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La grève de la faim du curé de l'église Saint-Vincent

Cela fait plusieurs jours que Jean Cazaux, curé desservant la paroisse de Saint-Vincent depuis 1975, a entamé une grève de la faim. Installé dans la chapelle Notre-Dame des Anges, il reçoit couché dans son lit un grand nombre de Carcassonnais sensibles à son combat. Certains paroissiens se relaient même chaque nuit à son chevet depuis le 7 novembre 1991. Le curé affirme boire deux litres d'eau par jour et avoir fait son testament, pour le cas où le seigneur le rappellerait auprès de lui. Par ailleurs, il continue a dire la messe. Cet homme d'église connu pour sa grande érudition, ne compte pas céder face à une décision de l'administration municipale qu'il juge inique.

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Depuis quelques mois, la mairie de Carcassonne dirigée par Raymond Chésa a fait raser un pâté de maisons, situé en face du portail sud de l'église Saint-Vincent. La destruction réalisée par les entreprises Falandry et Chayla a dégagé et mis en évidence, l'ensemble de la façade du XIIe siècle. L'abbé Cazaux proteste contre la construction en lieu et place, d'un immeuble de 18 logement HLM. Il ne conteste pas l'utilité des logements sociaux, mais il considère qu'il pourraient être construits ailleurs. Tout simplement, parce que ce bâtiment moderne n'a pas lieu d'être en face d'une église médiévale. De son côté, la ville qui a délivré un permis de construire, se range derrière le droit et la nécessité de logements à loyer modérés en centre-ville. Toutefois, elle consent à modifier son projet en créant une place en son centre, ouverte sur la porte de l"église. Cette concession ne fera pas reculer les opposants.

L'abbé aurait pu trouver une alliée avec Madame Teisseyre. Celle-ci ne voulait pas quitter sa maison située dans la rue Tomey. Le maire ne souhaitant pas engager une procédure d'expropriation, un arrangement avantageux pour la propriétaire fut signé. Elle put rester dans sa demeure qui fut enserrée dans l'ensemble de l'immeuble moderne. 

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L'affaire attire les caméras des chaînes nationales et l'abbé Cazaux passe au journal télévisé de TF1. On y voit des Carcassonnais de toutes confessions, faisant la queue à l'intérieur de l'église pour signer la pétition. 82% des Carcassonnais soutient l'action du curé.

"Les monuments historiques ne s'en occupent plus. Ils ne font pas leur travail et ils laissent construire à cinq mètres du clocher, un immeuble qui en soit n'est pas critiquable - il est bien - mais qui pourrait très bien être fait ailleurs dans le centre-ville." (JT de TF1 / 11 novembre 1991)

L'évêché s'était tenu prudemment à l'écart de toute polémique, mais par la voix de l'abbé Alphonse Fournil, indiqua : "L'évêque espère qu'il n'y aura pas de conséquences trop dramatiques et que l'on arrivera à trouver une situation équitable." 

Un comité de vigilance s'est créé autour de Carcassonnais. Parmi eux, on trouve Joseph Dovetto, Claude Morin, Madeleine Bertrand, Jean-Claude Rivière et l'avocat de l'association, Maître Jean-Marie Bourland. Le 15 novembre 1991, alors que Jean Cazaux en est à son neuvième jour de grève, Mgr Despierres lui demande d'arrêter. Il se range donc derrière l'ordre de l'évêché, mais gardera une certaine rancœur un an après.

"Toutes les hiérarchies locales ont été inférieures à leur tâche, y compris la mienne."

 Jusque-là, le comité de vigilance empêchait d'accéder au chantier, mais au petit matin du 15 novembre, la police fut relevée par une société de gardiennage avec des dobermans tenus en laisse. C'était la réponse de la mairie... 

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Le maire joua sur la communication ; il fit imprimer et distribuer 20 000 exemplaires d'un tract afin de retourner l'opinion de ses concitoyens. Dans la presse, il sous-entendit que l'abbé était récupéré politiquement par des gens souhaitant nuire à la majorité municipale. L'affaire de l'îlot Saint-Vincent fut envoyée devant les tribunaux. En avril 1992, l'association obtint l'arrêt des travaux. En juin, le permis de construire fut cassé. Le mois suivant, nouveau permis déposé et en septembre, nouveau recours. Pendant tout ce temps, l'association occupa le terrain avec des conférences, des concerts et des illuminations du clocher.

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La Résidence St-Vincent ne sera livrée par le Groupe Marcou qu'en 1993, au terme de deux années de procédures. L'abbé Cazaux n'aura pas obtenu totalement gain de cause, à savoir un vaste parvis devant son église. Il s'agit d'une espèce de cour dont l'accès est toujours fermé depuis la rue Gamelin. S'il y avait eu un peu plus d'abbé Cazaux à Carcassonne, de très nombreux bâtiments du XVIIIe siècle n'auraient pas été rasés. Notons qu'à lui seul, cet homme d'église sauva l'actuel Dôme de l'ancien hôpital ainsi que les balustres en marbre, que l'on déposa dans la cathédrale St-Michel.

Il est très difficile de s'opposer à la construction de logements HLM à Carcassonne. C'est aller contre la puissance financière du BTP alliée à celle des élus. Des intérêts qui nous dépassent... S'ils pouvaient bâtir du logement social dans la Cité, ils le feraient. Quant à la passivité des associations savantes et des services de l'état, c'est un doux euphémisme. Aucun n'a soutenu ma démarche pour sauver la Villa de la Gestapo, pourtant symbole de la barbarie nazie. Il en fut de même pour l'Hôtel Dieu (1977), le Couvent des Capucins (2002), etc.

"Il faut être débile pour aller planter cet immeuble de style 1925"

(Jean Cazaux / 1992)

Sources

JT TF1 / 11 Novembre 1991

FR3 Languedoc-Roussillon / 15 novembre 1991

FR3 Languedoc-Roussillon / Novembre 1992

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