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Bâtiments publics - Page 6

  • La Manufacture royale de la Trivalle

    En 1694 le sieur Guillaume Castanier acheta à Messire François Etienne d’Auterive, conseiller au parlement de Toulouse, plusieurs maisons situées « dans les faubourgs de la Cité, au bout du pont de la rivière d’Aude ». Il y établit une fabrique de draps; et c’est là l’origine de la Manufacture. S’il est difficile de déterminer à quelle époque ces bâtiments avaient été construits, une fenêtre de la première cour portait la date de 1603 gravée sur la pierre. 

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    Guillaume Castanier

    Guillaume Castanier avait été d’abord marchand drapier ; c’est le titre que lui donne la liste des consuls de Carcassonne à la date de 1679. Puis il devint conseiller du roi au Présidail ; ce qui équivalait aux fonctions de juge au tribunal civil. Enfin, après avoir passé quelques années dans la magistrature, il retourna à ses premières occupations, et il se fit de nouveau fabricant de draps vers l’année 1694. Il prit avec lui quelques associés, entre autres le sieur Poussonel, et il s’installa dans les locaux qui furent dès lors appelés la Manufacture de la Trivalle.

    A cette époque, le Languedoc expédias une grande quantité de draps dans le Levant. Les relations commerciales entre ces deux pays étaient très anciennes : elles dataient du règne de François 1er. Mais depuis elles avaient été interrompues par la concurrence des Hollandais, et c’est seulement sous le ministère de Colbert qu’ales avaient été reprises. Grâce à lui, nos fabricants purent recommencer la lutte, et ils firent si bien qu’à la fin du XVIIe siècle, les draps de Saptes, de Clermont et de Carcassonne étaient partout préférés aux draps d’Amsterdam et d’Utrecht.

    Il y avait quatre espèce de draps destinés au Levant : les Mahons ou draps de première qualité, les Londrins premiers qui se vendaient environ 12 livres l’aune, les pondrons seconds qui valaient de 8 à 10 livres, enfin les Londres qui se payaient seulement trois ou quatre livres. Le Languedoc fabriquait en outre de draps fins pour l’intérieur du royaume et des draps grossiers pour l’Allemagne, la Flandre, la Suisse, Gênes, la Sicile et Malte.

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    L’industrie n’était pas libre. Les ordonnances royales de 1666, de 1669 et de 1671 renfermaient au contraire les prescriptions les plus minutieuses sur la fabrication des draps. Par exemple, l’ordonnance du 28 octobre 1666, rendue spécialement pour les manufactures du diocèse de Carcassonne, comprend 72 articles. Les articles 8 à 13 fixent la longueur et la largeur des pièces, la laine qu’il faut employer pour chaque qualité, le nombre de fils que doit avoir la chaîne. Les articles 27 et 28 s’occupent du foulon, l’article 29 de la teinture, l’article 30 de la tondure, l’article 43 des épincheuses, etc. Tous ces règlements formaient comme une sorte de filet qui enveloppait de toutes parts le fabricant.

    Pour en assurer l’exécution, Colbert avait établi que « quatre Baïlles ou surposés marchands » élus le jour de l’Ascension par les fabricants de Carcassonne, de Saptes et de Conques, seraient chargés de vérifier chaque semaine les draps fabriqués dans le cours des opérations. 

    D’après l’ordonnance de 1666, les baïlles et même les simples marchands pouvaient « aller, quand bon leur semblait, aux maisons des maîtres tisseurs pour voir sur les métiers si la chaîne était de la largeur convenable. Les « draps, serges et autres étoffes » devaient être inspectés au sortir du foulon par les jurés en charge, et confisqués par ordre du juge de police, si l’on y trouvait « de la défectuosité. » Des peines sévères avaient été portées contre les délinquants, l’amende, la saisie des marchandises et quelques fois le carcan. Basville constate dans ses Mémoires que les marchands de Carcassonne avaient une propension naturelle à fabriquer de mauvais draps, parce qu’ils tenaient à s’enrichir rapidement pour abandonner ensuite le commerce.C’est contre cette habitude que Colbert s’efforça de réagir. Il les obligea de faire de bons draps, afin de rendre aux fabriques du Midi la réputation et le débit qu’elles avaient perdu au commencement du siècle. Ses espérances ne furent point trompées. En 1694, le Languedoc produisait environ 30 000 pièces de draps faits, d’après Basville, « dans la perfection », étaient pour la plupart envoyés en Orient.

