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Quand Alphonse Allais parlait de Carcassonne...

En se plongeant dans la lecture de l'oeuvre d'Alphonse Allais, nous avons découvert plusieurs passages consacrés à Carcassonne. Que ce soit dans ses souvenirs ou dans son imaginaire, il semble que l'univers de la capitale audoise ne soit pas étranger au prince de l'humour moderne.

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Alphonse Allais

(1854-1905)

En 1883, Allais écrit dans la revue "Le Chat noir" qui fait la promotion du célèbre cabaret de Montmartre. On croise également dans ce journal la plume de Verlaine et de Richepin ; Allais en devient le directeur en 1886. Ainsi apprend-on qu'il est l'ami d'un certain Charles Cros (né à Fabrezan, dans l'Aude) dont il vient de découvrir l'invention : le phonographe. 

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Le 1er octobre 1887, Alphonse Allais écrit dans le Chat noir, au sujet de son séjour à Carcassonne. La version ci-dessous a été modifiée et publiée dans le Gil Blas, en 1892 :

"Je ne connais pas de spécialités bien notoires à Carcassonne, mais j'y ai rencontré une boue, laquelle aurait pu, très convenablement, figurer dans les sept plaies d'Egypte. Je ne me souviens pas d'avoir jamais contemplé, réunis, tant de boue et si peu de balayeurs. Quant aux balayeuses mécaniques, elles passaient dans un rêve. 

Oh ! la belle boue ! Copieuse, gluante, d'un beau noir, elle était là depuis pas mal de temps. Nul doute qu'elle y soit encore. On m'a montré le monsieur payé pour l'enlevage des boues et ordures. Rien m'ôtera de l'idée que ce gentleman emploie sa subvention à acheter la fange des banlieues de Carcassonne pour l'étaler de nuit sur les artères de cette préfecture.

Le même fonctionnaire est également chargé de l'entreprise des vidanges. Cette devise qu'il a adoptée est peinte sur toutes ses voitures : Omnia labore (Historique). J'ai pris ces deux mots latins pour encouragement, plein de tact, aux constipés de Carcassonne. (un bon sujet pour le prochain Salon de Jean-Paul Laurens)*

Dans le florissant chef-lieu de l'Aude, deux grands spectacles m'étaient réservés : une tentative de décentralisation artistique au théâtre et une séance de boxe et chausson au Conseil général. La décentralisation artistique consistait en un opéra-comique d'un acte, lequel, j'en ai bien peur, n'enlèvera nul prestige à Paris. Je ne peux donner aux lecteurs une idée de la musique, à cause des difficultés typographiques et de la mise en page que cela entraînerait, mais qui m'empêche de faire partager à ces messieurs et dames la joie que j'éprouvai à l'audition du couplet suivant (un des meilleurs de l'oeuvre)

L'amour est beau comme la soie

Il est fin comme le satin.

C'est à mesure qu'on l'emploie 

Qu'on s'aperçoit qu'il est bon teint

La séance du Conseil général fut plus gaie ; c'était un dimanche matin. M. Beverini, un Constans avant la lettre, sur un mot d'un M. Fondi de Niort, crut devoir distribuer à cet élu quelques gifles mêlées de beignes. Le petit malentendu entre M. Constans et M. Laur n'est qu'une pâle imitation de cette scène provinciale. Je n'avais jamais assisté à une séance du Conseil général. C'est très drôle, j'y reviendrai.

Ne quittons pas Carcassonne, sans rendre un double et mérité hommage :

1° A l'hospitalité si cordiale de quelques Carcassonnais amis du Gil Blas.

2° A la beauté (exquise jusqu'à l'éperdition) de la jeune fille blonde du buffet de Carcassonne, laquelle semble encavée d'un Botticelli"

* Allais fait ici un calembour sur le tableau de Laurens "Les emmurés de Carcassonne" (NDLR)

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"Quelle mine d'observations, que le café-concert de province, pour un gaillard de ma trempe ! Le Palais-de-cristal de Marseille n'a plus de secrets pour moi, non plus que l'Eden de Cette. Quant aux Folies-Narbonnaises, c'est comme ma poche que je les connais, et j'ai passé hier une des meilleures soirées de ma vie à Carcassonne, mi-partie à l'Eldorado et à l'Alcazar.*

Au point de vue de l'art pur, je n'irai pas dire que les établissements susnommés, dégottent le concert Lamoureux. Non. Le répertoire, notamment, y est plutôt inférieur, et si l'on excepte Jouy et deux ou trois autres, on se demande avec une stupeur mêlée d'effroi quels sont les sinistres garçons charcutiers qui perpétuent de telles littératures et les aides de bourreau qui les mettent en musique.

