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villebazy

  • La destruction du maquis de Villebazy et la mort de Pierre Rocalve, le 17 juillet 1944

    Le 17 juillet 1944, des troupes allemandes procédèrent à une opération à Ladern-sur-Lauquet, ainsi qu’au village de Villebazy. A la suite de l’attentat commis à la gare de Madame (Villalbe), sur le chauffeur d’un train de marchandises, la police allemande soupçonnait la présence d’un maquis dans les environs. Ces soupçons avaient été confirmés par un rapport de Pedro Niubo-Solsona. Cet espagnol était entré comme agent à la Gestapo parce que souhaitant se marier bientôt, il avait besoin d'argent pour célébrer son union. D'après René Bach, il donna en échange plusieurs maquis dont celui proche de la Bastide-en-val et de Montjardin. Sur ce dernier, à défaut de mettre la main sur les maquisards, les allemands saisirent des armes et des explosifs. Il dénonça également des compatriotes républicains espagnols comme Maric-Font, demeurant rue Longue à Carcassonne. Repéré par la Résistance à Lastours, il vint se réfugier à la gendarmerie de Saint-Hilaire avant de partir en Allemagne. Niubo ayant quitté Carcassonne, à la suite d’une tentative d’enlèvement, l’affaire est restée en suspens, jusqu’au jour où Joseph Robert (agent Gestapo MO 203, demeurant rue Racine à Carcassonne)  a déclaré à la police allemande que le fils du boulanger de Ladern-sur-Lauquet ou de Saint-Hilaire, ravitaillait le maquis en pain. Par l’intermédiaire de la préfecture, cet homme fut convoqué. Le père s’étant présenté, il fut arrêté et relâché. Fernand Fau (Agent Gestapo MO 229) a alors été envoyé en mission dans cette région, et trois ou quatre jours après, l’opération a été organisée. Ce Fau était spécialisé dans la reconnaissance des maquis et livra celui de Jacques à Villebazy ; comme d'ailleurs il sera le responsable de l'arrestation de Jean Bringer à Carcassonne. Sa vie se terminera au bord d'une route, exécuté probablement par la Résistance.

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    © cheminsdememoire.gouv.fr

    Photo d'illustration d'une attaque contre un maquis

    L’opération contre Villebazy a été commandée par Schiffner, Wendsel, Schlutter du côté de la police allemande et par le lieutenant Mathaus du 71e régiment de l'air. Les troupes ont été envoyées avec des canons anti-chars. René Bach, interprète de la Gestapo, indique :

    "J’ignore quel était l’officier qui commandait ce renfort. j’ai su par la suite qu’un nommé Rocalve avait été arrêté et incarcéré à la maison d’arrêt de Carcassonne. J’ai su ce fait car j’ai été chargé de faire connaître à la préfecture de l’Aude, que le dit Rocalve était mort, qu’il avait été abattu parce qu’il avait essayé de s’enfuir. J’ignore si cette version était exacte, c’est toujours celle que les soldats ont donné à la police allemande lors de l’enquête ; je n’ai pour ma part jamais interrogé Rocalve. Je ne puis vous dire si le nommé Ménard que vous l’indiquez a été interrogé ou arrêté. J’ai su simplement qu’il avait été arrêté. Après son arrestation, lorsque la liste de la préfecture m’a été présentée, pour que je puisse dire quels avaient été les motifs de ces arrestations."

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    Entrée du village de Ladern-sur-Lauquet vers 1945

    En amont de cette opération, Pierre Rocalve demeurant à Ladern-sur-Lauquet et boulanger de son état, fut arrêté car accusé de ravitailler le maquis de Villebazy en pain. D'après le rapport de la gendarmerie de Saint-Hilaire dressé par le Maréchal-des-Logis chef Roucayrol nous avons la déposition d'Alice, l'épouse de Pierre Rocalve en date du 4 mars 1945.