    Le moment était favorable pour Castanier, lorsque’il fonda la Manufacture. Son premier soin fut d’adresser un mémoire au roi pour obtenir quelques secours pécuniaires. Comme l’Etat avait sur les manufactures des droits forts étendus, il en résultait qu’il avait aussi de grands devoirs à remplir envers elles, et les fabricants, qui se voyaient imposer tant d’obligations, croyaient qu’il leur était bien permis d’invoquer l’assistance du roi pour en soutenir le fardeau. 

    Au moment d’entreprendre la fabrication des draps, les manufactures royales de Saptes et de Clermont l’Hérault, avaient reçu de la province, sur l’ordre du roi, des faveurs considérables : une somme de 130 000 livres prêtées sans intérêts pour plusieurs années, une pistole de 10 livres pour chaque pièce de draps, l’exemption des droits d’entrée et de sortie que payaient à Marseille les marchandises de Carcassonne destinées au Levant. Castanier réclama dès l’année 1694 les mêmes avantages ; il ne sollicita cependant aucune avance d’argent. Le roi lui fit accorder en 1695 par les Etats du Languedoc, une pistole pour chaque drap sortir de ses ateliers, à condition qu’il livrerait tous les ans au commerce 400 pièces de 30 aunes. 

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    © GilPe

    Cela ne suffit point à Castanier. Il voulut que la Manufacture de la Trivalle fût érigée en manufacture royale, « afin de lui donner la même réputation qu’avaient celles de Saptes et de Clermont. » La demande fut agrée. Par ses lettres patentes du mois d’octobre 1696, le roi lui permit de placer sur la porte principale un tableau de ses armes avec ces mots au bas « Manufacture royale de la Trivalle ». L’inscription existe encore, mais l’écusson a été effacé à la Révolution française. 

    C’était là un grand honneur pour Castanier, et il en fut d’autant plus fier que les lettres patentes du roi constataient la rapidité des progrès de son établissement. Mais elles lui procurent un avantage encore plus précieux. Nous avons vu que les draps étaient soumis à un contrôle rigoureux de la part des simples marchands qui pouvaient à tout moment inspecter les ateliers des tisseurs. Toutes ces visites étaient une gêne perpétuelle pour Castanier, surtout quand la prospérité de sa manufacture lui eût fait dans la ville des ennemis nombreux, en provoquant la jalousie. Pour pallier à ces inconvénients, le roi, par ses lettres patentes de 1696 et par un arrête rendu en 1700, interdit aux marcahds de la Ville basse et de la Cité « d’entreprendre aucune visite » chez Castanier, et il décida qu’à l’avenir ce droit ne serait exercé que par l’inspecteur des manufactures du diocèse.

    Malgré tous es efforts, Castanier ne put pas élever la manufacture de la Trivalle au niveau des manufactures de Saptes et de Clermont. Celles-ci étaient plus favorisées et elles gardèrent longtemps une plus grande importance. Sans parles des sommes d’argent qui leur avaient été prêtées par la province. Castanier abandonna le commerce deux après. Le 19 juillet 1717, par acte passé sous seing privé, Noble Guillaume de Castanier, seigneur baron de Couffoulens, Cuxac et autres lieux, céda à mademoiselle Julie de Rivals, veuve du sieur Bertrand-Jacques Fornier, marchand, la Manufacture royale de la Trivalle, avec son matériel et ses dépendances. Il l’avait achetée en 1690 pour 11 500 livres ; il la vendit en 1714 pour 60 000.

