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La maison de la Gestapo - Page 9

  • Témoignage de Miguel Amantegui, torturé en mai 1944 dans la maison de la Gestapo

    "Dans son libre “Llibre d’exilis (3)”, le Minorquin Josep Portella Coll recueille un extrait du témoignage de Miguel Amantegui, résistant espagnol, arrêté à Carcassonne le 25 mai 1944 avec 11autres compagnons, parmi lesquels Gabriel Mascaró, Pedro Almagro, Francisco Rovira, Pierre Terrades, Antonio Mari Font, Vicente Miralles, Soriano, Juan López, ainsi que Mercedes Núñez, ma mère. Sept d’entre eux témoigneront au procès Bach. Amantegui relate la torture infligée par René Bach et ses collaborateurs à la Maison de la Gestapo, route de Toulouse : Amantegui es negà a cooperar i va ser torturat per un grup de soldats menats per Bach. … (Pablo Iglesias Nunez)

    Témoignage en espagnol

    “Con una cuerda me ataron los pies y me colgaron en el techo. La cabeza la tenía hacia abajo y, a unos centímetros, situaron una tina de agua. No sé cuántos me pegaron, ni que tiempo estuvieron haciéndolo. El tiempo se pierde y los golpes duelen debido a la insensibilidad del mismo dolor. La boca la tenía reseca pero no me daban agua. Yo veía la tina muy cerca de mis labios, pero no podía hacer nada. Se paseaban por la habitación con alimentos y se burlaba de mí. Después de estas torturas psicológicas venia la tanda de golpes. Mi rostro estaba casi desfigurado. La espalda era negra. Un hematoma enorme me cubría todo el cuerpo. Ellos se cansaron de pegarme y con el sadismo peculiar de los nazis, me dijeron que me iban a fusilar allí mismo. Trajeron unas frazadas para limpiar pisos y hermetiza- ron aún más el local. Me ordenaron ponerme de pie y pegarme a la pared. Como cinco de la Gestapo rastrillaron sus metralletas y me apuntaron al pecho. Yo los miré con dignidad. Cuando uno sabe que lo van a matar lo menos que puede ser es digno ante la muerte. No podía darles a ellos el gusto de que me vieran morir con miedo. Me sobrepuse al dolor del cuerpo y a esa sensación rara que uno siente cuando va a perder la vida. De mi boca sangrante salió una sonrisa de victoria, no de vencido. Mientras, ellos, a la voz imperativa de apunten, levantaron sus armas que yo vi como cinco enormes agujeros redondos”…

    Traduction française de Montsé Obrados

    " Avec une corde, ils m'ont attaché les pieds et m'ont accroché au plafond. La tête vers le bas, à quelques centimètres, ils ont mis une baignoire remplie d'eau. Je ne sais pas combien m'ont cogné, ni combien de temps ils l'ont fait. La notion de temps est perdue et les coups endommâgent, étant donné l'insensibilité, la même douleur. La bouche était dessèchée mais ils ne me donnaient pas d'eau. Je voyais la baignoire très près de mes lèvres, mais ne pouvais rien faire. Ils se déplaçaient dans la chambre avec des aliments et il se moquaient de moi.
    Après ces tortures psychologiques, venaient le tour des coups. Ma face était presque défigurée. Le dos était noir. Un hématome énorme me couvrait tout le corps. Ils étaient fatigués de me cogner et avec le sadisme particulier des nazis, m'ont dit qu'ils allaient me fusiller sur place. Ils ont apporté des couvertures servant à nettoyer les étages et ainsi rendre le local plus hermétique. Ils m'ont ordonné de me mettre debout et me coller à la paroi. Quand cinq de la Gestapo ont râtelé leurs mitraillettes et m' ont mis en joue. Je les ai regardés avec dignité. Quand un sait qu'on va le tuer le moins qu'il peut faire c'est rester digne. De ma bouche sanglante est sorti un sourire de victoire, non de vaincu. Quand eux, d'une voix impérative ont levé leurs armes, j'ai vu cinq trous énormes ronds >>

     

    Miguel Amantegui parviendra à s’échapper du train qui les conduisait en déportation début juin 1944.

