeurs, dont j’ai le texte.

La démagogie patriotique des communistes français, à mes yeux, restait trop inféodée à l’obédience de Moscou pour qu’elle ne m’inspirât pas le soupçon qu’une nouvelle volte-face en sens inverse pût encore se produire, si l’ogre de Moscou, ou la politique Moscou, le commandaient au Parti Communiste Français. Ainsi pressentais-je, par avance, l’abominable palinodie qui, le 23 août 1939, devait unir contre les peuples libres les mains du Chancelier Hitkler et du dictateur Staline. Et dès ce moment, je pouvais déclencher, avec une liberté de gestes qui n’avait jamais été comprise, la dure bataille que, depuis septembre 1939, j’ai personnellement menée contre le communisme français, et dont, pendant quatre heures, j’ai exposé les aspects et les résultats dans le discours, unanimement approuvé, que je prononçais au Sénat, en mars 1940 à la veille même du remplacement du Ministère Daladier par le Cabinet Paul Reynaud.

S’il y a vraiment quelqu’un qui puisse être accusé d’avoir subi l’influence communiste, je suis certainement le dernier à qui l’on puisse adresser cette accusation. Et ceci étant donc bien établi, la preuve étant péremptoire que je n’ai subi ni la pression juive, ni l’influence maçonnique, ni l’action communiste, - quelle autre raison pourrait produire la haine partisane pour me cataloguer dans le groupe de ceux qu’on appelle les fauteurs de guerre, le parti de la guerre ?

J’attends avec autant de curiosité que de tranquillité ses articulations et sa démonstration.  Mais, en l’attendant, je continue de donner libre cours à l’exercice gratuit de ma gymnastique d’hypothèses.

Je viens de faire justice de ce que j’appellerai l’argument idéologique, celui qui tendrait, à m’englober dans le lot de ceux qui auraient subi l’influence ou la pression judéo-maçonno-communiste.

Supposons que ma démonstration n’ait pas convaincu l’adversaire qui m’attaque. Alors, pour maintenir contre moi l’accusation de bellicisme, - sur quels faits concrets, sur quelles preuves, ou quels commencements de preuve, peut-il se baser pour me désigner nommément parmi ceux qui avaient un état d’esprit de guerre, une volonté de guerre, une « attitude connue » comme représentant à la fois l’âme sectaire et le cœur léger de l’homme trop aveuglément passionné pour comprendre quelle abominable épreuve pouvait être une guerre contre l’Allemagne.

Ici encore, je dois faire un laborieux effet d’imagination pour discerner les bases sur lesquelles pourrait s’étayer l’accusation de bellicisme.

Après force réflexions, je crois apercevoir, non des faits, mais apparences, dont mon adversaire peut prendre prétexte :

  1. Les insinuations de la prese partisane dont j’ai déjà parlé
  2. Les prétendues « indiscrétions » du Conseil des Ministres, par la même presse

Examinons les deux points.

 

La campagne de presse

Dans les semestre qui a précédé l’ouverture de la guerre, et alors que le gouvernement français, avec une constance qui éclate dans les témoignages irrécusables du Livre Jaune, publié par M. Georges Bonnet, s’acharnait jusqu’à la dernière minute à sauver les chances de la paix, on pouvait lire, dans certains journaux de Paris, réputés pour leur haine de la République et leur métier de la diffamation, une liste, périodiquement rééditée, de certains membres du cabinet noir Daladier qu’on désignait à la vindicte populaire comme les fauteurs de guierre, les malfaiteurs public qui voulaient précipiter la France dans l’effroyable aventure d’un conflit belliqueux. 

Il m’est arrivé, de temps en temps, de voir mon nom figurer sur cette liste, qui variait, s’allongeait ou se raccourcissait suivant les jours, la fantaisie ou les ressentiments de ceux qui la dressaient. Une fois de plus, dans l’ignominie de cette manœuvre, s’affirmait cette passion partisane, qui a été si néfaste au pays, de faire de la politique extérieure l’enjeu criminel des dissensions intérieures, et de les prolonger sur le seul terrain où le souci de la sécurité nationale devait imposer leur apaisement. ce qui le prouve bien, c’est que ceux qui m’accusaient d’être, en 1939, un fauteur de guerre, étaient les mêmes qui m’avaient reproché de n’avoir pas risqué la guerre le 7 mars 1936.

L’origine même de telles campagnes et le caractère traditionnellement hostile à mon égard des individus qui l’inspiraient devraient suffire à en récuser la valeur et l’autorité devant la conscience d’un français simplement impartial.

Je me place dans l’hypothèse où il n’en serait pas ainsi ; et s’il n’en est pas ainsi, c’est sans doute que, pour authentiquer le dire de la campagne de presse, l’opinion qui m’est hostile a recueilli d’autre part l’écho de propos que j’aurais tenus, ou d’attitudes que j’aurais prises au sein du Gouvernement, dans les réunions du Conseil des Ministres où, à l’encontre de certains, il est vrai que je ne condamnais pas au silence, mais où, au contraire, je disais toujours très franchement ce que je pensais.

 

Mon attitude au gouvernement

Est-ce bien là, en ce point, que réside l’origine de l’accusation de bellicisme nommément dirigée contre moi ? Et pourra t-on alors me dire par qui cette source a été signalée ou suggérée ? j’aimerais bien avoir devant moi pour m’expliquer avec eux, face à face, celui ou ceux qui ont renseigné la presse qui m’accuse !

Mais je ne m’attarde pas sur ce point. dans ma hâte d’en arriver au principal, je veux même négliger cette observation préjudiciable qui est : que les délibérations des Conseils du Gouvernement étant secrètes, pour y assurer la liberté même de toutes les discussions, qu’aucun procès-verbal n’en étant tenu, les indiscrétions « unilatérales » qui prétendent divulguer ce secret n’offrent aucune garantie, aucune caution, aucune valeur probatoire. Elles peuvent être des malpropretés, des délations suspectes de haineux ; elles ne sont pas des preuves.

Mais c’est un point, je le répète, où je ne m’arrête pas. Et je m’empare avec empressement, au contraire, de l’occasion de dire qu’elle a été mon attitude, de dire haut et clairement ce que j’ai pensé depuis toujours de la guerre en elle-même, comme ce que j’ai pensé et dit spécialement dans la période des Conseils du Gouvernement qui ont précédé le jour de l’entrée en guerre avec l’Allemagne.

 

Mon horreur de la guerre

Ma manière de penser sur la guerre n’a jamais varié, pas plus dans son principe, que dans les moyens qu’elle apercevait, et qu’elle apportait au soutien de ce principe.