    La manufacture resta entre les mains de la famille Fornier pendant tout le XVIIIe siècle. Elle était très ancienne, puisque dès le XIIIe siècle, on trouve quatre Fornier conseils de la Cité ou de la Ville basse. Au XVIIe siècle, elle comptait parmi les familles notables de Carcassonne ; car de 1665 à 1705 elle fournit encore six consuls. La Manufacture de la Trivalle reçut peu de secours au XVIIIe siècle. Jusqu’en 1728, elle n’eut qu’une pistole par pièce de drap, c’est-à-dire 6000 livres, tandis que les autres manufactures joignaient à cette gratification une indemnité de loyer, qui pour celle de Saptes atteignait 4900 livres et pour celle de Clermont 5000. En 1728, Julies de Rivals, dans un Mémoire adressé aux Etats, demanda la même faveur, en se fondant sur les pertes extraordinaires que lui avait fait éprouver l’inondation de 1727 ; elle ne fut pas écoutée. En 1729, Guillaume Fornier réclama de nouveau le loyer pour la manufacture : « Elle mérite, disait-il, par son ancienneté et par la misère du temps, eu égard d’ailleurs aux inondations de la rivière d’Aude et au logement qu’elle donne gratis à tant d’ouvriers, ce qu’on ne voit pas dans les autres manufactures. »  Ces maisons disparurent dans les années 1860. Il ne fut pas plus heureux que sa mère. Il finit cependant par obtenir un loyer de 3000 livres, grâce à une mesure générale des Etats qui, en 1730, établirait un taux uniforme pour toutes les manufactures royales de la province. Mais, l’année précédente, la subvention de 10 livres par pièce avait été réduite de moitié ; de telle sorte qu’il perdait d’un côté ce qu’il gagnait de l’autre. 

    Cependant la concurrence était beaucoup plus grande à cette époque qu’au XVIIe siècle. Le nombre de producteurs s’était, en effet, accru dans l’intervalle : il y avait alors en Languedoc douze manufactures royales, au lieu de trois, et la seule ville de Carcassonne comptait 150 fabricants qui travaillaient presque tous pour le Levant. Mais la production n’avait pas augmenté proportionnellement au nombre des producteurs. A la fin du XVIIe siècle, le Languedoc profita de la guerre d’Amérique et des embarras de l’Angleterre, sa rivale en Orient, pour arriver à 50 000 pièces de draps ; mais après la traité de Versailles, ce chiffre descendit tout d’un coup à 24 000.  La moyenne de production languedocienne s’établit à 30 000 pièces annuelles dont 600 pour la Manufacture de la Trivalle. Malgré tout, cette dernière prospéra si l’on en croit les agrandissements continuels pendant tout le cours du siècle.

    En 1729, Guillaume Fornier, dans son Mémoire aux Etats, disait : « Depuis que ma défunte mère et moi la faisons valoir, il nous en a coûté des sommes très considérables, non seulement pour l’achat d’icelle, mais pour l’entretien et grandes réparations qu’il convient de faire à trente maisons qui sont dans son enceinte. » En 1737, elle comprenait, d’après le compois de la Cité, les ateliers qui servaient à la fabrication des draps, le logement des propriétaires, les habitations des ouvriers, une remise de carrosse, la teinture, le magasin des laines, un jardin, des cabinets dans ce jardin, et enfin les rames, sans compter les champs, les jardins et les terrains complantés d’arbres. C’était plus qu’au temps de Castanier.

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    © DRAC Occitanie

    Le buffet d'eau de la Manufacture royale de la Trivalle

    Le jardin situé entre la manufacture et la route de Narbonne est postérieur à l’année 1714 et antérieur à l’année 1737. Nous avons ici une description de 1872 : « On y voit un magnifique portail en fer forgé ouvragé, une fontaine monumentale qui alimentait plusieurs jets d’eau, un large bassin semblable à celui de la place aux herbes ; à droite et à gauche de la fontaine s’élevaient deux pavillons protégés contre le soleil et le vent par un rempart d’ifs et de magnolias  ; partout des fleurs, des berceaux de verdure, des arbres choisis dont il ne reste plus que les troncs desséchés. Si l’on compare le portail de ce beau jardin avec la rampe du grand escalier et la grille du balcon, on ne peut se dispenser d’assigner la même date à tous ces objets, et de rapporter la rampe et la grille aux années comprises entre 1714 et 1757. »

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    Le rez-de-chaussée se composait : à gauche, d’une salle à manger et d’une cuisine, à droite d’une vaste salle. Au premier étage se trouvaient : à gauche, quatre chambres ayant deux fenêtres chacune, à droite un grand salon éclairé par quatre fenêtres, tout couvert de lambris et orné de lustres. 

