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  • Le voyage du Marquis de Paulmy à Carcassonne et l'embellissement de la ville

    Parti de Paris le 1er juillet 1752 pour inspecter les places militaires méridionales de la France, le Marquis de Paulmy (1722-1787) traversa les provinces du Dauphiné, de la Provence, du Languedoc et du Roussillon. En carrosse, à cheval où sur les canaux, ce périple de 805 lieues soit 3800 kilomètres, amena le Secrétaire d’État de la guerre à s’arrêter dans de très nombreuses bourgades et villes fortifiées, parfois pour quelques jours ou, le plus souvent, pour quelques heures. L’ensemble de son parcours et de ses étapes est scrupuleusement détaillé dans la carte ci-dessous - collection particulière du marquis, conservée à la Bibliothèque de l’Arsenal.

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    © Bibliothèque de l'Arsenal

    On ne saurait trop imaginer de nos jours toutes les contraintes liées à l’intendance et aux méandres de chemins peu assurés, ni forcément carrossables. Voyez un peu que son équipage fut en voyage jusqu’au 29 septembre, date à laquelle il s’en retourna à Fontainebleau.

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    Antoine-René de Voyer de Paulmy d’Argenson, en provenance de Perpignan où il séjourna trois jours, traversa d’abord Narbonne avant de dîner à Barbaira. Il ne rejoignit Carcassonne que très tard dans la soirée et y passa la nuit du 15 septembre. Le lendemain, après avoir été accueilli par le maire et les consuls, il s’en alla inspecter la Cité et les casernes. C’est à cette occasion que le maire perpétuel, M. Beseaucèle, lui présenta une requête émanant de l’ensemble des consuls. Dans le cadre des projets d’embellissement de la ville, une nouvelle porte devrait être substituée à celle des Jacobins. Toutefois, afin de parvenir à ce remplacement, il conviendrait de démolir la demi-lune qui obstrue désormais l’entrée de la Ville basse. Appelée également ravelin ou boulevard, cette fortification avait été construite au XVIe siècle en même temps que les quatre bastions. Les Carcassonnais la nommaient le « Petit Quay ». On retrouve fréquemment dans l’architecture militaire de Vauban, ce type d’ouvrage défensif. 

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    © ADA 11

    Emplacement de la demi-lune devant la Porte des Jacobins 

    M. Beseaucèle ne manquait pas d’arguments afin que M. le marquis intercédât auprès du roi en faveur de sa requête. Après lui en avoir présenté le plan, il mit en avant le côté obsolète de cet ouvrage, pratiquement ruiné, en raison du déplacement de la frontière depuis le traité des Pyrénées. Avant de reprendre la route en direction de Castelnaudary, le ministre de la guerre de Louis XV promit d’en référer à M. Maréchal, ingénieur de la province du Languedoc. Il repartit de Carcassonne avec sa suite le 16 septembre 1752 au petit matin et entra dans la cité chaurienne où l’attendait le régiment d’Anjou et le 1er bataillon du régiment de Bourgogne. Il s’en retourna le lendemain, passa par Villepinte, dîna à Villedaigne et séjourna une nuit à Narbonne. C’était le 17 septembre 1752 ! Il faudra attendre plusieurs mois avant qu’une réponse ne soit donnée aux consuls de Carcassonne. Elle interviendra de la plume même du marquis, le 10 mars 1753 et sera notifiée à l’Ingénieur du Languedoc :

    « J’ai reçu, Monsieur, la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire le 14 du mois dernier, à l’occasion de la permission que demandent les maires et consuls de la Basse ville de Carcassonne, de faire démolir la demy lune Cottée 35. D’après votre avis, le roy trouvera bon qu’elle soit détruite. Je vous prie d’informer les magistrats de cette décizion ».

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    Nous avons recréé à l'échèle l'emplacement exact de cette fortification. La partie située à l'Est s'étendait sur cent mètres de long ; à l'intérieur on avait installé une glacière. Il faut imaginer également les fossés de la ville sur l'actuel Boulevard Barbès et Roumens.

