Marc Paul Freund, dit Freund-Valade
est né à Strasbourg (Alsace) dans une famille protestante. Son père est le pasteur de cette communauté. Il occupe d'abord les fonctions d'Intendant de police en zone non-occupée à partir de mai 1941. Nommés par le Secrétaire d'état à l'Intérieur, le rôle de ces agents issus du corps préfectoral est de mettre en place sur le terrain l'étatisation de la police, ainsi décidée par Darlan puis par René Bousquet en avril 1942. L'ensemble des commissariats sont soumis à des inspections minutieuses des registres, fichiers de l'ensemble des personnels. Des recrutrements et des cours sont dispensés afin de mettre en place les nouvelles méthodes définies par Vichy. Les GMR obéissent à ces règles de répression. La mission doit également assurer la surveillance des Francs-maçons et des militants politiques. C'est dans ce cadre que le futur Préfet de l'Aude va agir avec zèle et détermination. À partir du 11 septembre 1943, il quitte l'Aude et devient Préfet de la région Limousin.
14 juillet 1942
3000 personnes se rendent près de la statue de Barbès, sur le boulevard du même nom, afin d'affirmer leur attachement aux valeurs de la République. Parmi elles, on trouve le Dr Henri Gout, maire de Carcassonne ayant refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Il a été destitué par ce dernier depuis 1941 et remplacé par Jules Jourdanne, favorable au régime de Vichy. Malgré les applaudissements de quelques passants courageux, le S.O.L (Service d'Ordre légionnaire) veille et surveille en bons futurs miliciens ; une liste des participants sera délivrée sur le bureau de la préfecture. La devise du tribun Barbès "Vivre libre ou mourir" sera même inscrite sur le Palais de justice.
À l'issue de cette manifestation, un peu plus de cent personnes vont être assignées à résidence ou internées sur décision de la préfecture. Notons que le 20 septembre 1942 de jeunes communistes audois commémoreront la bataille de Valmy, qui vit les armées Républicaines vaincre celles de la Prusse venues au secours de Louis XVI. Ils seront internés puis pour certains, fusillés sur l'ordre de Darnan. Parmi eux, Gabriel Pelouse dont une rue de Carcassonne porte le nom.
La liste des internés ou déportés par Freund-Valade
(Communistes, Étrangers, Juifs, Résistants)
entre 1942 et 1943
Alra Santiago, Amiel Jules, Arnal Antonio, Arnal Raphael, Arthapignet Jean-Baptiste, Avrial Justin, Barthomeuf Paul, Bats René, Baylet Clémence, Beltran Joseph, Belmaaziz Abdallah, Berthomieu Lucienne, Beltran Alban, Baltra Ramon, Biart Jean, Bonnemaison Léon, Bouissou Clovis, Bruguier Michel, Bruguier Georges, De Bueger née Maurin, Buxaca Germain, Brun David, Brun Louise née Lévy, Caillens Robert, Calonne Marcel, Carbou Maurice, Castillo, Alphonse, Cavaillé Laurent, Daras Jean, Dantoine Roger, Delmas Marie-Jeanne, Delpech Albertine épouse Berthomieu, Demons Bernard, Denat Irénée, Domingo Vincent, Doyen Marie née Klein, Dropn Élie, Dreisine Henri, Drollinger Rodolphe, Daunil André, Duclos Gabriel, Duffaux Paul, Encuentro Salvatore, Fey Pierre, Fratzack Jean, Fuste Jean, Fonterailles Jean, Gambau Michel, Gayde Jean, Gayraud Urbain, Gallet Louis, Gastou Charles, Gibel Émile, Guiraud Albert, Gladieu Robert, Garcia Jean, Gimenez Dominique, Haguenauer Paul, Giresse Raymonde, Gout Henri (député), Guirao José, Heinrich Marie, Heinrich Marianne, Heymann Paul, Iliovici Émilie, Lafargue François, Lassave Fanny, Loupia Jean-Baptiste, Limongi Antoine, Liaonet Josée, Labiche Charles, Jean Edmond, Joué Jean, Mauhin Jean, Morelli André (Juge), Merches Joseph, Millan Denis, Nassonoff André, Ouarzedine Mohamed, Palisse Albert, Pau Louis, Perret Louis, Piccolo Albert, Pignol Charles, Plaza Lucienne née Gomy, Piquemal Pascal, Pons Francisco, Puguelo Manuel, Ruiz Garcia Manuel, Rodenaz Roger, Salinas Michel, Sanz Fortuneto, Seigne Guillaume, Seguy Joséphine, Sentenac Maxime, Saumière Gilbert, Sermet Élie, Signe Marie, Soete Achille, Serrano Juan, Sarroca Martin, Senty André, Tannière Frédéric, Valette Marcel, Vasquez Gonzalez Felix, Villar Vincent, Vache Paul, Vidal jean, Vidal Augustin, Villa Lucien, Villeneuve Joseph, Vergnyst Étienne, Verslype Lucien, Wolher Henri.