* Alphonse Allais fit ici référence à deux cabarets Carcassonnais dans lesquels on donnait des revues, des concerts et des spectacles comiques. Nous avons effectué des recherches afin de retracer leur histoire et leurs emplacements.

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A l'instar de Paris, notre ville possédait donc deux salles de café-concert : L'Eldorado et l'Alcazar. Sur le premier, nous n'avons trouvé que trop d'informations sinon qu'il fut comme le second, dirigé par la famille Feuillat - négociants en vins, rue de Belfort. L'Alcazar, lui, était scindé en deux établissements qui ouvraient en intermittence suivant la saison.

L'Alcazar d'été

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L'Alcazar d'été ouvrait ses portes à partir de la mi-juin jusqu'au début de l'automne. Il était situé à l'angle des rues d'Alsace et de Belfort, dans ce quartier du Palais fréquenté par la bourgeoisie Carcassonnaise. Il possédait un très beau jardin à l'intérieur duquel on entendait les aubades, interprétées par l'orchestre dirigé par Louis Baichère.

L'Alcazar d'hiver

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La grande salle de l'Alcazar d'hiver se trouvait 17, boulevard de la préfecture. M. Feuillat avait à coeur d'y  engager des artistes, considérés par la presse locale comme ayant fait les beaux jours des cabarets parisiens : comiques troupiers, chanteuses réalistes, danseuses exotiques, etc... Carcassonne étant une ville de garnison, il fallait émoustiller le militaire. Très souvent, les voisins se plaignaient de l'agitation et des nuisances sonores dans le quartier. Sans compter, les amendes infligées à la direction pour salle de jeu clandestine. Cette salle sert également pour les meetings politiques ; on y entendra le Dr Ferroul. Rien d'étonnant à cela puisque Jean Feuillat fait partie du conseil municipal, dirigé par le maire Antoine Durand.

En 1901 - une fois le père Feuillat décédé - c'est sa veuve Anne Feuillat qui tint l'affaire avec un gérant nommé Sabot Philibert. Avant la Grande guerre, l'Alcazar d'hiver sera rasé. Sur son emplacement est construit le Modern-cinéma de M. Bonnet ; l'inauguration de la grande salle de projection de 900 places se déroule le 3 juin 1913. Le nom de ce cinéma passera ensuite entre d'autres mains en changeant de nom : La Vox puis Le Boléro. Aujourd'hui, c'est une entreprise de contrôle technique qui occupe les lieux.

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En 1894, Alphonse Allais a 40 ans. Il se plaint d'avoir de moins en moins de chroniques publiées dans le Journal, dirigé par Fernand Xau. Au mois de mars, il demande à son ami Astre, tailleur à Carcassonne, d'écrire à Xau pour s'offusquer " de l'absence trop prolongée des délicieuses fantaisies de M. Alphonse Allais." Voilà une nouvelle preuve que l'écrivain et humoriste possédait des attaches dans notre ville. Dans Le bec en l'air tiré des Oeuvres anthumes - éditées en 1897 - La vaniteuse localité nous apprend que :

"Le seul personnage vaguement notoire originaire de Bizemoy-sur-Loreille était un nommé Poncelet, qui fut gouverneur de Carcassonne sous Henri IV. Malheureusement, ce personnage ayant un beau jour livré la ville à l'armée belge (contre une petite somme d'argent), peut-être ne convenait-il pas de perpétuer la mémoire de ce gentleman dont, d'ailleurs, la femme avait eu une fâcheuse tendance à se mêler de ce qui ne la regardait pas."

Nous espérons que les recherches de ce blog vous satisfont, autant que nous prenons du plaisir à vous les transmettre...

Sources

Alphonse Allais / Oeuvres anthumes / 1897

Alphonse Allais / Oeuvres posthumes

La presse locale

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Commentaires

  • Martial, je suis très régulièrement votre blog qui m'apprend beaucoup de choses sur ma ville natale, mais je pense que vous auriez pu vous dispenser de cet article qui n'ajoute rien à la connaissance de Carcassonne. L'humour obsessionnel d’Alphonse Allais autour de la boue et de la merde ne me passionne pas, d'autant plus qu'il en allait de même dans toutes les petites villes de province à l'époque et ses commentaires sur les manifestations artistiques ou de loisir emplis de mépris quant à leur qualité me donnent la nausée. En ce qui me concerne je ne suis nullement sensible à l"humour" de M. Allais et il ne me semblait pas bienvenu d'évoquer ce personnage imbu de lui même à propos de Carcassonne.