    Malgré cette réponse satisfaisante, les consuls décidèrent d’attendre avant de mettre leur projet à exécution. Il fallait d’abord trouver une utilité aux matériaux récupérés sur cette démolition. La délibération municipale du 6 juillet 1758 proposa de créer un nouveau chemin depuis le boulevard dit « de l’exécuteur » jusqu’à la Porte des Cordeliers. Dans le même ordre idée, on fixa la réparation les réparations que l’évêque souhaitait réaliser depuis la Porte des Cordeliers jusqu’au Bastion dit de Montmorency.

    Il s’agit de l’actuel boulevard Jean Jaurès, au bout duquel se trouvait le Bastion dans lequel vivait le bourreau, et de l’entrée de la rue de Verdun vers l’autre Bastion Montmorency sur le boulevard Camille Pelletan.

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    © ADA 11

    Le comblement des fossés côté boulevard Jean Jaurès

    Ce deux chemins devant s’étendre sur une partie des anciens fossés qui servait à écouler les eaux de la ville, Garipuy - Directeur des chemins de la Province - résolut d’éloigner ces fossés des remparts en les transportant sur le côté opposé. Ne resteront près des remparts que sept aqueducs découverts, servant à écouler les eaux dans les dits fossés. En conséquence de quoi, ils seront recouverts et les anciens fossés comblés par les matériaux provenant de la destruction de la demi-lune des Jacobins. On céda ces matériaux à Pélissier et une somme de plus de 3000 livres pour les travaux. Si l’on creusait sous le boulevard Jean Jaurès, on retrouverait peut-être une partie des pierres de la fortification de la Porte des Jacobins.

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  • De la Cité technique au Lycée Jules Fil, presque soixante années de souvenirs

    Après la Libération, il n’était plus raisonnable de maintenir les élèves dans des locaux exigus, inadaptés et dispersés à l’intérieur du centre-ville. Les sections commerciales des collèges André Chénier et du Bastion avaient été rassemblées au Petit lycée, les sections d’apprentissage s’entassaient dans la rue de la Liberté. En 1947, la municipalité souhaita se pencher sur le problème ; elle se mit en quête d’un terrain pour la construction d’un Centre d’apprentissage. A cette époque, les parcelles situées à l’Est de la ville appartenant aux familles Jentet-Hæner avaient suscité un grand intérêt, mais le projet n’alla pas au bout. Dix années plus tard, le Conseil municipal, sous la présidence de Jules Fil, choisit à nouveau de mettre la question à l’ordre du jour. On dressa la liste des différents terrains que la ville pourrait acquérir en prenant soin d’étudier les avantages et les inconvénients de chacun d’entre eux. Le 22 mars 1957, ne restaient plus en concurrence que les parcelles de M. Ferrand en bordure de la route de Montréal et celles de Jentet-Hænier, face au cimetière La Conte. S’il avait été jugé plus commode de bâtir sur l’emplacement de l’actuel collège du Viguier à proximité d’un quartier Saint-Jacques en plein développement, les prétentions du propriétaire à plus de mille francs le mètre carré avaient refroidi le Conseil municipal. Les élus finirent par se mettre d’accord à l’unanimité sur l’avantage de créer un nouveau quartier à l’Est de la ville, desservi par une voie s’étirant depuis les berges de l’Aude jusqu’au Poste de Moreau. Jules Fil posa alors la question du pont sur l’Aude, serpent de mer dans les cartons depuis la municipalité Tomey. Il envisagea de solliciter le génie militaire pour la mise en place provisoire d’une passerelle qui relirait la rue Antoine Marty à l’abattoir.

    Les familles Jentet-Hæner et consorts acceptèrent l’estimation donnée par les Domaines fixée à 440 francs par m2 ; on se paya même le luxe d’acquérir les terrains de M. Chésa pour la réalisations des installations sportives. Dans sa séance du 30 avril 1959, le Conseil municipal valida la construction d’un Collège technique mixte et de deux Centres d’apprentissage de garçons et de filles. L’arrêté ministériel du 6 avril 1960 vint confirmer la participation de l’État dans cette entreprise dont le coût fut estimé à 9 550 490 nouveaux francs. La ville, quant à elle, prit à sa charge 26,52% du budget total. 

