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Où est passée la plaque en hommage à Joseph Fortunat Strowski, rue Armagnac ?

 Par délibération du Conseil municipal de Carcassonne en date du 26 décembre 1952, la ville de Carcassonne décida d'honorer la mémoire de Fortunat Strowski et de Joë Bousquet. Elle fit apposer deux plaques : l'une, rue de Verdun sur la maison du poète J. Bousquet et l'autre, au 22 rue Armagnac sur la maison natale de Fortunat Strowski. Cette dernière a été déposée de la façade sur laquelle elle se trouvait par l'actuel propriétaire en 2014 ; jamais depuis elle ne retrouva son emplacement.

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C'est le dimanche 11 mai 1954 qu'eut lieu l'inauguration de cette plaque, en hommage à l'académicien natif de Carcassonne. Ce jour-là une foule d'anonymes et de personnalités s'étaient massées au pied du 22 rue Armagnac afin d'honorer la mémoire de l'écrivain décédé le 11 juillet 1952 à Neuilly-sur-seine. Parmi les notabilités, on notait la présence de MM. Merlaud (Chef de cabinet du préfet), Jules Fil (Maire), Clément (Directeur de l'enseignement primaire), Commandant Larche (Gendarmerie), Vidal (Proviseur du lycée), Garnon (Chef de la sûreté), Descadeillas (Bibliothécaire), Sablayrolles (Syndicat d'Initiatives), Chanoine Degud (Directeur de l'enseignement diocésain), Callat (Chambre de Commerce), Delpech (Secrétaire général de mairie), Jean Lebrau (Poète), le conseil municipal et la famille Strowski.

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Joseph Fortunate Strowski

La famille Strowski, française avant la lettre, s'était mise au service de la France dès 1797. C'est à cette époque que François Strowski, seigneur de Leuka, né en 1772 à Siédlec s'engagea dans les légions polonaises au service de la France. Il participa aux campagnes d'Italie et d'Espagne où il connut la charge célèbre de Somosierra au cours de laquelle les lanciers polonais de l'armée de Napoléon enlevèrent le passage qui, par le col de Somosierra, faisait communiquer les deux Castilles et les bassins du Tage et du Damo. C'est grâce à cette campagne que François Strowski reçut la légion d'honneur par décret de Napoléon 1er. Chef d'escadron puis lieutenant-colonel au 17e régiment de cavalerie polonaise - lancier du colonel Conte Tyszkiewiez - il participe à la campagne de Russie et connaît le calvaire de la retraite en 1812, à la suite de laquelle son régiment est interné au Danemark. Après la chute de l'empereur, l'aïeul de Fortunal Strowski rentre en Pologne où il promu général dans l'armée autrichienne en 1825 ; il meurt en 1842.

Fortunat Adalbert Cyprien Alexandre, père de Fortunat et fils du colonel de l'empire, est né le 17 avril 1828 à Siedlec. Il fut élève du Gymnasium de Navo-Sandec avant d'être élève-officier de l'école militaire de Neustadt, près de Vienne, d'où il s'échappa en 1848 pour participer à l'insurrection polono-hongroise de Kossuth contre l'Autriche et la Russie comme officier d'état-major dans l'armée de général Bem. Sans doute a t-il connu les succès de Chlopicki et les glorieux combats de Grochow et d'Ostrolenka, mais ressentit profondément la prise de Varsovie et l'annexion de la Pologne par la Russie. Pris avec la reddition générale des troupes hongroise et polonaises, il réussit à s'enfuir et à regagner la France. Ce fils d'un officier des armées de Napoléon 1er se vit faciliter les formalités administratives de installation en France. C'est dans notre pays qu'il se fixa et où il exerça le métier d'enseignant. Il sera nommé au lycée de Carcassonne le 8 février 1861 et s'y installera le 25 du même mois.

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Acte de naissance (11 mai 1866) de Joseph Fortunat Strowski

En 1866, année de naissance de Joseph Fortunat, la famille logeait au second étage du 20 rue du Port (actuel, 22 rue Armagnac). Selon le recensement, il y avait là son père (professeur d'Anglais au lycée), son mère Adélaïde, sa sœur Hedwige († 6 janvier 1868 à l'âge de 5 ans) et Eulalie Mauriès (fille de service). Au mois d'octobre 1869, la famille Strowski quitte Carcassonne pour Mont-de-Marsan. C'est dans cette ville que la guerre de 1870 mobilise le père de Fortunat, comme capitaine dans la Garde nationale. Il fonde le journal "Le Républicain Landais" et milite en faveur de l'établissement du régime républicain. Le 16 mai, il est invité à cesser la publication de son journal ainsi que toute activité politique.  Il meurt le 22 juin 1885 à l'âge de 56 ans ; son fils n'a pas encore 19 ans. Fortunat ne laisse pas décourager, il entre à l'Ecole normale supérieure et est agrégé à 22 ans.

