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juifs

  • Les Juifs à Carcassonne au Moyen-âge

    Comment vivaient au Moyen-âge les nombreuses colonies juives répandues en Languedoc et particulièrement à Carcassonne ? Nous emprunterons à Fédié, à Michelet et à Cros-Mayrevieille la synthèse qui va suivre.

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    © idixa.net

    Enluminure représentant le portage de la Torah

    Les juifs ont été longtemps rejetés et souvent considérés comme le bouc émissaire de nombreux problèmes. Si un fléau fondait sur une ville, si l'invasion menaçait le territoire, c'étaient les Juifs que l'on rendait responsable des malheurs du pays.

    D'après les statuts d'un synode tenu à Carcassonne en 1269, confirmé par le concile de Narbonne de 1351, ils ne pouvaient paraître en public qu'avec un justaucorps blanc sur lequel figurait une marque consistant en une pièce de couleur jaune. Les hommes la portait sur la poitrine et les femmes, sur la tête. A ce titre, les nazis n'avaient rien inventé. Néanmoins à Carcassonne et particulièrement sous la dynastie des Trencavel, leur sort fut bien moins sévère que dans d'autres villes. On les admettait dans certains emplois comme celui de mesureur public assermenté. Les Consuls leur avaient concédé quelques libertés comme celle d'ouvrir des écoles pour leurs enfants. La chronique nous apprend qu'ils avaient un petit collège de rabbins où les jeunes lévites apprenaient le Talmud et les autres livres sacrés. 

    Au Moyen-âge, certains conservaient à l'endroit des Juifs les préventions les plus graves.  On les accusait d'avoir contribué au XIIIe siècle avec les chefs Sarrasins, au pillage du trésor des Wisigoths provenant du temple de Salomon. Conservé dans les souterrains de la Cité, on pensait que les Juifs avaient cherché à reconquérir les richesses ayant appartenu aux chefs hébreux dans les temps bibliques. 

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    Carcassonne en 1462

    L'élément Juif mêlé à l'élément arabe, dit Michelet, était puissant en Languedoc qu'on "appelait la Judée de la France". "Maltraîté parfois, mais toléré à Carcassonne, Nîmes, Montpellier et Narbonne." Cros-Mayrevieille dans son histoire du Comté de Carcassonne, nous dit que en 721, l'armée d'invasion des Sarrasins comptait, outre les Arabes et les Berbères, une foule de soldats et brocanteurs juifs qui trouvèrent à Carcassonne, une colonie riche et puissante, et leurs coreligionnaires dans la Cité. Il y a donc lieu de croire que c'est à partir de la conquête de la Gothie par la Sarrasins que les Juifs "déjà puissants dans la Cité", formèrent à Carcassonne une colonie encore plus importante. Outre leur contingent de soldats, c'est surtout comme 'trafiquants" qu'ils étaient venus. Ils s'étaient fait les racoleurs des soldats qui marchaient sous l'étendard du prophète. Puis, une fois le pillage terminé, ils s'étaient trouvé là pour acheter à petit prix le butin : vases sacrés, reliquaires... Tout ce qui constituait l'immense trésor religieux : tentures, étoffes de luxe, bijoux provenant du château et des demeures de riches bourgeois.

    Les soldats Sarrasins cédaient à vil prix aux "mécréants" juifs, ces dépouilles qui ne coûtaient pas grand chose. Autre source de profits pour les Juifs : le commerce des esclaves. Quand les Sarrasins s'emparaient d'un bourg, ils passaient au fil de l'épée les habitants, sauf les jeunes filles et quelques adolescents vendus aux Juifs pour être transportés aux barbaresques. Un marché très florissant...

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    Plus que le trésor de Salomon, ce trafic fut lent à s'effacer dans la mémoire collective. La haine des Juifs allait perdurer et parfois encore dans les familles, nous en entendons des choses... Il n'y eu jamais à Carcassonne de mélange entre les Juifs et les populations du Languedoc. A chaque crise sociale, les coupables furent toujours désignés. On accusait également les Juifs de sorcellerie et de magie, parce qu'on avait trouvé chez les rabbins ou les israélites savants des écrits appelés grimoires. C'était presque toujours des extraits du Talmud ou de la Kabale. Ils étaient tracés en hébreux enjolivés de lettrines d'azur et de carmin et enluminés d'hiéroglyphes. Souvent au lieu de papyrus, ils étaient faits de parchemins réalisés avec des peaux d'agneaux, préparés par les mégisseries de Carcassonne.