  • Enfin un peu d'humour sur notre ville.
    Même si la boue des rues n'a plus cours, Allais dénoncerait certainement qu'aujourd'hui, la plupart est dans un triste état...

  • Pierre,
    bien entendu je ne suis pas du même avis que vous. En gros, votre commentaire appelle la réflexion suivante : "Doit-on parler de tout ? " En ce qui concerne ce blog, vous avez pu observer que depuis sa création, il a pris parfois des risques à évoquer certains sujets sensibles. Tout dépend de la forme et de la présentation...
    Vous dites ne pas être "sensible à l'humour de M. Allais" ; ceci est tout à fait respectable, mais faudrait-il que je prive les autres lecteurs de ce sujet, si d'aventure moi-même - comme vous - je ne partageais pas cet humour-là ?
    Il est évident que les aventures de M. Allais n'ont rien de très passionnantes dans notre ville et, j'en conviens, que Carcassonne ne devait pas faire exception en matière de boue. Toutefois, j'ai voulu montrer qu'il avait des amitiés et des relations dans cette ville. Avec qui ? Achille Astre, Achille Laugé, Achille Rouquet ? Tous ces audois qui fréquentaient le Paris de la Belle époque et qui y avait fondé une association...
    Je l'ignore - pour le moment - mais peut-être qu'un intervenant nous écrira pour confirmer ces hypothèses. Peut-être que cela donnera l'idée à un chercheur pour une conférence ou un sujet d'étude universitaire.
    Alors si effectivement, je ne devais parler que de ce qui valorise Carcassonne... je tomberais facilement dans le copier-coller des travaux sur Joe Bousquet, René Nelli, etc... Quel intérêt que de repasser - avec moins de talent - dans les pas d'universitaires de haut vol ?
    Avec mes capacités et aussi, je pense quelques qualités, je préfère m'en tenir à sortir des sentiers battus et rabattus. Donner à réfléchir et aussi à s'indigner, comme vous le faites avec justesse.
    Alphonse Allais a écrit en son temps des diatribes à l'humour grinçant dans des journaux qui feraient passer aujourd'hui "Charlie Hebdo" pour le journal de Mickey. Il faut replacer tout cela dans le contexte d'une fin de XIXe siècle où la caricature était assassine. D'ailleurs, ne faut-il pas y voir de nos jours une régression de la liberté d'expression ? Je le crois. Citons Voltaire : "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je ferai tout pour que vous puissiez le dire."
    En suite, il y a un autre aspect que j'ai souhaité faire valoir... Le récit de M. Allais m'a permis d'évoquer le souvenir des cabarets de Carcassonne : Eldorado et Alcazar. Ces établissements avaient été cités dans un livre de M. Bonnet, mais sans toutefois pouvoir préciser leur lieu et leur affectation. Là, à force de recherches nous avons donné une information qui ne manquera pas à l'avenir d'être reprise par quelques historiens - qui me critiquent - mais qui seraient bien embêtés si je devais un jour, ne plus leur servir la soupe.
    Tout ceci - ce n'était pas le but de votre objection - me demande beaucoup de temps et de patience afin de rassembler mes conclusions dans un article cohérent. Tout mon loisir passe dans ce blog. J'étais encore avant hier à la médiathèque de Limoges pour trouver ces écrits d'Alphonse Allais. J'ai passé des heures à feuilleter les journaux de l'époque.
    Je sais que là n'est pas votre questionnement et que vous êtes sensible à ce travail de stakhanoviste. Je devais répondre à votre intelligente objection et je vous remercie de m'avoir permis d'y répondre.
    Très cordialement
    Martial Andrieu

  • bonjour, nous savourons Monsieur MIR l'esprit des lettres bavassant carcassonne.. Gustave Nadaud "il ne faut pas mourir sans avoir vu carcassonne" partie de notre économie touristique ; la lettre du Sénateur Maurice Sarraut recommandant silence de maladie à un de ses amis fortement alité après un séjour à carcassonne -blog de martial andrieu - et enfin, si vous êtes de la famille d'Achille Mir, je vous renvoie à l'article de Claude Marquié "la dépêche du 18 novembre 2001" for savoureux et dont j'ai retenu le "s'ai pas de bi me faut rapisto, sans bi podi pas pus tchiarra du sieur Mir. md

  • Bonjour aux bretteurs en tous genres. Merci à Martial Andrieu pour cet article sur Alphi et Carcassonne; Je fais parti de l'association des amis d'Alphonse Allais et je fais suivre cet article à Philippe Davis qui en est le président. C'est un petit joyau pour nous. Merci encore et bonne journée Monsieur Andrieu.

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