    Mon mari a été arrêté par les Allemands à son domicile le 17 juillet 1944 à 8 heures. Il était accusé d'avoir ravitaillé le maquis en pain. Après l'avoir sauvagement frappé dans la localité, ils l'ont conduit à Carcassonne et déposé à la maison d'arrêt. Le 19 juillet, j'ai été informée par la préfecture que mon mari avait été tué dans sa cellule ce jour même, à 14 heures. Je me suis rendue immédiatement à Carcassonne, à la morgue de l'hôpital où le corps de mon mari avait été déposé. J'ai constaté que mon mari avait été torturé pendant son internement à la Maison d'arrêt. Il avait le côté gauche abimé par les coups qu'il avait reçus. J'ignore les moyens employés par les bourreaux. En plus de cela, il avait les poignets brisés ; son corps avait été traversé par des balles dont deux sur la poitrine et une troisième qui était sortie par la nuque. Des ecchymoses étaient visibles à la face et à la tête. Le corps de mon mari a été ramené à Ladern le 21 juillet où il a été enterré. Lors de ma visite à la morgue de Carcassonne, j'ai été accompagnée par Mesdames Peyra, Jean et Ferrateau.

    Alice Rocalve s'est ainsi retrouvée veuve à l'âge de 29 ans avec deux enfants de 9 ans et 6 jours. Jean Amouroux, âgé de 57 ans et transporteur à Ladern-sur-Lauquet, déclare que le 17 juillet 1944 il a été arrêté par les Allemands à l'entrée du village.

    Après avoir été fouillé, il m'ont fait mettre tout déshabillé dans le fossé. A ce moment là, j'ai aperçu un autre groupe d'Allemands qui sortait du village et amenaient Fernand Rocalve en le brutalisant à coups de crosse de fusil. Ils l'ont fait monter sur le terrain de sport et là, un Allemand parlant correctement le français, l'a interrogé en continuant à le frapper. Comme Rocalve ne disait jamais rien ; ils l'ont laissé sur place entouré de quatre soldats avec mitraillettes. A ce moment là, un autre groupe d'Allemands amenait le jeune Prosper Maynard qui a été aussi roué de coups. Quelques instants après, le chef des Allemands a donné l'ordre du départ. Fernand Rocalve a été traîné au pied d'un camion où il ne pouvait monter. Voyant cela, quatre Allemands l'ont saisi et jeté à l'intérieur du véhicule. J'ai regagné mon domicile après en avoir reçu l'ordre, puis les camions sont partis tout de suite en direction de Carcassonne. 

    Raymond Peyra, âge de 57 ans et secrétaire de mairie, donne ce témoignage 

    Le 17 juillet, vers 8 heures, je me trouvais au jardin où je travaillais. A un moment donné j'ai entendu du bruit et j'ai aperçu avec stupéfaction le nommé Fernand Rocalve, qui était entouré d'un groupe d'Allemands armés, constitué par six ou sept hommes. Rocalve, en m'apercevant, s'est arrêté et m'a appelé en me faisant signe de la main. Voyant cela un Allemand lui a donné un brusque coup de pied dans les jambes et ils se sont dirigés vers la sortie du village. J'ignore ce qu'il s'est passé ensuite.

    Fernand Rocalve ne fut pas le seul à avoir brutalisé, le jeune Prosper Maynard, âgé de 19 ans, né le 31 mars 1925 à Ladern-sur-Lauquet (Aude) le fut aussi.

    Le 17 juillet 1944 vers 7 heures 30, un groupe d’allemands armés de mitraillettes et de fusils se composant d’une quinzaine d’hommes, s’est présenté au domicile de Maynard et ont demandé à parler à son père qui était maire de la commune. Ils ont demandé à ce magistrat s’il n’avait pas un fils de 20 ans. Sur sa réponse affirmative, deux des soldats, parlant correctement le français, ont dévisagé le fils Maynard en disant : « C’est bien lui ». Encadrant ce dernier, ils l’ont invité à les suivre.
    Parmi ces militaires allemands, Maynard a reconnu le nommé Fau, milicien notoire et agent de la Gestapo. Le jeune Maynard fut alors conduit à proximité de la cave de la localité et ensuite au terrain de sport où un interrogatoire serré a eu lieu. Il a été demandé à ce dernier, s’il savait où se trouvait le maquis, l’effectif et l’armement dont il était doté. Maynard a dit ignorer tout et ne connaître personne. Voyant que le jeune Maynard ne voulait pas causer, il a été placé face au mur et une rafale de mitraillette a été tirée à ses côtés en vue de l’effrayer.
    Au terrain de sport, le jeune a été frappé avec un piquet de bois. Cette opération terminée, les Allemands et les Miliciens ont montré à Maynard, le plan du maquis de Coumemazières et l’ont invité à monter en voiture avec eux. Ils l’ont conduit en direction du dit maquis. Arrivés à Villebazy, ils ont frappé à nouveau Maynard à coup de poing. Au préalable, ils avaient demandé à l’approche de cette localité, le chemin du maquis. Sur ces entrefaites, une moto montée par deux hommes et appartenant au maquis est arrivée. Interrogés, ces hommes ont été contraints par la violence, d’avouer la présence du maquis, le nombre d’hommes le composant ainsi que la matériel qu’il détenait. Aussitôt, les allemands ont déchargé des armes automatiques et les ont faites transporter à dos par Maynard qui au cours de cette opération a été frappé à coups de crosse de fusil. A la suite de diverses opérations effectuées en vue d’attaquer le maquis, les allemands ont conduit Maynard à Carcassonne et l’ont jeté en prison.

