Au Moyen-âge, Carcassonne était enfermée à l’intérieur des fortifications de la Ville haute avant que Simon de Montfort ne mette fin au règne du Vicomte Raymond Roger Trencavel lors de la Croisade contre les Albigeois. Après son annexion au domaine royal, une nouvelle ville s’étendit au-delà du fleuve et en contre-bas de la Cité médiévale en 1247. On la nommait autrefois la Ville basse ; aujourd’hui, Bastide Saint-Louis. Carcassonne possédait deux villes et deux blasons. Le premier représentait le château comtal (Ville haute) et le second, un agneau d’argent dans un médaillon (Ville basse). Le décret du 19-23 août 1790 supprima l’ensemble des armoiries des villes de l’ancien royaume de France. Au moment de la Restauration, un des premiers actes du gouvernement de Louis XVIII, fut de rendre aux anciennes « Bonnes villes » et autre communes, leurs armoiries primitives. L’ordonnance du 26 septembre 1814 (Bulletin des lois 1814, n°297) suivi de Lettres Patentes du 27 février 1819, restaura les armoiries attribuées par les rois. Les villes qui ne possédaient pas de blason purent bénéficier d’une nouvelle attribution ; celles qui en avaient eu un, se firent confirmer celui qu’elles détenaient autrefois. La chose n’était pas tout de même aisée, puisque les municipalités devaient s’acquitter d’une certaine somme auprès du Droit du Sceau. Carcassonne fit partie des quatorze villes ayant sollicité la confirmation de leurs armoiries avec Montauban, Troyes, Nîmes, Cette, Avignon, Aix, Vesoul, Pau, Toulon, Colmar, Cambrai, Antibes et Abbeville (Traité de la commune / Bequet / p.57)
Armoiries de 1819
Sous le Second Empire, on abandonna la question des blasons, jugés facultatifs par l’administration. En fait, seuls les décrets de Napoléon III sur le droit administratif communal furent mentionnés. A partir de 1884, les lois républicaines restèrent muettes laissant à chaque commune le choix de ses armoiries, même les plus fantaisistes.
Jusqu’en 1944, la ville de Carcassonne conserva pour ses documents administratifs officiels, le blason ci-dessous, hérité des Lettres patentes de Louis XVIII en 1819. La Cité est représentée par trois tours au lieu de deux, la porte n’est pas hersée et l’agneau pascal est brodé directement sur la tour, alors qu'il devrait être encadré par un écusson.
Durant la période de l’Occupation allemande, le gouvernement de l’Etat-Français par le biais de la Commission des sceaux et armoiries, adressa une lettre le 30 janvier 1944 à la municipalité. Dans celle-ci, Vichy interrogea le maire sur le fait que la commune possédait deux blasons : La Cité et la Ville basse.
© Iconographie du sceau de ville en France / Christian de Mérindol / 1995
Second sceau de 1303 de Carcassonne
Les apôtres de la Révolution nationale, pourfendeurs des idées de la Révolution française, avaient imaginé le retour des langues régionales et des vieilles provinces de l’Ancien Régime. Une véritable aubaine pour les régionalistes, érudits et félibres languedociens. Le maire saisit alors la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne dont quelques membres siégeaient déjà au Conseil municipal et avaient prêté serment de fidélité au maréchal Pétain, comme René Nelli et Jeanjean. La commission extra municipale composée de Sivade, Embry, Jeanjean, Mot et Combes, se pencha sur la question. Le rapport de l’étude présentée par Gustave Mot, considéra que seules les armoiries héritées du sceau de 1303 étaient conforment à la vérité historique et héraldique. Par conséquent, le blason utilisé depuis 1819 pouvait être considéré comme fantaisiste ; seul le modèle libellé ci-dessous, devrait à l’avenir figurer sur les documents de l’administration municipale :
« D’azur, semé de fleurs de lys d’or, à un portail de ville flanqué de deux tours pavillonnées et girouettées d’or et maçonnées de sable, et à la porte hersée surmontée d’un agneau pascal en nimbe crucifère sur champ de gueules. »
Le 26 mai 1944, le conseil municipal nommé par l’Etat-Français se range derrière l’avis de la commission de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne. La réponse est donnée au gouvernement de Vichy et la ville fait diffuser le nouveau blason de Carcassonne sur ses papiers officiels. Depuis 1944, les municipalités successives utilisent cette représentation héraldique de notre ville, sans certainement savoir qu’elle émane de la décision d’une municipalité Pétainiste.
Sources
Délibération du CM / 26 mai 1944
Traité de la commune / Bequet
La revue administrative / Christian Gabolde / 1950
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Commentaires
C'est comme la fête des mères... Merci pour ce morceau d'histoire qui s'ajoute à tous les autres.
La phrase à propos de la Société scientifique et du conseil municipal « dont quelques membres avaient prêté serment au maréchal Pétain » prête à confusion ! J’ai du mal à croire que René Nelli ait « prêté serment » à Pétain !
Je crois que symbole de l’agneau signifiait que la ville se rendait au roi. Non ?
Merci pour vos informations !
Mireilha,
L'ensemble du Conseil municipal nommé par Vichy en remplacement de la municipalité Tomey, élue démocratiquement, prêta serment de fidélité au maréchal. Ce fut le cas également de tous les hauts fonctionnaire de l'état, comme les préfets par exemple. René Nelli fut adjoint au maire de cette municipalité, dont Jules Jourdanne était le maire, de 1941 à la Libération en août 44 où elle fut destituée par le Comité local de Libération. Si tout le conseil municipal prêta serment et que Nelli en faisait partie, on peut considérer qu'il a prêté serment. Sans remette en cause la probité intellectuelle de l'érudit que fut Nelli, il siégea tout de même aux côtés de Germain Gélis (Président de la Légion), Jouanneaux (Président du Secours National) et Louis Boyer (Secrétaire départemental de la LVF). Pour ce qui concerne la Société des Arts et des Sciences, M. Jeanjean qui en faisait partie était au conseil municipal comme M. Combes. Ceci ne sont pas allégations, ceci peut être vérifié à tout moment en consultant les délibérations du conseil municipal de Carcassonne pour la période 1940-1944. M. Tomey déchu de son poste de maire, fut nommé par son remplaçant Jourdanne au poste de Président du Conseil départemental. de l'Aude. Il assista également à l'inauguration de la Milice en 1943 au théâtre municipal.