Ce principe, c’était l’horreur de la guerre. les gens qui ont dit que je pouvais la souhaiter étaient simplement des imbéciles ou des canailles. Je m’en étais toujours douté, et si l’on retient leurs dires, je voudrais savoir la satisfaction de pouvoir leur déclarer en face que je n’ai pas à modifier mon opinion à leur égard.

L’horreur de la guerre n’était pas chez moi une clause de style, comme chez la plupart des êtres qui, comme le Chancelier Hitler, pour mieux la susciter, se sont donné l’apparence de la  détester. Elle n’était pas, chez moi, la précaution oratoire que l’on prend pour excuser ou couvrir la course aux armements qui achemine vers le carnage des batailles. Elle n’était pas davantage un hommage obligatoire et furtif, rituel mais hypocrite, aux idéalismes humanitaires dont la civilisation se réclame. Non ! J’avais l’horreur profonde et raisonnée de la guerre, et l’avais pour deux motifs.

Le premier, c’est que la guerre, je l’ai faite, au moins pendant un certain temps. J’ai été, en 1916, un soldat de Verdun. J’ai été décoré de la Croix de Guerre quand mon régiment, le 367E d’Infanterie, décimé par l’atroce bataille, quittait la position, située entre Souville et Tavannes, qu’il avait jonchée de ses morts. J’ai vécu l’épouvantable massacre des êtres humains. j’ai vu le 4 septembre 1916, sortir comme des torches vivantes, de la fournaise du tunnel de Tavannes, où quinze cents des nôtres ont été brûlés vifs, mes camarades, avec le visage noirci et les vêtements en flammes. J’ai couché, sur le sol éventré par des bombardements sans fin, au milieu des cadavres qui pourrissaient à nos côtés, et que nous ne pouvions pas enterrer.

J’ai connu, avec les sublimité de l’héroïsme de ma race l’abominable misère humaine de ces tueries, où s’assassinait avec notre idéal de civilisation, notre foi dans un monde que régirait  la fraternité des hommes. J’ai quitté ces charniers infernaux, dont la vision m’a toujours poursuivi, avec le serment de tout faire de ce que je pourrais pour que cela ne recommençât pas. Le sentiment m’était commun avec tous les anciens combattants ; et c’est sans doute à qui explique la facilité étonnante avec laquelle s’est effacée, chez nous, après la guerre, la haine du « boche » et l’ardeur des élans qui ont soutenu, chez les hommes du « front », la campagne pacifique d’Aristide Briand.

 

La victoire ne paie pas

J’avais horreur de la guerre pour une autre raison, qui était la déception lamentable de ses lendemains.

Nous avions été en 1918 les vainqueurs d’une victoire dont le laurier, après une éphémère floraison, ne nous avait laissé aux dents que le goût de son amertume. Au lendemain du triomphe, dans une paix incertaine et gâchée, nous étions allés de déceptions en déceptions, de désillusions en désillusions et de déboires en déboires. J’ai vu tout cela de très près. J’ai fait partie, depuis 1920, de la plupart des gouvernements qui se sont succédé à la tête de ce pays. J’ai connu ainsi, année par année, la dislocation funeste du bloc des vainqueurs, leurs dissentiments sur l’application du traité de Versailles, leurs discordes incessantes, dont l’Allemagne profitait, sur la question financière et sur celle de la sécurité, la faillite des réparations, la faillite du désarmement du Reich, la faillite des sanctions, la faillite de la sécurité collective inscrite dans le Covenant de la Société des Nations, - le tout accompagné de l’accablement fiscal de mon pays obligé de redresser à ses frais les ruines des régions dévastées, et de soutenir à grande peine le fragile pouvoir de sa monnaie dévaluée.

Au total, la guerre était une chose horrible, et la victoire ne payait pas. C’était un fait. Voilà pourquoi je gardais et j’ai gardé, au fond de moi-même, avec l’aversion profonde de la guerre, le désir suraigu de l’éviter.

Mais voilà aussi pourquoi, si je ne voulais pas que mon pays la fit, je ne voulais pas, non plus, que personne pût la faire à mon pays.

Et à cet égard, je ne pouvais pas, comme l’immense majorité des Français ne l’a pas pas pu, même ceux qui se rétractent lâchement aujourd’hui, ne pas concevoir, du côté de l’Allemagne, des appréhensions qui se précisaient d’année en année, bientôt de jour en jour, et des craintes dont les postes publics que j’occupais me permettaient de mesurer le bien-fondé.

 

L’illusion sur l’Allemagne

Il avait été pourtant un moment où j’avais cru, avec une sorte d’ivresse heureuse, à la parole et à la volonté de paix de l’Allemagne. Je suis de ceux qui ont suivi, soutenu et applaudi Aristide Briand dans la belle espérance, dans la grande illusion de sa propagande pour la paix et pour le rapprochement franco-allemand. Je saisissais personnellement toutes les occasions d’appuyer cette politique et de lui donner les gages que je pouvais lui donner. Je l’avais même fait avec un certain courage. J’ai osé, moi colonial, dire et écrire qu’on avait eu tort à Versailles, à la requête de l’Angleterre, d’enlever à l’Allemagne son domaine colonial. En 1931, das un ouvrage que l’Académie française me faisait l’honneur de couronner, je posais la question de la participation de l’Allemagne à l’utilisation des ressources coloniales. A Génève, comme Ministre des Colonies, en 1932 ; j’avais même, à la stupeur scandaleuse de certains nationalistes coloniaux, envisagé publiquement la collaboration franco-allemande dans la mise en valeur totale de l’immense continent africain. Et tout cela dérivait du chaleureux enthousiasme avec lequel j’avais applaudi, alors que tant de « chauvins » ici les flétrissaient, aux résultats de la coopération de Locarno et de Streseman, dans la conclusion du fameux traité de Locarno qui, non seulement apportait la garantie de la sécurité de notre frontière, mais semblait enfin, enfin ! faire reculer pour longtemps, sinon pour toujours, l’affreuse image de la guerre.

 

7 mars 1936

Locarno ! Quelle magnifique promesse, quelle grande perspective pour la paix ! Il m’appartenait, hélas ! de mesurer personnellement la valeur de la parole et de la promesse allemande, donnée, il est vrai, avec une hypocrisie que devaient révéler un jour les papiers secrets de Streseman, lorsque le 7 mars 1936, le Chancelier Hitler piétinait en Rhénanie, sans aucune excuse valable, ce traité de Locarno que l’Allemagne elle-même nous avait offert. J’étais à cette datte Président du Conseil.