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    Pôl Abraham

    L’architecte Hippolyte Pierre Abraham (1891-1966) dit Pôl Abraham, diplômé de l’École des beaux-arts en 1920 et de l’École du Louvre, dessina les plans de cette Cité technique. L’architecte des bâtiments civils et Palais nationaux avait-il été désigné par l’État en raison de la thèse qu’il produisit en 1933 sur Viollet-le-duc ? Pur hasard ou réelle volonté ? À deux pas d’une cité bimillénaire protégée par les Monuments historiques, l’usage démesuré du béton et la hauteur des ouvrages ne semblèrent pas poser de problèmes particuliers. Ajoutons à cela, la construction en 1965 de 540 logements H.L.M de l’autre côté du boulevard Joliot-Curie, face à la Cité technique.

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    Les entreprises S.E.S.O, Bonnery, Labeur, Garric, Trinquier, Laborde, Depaule, S.O.G.E.P se mirent à l’ouvrage dès la fin de l’année 1960. A la rentrée de septembre 1962, la Cité technique ouvrit ses portes aux 1075 élèves dont 500 pensionnaires. Pendant un certain temps, ils essuyèrent les plâtres car les travaux ne s’achevèrent que deux ans plus tard. En 1963, il fallut poser le revêtement anti-poussière dans les ateliers, le système d’évacuation mécanique dans la salle des traitements thermiques ainsi que des persiennes jalousies, car les Monuments historiques avaient proscrits les volets roulants. La réception définitive des travaux qui avait été fixée au 28 octobre 1963, ne se fit que le 26 novembre 1964.

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    Entre la construction du Pont de l’Avenir en 1962, celle des logements de La Conte et du percement du boulevard Joliot Curie en 1965, les premiers élèves vécurent au cœur d’un chantier de poussière et de nuisances sonores. 

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    © Roselyne Cros

    Roselyne Boyer, Suzanne Clamens, Angèle Montalban,,Liliane Heintz, Monique Brott, Roselyne Cros, Marie Claire Parusso, Marie Matha.

    La Cité technique qui prit plus tard le nom de Lycée Jules Fil s’ouvrit à des formations inédites comme la technique industrielle, l’hôtellerie. Le proviseur M. Béchon s’appliquait à faire respecter la discipline à tous les niveaux, malgré des élèves bien moins agités que ceux d’aujourd’hui. La stricte observance de la séparation des deux sexes devait garantir les bonnes mœurs. Michèle Bessac, maître d’internant, se souvient qu’entre 1962 et 1965, la séparation entre la cour des garçons et des filles n’était pas encore achevée. Les pions devaient faire en sorte que les deux sexes ne se mélangent pas.

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    Michel del Burgo, maître d’internant lui aussi, se rappelait en 2012 qu’il avait été mis à l’index par le directeur qui l’avait surpris en train de faire la bise à une élève… Il s’agissait de sa cousine. En cas de mauvais comportement, les élèves pouvaient être collés le week-end. Michèle Bessac n’a le souvenir que d’une seule exclusion du lycée en trois ans ; le rêve pour un proviseur de notre époque.

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    © Roselyne Cros

    Les filles devaient porter le béret rouge et la tenue bleu marine réglementaire. Cette rigueur dans les mœurs devait paradoxalement être confronté à une promiscuité peu conforme à l’intimité. Les dortoirs étaient composés de quatre lits. La toilette des internes se faisait alignée devant le lavabo sous les regards des camarades. Il ne fallait pas être pudique ! 

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    Les anciens élèves réunis en association en 2012 pour le cinquantième anniversaire

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  • Jean Alboize (1851-1904), critique d'art Carcassonnais

    Jean Baptiste Alboize naît à Carcassonne le 1er novembre 1851. Son père Jean Dominique est un riche négociant du quartier de la Barbacane qui possède une belle fortune personnelle et plusieurs propriété dont le domaine Sainte-Eulalie à Badens. Après ses études de droit, le jeune Alboize vient à Paris et n’ayant pas de préoccupations matérielles, il fréquente les cercles de la littérature et des arts. En 1881, le retrait d’Arsène Houssaye de la revue « L’Artiste » après trente années de collaboration, permet à Jean Alboize d’en devenir acquéreur.

