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Faits divers

  • La conspiration des prisons de Carcassonne en 1816

    Au mois de mai 1816 sous le règne de Louis XVIII, alors que la monarchie a fait son retour au pouvoir depuis un an à peine, d’anciens partisans de Napoléon Ier qui avaient été jetés en prison pour des appels à la sédition, ourdissent en silence un projet criminel. Jean Beaux dit Rouquet, âgé de 49 ans, chirurgien originaire de Villefranche de Lauragais et domicilié à Salles-sur-l’Hers était incarcéré pour avoir propagé des nouvelles alarmantes et appelé à la Révolution contre le roi. Sa morgue et sa violence font de lui, selon les chroniqueurs de l’époque, un disciple de Marat et de Robespierre. Jacques Gardel, ex-brigadier au 5e régiment des équipages et maître d’escrime originaire de Losne (Cote d’Or) et domicilié à Carcassonne, s’était rendu coupable en août 1815 de vol de chevaux dans les bâtiments militaires. Pendant les Cent jours durant lesquels l’Empereur avait repris le pouvoir après son exil, Gardey avait monté une espèce de café dans une baraque à côté des casernes. Sur l’enseigne surmontée du drapeau tricolore, on pouvait lire « Aux vrais amis de Napoléon ».

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    Ancienne prison de Carcassonne en 1816, rue de Verdun

    A l’intérieur de la prison, ces deux hommes réussissent pendant des mois à convaincre plusieurs anciens criminels à se joindre à eux afin d’organiser la mutinerie. Il y a François Bonnery, cultivateur à Ajac près de Limoux accusé de meurtre et Jean-Paul Miquel, brassier, natif de Tourouzelle mais demeurant à La Redorte, condamné pour l’assassinat d’une femme. Le dernier complice Jean Palau, ex caporal né à Mousset dans les Pyrénées-Orientales, se trouve lui à l’extérieur des murs et joue le rôle de rabatteur au sein de la population. 

    Le concierge de la prison soupçonnait que des prisonniers cherchaient à s’évader et les agents de police s’étaient rendus compte que des gens s’approchaient régulièrement de l’enceinte au pied de laquelle, les condamnés jetaient des lettres à travers les barreaux de leurs cellules. Toutefois, ces pratiques tolérées ne semblaient pas présager de ce qui se préparait, jusqu’à ce qu’un Carcassonnais reçoive à son domicile mystérieusement une de ces lettres venant de la prison. 

    « Soixante hommes qui gémissent sous le poids d’une injuste oppression, veulent recouvrer leur liberté, et donner un exemple glorieux de ce que peut l’innocence persécutée contre l’oppresseur  injuste. Nous voulons briser nos fers ; nous sommes maîtres des portes. Nous voulons donner la mort aux premiers chefs, pour servir d’exemple à leurs sicaires, qui seront intimidés par la crainte d’un pareil châtiment. Indiquez-nous un endroit où nous trouverons déposés des fusils et des munitions.Au nom de tous les amis, réponse de suite. »

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    © Collection J. Blanco

    M. Labarre dans les cachots de la Mage, rue de Verdun

    Le destinataire saisit aussitôt la police, l’informe et lui fait parvenir le courrier, jugeant l’affaire extrêmement grave. MM. le prévôt Barthès, le commissaire de police, le commandant de la place, le colonel de gendarmerie et un adjoint au maire se rendent à la prison. On fouille les cachots, on dépouille les prisonniers et l’on découvre divers manuscrits incitant à la rébellion, la provocation et la sédition contre le roi et sa famille. D’autres recherches permettent de mettre la main sur les poignards fabriqués avec des lames de fleuret pour servir à l’action criminelle. Rapidement, l’enquête réussit à mettre en cause Beaux sur lequel des papiers rédigés de sa main ont été retrouvés. Celui-ci prétend les avoir copiés à partir de documents fournis par un nommé Véga, se disant général espagnol, qu’il avait rencontré en prison à Villefranche. La fabrication des poignards par le maître d’escrime Gardey, ne laissait planer aucun doute. Chez Bonnery à Ajac, la police mit la main sur 20 litres de poudre. Qu’avaient donc dans la tête l’ensemble de ces conjurés ?

    Afin de s’échapper, ils avaient confié à Jean-Paul Miquel la tâche de tuer le concierge et sa femme, ainsi que toute personne se mettant en travers du chemin. « Nous voulons donner la mort aux premiers chefs, pour servir d’exemple à leurs sicaires » disait une partie de la lettre invitant la population à se rebeller. En fait, Beaux et Gardey projetaient d’assassiner le baron Trouvé, préfet de l’Aude, le procureur du roi, le prévôt et de rallier un grand nombre de partisans. La découverte de la conjuration mit en échec le projet politique contre l’administration royale à Carcassonne.