Si j’avais été le belliciste que l’on prétend, quelle occasion à saisir pour mettre l’arme à la main  ! Je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas riposté à l’agression rhénane par une opération militaire. Ou, pour dire toute la vérité, si j’ai bien eu, en effet, sur le premier moment, - et c’est un point sur lequel j’aimerais bien vraiment avoir l’occasion de m’expliquer - la volonté de faire cette riposte, je m’en suis abstenu lorsque les arguments des chefs militaires, devant lesquels j’ai su m’incliner, m’ont représenté que la guerre générale pouvait sortir de cet acte de force, et que, pour l’effort de cette guerre, dont je ne voulais pas, nous n’étions pas certains, en surplus, surtout avec des alliés qui, d’ailleurs, l’Angleterre en tête, se dérobaient de pouvoir opposer des forces supérieures à un adversaire qui, ayant réarmé depuis longtemps, possédait déjà en 1936 une puissance militaire imposante.

Mais tout en ayant cité de déclarer la guerre, je pensais dès le moment, plus profondément que jamais, au péril présenté par un adversaire qui se préparait, lui, à tout faire pour la rendre inévitable, ou à ne la rendre évitable que notre soumission préalable et volontaire.

 

La menace Allemande

Je pouvais pressentir, dès ce jour du 7 mars et à la lumière de cet acte, sas le secours ou la pression d’aucune idéologie, le danger qui menaçait la paix et qui menaçait la France. la lecture de Mein Kampf, qui m’était devenue familière, ne me laissait pas de courtes sur les desseins foncièrement hostiles du Führer à l’égard de mon pays, et pas d’obscurité sur la manœuvre stratégique qu’il avait conçue pour détruire cette France détestée par la dislocation systématique de ses alliances et des ses amitiés. Les évènements qui suivaient me laissaient moins de doutes encore sur les terribles dangers qu’il faisait courir à la paix de l’Europe et du Monde, si l’on ne mettait pas obstacle à ses desseins d’hégémonie. L’obstacle n’était pas mis en temps opportun, ou la volonté qui le dressait était trop hésitante ou trop débile. Et de 1936 à 1939, l’histoire de l’Europe se jalonnait ainsi de dates fatidiques et sanglantes qui, successivement, exprimaient l’agression contre l’Autriche et son asservissement, l’agression contre la Tchécoslovaquie, son amputation sudète, puis son dépècement, avec l’annexion de la Bohême et de la Moravie. Tout cela, d’ailleurs, s’accomplissant sans répit jusqu’à l’agression suivante, celle de septembre 1939 contre la Pologne, au lendemain des promesses les plus formelles, des serments les plus sacrés faits par le Führer, à Munich ou ailleurs, et de la formidable hypocrisie de ses sourires ou de ses sarcasmes alternés à l’égard de la France et de l’Angleterre aussi trotteurs, aussi menteurs que les engagements solennels lesquels, il avait garanti l’indépendance des pays par lui asservis ou déchiquetés.

 

Un jugement autorisé

Quel sentiment pouvais-je, en vérité, retirer du spectacle de cette attitude ? Et quel sentiment en ont donc retiré tous ceux qui m’écoutent ? Ce sentiment, je l’ai trouvé exprimé par un autre que moi, par un homme qui n’était pas un belliciste, par notre propre ambassadeur à Berlin, M. Coulondre, qui l’a traduit avec une force et une autorité incomparables, dans la dépêche que vous trouverez au Livre Jaune, et qu’il adressait à son Ministre, M. Georges Bonnet, le 16 mars 1939, au lendemain de l’égorgement définitif de la Tchécoslovaquie. L’opération, disait M. Coulondre, dont la Tchécoslovaquie vient d’être victime, porte, à un degré plus grand encore que les précédents coups de force nazie, les marques spécifiques des entreprise hitlériennes : le cynisme et la perfidie dans la conception, le secret dans la préparation, la brutalité dans l’exécution. Les accords de Munich n’ont été en définitive pour les dirigeants hitlériens qu’un moyen de désarmer la Tchécoslovaquie avant de l’annexer. En annexant la Bohême et la Moravie, le gouvernement du Reich, signataire des accords de septembre 1939, s’est rendu coupable d’un abus de confiance, d’une véritable félonie à l’égard des états co-signataires, et en particulier du gouvernement tchèque qui, se fiant à la parole des grandes puissances, s’était résigné à la cession de pays modèles… L’Allemagne a manifesté ainsi, une fois de plus son mépris pour tout engagement écrit et sa préférence pour la méthode de la force brutale et du fait accompli. D’un seul geste elle a déchiré les accords de Munich, aussi bien que la sentence de Vienne, prouvant à nouveau que sa politique ne connaissait qu’un principe directeur : épier l’occasion favorable et saisir tout butin à portée de la main. C’est à peu de chose près, la morale commune aux gangsters et aux habitants de la jungle.

Et M. l’Ambassadeur Coulondre concluait ainsi sa dépêche : « L’Allemagne hitlérienne vient de jeter le masque. Aujourd’hui, il est clair que la soif de domination du Führer ne connaît plus de limites. Il est clair également qu’il est vain d’espérer opposer avec succès au Führer d’autres arguments que celui de la force. L’Allemagne reste le pays des chiffons de papier. La sécurité nationale aussi bien que la paix mondiale exigent donc, avant tout, du peuple français un immense effort de discipline et d’organisation de toutes les énergies du pays qui, seul, permettre à la France, appuyée sur ses amis, de s’affirmer et de défendre ses intérêts en face d’un adversaire aussi redouble qu’Adolphe Hitler, désormais lancé à la conquête de l’Europe.

Ce sentiment de notre ambassadeur en Allemagne, résume de la façon la plus lumineuse les raisons de l’état d’âme qui pouvait être le mien, en 1939, autour de la table du Conseil des Ministres. Cet état d’âme s’exprimait en trois idées : vigilance, préparation au péril de guerre, recherche de tous les moyens honorables de l’écarter. Je dis « honorables », parce qu’il pouvait y avoir d’autres ! »

 

La paix par la honte

Oh ! certes, il y avait évidemment un moyen de l’éviter. On le pouvait par un acte bien simple : la soumission, la reddition préalable de la France à l’Allemagne.

La France s’agenouillant sans coup férir devant la menace allemande, la Fra,ce tendant à l’Allemagne, non pas la main, mais les poignets, pour que celle-ci lui passât les menottes du captif, la France reniant toutes ses signatures, déchirant tous ses traités, trahissant tous ses amis pour n’avoir pas à combattre - la France, courbée devant la force, acceptant de devenir le satellite déshonoré de la puissance allemande et le simple métayer sur son propre domaine, d’une Allemagne qui aurait été la patronne - en un mot, la France libre devenait la France serve, rendant son épée, déposant ses armes et livrant les clefs de sa maison, - oui, évidemment, c’était possible, c’était monstrueusement possible, - sauf réserver bien entendu, de la révolte du pays.

