Ce nom n'évoque aujourd'hui rien à la grande majorité des carcassonnais. Si une avenue de Villalbe ne portait pas son nom, l'histoire aurait injustement oubliée cette femme exemplaire. Institutrice, résistante et finalement première femme audoise à accéder à une fonction élective au sein du conseil municipal en 1947, c'était une personne aux convictions en acier trempé. Militante de la justice sociale, des libertés, de la laïcité, de la condition des femmes et de la lutte contre le fascisme.
Philomène, Catherine Bataillé dite Philippine (au centre) née à Carcassonne le 14 novembre 1886 est la fille d'un vannier. Elle se marie à Brézilhac dans l'Aude en 1908 et la grande guerre vient lui arracher trop tôt l'affection de son époux. D'abord institutrice à Villegly, elle est ensuite nommée à l'école de la cité de Carcassonne. Stricte et sévère pour elle-même comme pour ses élèves, tous lui reconnaissent ses grandes qualités d'éducatrice. Après la guerre de 14, les jeunes instituteurs estimant que leur rôle social était de travailler au milieu des ouvriers créèrent un syndicat (illégal) des instituteurs: le SNI. En 1924, elle adhère à ce syndicat et en 1940, elle en devient le secrétaire général par intérim. En 1926, elle avait été élue secrétaire départementale par 504 voix sur 530 votants.
Dès 1934, elle appartient au comité antifasciste. Mise à la retraite pendant l'occupation, elle ne restera pas inactive. Elle s'engage dans la résistance sous le nom de "Rose" et collecte des fonds pour venir en aide aux familles de maquisards privés de leurs salaires. Une opération délicate en cette époque troublée.
"Beaucoup de ces tickets m'ont permis de ravitailler le camp d'internés de Saint-Sulpice"
Se trouvaient dans ce camp des communistes et syndicalistes "individus dangereux pour la défense nationale", des russes puis des juifs étrangers qui seront déportés vers les camps de la mort.
Durant l'occupation, elle collecte des fonds pour aider les familles dont les hommes sont partis dans le maquis combattre les allemands.
Elle appartient ensuite au Comité départemental de libération et est décorée en 1945 de la médaille de la résistance.
Philippine Crouzat était membre de la section socialiste de l'Aude depuis 1924, lorsqu'elle est présente sur la liste pour les élections législatives en 1945 puis de juin et novembre 1946 (dernière de la liste S.F.I.O). Elle devint ainsi la première audoise à briguer un mandat parlementaire. Le 19 octobre 1947, elle est élue conseillère municipale de Carcassonne.
P. Crouzat que l'on voit ici inaugurer l'agrandissement de l'école du hameau de Villalbe le 10 mai 1952, était devenue adjointe au maire chargée de l'action sociale depuis 1950. On reconnaît à gauche au premier rang, le maire M. Itard-Longueville. Elle occupa cette fonction élective jusqu'en 1965.
En 1957, elle reçoit la Légion d'honneur
Le maire de Carcassonne, Jules Fil, lui remet la légion d'honneur
Philippine Crouzat repose depuis le 16 août 1974, après 88 années d'une vie bien remplie, dans le petit cimetière du hameau de Villalbe.
La maison de Philippine Crouzat à Villalbe, dans l'avenue qui porte son nom. Dommage qu'aucune plaque n'indique qui était cette grande dame.
La mairie devrait changer le panneau et inscrire :
Philippine Crouzat
1886-1974
Résistante
Maire-adjointe de Carcassonne
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