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    © DRAC Occitanie

    Tout cela atteste la prospérité de la manufacture au XVIIIe siècle. Cette prospérité semble s’être maintenue jusque’à la Révolution, tandis que Saptes et Cuxac déclinaient. Les guerres de la République et de l’Empire furent fatales à la manufacture. Celle dont elle eut le plus à souffrir fut la campagne d’Egypte qui interrompit les relations avec l’Orient et priva les fabricants du Languedoc de leur grand débouché. La Manufacture cessa son travail et en 1812, les héritiers de Barthélémy et de Jean François de Paule Fornier la vendirent au prix de 46 000 francs. Elle fut achetée par une société composée de MM. jean Pierre Sarrail, Guillaume Joseph Bernard Carles fils, Antoine Béteille, Barthélémy Brunet, Benoît Vidal et Charles Boyer. Ils en firent une filature de laines.

    Sources

    Cartulaire de Mahul

    Histoire de Carcassonne / R.P Bouges

    Procès-verbaux des Etats du Languedoc

    Mémoires pour servir à l’histoire du Languedoc / Basville / 1736

    Le bon sens / Paul Guiraud / 1872

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  • Inédit ! La construction de l'hôtel de ville de Carcassonne en 1934

    Après avoir procédé à la destruction de l’ancienne maison consulaire, la municipalité Tomey  décide le 12 juillet 1934 d’ouvrir le concours aux entrepreneurs pour la construction d’un nouvel hôtel de ville. Ils devront se conformer aux plans et dessins dressés par Jean Blanchard (1900-1982), ingénieur de la ville, à qui le conseil municipal a confié ce projet par soucis d’économie. 

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    Maison consulaire, rasée en 1934

    Natif de Boulogne-sur-Gesse (Haute-Garonne) où il vit le jour le 23 juin 1900, Jean Mathieu Gaudens Blanchard s’était établi avec sa famille à Rieux-Minervois. Après de sérieuses études d’ingénieur des Travaux publics, il devait à l’âge de 25 ans succéder à L. Cabrol comme ingénieur municipal, puis participer aux travaux de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude. C’est à ce titre qu’il se distingua avec le Dr Jean Blanc, comme co-auteur des travaux sur la Verdunisation Bunau-Varilla à Carcassonne. Les deux hommes recevront le prix de l’Association française pour l’avancement des sciences, de la part de la Société des Lettres et Sciences de Montpellier en 1933. Marié à Elise Boutteville (1908-1994) originaire de Tourouzelle, Jean Blanchard associa son nom la minoterie du Moulin du Roy que détenait la famille de son épouse. Ainsi naquit la S.A.R.L Boutteville-Blanchard, qu’exploita ensuite leur fils Antoine à partir du 1er juillet 1978. Jean Blanchard décéda le 6 novembre 1982 à Carcassonne.

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    Le nouvel Hôtel de Ville en 1936

    À l’issu de l’appel d’offre, le conseil municipal se prononce en faveur de l’entreprise de Noël Cazanave qui devra effectuer l’ensemble des travaux dans un délai de sept mois. La facture s’élève à un million quatre-vingt mille francs. Les bureaux municipaux sont alors transférés à compter du 1er septembre 1934 dans les locaux de l’ancienne banque Cazaban, 47 rue Clémenceau. De très nombreux artisans et fournisseurs locaux participent à la construction du nouvel hôtel de ville : Firmin Canavy (Marchand de bois, place Davilla), Lucien Azéma (Meubles, rue de Lorraine), Gaston Noubel (Meubles, rue de Verdun), Emile Millet (Meubles, rue de la mairie), Jean Bouichou (Menuisier-ébéniste, rue du marché),

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    Bureaux créés spécialement pour l'hôtel de ville en 1935

    Louis Blanc (Miroitier à Béziers), Armand Laborde (Electricien), Joseph Ferrand (Pavés et marbres, route de Montréal)

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    L'escalier d'honneur avec le Faune du sculpteur Hubert Lavigne (1818-1882)

    Antoine Bardou (Quincailler, rue du marché), Jammes (Rideaux, rue de la préfecture), Beldam-Lathy (Tapis à Paris).

