Issu d’une très riche famille marchands drapiers, Jean Pech naît à Carcassonne le 25 juin 1756 de Jean-Jacques et de Jeanne Lamarque. Il a un frère de quatre ans son cadet qui se prénomme Jean-Batiste, né le 28 juillet 1760 († 22 octobre 1842). A l’image de cette riche bourgeoisie en quête de noblesse, lorsque le père achète le 5 janvier 1775 à la famille Rieux les domaines de Palajanel, Sèverac et Lestagnère pour 25 500 livres près de Palaja, les fils accolent à leur patronyme le nom du lieu où ils vivent. Ainsi, Jean devient Pech-Palajanel et Jean-Baptiste, Pech-Lestagnère. En vérité, il s’agit plutôt de propriétés acquises comme résidences secondaires dans lesquelles un métayer s’occupe des terres agricoles. On y demeure à la belle saison et le reste du temps, on vit à Carcassonne pour les affaires au 31, rue du Séminaire. A la veille de la Révolution française, la société « Pech frères » fondée par Jean-Jacques Pech avec ses deux fils en 1779, semble réussir là où d’autres font faillite (L’industrie textile Carcassonnaise au XVIIIe siècle / Claude Marquié / p.79). C’est d’ailleurs ce qui permet, malgré les troubles insurrectionnels de 1789 et la Terreur qui s’ensuivra, à Jean Pech-Palajanel d’acheter en 1793, l’ancienne Commanderie hospitalière de Preïssan à Ouveillan, vendue comme Bien National.
© Jacques Blanco
L'entrée du château de Palajanel
En période révolutionnaire, quand on possède une richesse acquise dans le milieu des affaires sous l’Ancien Régime, le meilleur moyen pour la conserver est de bien sentir de quel côté tourne le vent politique. L’attentisme, l’habilité et l’opportunisme ; trois grands principes qui permettront à Pech-Palajanel de se sortir de l’impasse. Ce fils de franc-maçon initié à « La parfaite amitié » de Carcassonne possède les idées politiques du moment et trouve dans ses fréquentations les appuis nécessaires. En 1793, au moment de l’insurrection fédéraliste Girondine contre les Montagnards de la Convention, Jean Pech-Palajanel est membre du Conseil départemental et du Comité civil et militaire de Narbonne. La bourgeoisie audoise d’abord fédéraliste - apprenant le 24 juin que la Convention a traduit à sa barre les chefs de la rébellion de la Haute-Garonne, en a incarcéré dix et que les troupes de la Montagne marchent sur Marseille - change de visée. Le 4 juillet, la commission révoque ses arrêtés, rétracte ses proclamations et rappelle ses députés qu’elle avait envoyé à Nîmes. Le citoyen Pech-Palajanel, député extraordinaire du Comité civil et militaire de Narbonne se rend alors à Paris demander des secours en hommes et en munitions au Comité de Salut public (Congrès des sociétés savantes / Vol. 78 / 1953). Habile homme qui surtout va se rendre compte de la situation politique…
© commanderiedeshospitaliers.fr
Le château de la Commanderie de Preïssan
Reçu en audience par Couthon, Saint-Just, Hérault, Gasparin, Thuriot et Barère, le Carcassonnais obtient par décret du 14 juillet 1793 que « Le ministre de la guerre donnera sur-le-champ des ordres pour faire passer dans l’armée des Alpes, le régiment de Berchény et envoyer le régiment de Noailles à Perpignan. Surtout, Pech-Palajanel ressort conforté par le Comité de Salut public : « Le ministre de la marine donnera au même député extraordinaire un commission pour passer à Tulle, à l’effet de faire envoyer à Carcassonne et par les voies les promptes, les armes nécessaires pour le 9e bataillon offert par le département de l’Aude. » Par tous les moyens, il faut empêcher la marche des rebelles ; Pech-Palajanel retourne dans l’Aude en « Bon citoyen » d’une Terreur qui ne va alors cesser de se renforcer dans les semaines qui suivront (Recueil des actes du Comité de Salut public / F-A Aulard). A un détail près… Dix jours après l’insurrection, lors des Assemblées primaires du 27 août 1793, Venance Dougados remporte dans sa section la victoire contre Pech-Palajanel de 115 voix contre 106 sur 213 votants (Venance Dougados et son temps / Sylvie Caucanas).