Bruguier Georges :
Interné à Saint-Paul d'Eyjeaux (87)
Albert Piccolo :
Déporté
Lucien Villa :
18 mois de prison au camp d'Eysses (47)
Henri Gout (député) :
Interné à Saint-Paul d'Eyjeaux (87)
Ouarzedine Mohamed :
Mat 60622 - né le 17/09/1892 à Tizi-Ouzou (Algérie)
Déporté
Arthapignet Jean :
Mat 60697 - né le 27/03/1904 à Oloron Sainte-Marie
Déporté à Dora. Libéré le 11/04/45
Amiel Jules :
Mat 60910 - né le 17/01/09 à Toulouse
Déporté à Allach. Libéré le 30/04/45
Bats René :
Mat 30242 - né le 20/12/11 à La Réole
Déporté à Hambourg. Décédé le 12/02/45
Beltran José :
Mat 42634 - né le 22/03/1890 à Hyar (Espagne)
Déporté à Mauthausen. Décédé le 22/11/44
Gladieu Robert :
Mat 77740 - né à Carcassonne le 15/05/21
Déporté à Osterbunken. Libéré le 04/04/45
Gimenez Dominique :
Mat 73514 - né à Carcassonne le 31/04/1894
Déporté à Dachau. Libéré le 28/04/45
Limongi Antoine :
Mat 94057 - né le 26/10/07 à Carcassonne
Déporté puis libéré
Labiche Charles :
Mat 60604 - né le 6/04/1898 à Aubervilliers
Morelli André (Procureur) :
Mat 74385 - né à Bastia le 5/06/1875
Déporté à Dachau. Décédé le 17/02/45
Perret Louis :
Mat 73860 - né le 28/09/22 à Villefranche sur Saône
Déporté
Sermet Élie :
Mat 31016 - né à Espéraza le 05/01/01
Déporté à Dora. Décédé le 14/01/1944
Sarroca Llaquet Martin :
Mat 94081 - né le 22/12/1887 à Capellas (Espagne)
Déporté à Mauthausen. Décédé en décembre 1944
Vaché Paul :
Mat 69334 - né à Narbonne le 22/05/11
Déporté
Verslype Lucien :
Mat 69170 - né à Armentières le 9/05/17 (Belge)
Déporté
Oradour Sur Glane
Le 15 juin 1944 après que la division SS Das Reich a assassiné près de 700 villageois à Oradour-sur-Glane, Marc Freund-Valade alors préfet de la région Limousin, va rédiger le texte d'un discours pour protester contre ce massacre.
Extrait du discours dactylographié
Le 21 juin 1944, il rend un vibrant hommage aux victimes après que Mgr l'évêque de Limoges a donné l'absoute. Ce discours restera dans les mémoires des familles et des historiens locaux qui, d'une certaine manière, loueront la sensibilité du préfet de Vichy. Celui-là même qui semble t-il à la vue des archives que j'ai trouvées à Carcassonne, n'a pas hésité à faire déporter durant son passage dans l'Aude. Les Limousins n'en ont jamais rien su car les recherches entreprises pour le compromettre à la libération sont restées vaines. Combien de hauts fonctionnaires de Vichy ont été protégés de toutes poursuites ?
La déportation et la mort du procureur A. Morelli
Ce jardin à l'entrée du Tribunal de Carcassonne porte son nom
Un mois après la libération de Carcassonne, plusieurs courriers sont adressés au Comité d'épuration afin de retrouver l'ancien préfet de l'Aude et le faire arrêter.
Georges Bruguier, Sénateur
le 26 septembre 1944
Mon cher Ami,
Une de mes suprises — à la millième nous ferons une pause — est d'apprendre qu'on a laissé M. Freund-Valade en liberté: Freund-Valade qui pour avoir frappé Morelli, attirait sur celui-ci les foudres de la Gestapo. Avez-vous un moyen de le faire revenir à Carcassonne pour qu'il soit jugé ? Je viens d'écrire au Commissaire de la République à Limoges pour qu'il sache quel triste rôle M. Freund-Valade a joué ici. Il va de soi que je lui parle de Morelli et de vous, mais je pense que de notre côté, en l'absence de notre ami, vous pourriez lui fournir toutes explications, avec plus de précision, sur vos internements et résidences forcées. Cette impunité ne s'est prolongée que trop longtemps. Est-ce faute de plaignant ?