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    La rampe de l'escalier d'honneur

    L’ensemble des travaux du nouvel hôtel de ville, édifié sur l’ancienne maison consulaire, est achevé le 1er juillet 1936. Dans le porche d’entrée à droite se trouvaient les services de l’Etat-civil avec leurs boiseries dans le style Art-Déco, hélas disparues. C’est aujourd’hui, la salle Joë Bousquet.

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    A gauche, après avoir passé la loge du concierge, on accédait à l’étage par un escalier en marbre, aux bureaux des élus, à la salle des mariages puis à la salle du conseil municipal.

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    Le couloir vers la salle du conseil municipal

    Si ce bâtiment conserve encore de nos jours une partie de ses fonctions administratives, la majorité des bureaux ont été transférés en 1978 dans l’hôtel de Rolland, acquis par la ville pour servir de nouvelle mairie.

    Sources

    Les informations sur Jean Blanchard n'ont été possible qu'après une recherche approfondie dans le recensement militaire. Sa parenté avec Boutteville est due aux registres du commerce. Ses travaux sur la verdunisation sont consultables dans les bulletins de la Société d'études scientifiques de l'Aude. Les renseignements sur les travaux de l'hôtel de ville figurent dans les délibérations du conseil municipal 1934-1935.

    Crédits photos

    Martial Andrieu

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  • La construction du Palais de la Chambre de commerce de Carcassonne

    Le décret impérial du 20 novembre 1806 autorise l’acquisition de l’hôtel Murat, destiné au logement de l’évêque du diocèse de Carcassonne. L’acte d’achat retenu le 17 février 1807 chez Me Cazes, notaire, officialise la propriété de l’immeuble, partagée entre le département de l’Aude et celui des Pyrénées-Orientales, respectivement à hauteur de 81,80% pour l’un et 18,20% pour l’autre. La somme globale dépensée dans l’achat et les travaux s’élève à 80196,38 francs. Pendant un siècle, le Palais épiscopal voit ainsi se succéder sept évêques jusqu’à ce que la loi de 1905 n’entraîne l’expulsion de Mgr de Beauséjour de ses appartements. Il ne dut son secours qu’à l’hospitalité de la famille du poète Joë Bousquet, chez qui l’évêché s’installa pendant un certain temps. Le Conseil général de l’Aude décide alors de mettre en vente l’ancien Palais épiscopal avec l’ensemble du riche mobilier qui s’y trouve. Dans un premier temps, l’administration départementale émet le vœu que la ville de Carcassonne en fasse l’acquisition. Cros-Mayrevieille considére que les tapisseries de grande valeur, confectionnées sur mesure pour les salles de l’hôtel Murat, devaient rester sur place afin de ne pas les abîmer. D’où la nécessité pour la commune d’acquérir l’immeuble afin d’agrandir le musée des Beaux-arts. Celle-ci manifeste son intérêt en juillet 1908, mais y renonce finalement un an plus tard. L’offre la plus sérieuse vient de la Chambre de commerce, cantonnée à l’étroit depuis trop longtemps dans un immeuble de la Grand-rue.

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    La Chambre de commerce, 6 rue de Verdun

    Le 10 mai 1809, le Conseil général accepte de se dessaisir de l’ancien évêché au profit de la Chambre de commerce pour un montant de 55 000 francs (168 000€). Le rapporteur de la commission chargée de la transaction fera inscrire dans l’acte de vente une clause particulière. Elle stipule que le bâtiment devra désormais s’appeler le Palais de la Chambre de commerce. La référence à l’ancien Palais épiscopal plaît à MM. Fondi de Niort et Castel, conseillers généraux conservateurs. Durant les mois précédant l’acte officiel de vente, un fait divers va ébranler quelque peu la période de transition entre les deux parties. Le 4 mars 1910, le gardien de l’évêché s’aperçoit que deux carrés de tapisseries de grande valeur ont disparu. Monsieur Sourou, antiquaire de la ville, se trouvait bien ce jour-là à l’intérieur du bâtiment, accompagné d’un couple de personnes inconnues. Monsieur Rougé, le gardien, s’est souvenu leur avoir fait visiter les salons de l’hôtel Murat puisqu’ils se recommandaient de l’architecte du département dont ils détenaient la carte de visite. L’individu s’étant fait annoncer sous le nom de M. Lantenoy de Boiviers, riche collectionneur d’art, souhaite effectuer un croquis des tapisseries. Cet homme n’est autre qu’un Arsène Lupin qui avec sa compagne ont déjà dérobé statues et porcelaines dans divers musées en France et en Belgique. Pendant que Germaine Figard détourne l’attention du gardien, René Ferrand découpe avec une lame de rasoir les carrés de tapisseries d’un fauteuil et d’un siège. Leur forfait accompli, avec la mine des plus honnêtes et respectables citoyens, ils quittent avec révérence le gardien et s’évaporent dans la nature. Ils ne seront arrêtés qu’en avril 1912, mais la chronique ne nous renseigne pas sur l’éventuelle restitution des tapisseries.