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    Ancien Présidial (Tribunal) de Carcassonne, aujourd'hui Musée des Beaux-arts

    Le 20 juillet 1816, le tribunal de Carcassonne se prononça à 14h30 sur la culpabilité des sus-nommés Beaux, Gardey, Bonnery, Miquel et Palau. Les trois premiers furent condamnés à la peine de mort et les deux derniers à 5 années de prison assortis de 2000 francs d’amende. A 18 heures les suppliciés, extraits de leurs cellules, regagnèrent sous escorte le lieu de l’exécution. Gardel, les pieds nus monta à l’échafaud après avoir embrassé son fils et son confesseur, il s’adressa en larmes à la foule : « Je suis coupable, mais coupable égaré, et victime de ce misérable (désignant Beaux) : priez Dieu pour mon âme, et secourez mes malheureux enfants. » Ce père de cinq futurs orphelins en bas âge baisa le crucifix avant que le couperet de la guillotine ne lui ôte la vie. Bonnery ne manifesta pas de sentiments particuliers. Quant à Beaux, il vociféra contre les notabilités sa haine du pouvoir royal, allant jusqu’à prédire de futurs bouleversements politiques.

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    © Jacques Blanco

    Vestige de l'entrée du souterrain (bouché) qui amenait les accusés de la prison au présidial, sous l'actuelle rue de Verdun.

    Ainsi s’acheva la « Conspiration des prisons de Carcassonne » dont nous avons retrouvé trace dans le Journal de l’Aude et dans plusieurs articles de la presse nationale de 1816. On pourra sans doute s’interroger sur le cas de ces hommes qui n’ont pas bénéficié de possibilité de faire appel, ni de se pourvoir en cassation. Trois heures et demi après, la sentence était exécutée au lieu-dit Patte d'oie.

    Sources

    Journal de l'Aude, Journal des débats, Gazette nationale

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  • Le calendrier révolutionnaire du Carcassonnais Fabre d'Eglantine était écolo !

    Le 5 octobre 1793, la Convention Nationale adopte le principe d’un nouveau calendrier que l’on nommera « Révolutionnaire », afin de le distinguer de celui de l’Ancien Régime. Le projet du poète Carcassonnais Fabre d’Eglantine est choisi et servira à tous les actes officiels jusqu’à son abrogation par Napoléon Ier, le 11 Nivôse de l’An XIV (1er janvier 1806).

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    L’annuaire républicain ou le décadier, car c’est ainsi qu’il faut l’appeler, supprime toute référence aux saints. Ceux-ci sont remplacés par des personnages de l’Antiquité, des célébrités contemporaines, et surtout des éléments de la nature. Les semaines font place à des décades qui n’ont rien de poétiques : Primi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi et decadi. Les cinq jours complémentaires célèbrent les fêtes nationales ; elles sont appelées les Sans-Culottides : Fêtes des Vertus, du Génie, du Travail, de l’Opinion, des Récompenses.

    En revanche, l’appellation des nouveaux mois forcerait l’admiration des plus écolos d’aujourd’hui. En effet, si Fabre conserve les douze mois de l’année, il leur attribue des noms en liens avec la nature dont les terminaisons marquent les saisons. L’année commence le jour de l’équinoxe d’automne, le 22 septembre. Plus exactement, le 1er vendémiaire. Ce choix se fait symboliquement sur un principe d’égalité car c’est le moment de l’année où la durée du jour est identique à celle de la nuit. 

    Revenons à notre annuaire… Il est divisé en quatre saisons dont la terminaison est ainsi conçue…  Automne en aire, Hiver en ôse, Printemps en al, Eté en or. 

     

    Vendémiaire, du mot Vendemia, signifie les vendanges

    Brumaire, des brumes, annonce l’arrière-saison

    Frimaire, l’époque des frimas.

     

    Nivôse, du mot Nivis, qui signifie neige

    Ventôse, du mot vent

    Pluviôse, des pluies qui tombent généralement en mars

     

    Germinal, c’est le mois de la terre précédemment fécondée

    Floréal, du mot Flos, qui signifie Fleur

    Préréal, du mot prairies, car c’est à cette époque qu’on les dépouille

     

    Messidor, du mot Messis, qui signifie Moisson

    Fervidor, du mot Fervidus, qui signifie brûlant

    Fructidor, du mot Fructus, les fruits.

