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  • Des juifs réfugiés à Lagrasse, sauvés des nazis par un couple de boulangers

    Après l’armistice de juin 1940, le gouvernement de Vichy soucieux d’assurer la police sur le territoire prend en charge le sort des réfugiés, elle les regroupe dans divers camps, dont celui de Rivesaltes qui avait accueilli les Républicains espagnols fuyant la dictature franquiste. Dans l'Aude en 1942, il existe trois camps placés sous l'administration du Groupement de Travailleurs Etrangers. Il emploie ces réfugiés à différentes tâches pénibles. Certains travaillent à la mine de Salsigne, d'autres à casser des cailloux pour refaire les routes. Chaque G.T.E porte un numéro : GTE 145 à Axat dirigé par M. Parayre compte 110 Espagnols, 1 Allemand, 1 Russe qui sont employés aux mines. GTE 318 à Bram dirigé par M. Foulquier compte 263 personnes dont 43 juifs (193 Espagnols, 7 Polonais, 16 Allemands, 10 Hongrois, 19 Roms, 7 Sarrois, 11 autres) employés aux mines. Enfin, le GTE 422 dirigé par le milicien Jean Tricoire compte 737 personnes (711 Espagnols et 26 juifs) employés dans la Sylviculture et l'industrie ; son siège est à Carcassonne, 44 rue Voltaire.

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    Le village de Lagrasse, au cœur des Corbières

    Le lieu où sont encasernés les juifs lagrassiens est un ancien couvent qui appartenait à une institution religieuse : «  Les sœurs de Nevers  ». Il y a là des médecins, des avocats, des enseignants, etc…bref que des gens aptes à casser des cailloux. Quand le père de Robert rentre le soir il est accablé : «  Les pauvres gens ! ». Il parle avec eux, certains lui racontent leur parcours et ce qu’ils ont subi. Savent-ils ce qui les attend ? "Il y a aussi un dentiste, un nommé Weissler. Il a ramené d’Allemagne l’outillage nécessaire, dont une fraiseuse à pédale. Il plombe mes dents cariées selon une méthode allemande : une seule séance de vingt minutes environ. Et ça tient ! Parmi ces hommes il y a un certain Wang, 24 ou 25 ans, ingénieur. Blond aux yeux bleus, c’est le parfait aryen. Il sait jouer du piano. Comme la jeunesse de Ribaute organise des petites soirées pour mettre un peu de bleu dans les esprits, on va demander à l’officier de gendarmerie qui a la haute main sur le G.T.E. d’autoriser M.Wang à se rendre à Ribaute pour jouer du piano. Instrument rare à Ribaute. Celui de Mme Rouger ? Il s’y met, trois arpèges et : « C’est une vieille casserole », il dit en français. Celui de Ginette Gibert fera l’affaire.Trois de ces juifs sont logés à Ribaute, dans une vieille maison réquisitionnée, située près de l’église, un couple et son fils d’à peu près mon âge ( 18 ans ). Tous les jours ils doivent se rendre à Lagrasse ( à pied ) pour attester de leur présence et travailler. On les croise quelquefois lorsqu’ils se promènent le long de la rivière. On se dit bonjour…"Un matin de la fin août 1942 ma mère entre brusquement dans ma chambre et me dit : « Les gendarmes frappent à la porte de ces gens !». La fenêtre de ma chambre s’ouvre sur l’impasse où se trouve la maison. Dans l’entrebâillement des volets j’ai vu le brigadier de gendarmerie entrer dans la maison accompagné d’un gendarme. Pas même cinq minutes après ils en ressortaient, mais accompagnés des trois habitants. Le brigadier ferme la porte à clé. Ils passent sous ma fenêtre. Les deux hommes portent chacun une valise. La femme sanglote. Le fils baisse la tête. Seul le père se rebiffe et proteste . Le brigadier le sermonne sèchement. Tous ces juifs partiront le jour-même pour Drancy, d’où ils repartiront le 28 août dans un train aux portes plombées en direction d’Auschwitz."