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L'ami de Jean Jaurès

C'est à Albi que le jeune Carcassonnais débute sa brillante carrière. Nommé professeur de réthorique, il rencontre Jean Jaurès avec qui il se lie d'une solide amitié. Nommé à Montauban en 1890, il se marie l'année suivante avec Mlle Germaine Mérens, native de Toulouse. Professeur au lycée de Nîmes, il est docteur es-lettres en 1897 après une soutenance de thèse sur Saint-François de Sales. C'est ensuite le lycée Lakanal et la faculté de lettres de Bordeaux qui l'accueillent, alors que la Sorbonne lui ouvre ses portes en 1910, succédant à la chaire de l'éminent critique Emile Farguet. 

En 1926, il est élu membre de l'Académie des Sciences morales et politiques dont il président en 1938. Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Paris en 1930, il a été maintes fois délégué de la France auprès de pays étrangers. C'est ainsi qu'il fut désigné par la direction de l'Enseignement supérieur  pour plusieurs périodes à la célèbre université de Columbia. Au mois de mai 1940, en pleine tourmente, il est envoyé au Brésil pour la fondation de la Faculté nationale de philosophie de l'Université de Rio de Janeiro jusqu'en 1947. C'est pendant cette période qu'il publie "La France endormie". Ses missions à l'étranger furent nombreuses. Il fut l'ambassadeur  des lettres françaises en Belgique, en Norvège, à Rome, en Hongrie et en Pologne où une de ses filles a été professeur au lycée français de Varsovie. Fortunat Strowski laisse une œuvre immense de plus de 25 livres, sans compter les communications faites à l'Académie. Montaigne, Pascal et François de Sales durent ses sujets préférés. Vice-président de la Société des Gens de Lettres, Fortunat Strowski était officier de la légion d'honneur et commandeur de Polonia Restitua. Ainsi vécut cette famille d'origine étrangère, qui mit sa vie et son intelligence au service de la France.

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Joseph-Fortunat Strowski participa à la collection des écrivains Audois "À la porte d'Aude", constituée de 17 volumes. Il donna à cette collection deux contes dont "Le porteur du rouleau des morts". Au Moyen-âge étaient portés d'abbaye en abbaye, des parchemins pour commémorer les morts et solliciter en leur faveur des prières des vivants. Mais le parchemin, nous dit Fortunat Strowski, avait moins d'attrait pour la curiosité des moines que la conversation du personnage obscur qui le portait et qu'on appelait du nom plaisamment choisi de "frère roulier". Ces messagers étaient choisis parmi les frères les plus agiles de jambes et d'esprit ; ils s'en allaient d'un pied léger, à travers routes et sentiers, comme l'imagination du savant faisant pour une fois l'école buissonnière. Les yeux bien ouverts, l'oreille attentive, bon appétit et bonne humeur. C'est à l'un d'eux que Fortunat Strowski demanda donc pour "La porte d'Aude", l'histoire du sénéchal fantôme, alors qu'en l'an 900, comme hier, la France était à peine délivrée  d'une invasion qui avait mené jusqu'à Montmartre l'armée germanique de l'empereur Otton. 

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La maison natale de Fortunat Strowki, actuellement sans la plaque

On pourrait polémiquer à loisir sur l'indigence du petit patrimoine Carcassonnais, mais nous n'en ferons rien. En vérité, c'est bien plus grave que cela. On pourrait s'entendre dire que cette plaque avait dû être posée par quelques admirateurs, membres d'une quelconque société savante de la ville. Or, cette fois ce chapelet d'objecteur des mauvaises consciences ne peut être soutenu. Il s'agit ni plus ni moins d'un acte répréhensible par loi, qui envoie au tribunal toute personne s'en prenant aux biens municipaux. Oui ! le propriétaire de l'immeuble - si, c'est lui - doit restituer l'objet déposé. 

Source

Délibération Conseil municipal / 26 décembre 1952

A la porte d'Aude / 1928-1930 / 17° volumes

Discours de Jean Lebrau

L'Indépendant / 12 mai 1954

Notes et synthèses / Martial Andrieu

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