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pédron

  • Ce concierge du théâtre municipal qui chantait la Traviata de Verdi

    C'est en 1936 que M. Pédron et son épouse entrent comme concierge au théâtre municipal de Carcassonne. Depuis un an, ce nouveau lieu scénique inauguré par Paul Valéry a fière allure. Il offre surtout toutes les commodités aux artistes et au public de cette salle pouvant accueillir 800 personnes. A cette époque, le théâtre ne fonctionne pas en régie municipale. Nommé par le conseil municipal, le directeur bénéficie de l'exploitation du lieu de spectacle en concession pour un bail renouvelable. C'est-à-dire qu'il engage une partie de ses fonds personnels dans la programmation. Autant dire qu'il n'a pas le droit de se tromper... Messieurs André Valette de Marseille et Jean Alary de Carcassonne, occuperont ces fonctions durant toute la carrière de M. Pédron comme concierge. Et pendant ces longues années, cet homme modeste ne cessera de consulter, d'étudier et d'entendre l'ensemble du répertoire lyrique. Ceci, jusqu'à devenir une véritable encyclopédie et à coller le plus expérimenté des musicologues.

    Joseph Pedron Concierge du Théatre en 1972.jpg

    © Droits réservés

    Joseph Pédron en 1972

    Dans les premières années de sa carrière, M. Pédron avait été l'un des membres fondateurs d'une association qui faisait parler d'elle : "Les amis de l'art lyrique". A Carcassonne, comme dans l'ensemble du sud de la France, le public d'opéra et d'opérette était un fin connaisseur. Il pouvait se montrer même avare d'applaudissements dans le meilleur des cas, ou se rendre maître des huées. Il n'y a qu'à se plonger dans les souvenirs du théâtre du Capitole de Toulouse... Ce public qui assistait en masse et régulièrement aux représentations lyriques, se distinguait de celui des "Galas Karsenty". On ne se mélangeait pas entre mélomanes et amateurs du théâtre de boulevard. Les places les moins chères situées aux secondes avaient la préférence des aficionados. C'est là que l'on rencontrait la partition à la main, guettant le moindre couac du chanteur, ceux qui ne transigeaient pas avec la tradition. Du pigeonnier appelé aussi le paradis, l'acoustique était excellente. Tant et si bien que certains n'avaient rien à faire de la mise-en-scène. D'ailleurs le plus souvent, elle se résumait à un placement dans l'espace ; le chanteur après son air venait saluer le public. De nos jours, c'est l'inverse... 

    Fernandel 1970. Carcassonne.png

    © Paul Thomas

    M. Pédron à gauche, avec Fernandel en 1970

    Joseph Pédron avait donc acquis au fil des années, une connaissance redoutable de l'histoire de l'opéra. La vie de Bohème de Puccini jouée pour la première fois, se souvenait-il, le 1er avril 1896, était son ouvrage de prédilection. Eh ! oui. Aujourd'hui, on dit "La bohème" car on le chante dans sa langue originale. Autrefois, les chanteurs interprétaient tous les opéras en français. Cela donnait des traductions un peu bizarre. De plus, "La vie de Bohème" est l'adaptation théâtrale de la pièce d'Henri Murger dont est tiré cet opéra. Joseph Pédron retint l'interprétation parfaite à Carcassonne de Lakmé (Léo Delibes) et de Faust (Gounod). Dans ce dernier figurait l'excellente Suzanne Sarroca dans le rôle de Marguerite : "Impossible de trouver une femme qui chante mieux le rôle" disait-il. Quant à son ténor favori, c'était Tony Poncet : "Maintenant... faut pas le regarder jouer. Il est petit, presque difforme. Mais du point de vue vocal c'est la plus jolie voix que nous ayons. En plus de ça, c'est un véritable phénomène : c'est le seul ténor au monde qui soit capable de donner un contre-ré de poitrine."

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    Tony Poncet

    Lors des représentations d'opéras, Joseph Pédron se tenait dans les coulisses. Après avoir fermé sa caisse, il se faufilait mais ne craignait pas de perdre le fil de l'ouvrage. S'il avait raté le premier acte, il le connaissait par cœur. Parfois, Jean Alary lui demandait conseil : "Pour Faust, c'est moi-même qui ai fait pression auprès d'Alary pour qu'il prenne Michel Lance."

    Pédron

    © Coll. Martial Andrieu

    La veuve joyeuse en 1947 au Théâtre municipal de Carcassonne

    Un jour, un ténor nommé Tarbal et qui jouait dans l'opérette "Train de luxe" voulut tester l'érudition de M. Pédron. Comment s'appelait le ténor qui avait chanté le rôle dans "Le pays du sourire" de Franz Léhar pour la première fois ? Richard Tobber, répondit le concierge. Exact ! rétorqua le ténor. A ce jeu là, l'impétuosité de l'artiste n'allait pas durer... Comment s'appelait le ténor qui chantait "Werther" de Massenet pour la première fois ? M. Pédron un peu agacé, le retourna la question. Le ténor, croyant s'amuser du manque de réponse du concierge, affirma que c'était Hibos. Non ! Monsieur, rétorqua Pédron , très sûr de lui. Werther a été joué pour la première fois, le 16 février 1892 au Théâtre impérial de Vienne. Le ténor s'appelait Van Dyck, la chanteuse Renard et le baryton Heint. Quant à Hibos, il l'a chanté pour la première fois en France le 11 janvier 1893 au Théâtre du Châtelet à Paris. Le ténor tenta de se rebiffer voyant qu'il perdait la face : "Ce n'est pas vrai.." M. Pédron, le coupant : "Chut ! moi, je n'avance rien sans preuve." Et livre en main, M. Pédron a eu raison de son petit ténor, un peu trop sûr de lui-même.

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