Bien cordialement à vous
Le Dr Philippe Soum au Président du Comité départemental de libération
25 novembre 1944
J'apprends que M. Freund-Valade ex-préfet de l'Aude, figure sur une liste d'anciens préfets de l'Aude susceptibles d'être récupérés par la IVe République. Je ne fais pas état de persécutions dont j'ai été l'objet. je vous rappelle que c'est sous son proconsulat que furent arrêtés Bruguier père et fils, Gout, Morelli, Demons et d'autres. On vous dira que depuis, il prononça un discours courageux dans un village dévasté par les allemands [NDLR Oradour-sur-Glane]. En ce temps-là, il était facile d'avoir du courage. Depuis, on a jugé et exécuté des miliciens coupables d'un moment d'erreur— On ameute l'opinion publique contre des comparses, des imbéciles, des égarés. Nous faudra t-il entendre un jour Herr Von Freund-Valade vanter les mérites de la République !
On se fout du monde !
J'aimerais savoir que cette lettre vous étant parvenue, une suite lui a été donnée, et je vous assure messieurs de mon soutien républicain.
Rapport de la Commission départementale de contrôle et d'épuration
Le 20 décembre 1944, le commission proposait l'arrestation de l'ancien préfet de l'Aude jugé responsable des arrestations du 14 juillet 1942 pour atteinte à la liberté des français et aux libertés publiques. Le 16 octobre, le Commissaire de la République de Montpellier signalait que M. Freund-Valade avait été mis aux arrêts à Limoges et que son transfert à Carcassonne ne pouvait être envisagé. Le 1er décembre, le président du comité d'épuration de Limoges répondait à celui de Carcassonne, que M. Freund-Valade n'a jamais été incarcéré à Limoges et résidait actuellement à la Roche-Chalais (Dordogne).
Madame Veuve Morelli écrit au Garde des sceaux
5 juin 1945
Mon mari M. André Morelli, Procureur de la République à Carcassonne a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 16 novembre 1940. Domicilié depuis dans cette ville, il fut placé le 26 octobre 1942 en résidence surveillée à Axat, dans des conditions de vie et d'un confort inimaginables.
M. Freund-Valade, alors Préfet de l'Aude, qui avait pris cette décision, changea brusquement d'avis et transforma cette résidence le 1er décembre, en un internement administratif. Envoyé, malgré son âge (67 ans) et son mauvais état de santé, au camp de concentration de Saint-Sulpice (Tarn), il obtint sa libération fin janvier 1943. M. Freund-Valade le plaça alors chez lui en résidence surveillée.
Mon mari depuis sa mise à la retraite, vivait une existence calme et retirée ; il n'appartenait à aucune formation politique. Très ferme républicain et ardent patriote, il avait défilé le 14 juillet 1942 devant la statue de Barbès avec de nombreux amis. Ce fut probablement les raisons pour lesquelles M. Freund-Valade a jugé bon de le frapper aussi durement et injustement.
Mais malheureusement toutes ces mesures injustifiées en avait fait une proie tout désignée ; elles ont abouti à son arrestation par la Gestapo le 5 septembre 1943. Transféré à la prison de Montpellier, envoyé en début d'otobre au camp de Compiègne, puis en juin 1944 déporté en Allemagne et sans nouvelles de lui pendant de longs mois, je viens d'apprendre son décès au bagne de Dachau par son compagnons de captivité M. Vincent Badie, député de l'hérault et avocat à la cour d'appel de Montpellier.
J'accuse donc M. Freund-Valade d'être le principal responsable des souffrances physiques et morales qu'a endurées mon... malheureux mari et qui, en dépit de toute justice a pris contre lui des mesures qui l'ont conduit à la déportation et à la mort.
Dans mon extrême douleur, j'ai espoir que justice sera rendue à la mémoire d'un homme qui fut un magistrat intègre et un bon patriote. Injustement frappé par le serviteur d'un odieux régime, il est resté jusqu'à la fin fidèle à son idéal de vrai français.
Épilogue
M. Freund-Valade ne fut pas inquiété. Une manifestation eut lieu dans les années 1990 au temple de La Roche-Chalais par le Président des amis du temple.
Sources
ADA 11
Fondation pour la mémoire de la déportation
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