Fort bien ! Mais alors, la première chose à faire d’abord était de rayer de nos pensées, de nos mémoires, de nos livres scolaires, de notre langage, de notre vie mentale, un certain nombre de maxime, de souvenirs ou d’axiomes qui ont toujours été proposés, comme des articles de foi et des règles suprêmes de morale nationale à la conscience du français : « Tout est perdu, fors l’honneur » : « Vivre libre ou mourir », « La garde meurt mais ne se rend pas », « La liberté est le premier des biens de ce monde (comme disait Veuillot) », « A tous les cœurs bien nés que la patrie est chère », etc… qui n’ont été, sans doute, n’est-ce-pas, que de sonores calembredaines, - avec lesquelles s’est tout de même armature l’âme héroïque et rayonnante de la France à travers les âges.

Oui, évidemment, c’était une solution, pour éviter la guerre : il va sans dire que je suis de ceux qui plutôt que de l’accepter auraient préféré cent fois crever.

« Mais, me dira-t-on, il ne s’agit pas de cela ! Personne n’accepterait, ou n’eût accepté cette solution. personne ne voulait ou n’aurait voulu de notre servitude dans le déshoneur. Mais nous n’en étions pas là ! Les choses, entre l’Allemagne et nous, n’en étaient pas à ce point de ne nous laisser le choix qu’entre la servitude et le combat. Il fallait éviter à la fois l’une et l’autre. Et cela était possible. »

Parfait ! Alors j’écoute. Qu’on veuille bien m’expliquer de quelle façon cela était possible et comment, la capitulation sans combat étant exclue, on pouvait éviter le combat lui-même.

 

L’enchaînement des crimes

J’écoute l’accusateur public, et je l’écouterai patiemment, avec soin, et tout le temps qu’il faudra, qui sera long sans doute, car sa démonstration sera un certain effort à faire pour démanteler la conviction qui, année par année, jour par jour, heure par heure, devant l’enchaînement irrécusable des faits s’est incrustée en moi, que l’Allemagne, irrésistiblement, nous acculait, voulait nous acculer, soit à l’agenouillement, soit à l’acceptation de la guerre. Elle aurait, je le sais, préféré l’agenouillement.

On ne peut tout de même pas effacer du trait de plume qui a signé la convocation d’un Cour suprême de justice toute l’histoire vivante que nous avons vécue de 1936 à 1939 et au cours de laquelle, le chancelier Hitler échelonne implacablement ses crimes dans le cynisme des parjures et la brutalité des attentats.

Le 21 mai 1935, il a juré qu’il respecterait intégralement le traité de Locarno, et le 7 mars 1936 il envahit la Rhénanie. Le 11 juillet 1936, il a juré de respecter la souveraineté et l’indépendance de l’Autriche, et le 12 mars 1938, il donne sa parole d’honneur que la Tchécoslovaquie n’a rien à craindre de l’Allemagne et presqu’aussitôt, il fomente chez elle la rébellion des Sudètes. Le 30 septembre 1938, il signe les accords de Munich qui garantissent l’intégralité de ce qui reste de la Tchécoslovaquie, et le 16 mars 1939, il s’empare par les armes de toutes les provinces de ce malheureux pays. Le 26 janvier 1934, il a juré par traité son amitié à la Pologne, il lui a renouvelé en 1936, en 1937, en 1938 sa promesse solennelle de fidélité, et dès le printemps de 1939, après avoir assassiné la nation Tchèque, il se prépare à l’égorgement de la nation polonaise.

Oui ou non, tout cela est-il vrai ? Oui ou non, cet enchaînement de parjures et de crimes contre la liberté des peuples étaient-ils faits pour nous donner à penser que le jour allait venir où la même menace fondrait sur nous ?

 

La paix par le courage

Et cependant, à mesure que l’interroge plus profondément cette tragique histoire - je n’ai pas fait autre chose, chaque jour, depuis des mois, dans le recueillement de ma retraite -, la conviction s’est confirmée en moi de ce que j’ai toujours pensé et de ce que j’ai toujours dit, notamment au Conseil des Ministres. Et ici, je vais rejoindre l’accusation dans son portrait de guerre évitable, être un moment d’accord avec elle, tout en lui fournissant sans doute l’occasion et les moyens qui lui manquent d’étayer, au moins sur certaines apparences, ma prétendu culpabilité belliciste.

Ma conviction, c’est qu’en effet, il y a eu, l’heure ou les heures d’une chance d’éviter la guerre et de l’éviter dans l’honneur, - mais d’une chance qui s’est affaiblie, amenuisée, perdue, à mesure précisément que pour éviter la guerre, on consentait à l’Allemagne des concessions, on opérait devant elle des reculs, on lui donnait l’impression de faiblesses qui, mathématiquement, conduisaient à l’impasse où s’apprêtait son agression guerrière. En un mot, la chance d’éviter la guerre a été, un moment, dans l’attitude de fermeté résolue vis-à-vis de l’Allemagne. C’est l’histoire, notamment, du grand jour du 21 mai 1938, où l’attitude catégorique de la résistance franco-britannique a fait reculer le chancelier Hitler, l’a empêché d’envahir la Tchécoslovaquie, devant laquelle, quoiqu’il l’ait démenti, ses troupes étaient à pied d’œuvre. Mais cette chance a été perdue parce que le désir trop manifeste et trop ostensible, chez nous et surtout chez nos alliés, d’éviter la guerre parce que le fléchissement ultérieur, qui me semble aujourd’hui encore inexplicable, de la fermeté anglaise du 21 mai, ont réveillé et renforcé l’audace de l’adversaire, qu’une constance plus résolue de la volonté alliée eût jugulée. Par la suite, nous avons consenti à certains actes, pénibles, cruels, dangereux pour nous, par lesquels, de bonne foi, nous pensions encore écarter le péril de la guerre. Nos concessions le mettaient simplement en sursis. Et le fait même de ce sursis ne faisait qu’accuser l’inévitable, qu’assurer le retour, le réveil inéluctable de ce péril.

C’est au fond tout l’histoire de Munich, de tête à tête de l’honnête homme faible qui concède pour avoir la paix, et du gangster que cette concession excitera davantage aux menaces de guerre pour le lendemain, à moins qu’une bonne fois, et pour toujours, l’honnête homme ne se mette à genoux.

