Nous n’allons pas ici rédiger une biographie de cet auteur de romans dont la vie particulière, dirons-nous, fit les beaux jours des journaux à scandale de l’époque. Il existe pour cela des écrits et des spécialistes bien plus renseignés que nous le sommes. Nous avons choisi de porter à la connaissance du lecteur les moments de l’existence de Peyrefitte à Alet-les-bains.
Après des études chez les frères lazaristes, à la faculté des lettres de Toulouse et enfin à l’Ecole des Sciences politiques, Roger Peyrefitte embrassa d’abord la carrière de diplomate. Au début à Athènes en 1933, où il sera déchu de son poste cinq années plus tard pour avoir débauché l’amant d’un amiral grec. Grâce aux relations qu’il entretient avec Madame de Barante, proche de Pierre Laval, il est nommé à Paris et travaille aux côtés de Fernand de Brinon, collaborateur notoire des Allemands au sein du gouvernement de Vichy. La libération de la France vaudra à Peyrefitte d’être exclu des postes diplomatiques et d’être alors contraint de se tourner pleinement vers la littérature ; une activité débutée quelques années auparavant.
En 1940, au moment où Peyrefitte se trouve dans le creux de la vague, il se retire à Alet-les-bains dans la demeure acquise par ses parents. C’est là que sera écrit « Les amours particulières » (Prix Renaudot en 1945), un roman autobiographique exposant les relations amoureuses entre jeunes garçons au sein d’un institut catholique. De ce livre à scandale achevé en 1941 à Toulouse et édité deux ans plus tard, sera tiré un film en 1964 qui ne fera qu’enfler la polémique.
La maison de Roger Peyrefitte, aujourd'hui Hôtel de ville d'Alet
Peyrefitte, à l’instar d’André Gide et de son ami Carcassonnais François-Paul Alibert, nourrit une passion dévorante pour les adolescents. Comme Gide qui allait visiter Alibert à Carcassonne - quand ce dernier était directeur du Théâtre de la Cité - avant de partir en safari sexuel tous les deux en Afrique du Nord, Henry de Montherlant s’était rendu à Alet-les-bains en janvier 1941 chez Peyrefitte. Ce dernier possédait à Limoux une meute de jeunes garçons qu’il aimait croquer aux coins de rues et échangeait ses exploits avec l’Académicien, non moins friand de cher fraîche. Les relations épistolaires codifiées entre les deux hommes ont été publiées chez Robert Laffont en 1983. Peyrefitte comme Gide se définit comme pédéraste : « Homophilie, mot épouvantable, qui pue la pharmacie je n’aime pas plus celui de pédophile, et je lui préfère le mot plus franc de pédéraste, qui ne l’est pas moins (Propos secrets). André Gide n’avait-il pas écrit lui-même : « J’appelle pédéraste celui qui, comme le mot l’indique, s’éprend de jeunes garçons (Corydon / 1911).
Roger Peyrefitte s’était également épris d’un garçon de 13 ans, figurant dans le film de 1964. Alain-Philippe Malagnac d’Argens de Villèle finit par devenir son amant, son fils adoptif, puis son secrétaire particulier. Le compagnon d’Amanda Lear, épousée à Las Vegas, mourra prématurément dans l’incendie de sa maison. Peyrefitte, auteur de grand talent malgré des penchants sexuels contestables qui aujourd’hui lui vaudraient les tribunaux, finira sa vie dans le scandale, la diffamation et l’opprobre. Le dandy de Saint-Germain-de-près, amis du couple Halliday - Vartan et fervent débauché des nuits tropéziennes, se perdra dans des propos antisémites et des phrases dégoulinantes sur les plateaux de télévisions.
Peyrefitte est décédé à l’âge de 93 ans de la maladie de Parkinson le 5 novembre 2000 à Paris. La cérémonie religieuse eut lieu en l'église Notre-Dame-de-Grâce de Passy. Son corps repose dans un caveau du cimetière d’Alet-les-bains.
Biographie de Roger Peyrefitte parue en 2011
Sources
Henry de Montherlant et Roger Peyrefitte / Correspondance / 1983
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Commentaires
c'est vrai qu'aujourd'hui il aurait été en prison pour détournement de mineurs....
Abject personnage!
Merci pour ce récit.
Déplorable de s’attaquer à des enfants!!!!
Que voulez-vous quand on est "friand de cher fraîche", on ne recule devant aucune dépense ! ....
