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Film

  • "Le dossier noir" de la Résistance Carcassonnaise dans un film d'André Cayatte

    Sans doute, vous souvenez-vous du suicide par empoisonnement du Dr Marcel Cannac dans la clinique Delteil en 1952. Nous l’avons évoque ici à plusieurs reprises. L’enquête sur ce décès, quelque peu suspect d’un ancien membre de la Résistance, eut en son temps pour effet de relancer l’affaire Charpentier ; ce capitaine, chef des parachutages, retrouvé carbonisé à la sortie de Palaja en septembre 1944. L’assassinat avait été commis là encore, à l’intérieur de la clinique d’Emile Delteil, ancien résistant lui aussi. Cannac s’était accusé du crime. Sentant l’heure de rendre des comptes arriver, il vint à Carcassonne depuis Antibes dans le nuit pour se suicider chez Delteil. Ceci c’est bien sûr ce que l’on a voulu nous faire croire. En fait, Marcel Cannac qui n’avait pas d’idées suicidaires, était résolu à lâcher le dossier noir qu’il détenait sur l’affaire Charpentier, en livrant le nom des co-responsables aux juges qui devaient le convoquer sous peu. On ne lui en donna pas le temps…

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    Fait étrange qui n’en est pas un, c’est à la fin de l’année 1953 que le réalisateur Carcassonnais André Cayatte se mit à écrire le scénario d’un nouveau film avec Charles Spaak. Ce dernier, ancien membre du réseau d’espionnage « Orchestre rouge » pour le compte de l’URSS pendant la guerre. Cayatte, ancien avocat, ayant vu son scénario sur l’affaire Seznec recalé par la censure, se mit en quête d’une oeuvre de fiction pour faire passer son message sur le pouvoir du juge d’instruction. L’affaire Seznec aurait dû être le premier film d’un triptyque ayant pour thèmes  : l’instruction, le jugement et l’appel. Pour ces deux derniers sujets, il tourna plus tard « Justice est faite » et « Nous sommes tous des assassins ». C’est donc « Le dossier noir » qui remplaça l’affaire Seznec ; ceci, dans le but de contourner la censure en ne dévoilant pas les vrais noms des protagonistes. Or, Cayatte, lorsqu’il rédige un scénario ne s’appuie presque jamais sur une fiction. Son œuvre emprunte à un fait divers, la thématique qu’il souhaite mettre en avant pour dénoncer la folie de la machine judiciaire. Par exemple, « Nous sommes tous des assassins » est inspiré de l’affaire Tejeron qui défraya la chronique à Saint-Hilaire d’Aude. Accusé de meurtre, cet ouvrier espagnol fut condamné à mort et guillotiné. D’où, le combat de Cayatte pour l’abolition de la sentence suprême. Qu’en est-il du film « Le dossier noir » ?

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    André Cayatte, réalisateur né à Carcassonne en 1909

    A bien y regarder, il s’agit de l’affaire Cannac… Le synopsis est étrangement ressemblant avec l’histoire de cette instruction qui défraya la chronique journalistique pendant plusieurs mois. « Jacques Arnaud, jeune juge d’instruction, est affecté dans une petite ville de province. En se penchant sur les dossiers de son prédécesseur, il est amené à demander un supplément d’enquête sur une vieille affaire : la mort subite de François Le Guen, auteur d’un dossier noir contre Broussaud, gros industriel de la région. L’exhumation de cette histoire va secouer la petite ville, de nombreux suspects vont être découverts et Jacques sera très vite dépassé par l’affaire ».

    Le Guen a des ambitions politiques, il détient un dossier noir contre Broussard qu’il s’apprête à révéler. Ce document contient les preuves des malversations commises pendant l’Occupation par Broussard. Un jour, alors qu’il dîne chez l’industriel, Le Guen meurt subitement d’une embolie. Le nouveau juge Arnaud se charge de l’enquête. Elle le mène sur la piste d’un empoisonnement au sulfate d’atropine, retrouvé dans les viscères de la victime après exhumation du cadavre. Reste à prouver comment le poison s’est introduit dans le corps de la victime et par l’action de qui. C’est sans compter sur la puissance politique, économique et les relations haut placées qui entourent Broussard, principal suspect. La machine s’emballe… Le journal "Le patriote", d'obédience communiste, encourage le juge (C'est le même que celui de la vraie histoire). Les notables, le maire et la police locale, aux ordres de l’industriel, sont lancés dans une course folle pour trouver des coupables qui écarteront Broussard de la responsabilité de ce crime. Ceci, quitte à suborner les témoins et à incriminer des innocents. Un commissaire spécial, venu de Paris, souhaite obtenir des résultats avec les mêmes méthodes. Tant et si bien qu’à la fin, on présente aux juges deux coupables. L’un de la police locale et l’autre du commissaire spécial. Le jeune juge ne pouvant accréditer ces résultats, les jugeant comme peu convaincants, finit par les relaxer. Voilà l’affaire Cannac-Charpentier pour laquelle le Dr Delteil a obtenu un non-lieu après cinq années de procédures. Le juge Pierre Fabre a été déplacé ailleurs.

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    Le Dossier noir, tourné du 20 janvier au 30 mars 1955, sorti en salle le 18 mai 1955. Sélection officielle du Festival de Cannes, il n’obtint pas le prix malgré sa position de favori. André Cayatte s’était entouré d’un pléiade d’excellents acteurs comme Bernard Blier, Danièle Delorme, Henri Crémieux, Jean-Marc Bory, Noël Roquevert, etc.