Ce sont des sentiments de ce genre, auxquels j’ai prétendu que la réalité n’a pas donné tort, qu’il m’est arrivé, certainement, d’exprimer devant le Conseil des Ministres. Je ne le renie pas, je ne les  répudie pas. Au contraire, je m’en honore. Je puis même, à cet égard, vous mieux renseigner, et plus complètement, que la dénonciation des mouchards et la délation des félons.

Ma pensée était simple et claire. Je voulais qu’on évitât la guerre. Mais je disais qu’on ne l’éviterait pas, et qu’on l’appelait au contraire, soit par l’indécision, soit par la lâcheté.

C’était l’indécision de Sir Eward Grey, sous l’influence de la City de Londres, en juillet 1914, qui nous avait précipités, et l’Angleterre avec nous, dans une guerre qu’une parole nette et ferme de Londres au Kayser eût sans doute écartée.

 

Il fallait parler ferme et clair

Ce que, sous l’empire du souvenir, j’ai souvent dit, et je m’en honore, au Conseil des Ministres, c’est qu’il fallait, pour sauvegarder la paix, que notre diplomatie parlât ferme et qu’il fallait aussi qu’elle parlât clair, - et qu’elle parlât ferme et clair tout aussi bien, à nos amis eux-mêmes, qu’à ceux que nous trouvions devant nous comme adversaires.

Je souhaitais qu’elle parlât ferme, parce que toutes les fois qu’on a parlé ferme, et non lâche, - vous n’avez à cet égard qu’à percevoir le Livre Jaune -, la paix a marqué une chance.

Je souhaitais, et je souhaitais surtout, qu’on parlait claire, parce que la franchise, la netteté, la précisions rigoureuse des déclarations ou des explications me paraissaient indispensables pour éviter les malentendus d’où jaillissent les conflits et d’on la guerre pouvait sortir ; vis-à-vis surtout d’une Allemagne qui était encline à considérer non pas même nos réticences, ou nos nuances de langage, mais nos simples silences, prétendument prudents sur certains sujets, comme un acquiescement tacite, ou comme une licence laissée à ses entreprises, cette franchise rigoureus, cette précision, cette clarté étaient absolument nécessaire pour que le Reich ne pût pas se croire ou se prétendre autorisé, par nos imprécisions, à poursuivre ses desseins jusqu’au point où la guerre en devait facilement jaillir. A cet égard, je prendrai tout à l’heure dans le Livre Jaune, des exemples particulièrement typiques qui donnent étrangement raison à ma façon de penser.

 

J’ai dit au Conseil des Ministres qu’il fallait parler ferme et clair, tout d’abord à nos amis, et je veux dire par là l’Angleterre.

J’ai eu, maintes fois, je le déclare très nettement, l’impression qu’on ne le faisait pas. Etatit-ce volontairement, était-ce avec des arrières-pensées ? Je ne le crois pas.

C’était une vieille habitude, un mauvais pli de notre diplomatie, une sorte d’infériorité qu’elle cultivait, au lieu de s’en corriger. Puis-je à cet égard m’abriter derrière des témoignages qui ont quelque valeur et qui, politiquement, ne sont pas suspects ?

Si vous pouvez la Revue des deux mondes du 15 juillet dernier (1940), vous y trouverez un fort intéressant article de M. Jacques Bardou, Sénateur, Membre de l’Académie française, collègue et ami dans le Puy-de-Dôme de M. le Président Pierre Laval. Et dans cet article, dont le sujet est la La rupture franco-britannique, je vous signale la page très édifiante consacrée à l’attitude des représentants ou ambassadeurs français à l’égard des représentants du gouvernent t anglais. Quelle est la nature des rapports entre ces alliés, ces amis, ces associés ? Ecoutez M. Jacques Bardoux : Dans ces ménages où nous apportons, avec une fidélité rigide, un légalisme procédurier, le Français joue toujours le rôle de « sexe faible ». Au début de cette guerre, un diplomate polonais, avec lequel je dressais le bilan des fautes commises, me répondit : « La responsabilité du Gouvernement français est d’un ordre différent. Vos ministres et ambassadeurs ne sont jamais capables de parler à vos alliés sur le ton que doit prendre une grande nation victorieuse. Ils ne parlent aux représentants du pays à qui la France a donné sa garantie ou promis son aide, que comme à des électeurs ou à des femmes. Il n’est pas de partenaire vis-à)vis de qui pareille attitude soit plus dangereuse que vis-à-vis du personnel britannique. »

Cette opinion de M. Bardou a toujours été la mienne. Je ne voulais pas que notre diplomatie fût toujours à la remorque ou la main à la portière, en posture de subordonné, la fermeté d’un langage d’égal à égal s’imposait d’autant mieux vis-à-vis de l’Angleterre que l’esprit de M. Chamberlain était plus enclin aux vacillations et aux hésitations d’une conscience dont la prévoyance ou la lucidité étaient toujours en retard d’une heure sur les évènements. Cette conscience était capable cependant de l’acte d’énergie qui protègerait la paix en faisant réfléchir celui qui la menaçait. cet acte d’énergie, M. Chamberlain avait su l’accomplir le 21 mai 1938, d’accord avec nous, lorsqu’autour de l’affaire Tchécoslovaque tous les éléments d’une explosion internationale étaient réunis. ce jour-là, le Führer a cédé : il a reculé devant la certitude de la résistance franco-anglaise.

Pourquoi, dans les semaines qui ont suivi jusqu’à la crise de Munich, n’a-t-il pas gardé de nous la même impression. Pourquoi M. Chamberlain a-t-il volontairement minimisé l’effet du 21 mai ? Pourquoi M. Duff Cooper, premier lord de l’Amirauté, démissionnaire après Munich, le 1er octobre 1939, de sa charge, a-t-il été en droit, le 3 octobre, à la Chambre des Commune, de reprocher au Gouvernament de M. Chamberlain, de n’avoir pas répété assez clairement, dans les semaines qui avaient précédé Munich, quelle serait la position de l’Angleterre, et de n’avoir pas rédigé les éléments et les notes diplomatiques d’une manière propre à être comprises des dictateurs ? Pourquoi ces contradictions entre l’habitation anglaise des premiers jours de septembre 1939, et l’accent du discours qu’à la Pointe de Grave M. Georges Bonnet prononçait le 4 septembre en présence de M. Bullitt, Ambassadeur des Etats-Unis, pour notifier au Monde qu’en tout état de cause la Tchécoslovaquie pouvait compter sur les armes de la France ? Nous n’avons jamais bien vu, nous, Ministres de deuxième zone, le secret ou le fin mot des oscillations de la politique anglaise, dans le moment où la fermeté des deux associés franco)britanniques pouvait reproduire le phénomène du 21 mai. A-t-on parlé net, de notre côté, et même rude, comme il fallait, non pas par saccades, mais d’une façon constante, à ces associés britanniques, pour leur montrer la nécessité de garder devant un péril qu’ils sous-estimaient peut-être, mais qui les menaçait autant que nous, la fermeté nécessaire pour le conjurer ? Ils montrent aujourd’hui cette fermeté devant le péril éclaté. Ils auraient pu, en la portant sur le domaine diplomatique, s’éviter d’avoir à la porter sur le champ de l’effroyable bataille. 

