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Le parcours tortueux d'une croix de mission à travers Carcassonne

Si l'on peut encore admirer derrière le chevet de la cathédrale Saint-Michel et en toute discrétion, cette croix de mission de 1815, ce n'est pas grâce à l'opération du Saint-Esprit mais à plusieurs Carcassonnais très dévoués. Sans leur concours, cet objet d'art sacré serait allé rejoindre la longue liste des couvents, églises et autres témoins du passé chrétien de notre ville, à avoir subi la foudre des anticléricaux. De ce point de vue, on peut affirmer sans crainte que Carcassonne est une cité martyre. Il va de soi qu'ici nous ne faisons ni l'apologie du cléricalisme, ni de ses opposants. Nous essayons de regarder l'histoire en face en appelant un chat un chat.

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© Martial Andrieu

La croix de mission dans le jardin de la Cathédrale

C'est le 24 mars 1815 que cette croix fut érigée sur la place Davilla à la suite d'une mission organisée par Mgr Arnaud-Ferdinand de la Porte, évêque de Carcassonne, pour le rachat des horreurs commises pendant la Révolution. Elle délimitait, si l'on peut dire, les deux paroisses de St-Michel et de St-Vincent, à l'extrémité ouest de la porte de Toulouse (rue de Verdun). Réalisée par le serrurier Serre, à qui l'on doit également le portail du jardin du Calvaire situé en haut de la rue Voltaire, elle porte les attributs de la passion du Christ.

"La branche supérieure est surmontée d'un coq pour rappel les paroles de Jésus à Pierre : "Avant que le coq ne chante tu m'auras renié trois fois." Au-dessous, l'inscription I.N.R.I (Iesvs Nazarenvs, Rex Ivdæorvm) qui signifie "Jésus de Nazareth, roi des juifs", qui Pilate fit fixer dessus. Au centre, un cœur entouré d'une couronne d'épines. A gauche, la lanterne qui éclaira les soldats au jardin des oliviers. A droite, le calice remémorant les paroles de Jésus : "Si ce calice ne peut s'éloigner de moi..." Les deux extrémités sont occupées, l'une par le soleil, l'autre par la lune, qui s'obscurcirent au moment du trépas. On voit au-dessous le marteau, les tenailles et clous de la crucifixion ; le voile dont Véronique se servit pour essuyer la face de Jésus ; l'aiguière et la cuvette que Pilate utilisa pour se laver les mains ; le sabre de Pierre auquel est restée accrochée l'oreille du serviteur du Grand-Prêtre ; la verge de la flagellation et le roseau sceptre de railleries. Plus bas, fixée à un bâton, l'éponge qui humecta les lèvres de l'agonisant ; la bourse de Judas ; lance qui perça le côté et l'échelle de la descente de croix. (Louis Cros, ancien archiviste de l'évêché)

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La croix de Villegly dite "Croix de Louis XVI"

On trouvait une croix identique au chevet de l'église de Fanjeaux. A Villegly, on peut encore admirer un calvaire contemporain de la croix de Carcassonne et presque semblable. 

Sous la Monarchie de Juillet, la croix fut déposée. En 1830, on la transporta dans la chapelle du Rosaire de la Cathédrale Saint-Michel qui trouvait sur l'emplacement de l'actuel parvis. Après la fin de l'épidémie de Choléra, les Carcassonnais voulurent manifester leur reconnaissance et ériger une croix à l'entrée de la ville. Quatre ans plus tard en 1858, l'évêque souhaitant perpétuer le souvenir de la Mission des Révérends Père Augustins, obtint de M. Roques Salvaza - maire de Carcassonne - que la croix soit réinstallée sur la place Davilla.  Le 11 décembre 1858, 3000 personnes assistèrent à son érection sur son piédestal.

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En 1881, l'atmosphère politique était à la lutte contre les courants monarchistes et bonapartistes soutenus par l'église catholique. Considérant cette dernière comme un adversaire de la République, les élus radicaux de l'Aude cherchèrent à amoindrir son influence sur la population. Prétextant que la croix effrayait les chevaux, le maire Joseph Teisseire somma Mgr Leuilleux de l'enlever de la place Davilla. Devant le refus de l'évêque, la mairie déboulonna la croix le 9 mars 1881, aux frais de l'évêché. Elle fut laissée telle quelle sur le trottoir. Ceci provoqua de vives protestations parmi une partie des Carcassonnais qui entonnèrent le Parce Domine, face à d'autres chantant la Marseillaise. Mademoiselle Gaubert qui habitait à l'angle du boulevard Marcou et de la place Davilla, proposa que l'on installe la croix dans son jardin. Ce fut chose faite, après que des séminaristes l'ont transportée à bout de bras. On la fit restaurer par François Ourtal et on y fixa un Christ en fonte. Le 14 mars 1881, l'évêque procéda à la bénédiction de la croix profanée. Par la suite, la demeure de Mlle Gaubert fut vendue aux sœurs de Saint-Aignan qui la cédèrent aux Sœurs Marie-Auxilliatrices. Ces religieuses y créèrent l'école Sainte-Marie que les Carcassonnais appelèrent "Le couvent de la Croix".

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L'ancienne maison de Mlle Gaubert

Après que les sœurs ont coupé les arbres qui protégeaient la croix du vent et des intempéries, celle-ci commença à rouiller et le coq à se tordre. Ce dernier fut confié à Antoine Clavel, ferronnier à Revel en 1958 ; la croix, quand à elle, passa entre les mains de la maison E. Laucat de Mieux-en-val. Les dorures furent refaites par l'abbé Esquirol, curé de Montolieu. En 1970, les sœurs vendirent leur couvent à un promoteur immobilier qui ne prit aucun soin de la croix ; elle fut tordue par la grue du chantier et mise à l'extérieur du bâtiment. Sans le secours de Gustave Mot, elle aurait rejoint la ferraille. Son piédestal, œuvre du sculpteur Léon Nelli ne put être sauvé car trop abimé par l'épreuve de démolition. Il portait les dates des missions de 1858 et de 1933.

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Démolition de l'Ecole Sainte-Marie en juillet 1970

 C'est l'entreprise Lauze qui redressa la croix et permit sa restauration. Après quoi, elle fut déposée sur un nouveau piédestal, réalisé par Gleizes, dans le jardin du Chapitre attenant au chevet de la cathédrale Saint-Michel. Elle s'y trouve depuis le mois d'août 1975.

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Le Christ qui avait été ajouté en 1858 fut enlevé et mis dans le jardin de la maison de retraite Béthanie, rue Pasteur, où il se trouve encore aujourd'hui. Si la Croix de Mission de 1815 n'est pas classée à l'inventaire des monuments historiques, ce serait une bonne chose qu'elle le soit.

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L'ancien couvent depuis 1971

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Seul vestige de l'école Sainte-Marie, la plaque sauvée par J. Blanco

Sources

Louis Cros / Académie des Arts et des Sciences / 1985

Midi-Libre / 1957

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