Il n'aurait jamais fait la confusion entre cher et chair, celle qui peut être "faible", ou vendue à la boucherie, pas non plus chaire = celle où montais jadis le curé ou celle d'un éminent professeur. Bien sûr il n'est jamais entré à l'Académie Française qui lui a préféré son cousin (ministre de l'Information en 1968) pour avoir écrit un livre sur la Chine, qui ne s'était pas encore "éveillée" mais devant laquelle se pâmait les gauchistes de tous les pays demeurés libre..."Tu ne jugeras point" dit l'un des 10 commandements !
Chair fraîche et non chère fraîche !
On peut dire pire que pendre sur cet écrivain sulfureux, mais il y a une chose que l'on ne pourra lui enlever : son style ciselé, sa syntaxe impeccable dont certains devraient bien s'inspirer... Henry Millon de Montherlant, lui aussi, fut un amateur assidu de "kermesses enfantines" : il fut pourtant par les Immortels --- l'Académie Française où par ailleurs Peyrefitte faillit entrer. Deux poids et deux mesures ?
La vie sexuelle de Peyrefitte fut exécrable, condamnable, mais son œuvre, certes inégale, demeure. Dans un autre registre littéraire, on sait qu'un Céline prit des positions extrémistes, notamment contre les Juifs ; qu'il eut des "liaisons dangereuses",mais certains de ses livres restent des chefs-d’œuvre.
Un Lully, qui fut un amateur provocateur d'amours grecques, nous nous a laissé de la belle ouvrage... Etc.
Doit-on dire avec le philosophe : "Sur le fumier poussent de belles fleurs." ?
Dans un contexte plus général, accordons-lui (au philosophe) que l'art et la morale ont rarement fait bon ménage !
Louise Caussade
(Sur le sujet : lire, de Françoise d'Eaubonne : "Éros Minoritaire")
Louise,
Doit-on condamner l'œuvre d'un artiste, en fonction de la vie privée de celui-ci ? Je ne le crois pas, à moins que son œuvre entre dans le cadre de la loi sur les discriminations. Quant à la syntaxe, j'espère que cette salve ne m'est pas adressée car, bien que non exempt de reproches, je fais mon possible pour m'améliorer.
Sachez qu'aucun article n'aura suscité autant de passions sur les réseaux sociaux que celui que j'ai rédigé, même ceux sur l'Occupation et la collaboration. Parlez des juifs, vous êtes antisémite. Parlez des musulmans, vous êtes islamophobe. Parlez des homosexuels, vous êtes homophobe. Parlez des catholiques, vous êtes anticlérical. Je me refuse à cela, car c'est donner raison à ceux qui veulent en finir avec la liberté d'opinion.
Ps: On a refusé à Charles Trenet l'Académie française pour les mêmes raisons que Peyrefitte. Dans mon article, tout est vérifiable. Si j'avais simplement rédigé un texte sur l'œuvre de Peyrefitte - parce qu'inhumé à Ale t-, en excluant sa personnalité particulière, cela m'aurait été reproché.
Cher Martial,
Bien entendu, notre appréciation sur le style ne vous concernait nullement : si vos chroniques ne nous plaisaient pas, il y a longtemps que nous ne les lirions plus. Non, nous pensions --- que l'on nous pardonne --- à quelque autre commentaire pas toujours heureux. Voilà, c'est écrit !
Votre travail est considérable et digne d'un grand intérêt, et nous prenons vraiment plaisir à vous lire.
Alors, bon vent, Martial ! Et régalez-nous encore longtemps !!!
Louise Caussade
P.S. : le Carcassonnais Alibert fut un grand poète, puissant, tellurique !
Prix Renaudot en 1944 "Les amitiés particulières" R. Peyrefitte et non 1945 pour "Les amours particulières". Il serait intéressant de revoir l'ensemble de ce texte et de ses sources.
Vous voulez dire les Amours Singulières...
Au cours de mon adolescence, en âge de lire et de comprendre, les romans de Peyrefitte m'ont aidé à placer l'affection que je découvrais pour les garçons et permis de me construire, de trouver un équilibre entre mes sentiments bourgeonnants et le contexte social qui prévalait alors. Il est regrettable de juger hors du contexte, une tendance courante aujourd'hui, alimentée par les réseaux sociaux où le pouvoir de réflexion est absent.