    Alboize

    © Mario Ferrisi

    Achille Rouquet, Achille Laugé, Jean Alboize, Achille Astre

    Fondé en 1831 par Achille Ricourt avec Jules Janin pour rédacteur en chef, l’Artiste se jette à crops perdu Das la mêlée romantique. Ses collaborateurs s’appellent alors Chateaubriand, Lamartine, Alfred de Musset, Balzac, Mérimée, Gozlan, Sainte-Beuve, Georges Sand, etc. Les beaux-arts sont représentés par Delacroix, Decamps, Huet, Deveria, Roqueplan, Raffet, etc. Achille Ricourt, se débat au milieu de difficultés sans nombre pour continuer sa Revue dans la caisse, disait Monsclet, était plus pleine de roses que d’écus. Enfin, il succombe en 1838, et dépose les armes avec cent mille francs de dettes. Jules Janin lui succède, comme directeur, jusqu’en 1844, soutenu par Delaunay, un dilettante, qui abandonne également la partie après avoir gardé seulement de quoi vivre pauvrement en province. En 1844, Jules Janin cède à son tour sa place de directeur à Arsène Houssaye qui l’occupe, pour la première fois, jusqu’en 1849, époque à laquelle il administrateur du Théâtre-Français, laissant l’Artiste à Edouard Houssaye et Xavier Aubryet. Les nouveaux possesseurs choisissent, pour rédacteur en chef, Théophile Gautier qui demeure à son poste de combat jusqu’en 1860, et ne se retire que devant Arsène Houssaye qui reprend la revue et la garde jusqu’en 1880. C’est de lui que Jean Alboize la recueillir et la continua jusque’à sa mort. (Gaston Schéfer)

    Alboize

    Le 19 janvier 1886, Jean Alboize se marie à Paris avec Jeanne Marguerite Gieules dont il aura deux enfants : Dominique Julien né le 22 novembre 1886 à Paris et Geneviève Louise Claire (1900-1981). En 1892, Il lance un supplément à l’Artiste qui paraît tous les trimestre : « Les peintres-lithographes ) Album de l’Artiste. Toutefois, la revue connaît des difficultés, les ventes s’effondrent et elle ne paraît plus que mensuellement. Alboize continue sa collaboration avec la Revue méridionale dans laquelle, il ne cesse de faire connaître la vie et l’œuvre du peintre Carcassonnais Jacques Gamelin. Aussi, lorsque la Grande encyclopédie et le Grand Larousse prétendent que Gamelin n’était pas coloriste, Alboize s’élève contre cette idée largement reprise dans d’autres journaux. C’est durant l’année 1898 qu’il fonde un Comité pour l’exécution d’un buste de Gamelin ; il sera réalisé par Falguière et inauguré à Carcassonne lors du passage des Cadets de Gascogne.

    Alboize

    Le 3 février 1899, il devient sous parrainage du compositeur Paul Véronge de la Nux, Chevalier de la légion d’honneur. Il ne cesse d’enrichir sa collection d’œuvres d’art et poursuit sa quête de notoriété en faveur de Gamelin. A la société « Les enfants de l’Aude » dont le siège se trouve 85 rue Richelieu, Alboize donne une conférence le 9 juin 1901 sur son peintre favori au milieu d’un parterre d’intellectuels dont les frères Sarraut. Au mois de novembre 1901, Jean Alboize est nommé par le gouvernement au poste de Conservateur du château de Fontainebleau, dont il va faire procéder à la restauration et à l’aménagement de plusieurs salles.

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    © Jacques Blanco

    Le critique d’art n’aura cependant pas le temps d’aller au bout de ses projets ; le 4 mars 1904, il est emporté brutalement par une angine de poitrine. Ses obsèques ont lieu au cimetière Saint-Michel à Carcassonne quatre jours plus tard. On ne tarda pas à mettre aux enchères chez Drouot sa grande collection ; il possédait deux Gamelin : « La mort de Socrate (encre de Chine) et Scène champêtre (dessin).

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