Dans ce quartier populaire de Carcassonne, la presse se fait très souvent l'écho des faits divers de vandalisme perpétré par certains individus désœuvrés. Or, le vandalisme ne saurait-être assimilé particulièrement à une population, une communauté voire une jeunesse. Il existe bel et bien un autre type de saccage inodore mais loin d'être indolore. Nous voulons parler de celui des cols blancs ; ceux qui a longueur d'année se chargent de diffuser la morale et le civisme, à travers l'école et la police.
Il y a quelques jours, je suis tombé sur un documentaire de 1969 réalisé sur le peintre Carcassonnais Jean Camberoque. Il est sans doute inutile de le présenter, car nous avons déjà fait un article et nombreux sont parmi vous, ceux qui le connaissent. Dans ce film diffusé pour la télévision régionale, Camberoque évoque son travail de céramiste et comment il en avait fait l'apprentissage. En 1949, alors qu'il passait dans la région de Castelnaudary, il s'arrêta chez un potier céramiste. Il s'intéressa à la matière de l'émail, particulièrement à la couleur des pots et des assiettes. Elle pouvait se prêter à des réalisations murales et leur donner un peu de gaité. Ainsi, il fit un séjour dans une poterie en se familiarisant à la technique - les couleurs qui sont crues ne rendent leur éclat qu'après la cuisson. Ce n'est qu'après cette période d'initiation, que Camberoque réalisera une œuvre en céramique sur la façade du collège du Dr Lacroix à Narbonne en 1960. Signalons au passage, que la sous-préfecture de l'Aude a prix soin de faire restaurer l'ensemble des œuvres du peintre, se trouvant dans sa juridiction. C'est très certainement peu de temps après, qu'une céramique décorera l'entrée de l'école Jules Ferry dans le quartier du Viguier à Carcassonne.
Voici l'œuvre dans son intégralité en 1969
"Cette œuvre en céramique réalisée pour l'école Jules Ferry est au fond symbolisée par ce mouvement un peu joyeux des enfants. Le tout, dominé par ce poème d'Eluard qui s'appelait "Liberté", dont j'ai écrit quelques phrases en haut de la céramique. J'ai essayé de traduire une espèce de gaité, de joie de vivre. J'espère y être arrivé." (Jean Camberoque / 1969)
Piqué par ma curiosité coutumière, j'ai envoyé un ami prendre des photographies sur place. A dire vrai, j'étais loin de m'attendre à pareil vandalisme sur une œuvre d'art. Un peu comme si le Conservateur du Musée des Beaux-arts de Carcassonne avait cisaillé en deux un tableau de Gamelin pour faire de la place, la céramique subit un sort identique. Au fond, n'est-ce pas un musée à ciel ouvert avec une valeur pédagogique, puisque situé dans une enceinte scolaire ?
A une date que nous ne saurions déterminer, une partie de la céramique a été supprimée afin de réaliser une porte d'accès. On peut estimer qu'un bon mètre et cinquante centimètres ont été détruits. Déjà, une grille en fer du plus bel effet est venu s'appuyer sur les carreaux avec une saignée dans le mur. Plus loin, la pose d'un interphone a supprimé une dizaine de carreaux. Si cette œuvre gênait les nouveaux aménagement indispensables à la vie quotidienne de l'école, on aurait pu chercher à avertir les héritiers du peintre. Tout simplement, rechercher une autre solution qu'une basse manoeuvre de maçonnerie exécutée avec l'assentiment de la mairie et de la direction de l'école.
Le poème de Paul Éluard sur la liberté, a été amputée de ses deux premiers vers. N'est-ce pas là, un beau symbole ? Les responsables ne pourront pas affirmer qu'ils ne connaissaient pas l'auteur de cette céramique. Elle est signée en bas et à droite... Hier, j'ai informé le cabinet du maire de Carcassonne. Au-delà de cas, cela pose la question de l'avenir des ouvres d'art sur l'espace public de notre ville. Depuis longtemps, je réclame la constitution d'une commission afin de les inventorier. Le désert n'est pas assez grand à Carcassonne pour ceux qui veulent y prêcher...
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