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L'oeuvre Carcassonnaise des Bains-douches à bon marché

A l'arrière du Groupe scolaire Jean Jaurès dans de la rue de Lorraine, se trouve un bâtiment à l'architecture particulière construit en 1910. Il s'agit des anciens

Bains-douches de Carcassonne

qui aujourd'hui logent une crèche de ce quartier. En 1907, le Dr Peyronnet fonde l'Oeuvre Carcassonnaise des Bains-douches dont le but est "de répandre le goût de la propreté du corps et de faciliter les moyens de prendre des bains à des prix réduits." Cette société avec le concours du Foyer Carcassonnais, société d'habitations à bon marché, permettra la construction d'un établissement de Bains-Douches.

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© Google maps

Au mois de juin 1909, le conseil municipal vote le principe de la cession d'un terrain de 250 m2 - sur lequel se tenait l'ancienne prison - afin que la société des Bains-douches puisse demander une subvention au Pari-mutuel. Le Conseil d'état s'y opposera en faisant prévaloir qu'une municipalité ne peut céder de terrain à titre gratuit ; un arrangement sera trouvé pour que l'Oeuvre des Bains-douches ne paie que la moitié de la somme estimée sur le prix total du terrain. La question de subvention agite le Conseil général quand M. Fondi de Niort au nom de la droite Républicaine expose son refus des Bains-douches : "Les gens n'ont qu'à faire comme dans les campagnes. Aller se baigner dans la rivière du Rebenty." 

M. Gauthier, sénateur de l'Aude, informe le 28 décembre 1909 le maire, de la décision d'Aristide Briand - ministre de l'intérieur et des cultes - d'accorder une subvention de 10 000 francs provenant d'un fonds des produits des jeux. La caisse d'épargne a consenti un prêt de 20 000 francs. Grâce à une somme totale de 30 000 francs, l'établissement sera inauguré le 23 décembre 1910.

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Plan des Bains-douches de Carcassonne

© Archives de Rennes / 2FI 2898

L'établissement comprenait 8 cabines pour les hommes et 6 pour les femmes. La première formant un carré de 1m20 de côté était pour se déshabiller. Elle renfermait un siège fixe, une tablette, une glace, des porte-manteaux, un caillebotis pour éviter que les pieds ne reposent sur un sol froid. La seconde de même dimension était la salle d'aspersion, séparée de la première par un rideau en toile. Le sol incliné permettait au baigneur de prendre un bain de pieds. Les parois étaient revêtues de briques blanches, biseautées, en grès. C'est à l'architecte Léon Vassas qu'avait été confiée la réalisation de cet bâtiment - il est également le maître d'oeuvre du Grand théâtre de la Cité.

Un progrès sanitaire 

En ce début de XXe siècle, seules les familles aisées possèdent l'eau courante chez elles. L'hygiène quotidienne n'est encore qu'un luxe dans bien des foyers. M. Hauser dans la Revue politique et parlementaire de juillet 1902, indique que "ce bain est plus efficace que le bain par immersion. A moins d'être dans une eau abondante et courante, par l'immersion le corps reste dans la même eau et en contact par conséquent, avec les impuretés mises en suspension. Par aspersion, au contraire, l'eau enlève les souillures et les emporte au fur et à mesure."

M. Arnoult assure que "le seul fait de se plonger pendant 20 minutes à une heure dans un bain chaud ne saurait suffire à réaliser un nettoyage sérieux de la peau là surtout où elle est très riche en glandes sébacées. Il faut encore durant que l'on se baigne, aider à l'élimination mécanique de la crasse par des frictions et par l'emploi du savon qui dissout les matières grasses étalées à la surface de la peau et englobent les poussières, les débris épidermiques, les microbes, etc..."

On ne se rend pas bien compte aujourd'hui du progrès que représentaient les Bains-douches pour l'hygiène et la santé des Carcassonnais à cette époque. 

"Le bain-douches convient à tous les sexes et à tous les tempéraments. Mais c'est surtout aux ouvriers que les bains sont les plus nécessaires en raison même de la nature de leurs travaux, de la transpiration qui en résulte, des poussières qui s'accumulent sur eux et de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent de changer de linge aussi souvent qu'il le faudrait. (...) L'enfant ne se lave pas, il faut qu'on le lave. Mais arrivé à un certain âge, il faudrait qu'il se lave. Nous le voyons bien tous les jours quand les enfants se présentent à l'école. L'examen de propreté révèle des malpropretés souvent très apparentes que nous ne pouvons supporter et on prie alors les enfants de passer à la fontaine pour faire disparaître ce qui choque par trop notre vue. C'est dans ce but que le comité a établi un prix spécial de 10 centimes pour les enfants des écoles avec une salle spéciale.

Le règlement des bains-douches

Le local était ouvert tous les jours de 5 heures du matin à 7 heures du soir en été, de 7 heures à 5 heures su soir en hiver. Fermé entre midi et 2 heures. Le ticket est prix avant d'entrer en cabine et le savon fourni au prix de 5 centimes. Interdiction de faire du bruit et de chanter. Vingt minutes suffisent pour se déshabiller, prendre le bain et s'habiller.

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© Martial Andrieu

La façade de ce bâtiment, témoin architectural de l'Art nouveau, mériterait un classement comme Monument historique du XXe siècle. La presse locale faisait écho dernièrement du projet de classement de l'école Jean Jaurès, à laquelle s'adossent les anciens Bains-douches. Voilà l'occasion de faire d'une pierre deux coups, car un jour fatalement on pourrait avoir envie de la raser.

Sources

Notice Bains-douches / Roudière / 1910

Archives départementales de Rennes

La fraternité de l'Aude / 1909 et 1910

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© Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016 

Commentaires

  • oui ce bâtiment mériterait d'être classé par son architecture et j'avoue m'y être douchée alors que chez nous la toilette se faisait a l'évier car l'appartement de ma grand mère n'était pas luxueux mais cela fait de bons souvenirs d'enfance ...a présent la douche chez nous parait tellement banale ....

  • Citer les textes d'époque vaut toutes les explications que l'on pourrait faire sur le progrès des bains-douche. Se laver n'a jamais coûté bien cher mais c'était surtout les mentalités qu'il fallait convaincre de la nécessité de se laver, d'être propre, disons-le de ne pas sentir... La crasse protectrice était (enfin) passée de mode !
    Les architectes ont bâti selon la mode du moment. Ils ont su intégrer l'art nouveau au travers de l'architecture et des mosaïques. Toulouse possède au moins deux bains-douche à ma connaissance dont les façades ont été préservées et les locaux réutilisés : proche de la place St Cyprien et proche de la Halle aux grains. La décoration des nôtres n'a rien à envier à celles de Toulouse.
    La libraire Breithaupt-Cariven à Carcassonne a su conserver l'intérieur d'autres bains-douche. Dans la zone "beaux livres" et stylos-plume on trouve au sol les emplacements des bacs et les carrelages en carreaux de béton coloré si caractéristiques sous une verrière qui illumine la pièce. A voir absolument...

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