 

La nécessité de mettre l’accent

Il m’est donc arrivé, et je répète que je ne le renie pas, d’avoir demandé à notre diplomatie l’énergie du langage en même temps que celle de l’action, et cela, toujours pour préserver les chances de paix.

Et c’est dans le même but que je demandais aussi qu’à tous et partout on parlât clair, aussi clair que possible, pour éviter tous les malentendus dangereux. J’ai dit que je citerais des exemples. Les voici. Le premier est relatif au drame Tchécoslovaque. Ouvrez le Livre Jaune. Vous y verrez que, dans une dépêche du 19 mars 1939 où il fait un exposé de la politique allemande, M. Coulondre, après l’égorgement tchécoslovaque, consigne une extraordinaire observation sur le sentiment allemand au lendemain même des accords de Munich, où, ne l’oublie pas, tout en consentant l’amputation cruelle d’une partie de la Tchécoslovaquie, la France et l’Angleterre avaient assuré à ce pays que ses nouvelles frontières seraient respectées et garanties, et qu’il pourrait vivre en sécurité dans un territoire non diminué, mais protégé cette fois par l’accord de Munich lui-même.

Dès le lendemain de la Conférence de Munich, dit M. Coulondre, il était clair qu’outre-Rhin les accords signés à Munich étaient interprétés comme signifiant pour l’Allemagne la liberté d’action au Centre et à l’Est de l’Europe, avec pour corollaire, le désintéressement relatif des puissances occidentales à l’égard des mêmes régions. On avait compris, ou affecté de comprendre en Allemagne, qu’à Munich la France et l’Angleterre avaient voulu avant tout empêcher le recours à la force, mais que , pour le reste, elles s’étaient résignées à ce que la volonté allemande prévalût dans les zones où ne Paris, ni Londres n’avaient aucune possibilité d’intervention efficace. Les accords de Munich, complétés par la déclaration germano-britannoque et par la déclaration franco-allemande du 6 décembre 1938, signifiaient, suivant la conception allemande, le droit pour le Reich d’organiser à sa guise l’Europe centrale et sud-orientale, avec l’adhésion tacite ou, au moins, la tolérance des grandes puissances occidentales. »

Ainsi, voilà le sentiment qu’on se faisait en Allemagne dès le lendemain des accords de Munich : Nous avions eu l’ait de défendre, pour sauver la face sans doute, ce qui pouvait rester d’une Tchécoslovaquie mutilée, mais, en fait, nous laissions M. Hitler en faire ce qu’il voulait.

Je ne doute pas une seconde que si M. Daladier si M. Chamberlain n’aient, par leur propos à Munich, autorisé le chancelier Hitler à penser cela, et à répandre ce sentiment dans sa nation. Mais cet exemple prouve bien qu’avec des interlocuteurs comme ceux du Reich à Munich, où de l’ambassade d’Allemagne à Paris, voire avec M. de Ribbentrop lui-même - vous allez tout à l’heure pourquoi je cite ce nom - il était nécessaire, non seulement de mettre les points sur les i, de mettre l’accent sur certaines déclarations, mais même de le souligner, de la redoubler, afin d’éviter l’équivoque terrible, le malentendu redoutable d’où le cas de guerre pouvait brusquement surgir.

S’agit-il là d’une crainte vaine ou d’une hypothèse ? Alors, rouvrons le Livre Jaune dans les tristes pages qu’il consacre, en mars 1939, à l’égorgement de la Tchécoslovaquie que le chancelier Hitler vient de consommer, moins de six mois après ses promesses de Munich. Qu’y lisons-nous ? Ceci : Le 18 mars, après l’odieux coup de force d’Hitler, M. Coulondre, notre ambassadeur à Berlin, sur l’ordre de M. Georges Bonnet, va porter au Ministère des Affaires Etrangères du Reich, la protestation formelle du Gouvernement français contre la violation flagrante de l’esprit et de la litre des accords de Munich. En l’absence de M. de Ribbentrop, M. Coulondre est reçu par M. de Wuzsâcker, Secrétaire d’Etat, qui vient d’abord refuser de recevoir la note de protestation. M. Coulondre iniste, son interlocuteur refuse encore, mais M. Coulondre est tenace, et il invoque l’acte solennel revêtu à Munich des signatures des chefs du gouvernement français et du gouvernement allemand. Et alors, M. de Wuzsäcker, sans répondre directement, invoque, écrit M. Coulondre, les assurances verbales qui auraient été soi-disant données à Paris par M. Bonnet à M. de Ribbentrop, lors de la signature de la déclaration du 6 décembre 1938, et selon lesquelles la Tchécoslovaquie ne saurait plus faire désormais l’objet d’un échange de vues. Et M. de Wuzsäcker ajoute que le gouvernement allemand, s’il avait pu penser qu’il en était autrement, n’aurait pas signé l’accord du 6 décembre.

M. Coulondre a pu riposter qu’on ne trouvait dans aucun document aucune trace de telles assurances. Et M. Bonnet, informé de l’incident par M. Coulondre, a qualifié d’extravagante les déclarations du Secrétaire d’Etat hitlérien.

Voilà donc deux faits qui indiquent - et c’est une des observations qu’il m’est arrivé de faire en Conseil - qu’étant donné la mauvaise foi allemande, il ne devait jamais être négligé de mettre partout avec fermeté tous les accents susceptibles d’interdire de fausses interprétations.

Autre exemple, plus grave si possible, car il se réfère aux causes immédiates de la guerre, c’est-à-dire à la question polonaise.

Ouvrez encore le Livre Jaune, vous y lirez, à la date du 1er juillet 1939, c’est-à-dire 2 mois avant la guerre, une note-mémoire de M. Georges Bonnet, Ministre des Affaires Etrangères, résumant l’entretien qu’il vient d’avoir, le jour même, avec le Comte de Welozeck, Ambassadeur d’Allemagne à Paris. A l’issue de cet entretien, qui a roulé surtout sur la situation germano-polonaise, M. Georges Bonnet a remis à l’ambassadeur allemand une note, spécialement destinée à M. de Robbentrop, et où notre Ministre des Affaires Etrangères exprime la pensée de la France sur cette situation germano-polonaise.

