La guerre civile espagnole remportée par les troupes phalangistes du général Franco sur les Républicains, a poussé plus de 450 000 espagnols sur les routes de l'exode en février 1939. Après la chute de Barcelone, l'afflux de réfugiés n'a cessé de progresser vers la frontière française.
Les réfugiés à la frontière du Perthus en 1939
Le gouvernement français de Daladier refuse d'en premier temps toute intrusion par la frontière, propose ensuite une zone neutre à Franco. Celui-ci décline l'offre indiquant qu'il s'agit de prisonniers de guerre. Le 27 janvier 1939, la France complètement débordée par les événements ouvre ses frontières, uniquement aux civils. Les gardes mobiles et les militaires sont chargés de faire le tri et repoussent par la force ceux jugés à-priori comme des combattants Républicains. Les autres sont fouillés et dépossédés de leurs armes, bijoux, argent liquide...etc. Le lendemain, ordre est donné de les accueillir mais leur nombre (45 000) déjà parqués sur les plage d'Argelès-sur-mer incite le gouvernement français à fermer à nouveau la frontière. À partir du 5 février, le reste de l'armée Républicaine de 250 000 hommes est autorisée à venir en France. Elle s'ajoute aux 250 000 civils déjà sur place. Des avions républicains atterrissent à Carcassonne. On estime à 500 000 le nombre de réfugiés dont un tiers de femmes, enfants et vieillards.
Le camp d'Argelès-sur-mer
La France est débordée et complètement dépassée par les évènements. Les premiers réfugiés sont obligés de construire eux-mêmes des baraquements. En plein hiver, les espagnols ne disposent pas de chauffage, de médicaments, de nourriture et ce n'est qu'au bout d'un moment que l'armée consent à donner des couvertures. Saint-Cyprien est déclaré "zone paludique" ; entre février et juillet 1939, 15 000 personnes mourront de plusieurs épidémies. Il faudra attendre le printemps pour que d'autres camps soient créés au-delà des Pyrénées-Orientales, à Agde et Bram.
Le gouvernement parle de "Camp de concentration", comme celui de Bram à 25 kilomètres de Carcassonne. Il est entouré de barbelés et gardé par des policiers français. Ce n'est pas le seul dans l'Aude, il faut ajouter notamment celui de Montolieu ou de Couiza.
L'arrivée des réfugiés au camp de concentration de Bram
On ne peut pas dire que la France fut très glorieuse dans l'accueil des réfugiés espagnols, même si elle fut dépassée par l'ampleur du problème. Ils venaient des régions frontalières telles que la Catalogne ou l'Aragon. L'arrivée au pouvoir du gouvernement de Vichy en 1940 va sérieusement détériorer la condition de ces étrangers. 200 000 seront enrôlés de force des les groupements de travailleurs étrangers fondés par Vichy. Dans l'Aude, ils construiront des routes ou seront employés à la mine de Salsigne. Certains seront déportés dans des camps d'extermination.
N'oublions pas que des centaines d'entre-eux ont rejoint les rangs de la Résistance et ont libéré la France des nazis. A Carcassonne, citons la 5e brigade de guérilleros espagnols qui logeait dans la rue Fabre d'Églantine. Ils seront arrêtés par la Gestapo, torturés dans la maison de la route de Toulouse et déportés. Il serait bien que la ville de Carcassonne leur rende hommage dans l'édification d'une plaque en leur mémoire.
Communication de Marieh Melendez, historienne :
Pour retracer la chronologie de ces évènements dans le département, les premiers réfugiés de la Guerre d'Espagne à parvenir dans l'Aude arrivent par la mer; ces (déjà)boat-people débarquent dans le Port de la Nouvelle en janvier 1939. La plupart ont embarqué sur des bateaux de fortune et ont été mitraillés par l'aviation nazie et fasciste italienne, sur leur trajet depuis la Catalogne; ces réfugiés qui ont tout quitté, au péril de leur vie, sont épuisés à leur arrivée et demandent asile à la France. Pour ceux qui souhaiteraient poursuivre l'Histoire de ces réfugiés, je vous invite à lire mon article paru récemment dans les mémoires de "l'Académie des Arts et Sciences de Carcassonne". Il y est question d'aspects assez méconnus: des Colonies d'enfants réfugiés, implantées dans la Montagne noire ou au Lac à Sigean, œuvre des Humanitaires suisses, mais aussi des colonies basque et britannique qui s'installent à Narbonne, grâce à la mobilisation d'associations humanitaires.
Mais le plus grand nombre de ces réfugiés de la Guerre d'Espagne a été reçu comme "indésirables", dans des camps-casernes, y compris quand il s'agissait de femmes et d'enfants comme dans le camp de Couiza-Montazels, de sinistre mémoire. Faim, épidémies, privation de liberté, barbelés, mortalité infantile très élevée, on est bien loin d'un accueil idyllique. Il s'agit de le reconnaitre pour ne pas renouveler les erreurs du passé.
Si en 1939, avec la censure de la presse,la majorité des Français était tenue à l'écart de la réelle situation dramatique des réfugiés d'Espagne, ce n'est pas le cas actuellement, avec les images qui sont diffusées, personne ne pourra plus dire qu'il n'était pas au courant. Il existe depuis ces évènements un statut de "réfugié" (Genève 1950), souhaitons qu'il puisse être appliqué au présent pour toute personne dont la vie est menacée.
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