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    © J-P Gourmandin / A. Pignon

    Salon d'honneur et bureau du président de la CCI

    A toute chose malheur est bon, dit-on. M. Dujardin-Beaumetz, ministre des Beaux-arts, décide à la suite de cet épisode fâcheux, que les meubles iront au garde meuble national et les tapisseries d’Aubusson et de Beauvais au Musée des Beaux-arts de la ville. Le 10 juin 1910, le président de la Chambre de commerce écrit au ministre qu'il souhaite conserver le mobilier in situ. Le maire de Carcassonne laissera finalement la jouissance des tapisseries et meubles avec l'accord de l'Etat sous certaines conditions de conservation (Cf. La chambre de commerce et d'industrie de Carcassonne - Claude Marquié -  pp. 31 -2002)Un accord entre l’évêché et la Chambre de commerce permet aux objets d’art sacré d’aller enrichir le trésor de la cathédrale Saint-Michel. Il s’agit de deux crosses en argent du Premier et Second Empire, de calices en or, de surplis en dentelle de Valenciennes, etc. Le mobilier acheté à diverses époques par le département et la mense sera vendu aux enchères publiques le 3 juin 1911.

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    Vue aérienne sur le Chambre de commerce

    Au mois de décembre 1910, la Chambre de commerce obtient l’autorisation de contracter un emprunt de 110 000 francs (336 000€), affecté au prix de l’immeuble de l’ancien évêché. Les travaux estimés à 40 000 francs, vont pouvoir débuter sous la direction de Guillaume Vidal, architecte départemental. Au premier étage, aux côtés des salles réservées aux commerçants, une vaste salle de 19 mètres de long où seront exposés annuellement les œuvres remarquables des artisans. Au second étage donnant sur la jardin, les bureaux des sociétés savantes  (Société des Arts et des Sciences et Société d’Études Scientifiques). L’ancienne chapelle sera divisée par un plancher, en deux salles : le premier étage, affecté aux syndicats patronaux et leurs archives ; le second étage, aux syndicats ouvriers. L’idée consiste à pouvoir réunir patrons et ouvriers pour discuter des salaires, heures de travail, repos hebdomadaire et retraites. Le 16 septembre 1911, la Chambre de commerce met en vente les matériaux provenant de la démolition de l’ancien évêché.

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    Afin de rentrer dans leurs frais, les commerçants songent à loger le Cercle du Commerce moyennant un loyer annuel de 1200 francs (3664€). Au rez-de-chaussée, sur l’emplacement des anciennes écuries et remises du Palais épiscopal, on va faire élever une très belle salle dans le style Art-Nouveau. L’entreprise de Joseph Séguier, route de Limoux, est adjudicataire des travaux. Elle devra réaliser une terrasse en béton armé ; elle donne aujourd’hui sur le boulevard Camille Pelletan. C’est à cet endroit que passait la ruelle de l’évêché longeant les remparts médiévaux avant la construction de la Caisse d’Épargne en 1894. À partir du 1er octobre 1911, le Palais de la Chambre de commerce s’installe définitivement dans les locaux de l’ancien évêché, 7 rue de la mairie.

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    Entrée par la rue rue Aimé Ramond

    Sources

    Délibérations du conseil municipal

    Délibérations du conseil général

    Le courrier de l'Aude, La bataille républicaine, La justice sociale

    ADA 11 / recensement et Etat-civil

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