    Sources

    Petite histoire de la vicomté de Carcassonne / J-P Gros-Mayrevieille

    Histoire de France / Jules Michelet / Tome 2

    Jean Fourès

    Notes et synthèse / Martial Andrieu

     

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017

  • Dénoncés et raflés, les juifs de Carcassonne sont morts à Auschwitz

    Ils étaient tailleurs, bijoutiers, comptable, épiciers, propriétaires viticoles ; installés à Carcassonne depuis longtemps ou réfugiés. Ils avaient une vie de famille et des enfants ou célibataires ayant changé leurs noms à consonance étrangère, pour fuir l'implacable chasse au juif lancée par les nazis et l'État Français. Certains de nos parents les ont peut-être croisé dans la rue ou à la boulangerie car c'était des gens comme eux. Et pourtant... ils ont été dénoncés par des Carcassonnais, raflés par des allemands, envoyés à Drancy et déportés vers le camp d'extermination d'Auschwitz. Cette triste histoire commune à tous les juifs, nous la connaissons tous à travers les livres histoire, les documentaires télévisés, les films. Parfois même, elle nous paraît si lointaine et d'une telle ampleur que notre conscience ne voit plus que des chiffres et des statistiques. Il est difficile alors de se rendre compte de l'effroyable vérité lorsqu'elle ne touche pas de près. C'est bien pour cela qu'en épluchant les archives de l'Aude sur l'occupation, j'ai trouvé des noms dans des fiches d'arrestations. J'ai mené l'enquête afin de retracer leur terrible parcours et redonner un peu vie à leur existence réduite en cendres. Il y a tant de familles qui ont tout perdu de leurs oncles, tantes, cousins. Alors si par cet article et en exhumant les archives, je peux leur rendre ce service, ce sera ma petite contribution à ce qu'ils ne tombent pas dans l'oubli...

    Opérations des arrestations

    Les familles de confession juive l'ont toute été grâce à la complicité de dénonciateurs, d'enquêteurs de la Gestapo et de Miliciens. Dans la hiérarchie des responsabilités, on peut nommer : Obertleutenant Dr Fritz Schmidt (chef de la Feldgendarmerie), Oskar Schiffner (Chef de la Gestapo), René Bach (Interprète du SD), SS Franz Schienberk (chauffeur de la Gestapo), SS Karl Wenzel, SS A. Hoffmann. La rafle la plus importante dans Carcassonne et son agglomération, a été opérée le 18 mai 1944. Internement à Drancy puis transport 75 en direction d'Auschwitz. Dans ce dernier, il y avait plus de 1000 adultes et 112 enfants. Ils ont été gazés dès leur arrivée au camp, le 4 juin 1944.

    Transport 62

    Médioni Albert, Léonce né à Constantine (Algérie) le 1er juillet 1899 de David et Anna Bensimon. Marié, une fille. Résidait comme propriétaire viticole à Leuc (Domaine Saint-Charles) et 4 rue des Calquières à Carcassonne. Les allemands sont venus l'arrêter chez lui, le 30 août 1943. Interné à Drancy puis déporté à Auschwitz où il a été assassiné le 20 novembre 1943.

    Lévy Charles né à Ain Temouchkent (Algérie) le 14 février 1907. Marié, un enfant. Comptable à Saint-Denis (Aude). Arrêté le 3 septembre 1943 vers Drancy. Assassiné à Auschwitz le 20 novembre 1943.

    Cahen-Salvador Jean, Georges.Né à Paris le 25 décembre 1908. Conseiller à la Cour des comptes. Ex-candidat au Conseil d'état révoqué par Vichy en raison de sa religion juive. Arrêté à Carcassonne le 2 septembre 1943, où il résidait 13 rue de la Préfecture. S'échappe du convoi 62 en direction d'Auschwitz et se réfugie en Suisse. Conseillé d'état en 1956 puis Chef de cabinet de Michel Debré. Il est décédé le 25 avril 1995.

    Transport 75

    Bloch Louis, né le 2 juin 1893 à Paris (10e). Marié, résidait 31 rue du port à Carcassonne. Arrêté le 18 mai 1944. Déporté le 30 mai 1944 de Drancy à Auschwitz. Assassiné le 4 juin 1944.

    Wolber Pauline, née le 12 juillet 1897 à Zürich (Suisse), mariée 3 enfants. Résidait 9 rue de la mairie à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944. Déportée le 30 ami 1944 vers Auschwitz. 

