Pierre Mendès France (1907-1982) que l'on voit ci-dessus à l'entrée de la cité médiévale avec ses partisans, probablement au début de l'été 1958, fut un homme d'état français de gauche. Il entra au Parti Radical à l'âge de seize ans et participa à la coalition du Front populaire. D'origine juive mais profondément laïc, Pierre Mendès France s'opposera toute sa vie à l'extrême droite. Au début de la Seconde guerre mondiale, il est incarcéré par le gouvernement de Vichy avant de réussir à rejoindre Londres après l'appel du 18 juin 1940. Il combat dans les Forces Françaises Libres ; le général de Gaulle lui confie les finances de la France Libre puis devient son ministre de l'économie en 1944. Sa démission intervient en avril 1945. Après avoir pendant un temps quitté la politique, Mendès France prend la présidence du Fond Monétaire International en 1948. Entre juin 1954 et février 1955, René Coty le nomme Président du Conseil des ministres de la IVe République. Il signe les accords de Genève mettant fin à la guerre d'Indochine. En 1956, après trois mois de fonction comme Ministre d'état dans le gouvernement de Guy Mollet, Mendes s'en va. Il est contre la politique menée par la France sur le dossier Algérien. Un an plus tard, il prononce un discours que l'on peut qualifier aujourd'hui comme visionnaire sur le devenir de l'Europe, au moment de l'adoption du traité de Rome. Il votera contre ce texte et le réarmement de l'Allemagne :
« Nos partenaires (européens) veulent conserver l’avantage commercial qu’ils ont sur nous du fait de leur retard en matière sociale. Notre politique doit continuer à résister coûte que coûte, à ne pas construire l’Europe dans la régression au détriment de la classe ouvrière (…)
Il est prévu que le Marché commun comporte la libre circulation des capitaux. Or si l’harmonisation des conditions concurrentielles n’est pas réalisée et si, comme actuellement, il est plus avantageux d’installer une usine ou de monter une fabrication donnée dans d’autres pays, cette liberté de circulation des capitaux conduira à un exode des capitaux français (…)
Les capitaux ont tendance à quitter les pays socialisants et leur départ exerce une pression dans le sens de l’abandon d’une politique sociale avancée. On a vu des cas récents où des gouvernements étrangers ont combattu des projets de lois sociales en insistant sur le fait que leur adoption provoquerait des évasions de capitaux (…)
L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement “une politique”, au sens le plus large du mot, nationale et internationale. » (Assemblée nationale / 18 janvier 1957)
Pierre Mendès France à Carcassonne vers 1958
Après avoir soutenu l'homme du 18 juin 1940, Pierre Mendès France devient l'adversaire politique du général. En 1958, il refuse les pleins pouvoirs à de Gaulle et vote contre le référendum sur la constitution de la Ve République. Ce sentiment se renforce quand éclate la guerre d'Algérie. Pierre Mendès France n'a jamais transigé sur ces positions et à combattu le populiste Poujade qui cherchait à discréditer sa politique par des relents d'antisémites :« Si vous aviez une goutte de sang gaulois dans les veines, vous n'auriez jamais osé, vous, représentant de notre France producteur mondial de vin et de champagne vous faire servir un verre de lait dans une réception internationale ! C'est une gifle, monsieur Mendès, que tout Français a reçue ce jour-là, même s'il n'est pas un ivrogne." Jean-Marie Le Pen ne fut pas en reste en 1958 : « vous savez bien, monsieur Mendès France, quel est votre réel pouvoir sur le pays. Vous n'ignorez pas que vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques et presque physiques."
Pierre Mendès France est décédé le 18 octobre 1982. Soit 17 mois après le retour de la gauche au pouvoir qu'il avait tant espéré depuis 1958.
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