Dans ce document, M. Georges Bonnet rappelle à M. de Ribbentrop, les conversations qu’i a eues avec lui à Paris, le 6 décembre 1938, à l’occasion de la signature de la fameuse déclaration franco-allemande qui semblait, cette aussi, devoir garantir la paix ! M. Georges Bonnet confirme à M. de Ribbentrop ce qu’il déclare lui avoir dit à ce moment, à propos de l’article 3 dudit accord, lequel article faisait réserve des engagements des contractants avec des pays tiers. Ces réserves, du M. Bonnet, visaient les engagements de la France à l’égard des pays de l’Est. M. Bonnet, en conclusion, notifie à M. de Ribbentrop « l’inébranlable résolution de la France de tenir ces engagements en mettant toutes ses forces au service de la parole qu’elle a donnée. » Et M. Bonnet ajoute : « Au moment où des mesures de toute sorte sont prises à Dantzig, dont il difficile d’apprécier la portée et l’objet, il importe d’éviter tout risque de méprises sur l »étnedue des obligations et sur les dispositions du gouvernement français, méprise dont les conséquences pourraient être innombrables. Je me fais un devoir de bien préciser que toute entreprise, quelle qu’en soit la forme qui, tendent à modifier le statu quoi à Dantzig, provoquerait une résistance armée de la Pologne, ferait jouer l’accord franco-polonais et obligerait la France à porter immédiatement assistance à la Pologne ».

Parfait ! Mais voici qu’à cette note formelle, M. de Ribbentrop riposte à M. Georges Bonnet par une lettre personnelle qui, sous une forme courtoise, n’est qu’un long et formel démenti : « La Pologne, dit le ministre allemand, et les engagements de la France envers elle ? Mais vous ne m’en avez jamais parlé le 6 décembre. » Laissons d’ailleurs la parole à M. de Ribbentrop : « Quant à votre remarque, dit-il, sur la réserve inscrite à l’article 3 de la déclaration franco-allemande, concernant les rapports particuliers de la France et de l’Allemagne à l’égard de tierces puissances, il n’est absolument pas exact que cette réserve implique une reconnaissance de rapports spéciaux de la France à l’égard de la Pologne. Dans les conversations qui ont eu lieu à Berlin et à Paris, lors des négociations préliminaires au sujet de la déclaration (du 6 décembre) et à l’occasion de la signature, il était au contraire parfaitement clair que la réserve se rapportait aux rapports particuliers d’amitié de la France vis-à-vis de l’Angleterre, et de l’Allemagne vis-à-vis de l’Italie. Nous avons notamment lors de nos entretiens du 6 décembre 1938 à Paris, été d’accord pour estimer que le respect désintérêts vitaux réciproques devait être la condition préalable et le principe de l’évolution future des bons rapports franco-allemands. A cette occasion (qu’on note ce passage et qu’on le rapproche de la dépêche Coulondre du 19 mars, que j’ai plus haut citée, à cette occasion j’ai fait remarquer expressément que l’Europe orientale constituait une sphère d’intérêts allemands, et vous avez, contrairement à ce qui est affirmé dans votre note, souligné à ce moment de votre côté que, dans l’attitude de la France à l’égard des problèmes de l’Europe orientale, un revirement radical s’était produit depuis la Conférence de Munich. En contradiction directe avec ce point de vue, établi par nous au début de décembre, se trouve le fait que la France pour contracter avec ce pays des engagements nouveaux renforcés et dirigés contre l’Allemagne. »

C’est bien, n’est-ce pas, un démenti formel que M. de Ribbentrop oppose ainsi à M. Bonnet. Il va sans dire que ce dernier ne l’accepte pas. A son tour, huit jours après, à la date du 21 juillet, il adresse à M. de Ribbentrop une lettre personnelle où il affirme à nouveau qu’au moment des conversations du 6 décembre, il a rappelé à son interlocuteur que la France avait, depuis 1921, avec la Pologne, un traité d’alliance et, depuis 1935, avec l’URSS, un pacte « que, dit M. Bonnet, nous entendons maintenir ». « Je me souviens même, ajoute M. Bonnet, qu’au moment où je vous rappelle les traités qui nous unissaient à la Pologne, vous aviez bien voulu me répondre que ces traités ne pouvaient gêner les relations franco-allemandes, car vos relations avec la Pologne étaient à cette époque excellentes, et je me suis d’autant moins étonné de cette assurance que, trois mois plus tôt, M. le chancelier Hitler, dans son discours du 29 septemebre dernier à Berlin, avait cité l’accord germano-polonais comme un modèle du genre ».

J’ai tenu à rappeler un détail cette polémique épistolaire parce qu’elle vient puissamment à l’appui de ce que je disais tout à l’heure, - à savoir qu’on ne parle jamais assez net et assez clair à un interlocuteur comme l’allemand. Tout m’incline évidemment à penser que, dans ce différend, c’est M. Bonnet qui a raison. Mais, a-t-il, comme je le disais, a-t-il suffisamment mis l’accent sur ces déclarations du 6 décembre à M. de Ribbentrop à propos de la Pologne ? N’a-til pas eu de ces réticences, ou de ces transitions dilatoires, comme celles que l’on emploie parfois dans des conversations qui prennent une tournure délicate, et gênante surtout lorsqu’on est sur le point de signer un papier à sensation et auquel on tient ? N’a-t-il qu’euffleuré, au lieu de le souligner, le contrat qui nous liait à la Pologne et dont la France entendait respecter les obligations ?

Si je hasarde, en ce point, un doute qui n’a rien d’offensant, c’est que l’idée m’en est suggérée par M. Bonnet lui-même. Et voici comment.

De cette fameuse conversation, par la suite si controversée, de décembre 1939 avec M. de Ribbentrop, M. Bonnet a rendu compte, par une dépêche - circulaire du 14 décembre suivant à nos ambassadeurs ou représentants diplomatiques à Londre, Berlin, Bruxelles, Rome, Barcelone et Prague.