    "Le 8 mai 1944, Oscar fut libéré et revint chez ses parents, où il n'eut pas la joie d'être longtemps près d'eux. Dix jours après, ceux-ci étaient pris par la Gestapo. Oscar eut la chance de ne pas être présent à ce moment-là. il partit pour Toulouse où il réussit à se cacher en travaillant dans une usine de métaux qu'il quittait le 19 août pour prendre les armes et participer à la libération de Toulouse. Il resta dans la résistance jusqu'à début novembre, où une maison de gros le demanda pour l'employer dans des conditions excellentes. Il fit de nouveau une demande de carte professionnelle qui lui fut encore refusée."

    (Oskar Wolber - Musique et patrimoine)

    Wolber Sigismond, né 14 novembre 1885. Tailleur. Résidait avec son épouse et ses 3 enfants, 9 rue de la mairie à Carcassonne. Arrêté le 18 mai 1944. Déporté le 30 mai 1944.

    Dreyfus Suzanne, née le 17 mai 1892 à Colmar (Bas-Rhin) d'Abraham et de Marie Lévy. Résidait 65 route de Montréal à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944. Déportée et assassinée à Auschwitz.

    Dreyfus Sylvain, né le 5 janvier 1886 à Colmar (Bas-Rhin). Résidait avec sa soeur 65 route de Montréal à Carcassonne. Déporté le 30 mai 1944 à Auschwitz et assassiné.

    Opazinski Hélène, née le 7 Septembre 1885 à Paris (4e). célibataire. Résidait 36 rue de la République à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944 et déportée à Ausxhwitz le 30 mai 1944. Assassinée le 4 juin 1944.

    Opazinski Fanny née Turkeltaub, née le 26 juillet 1902 à Vlotzlavek (Russie). Résidait 36 rue de la République à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944 et déportée le 30 mai 1944 à Auschwitz. Assassinée le 4 juin 1944.

    Schneyder Henri, né le 30 décembre 1884 à Paris. Célibataire. Résidait 6 rue Chartran à Carcassonne. Arrêté le 18 mai 1944 et déporté le 30 mai vers Auschwitz. 

    Marcovici Manus, né le 23 mai 1886 à Buzan (Roumanie). Bijoutier. Réfugié de Nice, il résidait à Capendu (château des lierres) avec sa femme et ses quatre enfants. Ils ont été arrêtés le 18 mai 1944. Déportés à Auschwitz.

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    © Robert Marcault

    Selon le site ajpn.org, Manus Marcovici avait été naturalisé français il y a vingt ans. Il vivait avant la guerre, 25 rue d'Angleterre à Nice. Réfugié à Capendu (Aude) au château des lierres avec son épouse Paule, née Gommes-Casseres et ses quatre enfants : Edgar (18 ans), Robert (15 ans), Mireille (13 ans) et Claude (6 ans).

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    Mireille Marcovici

    © Robert Marcault

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    Claude Marcovici

    © Robert Marcault

     Dénoncés parce que juifs, ils sont arrêtés le jour de l'ascension avant le repas de midi, resté sur la table. Son épouse et ses filles sont emmenées sans ménagement dans un berline encadrées de SS. Manus et ses fils, menottes au poignet, seront conduit à travers le village jusqu'à la gare de Capendu. Ils se verront pour la dernière fois sur la rampe de sélection de Birkenau. Seul Edgar et Robert reviendront ; ce dernier ne pèse que 35 kg. Il sera recueilli par le maire de Capendu, le Dr Laffont, qui lui réapprendra à vivre...

    Note du blog

    Selon des statistiques publiées dans le livre de Julien Allaux "La seconde guerre mondiale dans l'Aude" se seraient 38 personnes de confession juive qui auraient été arrêtées dans le département et déportées. On indique que certaines ont été comptabilisées plusieurs fois en raison de leur changement de camp. Selon, une liste que j'ai découverte aux archives il est indiqué que 21 juifs étrangers ont été arrêtés. Voyez la difficulté d'établir un recensement précis, c'est pour cela que j'ai décidé de diffuser ce que j'avais découvert. Retenons que dans notre ville et nos villages et à la vue de tous, des familles entières ont été décimées à cause de leur religion ou parce qu'elle n'étaient pas françaises. 

    Sources

    Archives de l'Aude

    db.yadvashem.org

    apjn.org

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