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    Agnès, Lucien Bertrand et leurs enfants

    Dans ce camp de Lagrasse, une centaine de juifs cassent des cailloux sous le contrôle des Ponts et Chaussées. Autour de la popote commune au foyer de Lagrasse, les femmes organisent des séances récréatives. Il y a la jeune Paule Nieger, d'origine allemande, qui ne sait pas ce qu'est devenu son mari. Elle chante des extraits de l'opérette "l'Auberge du cheval blanc" avec une certaine Lily, future Mme Devèze qui s'illustra plus tard comme interprète et conférencière la Cité. Un soir du mois de mai 1944, la panique envahit le camp qui est dirigé vers Bram. Paule et son ami Martin ont réussi à fausser compagnie aux Allemands et aux Miliciens venus les arrêter. Ils cherchent de l'aide chez le commandant de gendarmerie, le médecin de Lagrasse. Sans les rejeter, ni les dénoncer aucun ne souhaite prendre le risque de les cacher. Paule Nieger se souvient alors du boulanger... Agnès Bertrand en l'absence de son mari, leur propose d'en discuter avec lui et de revenir dans deux heures. A bout de ce laps de temps interminable, Lucien Bertrand leur offrit de les cacher dans une pièce au-dessus du four à pain : "Nous ne voulons pas d'argent, ni maintenant, ni jamais. Si nous pouvons vous aider, ce sera notre récompense".

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    © corbières-matin.fr

    L'ancienne boulangerie de Lagrasse

     Pendant neuf mois, malgré de nombreuses incursions Allemandes dans le village, le secret fut bien gardé. Ginette, Jeanine et Suzanne, les trois enfants des époux Bertrand furent mis dans la confidence... C'est l'un d'entre eux qui sauva Paule et Martin, car la Milice qui était sur les traces d'un résistant nommé Crémade fit irruption dans la boulangerie. La jeune enfant présente dans la boutique s'écria : "Crémade ? Mais je le connais ! Je l'ai vu partir vers Tournissan." Ainsi, la maison ne fut pas fouillée. A la fin de la guerre, le couple d'Israélites après avoir monté un magasin de tissus à Carcassonne, s'exila aux Etats-Unis en 1953. Les enfants se sont mariés... Ginette a épousé Robert Guilhem (quatre enfants) ; Jeanine avec Jean Assens (deux enfants) et Suzanne avec Louis Rey, buraliste à Lagrasse.

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    © Yad Vashem

    Lucien Bertrand est décédé en 1960

    Les époux Bertrand reçurent chaque année une photo-souvenir postée de Cincinnatti avec de nombreux cadeaux de la part de Paule Neiger et de Martin Tattmar. La dédicace portait à chaque fois ces mots : "En souvenir à nos plus chers, vous, toute la famille Bertrand."

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    © Yad Vashem

    Paule et Martin Tattmar

    Le 29 juillet 1968, l'Institut Yad Vashem de Jérusalem décerna à Agnès et Lucien Bertrand le titre de Juste parmi les Nations". C'est le mardi 8 mars 1972 qu'Agnès Bertrand reçut à Paris des mains de l'Ambassadeur d'israël en France la Médaille des Justes. 

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    © Yad Vashem

    Son excellence l'Ambassadeur Masher Ben Nathan

    Aujourd'hui encore le souvenir du courage des époux Bertrand et de leurs filles est matérialisé par une plaque apposée sur l'ancienne boulangerie du village.

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    "Celui qui sauve une vie, sauve l'humanité toute entière"

    (Coran 5.32 et Talmud Chapitre 5. Mishna 5)

    Sources

    Notes, synthèse et recherches / Martial Andrieu

    Souvenirs de M. Anguille

    Comité de Yad Vashem

    Midi-Libre / 8 mars 1972

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2018

  • Guide à la Cité de Carcassonne. Quel métier de sportif !

    Les qualités indispensables à l'exercice du beau métier de guide à l'intérieur de notre cité médiévale, peuvent se résumer dans cette cette locution latine : "Mens sana in corpore sano". Il paraît évident à tout un chacun - enfin, nous l'espérons - qu'un guide possède une tête bien faite et bien pleine pour transmettre aux visiteurs la science de l'histoire. Qu'en est-il du défit physique auquel sont confrontés quotidiennement les arpenteurs de nos remparts ? Voyez plutôt... Ce sont des milliers de marches à monter et à descendre pour accéder aux tours qu'ils affrontent chaque jour, des portes à ouvrir et à fermer, des kilomètres à parcourir parfois sous une chaleur accablante en été. Ils doivent se poiler de rire devant leur téléviseur, lorsqu'on applaudit aux exploits de quelques vedettes pailletées dans l'émission Fort Boyard. 

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    MM. Roméro, Goroix et Régnier en 1967

    Aujourd'hui, nos chers guides se sont débarrassés de leur costume de fonction. Ils peuvent en période estivale s'habiller à leur aise avec un short et des manches courtes. En 1967, ils étaient six hommes dirigés par leur chef Marc Robin, en fonction depuis 1954. On peut citer MM. Roméro, Goroix, Régnier, Balmigère et Camilli. Six guides pour 2687 visiteurs le week-end de Pâques en 1967. Combien sont-ils en 2018 alors que le chiffre des entrées est nettement supérieur ? La visite durait 45 minutes, depuis le musée jusqu'au tour des remparts. Le monument étant ouvert toute l'année, ils travaillaient tous les dimanches sans relâche, leur seul jour de repos collectif était le 14 juillet, ou la Cité n'est pas accessible au public à cause de l'embrasement. Après le décès de M. Embry, la vieille ville s'est retrouvée sans guide-conférencier. Jacques Houlet, directeur de la Caisse des Monuments Historiques décida de nommer Alain George en 1964. C'est ensuite Jacques Devèze, le fils de Lily, qui lui succéda. 