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Les Sans-culottes menacent les députés Girondins
Pendant le Premier Empire, on retrouve Pech-Palajanel dans les petits papiers de Sa Majesté Impériale qui le nomme par décret en date du 31 juillet 1811, maire de Carcassonne en remplacement de Degrand, nommé sous-préfet de Castelnaudary. Le conseil municipal se garnit des plus riches bourgeois de la ville : Rolland Trassanel, Vidal Constant, Darles, Griffe, Bénavent-Rhodez, Escudié aîné, Avar père, Germain, Portal-Moux, Fages, Aribaud aîné, Gauzeux, Negre, Naucadéry, Rech Escudié, Alboise.
« Le maire Pech-Palajanel était le meilleur des hommes, digne administrateur, assez habile, et si Carcassonnais, si attaché à sa ville, à ses administrés, qu’il était impossible de ne pas l’aimer. Que de bien son dévouement civique a fait et qu’on l’en a mal récompensé ! » Ainsi parla de lui, le baron de Lamothe-Langon. Après les Cent jours et le retour de Louis XVIII sur le trône de France, Pech-Palajanel se trouve déchu de son poste de maire en août 1815. Il mourra le 9 mars 1827 à Carcassonne à l’âge de 70 ans.
Plusieurs de ses enfants, comme Adolphe Hippolyte né le 9 décembre 1793 à Carcassonne, poursuivront l’œuvre entreprise par leur père. En 1866, un descendant obtiendra la charge de procureur du tribunal de Première instance de Montauban, puis à Gaillac en 1871. Napoléon III n’avait pas oublié le nom des Pech-Palajanel et l’adresse à Napoléon 1er du maire de Carcassonne, président de la députation le 8 mai 1812. Du côté de Poitiers, se trouvent encore des descendants d’Adolphe Hippolyte, les Maugis dont Jules Léo s’était marié avec Hippolyte Marie Sidonie Pech-Palajanel, née en 1835 à Carcassonne.
Sources
Elle sont insérées dans l'article pour davantage de lisibilité
Etat-Civil / ADA 11
Délibérations du Conseil municipal de Carcassonne
Merci à Madame Aude Viguier pour ses informations sur le château de Palajanel
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Commentaires
habile homme -- fin politique - son histoire était méconnue jusqu'à ce jour ,je pense--
Cela donne envie de connaître l'histoire de ces propriétés qui jouxtent Carcassonne comme Palajanel et Lestagnère et sont passées de main en main depuis une fondation semble-t-il lointaine... Certaines gardent d'imposantes demeures anciennes.
Pendant dix ans , l'association des amis de la ville et de la cité , a obtenu des autorisations pour visiter beaucoup de ces grands domaines autour de Carcassonne . Les commentaires étaient assurés par les historiens de l'association , ainsi que les propriétaires des lieux .
Merci Monsieur Andrieu pour cette recherche qui me touche bcp, étant un arrière petit fils de Sidonie et de Jules Léo Maugis, médecin Major qui a été Maire de Bram de 1873 à 1877 (à vérifier).
Je n'étais pas au courant que le grand père de Sidonie Pech était le Maire de Carcassonne de 1811 à 1815.
La propriété de Palajanel a été vendu en 1868 à la famille Satgé également drapiers.
Nous avons rencontré cette famille au jour de l'an 2019 pour les 150 ans de la vente du domaine.
Voici un lien qui illustre la vente :
https://drive.google.com/file/d/1hPeQOI1saYsR6C2KapJ1_ot_6i7wQLSO/view?usp=sharing
C'est le procureur dont vous parlez Joseph Pech, petit fils de Jean, qui a procédé à la vente.
Nous avons bien d'autres renseignements qui peuvent vous intéresser en particulier sur les quatre domaines suivants :
https://drive.google.com/file/d/1HW5WfYg0yF61VUGKHLjc-gWsOlTIa2LQ/view?usp=sharing
Palajanel, et à Bram La Seignoure, La Seignourette et Rouzilles
Encore un grand Merci
Cordialement
Xavier Maugis
xavier.maugis@gmail.com