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    © B.N.F

    Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

    Dans cette définition publiée ci-dessus par le Journal de la Haute-Vienne le 7 novembre 1793, vous aurez remarqué sans doute quelques changements. Outre, Préréal qui deviendra Prairial attardons-nous sur Fervidor. Ce nom figurait dans le rapport que Fabre d’Eglantine lut à la Convention le 3e jour du second mois de l’An 2. Le Journal de Paris publie : « Août s’appellera Fervidor, du mot fervidus, qui signifie brûlant. » Sur l’affiche de la déclaration des Droits de l’Homme ont lit :  « La déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, présentée au peuple français par la Convention nationale le 24 juin et acceptée le 10 août 1793 / 23 Fervidor An I de la République. » Que s’est-il donc passé pour que Fervidor devienne ensuite Thermidor ?

    Deux théories se défendent… La première prétend que lorsque Fabre rendit son rapport, sans rien dire et de sa propre autorité, il changea d’avis et substitua Thermidor à Fervidor. La seconde, il faut aller la chercher dans « Quatre-Vingt-treize », le roman de Victor-Hugo. Ce dernier écrit : « Fabre avait querellé Romme et lui avait reproché de défigurer son calendrier par le changement de Fervidor en Thermidor. » Romme était rapporteur à la Convention… Il est tout de même étonnant que le poète ait modifié le sens étymologique de son calendrier en latin.  En effet, Thermidor vient du Grec Therma, qui signifie chaleur.

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    La maison natale de Fabre d'Eglantine, rue de Verdun

    Nous vous proposons un modus-vivendi… Fabre d’Eglantine était né à Carcassonne, un pays où on se trouve étouffé par le soleil brûlant de l’été. La Convention nationale n’a t-elle pas voulu simplement adapter la température à celle de l’ensemble du pays ? Que ce soit Romme ou Fabre lui-même, cette explication semble probable. Plus de deux siècles après, ce serait sans doute Fervidor qui serait retenu compte tenu du changement climatique. L’Annuaire républicain de Fabre d’Eglantine n’était-il donc pas écologique ?

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  • La romancière Colette et ses séjours à Carcassonne

    Sidonie Gabrielle Colette (1873-1954) plus connue sous le pseudonyme de Colette a effectué deux séjours à Carcassonne entre les deux guerres. Au cours d'une tournée de conférences s'intitulant "Deux côtés de la rampe, souvenirs de Music-hall" elle s'arrêta dans notre ville après Montpellier, Béziers et Narbonne. Ce fut le jeudi 13 novembre 1924 qu'elle fit le récit, devant une assistance nourrie, de ces mémoires d'artiste de cabaret à Paris. Tout le monde connaît la romancière, mais ignore souvent qu'elle fut danseuse de revue, mime et actrice de film muet. Féministe convaincue et bisexuelle, elle défraya la chronique de l'époque à cause de tenues trop déshabillées.

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    Colette caricaturée pendant sa conférence

    Après sa conférence, elle se rendit au chevet du poète Joë Bousquet dans la rue de Verdun, alité depuis sa grave blessure à la guerre de 14. Celui-ci relate cette entrevue dans les "lettres à Ginette" : "Elle est venue me voir à Carcassonne, il y a quelques années profitant d'une conférence qu'elle avait prononcée devant tous les ballots de Carcassonne. Je me demande ce qu'elle a pu leur raconter."

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    © amisdecolette.fr

    Après avoir divorcé de son mari M. Jouvenel, la femme de lettres s'enticha d'un homme d'affaire. Maurice Goudeket avec lequel elle ouvrit le 1er juin 1932, un salon de institut de beauté rue de Miromesnil à Paris. Profiant d'un retour estival de Saint-Tropez où elle avait passé les vacances d'été, les deux amants devenus époux remontèrent sur Paris. Oubliant la Nationale 7, ils décidèrent entre le 9 et le 18 août 1932 de passer Béziers, Carcassonne, Toulouse, Saint-Gaudens, Tarbes, Pau... Le but de ce périple consistait à visiter les magasins qui avaient pris en dépôt, les produits de beauté que Colette commercialisait. Dans la capitale audoise, elle séjourna à l'Hôtel de la Cité qui conserve encore sur son livre d'or, la dédicace que lui fit Colette.

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    Après tant d'hôtel, enfin un chez moi !

    La romancière qui logeait à l'hôtel Claridge, 74 avenue des Champs-Elysées à Paris avait dû apprécier le service du prestigieux établissement Carcassonnais. Peut-être y a-t-elle écrit des passages de son roman 'La chatte" paru en 1933.

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    "Deux côtés de la rampe" dans Conférencia

    Sources

    "La vie montpelliéraine" / 15 novembre 1924

    Lettres à Ginette / Joë Bousquet

    Colette / Claude Pichois et Alain Brunet / 1999

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