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    © La dépêche

    Le métier de guide à Carcassonne a nettement évolué... Ne vous y trompez pas, la rentabilité d'un service rendu au public est devenu un axe majeur de la politique du Centre des Monuments Nationaux. Comme à Carrefour, où les hôtesses de caisse sont remplacées par des automates, le guide est concurrencé par l'audio guide. Prenez le plan, l'appareil auditif et démerdez-vous ! Toutefois, vous disposez encore du choix de visite avec un guide patenté. Comment le reconnaître ? Tâtez-lui les mollets ! Lui seul, a la cuisse et le mollet aussi ferme que la pierre qu'il gravit chaque jour.

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  • L'époque où l'on fabriquait des bérets Basques à Carcassonne...

    Entre les deux guerres, l'ensemble de la Haute-Vallée de l'Aude connaît une période de quasi plein emploi grâce à ses usines de chapeaux. A la veille de la grande crise économique de 1929, les différentes sociétés chapelières de l'Aude vont se regrouper afin de mutualiser leurs efforts. De cette restructuration du paysage industriel vont émerger trois nouvelles enseignes. En 1928, la société Canat et de la Chapelle de Couiza s'allie avec les établissements Jean Peille d'Espéraza pour devenir l'I.C.A (Industrie Chapelière de l'Aude). La même année, les usines Villa d'Espéraza et de Couiza fondent l'U.C.F (Union Chapelière Française) ; nous allons en reparler. Enfin, l'année suivante Jean et Baptiste Bourrel s'associent et prennent le nom d'Etablissements Bourrel réunis.

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    Publicité dessinée par le peintre Jean Camberoque.

    Cet accroissement des débouchés a été momentané et dû au développement brusque des importations des Etats-Unis. Mais la crise de 1929 est venue arrêter brutalement cette expansion. En 1927, ce sont 3 017 127 de cloches à chapeaux qui étaient exportées depuis la Haute-Vallée. Ce chiffre passa à 9 161 787 en 1929. Après la Seconde guerre mondiale, on n'en compte plus que 368 226.

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    L'Union Chapelière Française est fondée par M. Villa d'Espéraza le 30 juillet 1928, suivant statuts déposés chez Me Escarguel, notaire à Carcassonne, le 17 juillet 1928. Son siège social se trouve à Paris, mais son usine s'implante à Carcassonne au n°33 de la rue Alfred de Musset.

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    A partir de 1950, la crise chapelière a pour effet de ne plus pouvoir proposer de travail, car il lui impossible de renouveler son personnel. C'est 60% des moins de 21 ans qui quittent Espéraza et Couiza en direction de Quillan et Limoux, villes dans lesquelles de nouvelles industries se créent. Cinq ans plus tard, il ne reste plus que trois fabricants de cloches. Le COFIC fait transformer par l'I.C.A et l'U.C.F les matières premières qu'elle achète. Après la faillite de l'U.C.F, seule l'I.C.A exécutera ce travail.

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    A l'arrière de l'église du Sacré-Cœur, l'usine des bérets avec sa cheminée

    La faillite de l'Union Chapelière Française intervient le 26 mars 1955 pour défaut d'intérêt de masse. A dater du 7 novembre 1958, l'affaire d'Henry Villa est rachetée par Raoul de Rochette demeurant au château de Gaja près de Carcassonne. Il acquiert un fonds de fabrication et de vente de bérets avec la contremarque Perly pour 90 millions de francs, à la Société Union Chapelière Française représentée par Pierre Azéma, président du Conseil d'administration.

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    En 1974, la cheminée de l'ancienne usine des bérets qui culminait à 26 mètres au-dessus du quartier de la Pierre Blanche, est abattue. Les bâtiments sont alors transformés et deviennent la propriété de la société textile Sermo qui s'en servira d'entrepôt.

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    Les bâtiments de l'usine sont aujourd'hui occupés par un bowling. Il ne reste plus que les toits pour matérialiser encore le passé industriel de ce lieu oublié qui fit vivre de nombreuses familles d'ouvriers.

    Sources

    Notes, recherches et synthèse / Martial Andrieu

    Revue d'économie méridionale / 1959

    Bulletin des annonces civiles et commerciales

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