  • Lettre ouverte à Jean-Claude Pérez, député-maire de Carcassonne

     Monsieur le député-maire,

    Vous avez récemment délivré un permis de construire à la société Habitat Audois afin de permettre l’édification d’un immeuble de 40 logements, au 67 de l’avenue Franklin Roosevelt.  Cette décision va entraîner la destruction d’une maison de 1885, occupée par les services de la Gestapo de 1942 à 1944. Dans un courrier en date du 19 août 2009, l’Architecte des bâtiments de France M. Huertas donnait à la Direction Régionale des Affaires Culturelles son aval afin d’inscrire ce lieu à l’inventaire des Monuments historiques, comme lieu de mémoire de la résistance à la barbarie nazie. Qu’a- t-on fait  de cette prescription ? De nombreux courriers et témoignages signés sont arrivés jusqu’à moi, dont un indique la possibilité d’un charnier dans le parc puisqu’un jardinier aurait été engagé pour la réaliser la basse besogne des bourreaux. En cette maison, Mercédès Nunez Targa, secrétaire du poète espagnol Pablo Néruda, a été torturée et envoyée à Ravensbrück. Je joins à l’envoi le message de son fils Pablo Iglesias Nunez.

    A titre personnel, monsieur le député-maire, bien que n’ayant aucun mandat pour cela, ni légitimité mis-à-part mon amour pour l’histoire de notre ville, je vous demanderais de bien vouloir sursoir à cette destruction. Réunissez une commission d’experts composée d’historiens, de témoins et d’anciens résistants afin de définir le bien fondé de votre décision. Avant que les coups de pelles n’interviennent, procédez à un sondage du terrain pour vous assurer qu’il n’y a pas de corps enterrés.

    Au nom de la mémoire et de l’idée que nous nous faisons tout deux des valeurs de la République, il serait grave de laisser cette mémoire s’effacer pour un parking.

    Dans l’attente, je prie d’agréer, monsieur le député-maire, l’expression de mes sentiments distingués

    Martial Andrieu

  • Message de Pablo Iglesias Nunez, fils de résistante déportée

    Bonjour Monsieur Andrieu. Je suis espagnol et je pensais que nous-seuls, les Espagnols avions un problème d’amnésie collective. Les blessures de la Guerre d’Espagne ne sont pas refermées, mais je m’aperçois avec effroi que l’amnésie espagnole est contagieuse et atteint la société française et en particulier la société carcassonnaise. Que serions-nous devenus sans le courage et l’abnégation de ces femmes et de ces hommes, Français et étrangers, de diverses sensibilités, qui ont su combattre le fascisme international et ont défendu les idées de justice, de liberté et de tolérance. Ces idées sont celles qui permettent que tous, sans exclusions, puissions aujourd’hui nous exprimer librement.
    Je suis le fils de Mercedes Núñez, républicaine espagnole, engagée dans la Résistance à Carcassonne, arrêtée par la Gestapo et interrogée violemment par le sinistre René Bach au siège de la Gestapo, puis déportée à Ravensbrück. Je ne réclame pas vengeance. Simplement je veux crier haut et fort : Plus jamais ça !


    Nous devrons attendre encore des années (2045) pour que les Archives puissent nous éclairer sur ce qui se passait au siège de la Gestapo, route de Toulouse., car malheureusement, de nombreux documents classés sensibles de « haute trahison » au sujet de la collaboration ne sont toujours pas consultables publiquement aujourd’hui. En effet, les archives sensibles du procès Bach (tortionnaire de la Gestapo), qui s’est déroulé aux Assises de Carcassonne, fin juillet 1945, font l’objet de cette limitation.


    Les témoins directs de la barbarie sont sur le point de disparaître et la jeunesse a besoin de repères de mémoire pour comprendre le présent et construire le futur.
    Le contexte international actuel exige d’être vigilant. Comme disait le dramaturge allemand, Bertolt, Brecht : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ».


    Le profit immobilier ne peut s’établir au détriment des valeurs républicaines et démocratiques.
    Merci Monsieur Andrieu pour votre courage et votre détermination. Je regrette vivement que l’on ne puisse pas compter avec le soutien efficace des organismes et associations censés faire de la mémoire un devoir prioritaire.


    Salutations cordiales.


    Pablo Iglesias Núñez