    Le 18 juillet dans la matinée, Maynard a été interrogé par les gardiens de la prison. Comme le détenu ne comprenait pas très bien les questions posées, il a été giflé et frappé avec violence à coups de poing. Dans la soirée du 18 juillet, la Gestapo fit subir un nouvel interrogatoire à Maynard, lequel a été à nouveau rossé de coups de poing et a eu les poignets tordus. Il a été ensuite relâché. La Gestapo tenta en menaçant régulièrement ce jeune garçon de le retourner en sa faveur ; il ne lui donnera jamais satisfaction.

    L'opération contre Villebazy

    Le 17 juillet 1944 à 17 heures, les troupes d’occupation, accompagnée de miliciens d’un nombre inconnu, firent une opération de nettoyage contre le maquis de Coumemazières. Cette ferme est située à 2 kilomètres de l’Est du village de Villebazy.

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    Le domaine attaqué par l’artillerie allemande subit de graves dommages et fut en partie détruit. Le contingent des maquisards au nombre de 27 réussit à s’échapper et à gagner les bois environnants. Seul un Nord-Africain, âge de 30 ans environ, trouva la mort, abattu par les troupes d’occupation.
    Sous les effets du bombardement, le feu fut communiqué à la forêt ; 300 ha de bois sis dans la série domaniale de la commune de Saint-Hilaire, ont été la proie des flammes. A 17 heures 20, les troupes de nettoyage allemandes prirent possession du village de Villebazy. La presque totalité de la population avait quitté son domicile pour se réfugier dans la campagne, laissant leurs domiciles ouverts.
    Toutes les maisons ont été pillées sans exceptions et le butin du vol s’établit ainsi :

    Marius Desarnaud

    (Maire de Villebazy)

    4800 francs en liquide. Deux réveils. Une grand quantité de linge. Les tickets d'alimentation du mois en cours. Le préjudice s'élève à 40 000 francs environ

    Marie Désarnaud

    4800 francs en liquide. Linge de corps. Préjudice : 30 000 francs environ.

    Louise Romieu

    Une paire de bœufs de travail âgés de six ans. Un couple d'oies. Préjudice : 100 000 francs environ.

    François Arnaud

    Deux jambons. Préjudice : 5000 francs

    Joséphine Martinolles

    Un jambon. Un cochon vivant de 70 kg. Un pot de graisse et une montre bracelet. Préjudice : 10 000 francs.

    Henri Roger

    10 cuillères en argent massif. 5 fourchettes et 7 couteaux. Une montre en or. Préjudice : 30 000 francs.

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    Caisse aux armes du maquis de Villebazy

    Quant à l'incendie, son estimation par M. Callabat (Garde forestier) s'élève à deux millions de francs. Jusqu'au 21 juillet à 15 heures, le feu fut combattu par les populations de Saint-Hilaire, Villebazy et Gardie. Cette opération militaire contre le maquis de Villebazy fut menée conjointement par des militaires Allemands et des membres de la Milice française.

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    © ADA 11

    Membres de la Milice française à Carcassonne

    Sources

    Rapports de Gendarmerie sur les crimes de guerre / Mars 1945

    Liste des agents de la Gestapo / Procès Bach / 1945

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