Cette dépêche est au Livre Jaune. Relisez-la ! M; Georges Bonnet y relate que la visite de M. de Ribbentrop a fourni l’occasion d’un large échange de vues entre les ministres des Affaires Etrangères de France et du Reich. dans cet échange de vues, M. Bonnet signale qu’il a été question d’une série de sujets - des incidents antifrançais qui viennent de se produire en Italie, de la lutte contre le bolchévisme, de la guerre civile d’Espagne, de la politique française à l’égard de la Russie, de l’attitude générale de la Grande-Bretagne des lendemains de Munich, de la situation en Tchécoslovaquie ! Mazis il n’y a pas un mot de la Pologne ! Pas un mot des déclarations formelles qu’à son sujet M. Georges Bonnet aurait faites à M. de Ribbentrop, et que celui-ci a niées. Le sujet pourtant en valait la peine. Il m méritait une mention. Ici encore, dans ce document, l’accent n’avait pas été mis.

 

Les risques de trop d’habileté

Ce sont ces consignes d’accent, ces imprecisions, ces manques de netteté, qu’il m’est arrivé, parfois, autour de la table du Conseil des Ministres, de reprocher à notre diplomatie. Loin d’être le signe d’un esprit belliqueux, mes remarques étaient au contraire la marque d’un sentiment prévoyant qui, pour reprendre l’expression même de M. Georges Bonnet, redoutait que des « méprises dont les conséquences pouvaient être redoutables », des male ntendus, des équivoques, des préjugés résultant d’un langage insuffisamment clair, d’une attitude insuffisamment nette, pussent conduire sur le chemin de la guerre. Notre diplomatie a commis, à mon sens, depuis fort longtemps, la longue erreur de croire que le suprême de la prudence et de l’habileté, c’est de toujours louvoyer, de lâcher le fer de l’adversaire, et de rompre en risquant de lui laisser ordre qu’on fuit. La diplomatie n’est pas nécessairement une technique d’escrime. Ou du moins, elle doit retenir de celle-ci, de temps en temps, la formule des coups d’arrêt, secs et durs, au moment bien choisi. Ayant beaucoup vécu, et beaucoup voyagé, beaucoup étudié surtout les évolutions de notre politique extérieure, j’ai été longtemps frappé par le manque de vertèbre de notre action diplomatique, et l’erreur qu’elle commettait en professant que la franchise catégorique valait moins que le machiavélisme des duplicités ou le silence des timidités. En croyant ainsi ménager les risques, on courait au-devant de tous. Si c’est êcher que de penser et d’agir avec droiture, il a dû souvent m’arriver de commettre ce pêché, avec la pensée, que je n’ai pas abdiquée, qu’un langage ferme et clair pouvait dissiper l’atmosphère de chantage à la peur dont on essayait trop souvent de nous envelopper, et en nous menaçant des fureurs irrésistibles du peuple allemand.

 

En témoignage

Et si j’avais besoin de m’en excuser, de m’en justifier, c’est encore dans ce Livre Jaune, publié par les soins et sous le contrôle de M. Georges Bonnet, que je trouverais le document qui me justifie. J’y découvre, en effet, à propos de l’opération de Munich, la preuve, d’abord que parler ferme avec l’Allemagne pouvait influencer pour la paix le moral hésitant du peuple allemand, la preuve ensuite que le fait de ne pas parler ferme ouvrait fatalement la porte à de nouvelles ambitions des meneurs du nazisme.

Je trouve tout cela dans une dépêche de M. François Poncet, notre Ambassadeur à Berlin, en date du 4 octobre 1938, - quatre jours après l’accord de Munich.

Dans cette dépêche, M. François Poncet constate que cet accord a été accueilli, en Allemagne, avec l’immense soulagement d’une population qui était, dans la crainte de la guerre imminente « au comble de l’anxiété ». ce qui prouve bien, par parenthèse, que M. Hitler bluffait en affirmant que tout son pays était derrière lui et ne demandait qu’à en découdre. et d’ailleurs, à cet égard, M; François Poncet ne nous laisse pas de doutes sur le manque d’enthousiasme de la masse allemande pour cette guerre : « Si l’on excepte quelques fanatiques, écrit-il, bien peu d’allemands estimaient que les Sudètes valussent les risques d’une guerre européenne. La masse du peuple ignorait tout des Sudètes : elle n’avait nullement conscience qu’ils aient jamais appartenu au Reich : elle ne s’intéressait guère plus à leur sort qu’à celui des allemands de Roumanie. Elle se serait fort bien accommodée d’une expédition punitive contre la Tchécoslovaquie, mais elle eût certainement préféré abandonner les Sudètes que de voir le monde entier se dresser contre l’Allemagne. Il s’en faut donc de beaucoup qu’au moment où le conflit germano-tchèque menaçait de tourner au drame européen, on ait constaté en Allemagne l’atmosphère fiévreuse et agressive d’août 1914. c’est certainement sans enthousiasme que le peuple allemande aurait suivi son Führer dans une guerre générale. »

La suite de la même dépêche apporte d’autre part le sentiment de notre ambassadeur sur les réactions diverses de l’opinion allemande, pour les lendemains de Munich. Il y a des milieux raisonnables, dans les hautes sphères politiques, « Même parmi les nazis les plus convaincus et plus influents » où l’on conseille de se contenter des résultats obtenus, de s’accorder quelques répit, de détendre les ressorts économiques et financiers, de recherches un arrangement avec les puissances occidentales.

Mais à côté de ces « raisonnables » il y a également ceux qui proclament « qu’il faut continuer à aller de l’avant, dont l’annexion des Sudètes, à sept mois de l’annexion de l’Autriche, n’a pas calmé les appétits, qui interrogent l’horizon en quête de nouvelles prétentions à formuler, de nouvelles batailles à livrer, de nouveaux objectifs à emporter ». D’où M; François Poncet conclut qu’il est indispensable que les démocraties occidentales tirent des événements dramatiques de la semaine dernière les leçons qu’ils comportent et que tout en continuant à affirmer leur volonté de paix et d’entente, elles ne négligent rien pour combler au plus vite, les lacunes de leurs armements et donner à l’étranger le spectacle du travail, de la cohésion et de la force !

M. François Poncet serait-il aussi, d’aventure, un belliciste ? Dans ce cas, je le suis à sa manière, car je n’ai jamais pensé ou dit autre chose que ce qu’il exprimait sir clairement, et d’ailleurs si prophétiquement.

                                                                                                          Albert Sarraut (1940)

Albert Sarraut fut député et sénateur de l'Aude.

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Fonds Sarraut / ADA 11

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Commentaires

  • Passionnant! On voit la complexité de la politique grâce à Ces lignes, et qu'il existe des politiciens honnêtes. Merci pour cette transcription!

  • Merci Martial, pour cet eclairage passionnant, tres utile et peu connu.

  • Un texte poignant , j' entends la voix de mon père j' étais trop jeune , mais cette lucidité des évènements ,comme un ressac de la mer ,je la ressens bien ! Merci monsieur Andrieu , travail remarquable .

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