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  • "Marching to Carcassonne", une oeuvre musicale d'Alexander Goehr

    Parmi les britaniques qui participent par leurs talents artistiques à la promotion de notre belle Cité de Carcassonne, nous connaissions l'écrivain Kate Mosse à travers son best-seller "Labyrinth". Il y a fort à parier que vous n'ayez jamais entendu parler du compositeur anglais Alexander Goehr, auteur pourtant d'une oeuvre musicale intitulée "Marching to Carcassonne"...

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    Alexander Goehr

    Né à Berlin le 10 août 1932, il est le fils de Walter Goehr lui-même élève de Schönberg. Sa famille a déménagé en Angleterre alors qu'il n'avait que quelques mois. Il est d'abord un des fers de lance de l'école de Manchester puis il part étudier à Paris en 1955 avec Olivier Messiaen.

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    En 2003, Alexander Goehr compose un autoportait qu'il nomme "Marching to Carcassonne op.75". Cette oeuvre est divisée en neuf mouvements: March, Introduction, Invention, Chaconne, March, Night, Burlesque, March et Labyrinth". Cet enregistrement vient de sortir en CD en février 2013 chez Naxos.

    Marching to Carcassonne est une oeuvre de musique de pour piano et 12 instruments. Cet opus se compose d'une marche, qui agit presque comme un refrain de ritournelle dans sa réapparition constante, et d'une série d'autres mouvements pour diverses combinaisons d'instruments: une invention, une chaconne, une passacaille "libre", et un burlesque. Il se termine par le mouvement le plus long ("March to Carcasonne, Labyrinth") dans lequel le compositeur met en place une série de barrages routiers qui empêchent le mouvement de la pièce; des fragments de certaines parties réapparaissent et amenent vers la conclusion.

    Suivez le lien ci-dessous pour écouter des extraits

    http://www.prestoclassical.co.uk/w/217183

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Le tournoi dans la Cité, film de Jean Renoir tourné à Carcassonne

    Le tournoi dans la Cité

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    est un film muet de Jean Renoir, produit par la Société des films historiques et tourné dans la Cité de Carcassonne durant les fêtes du bimillénaire en juillet-août 1928.  Le Cadre noir de Saumur exécutera les figures et les combats du tournoi.

    Le tournoi dans la Cité

    Cette photographie, signée Brissy, prise dans la basilique Saint-Nazaire servit à dessiner l'affiche du film.

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    Distribution

    Jackie Monnier : Isabelle Ginori

    Suzanne Desprès : Mme de Baynes

    Blanche Bercier : Catherine de Médicis

    Aldo Nadi : Charles de Baynes

    Enrique de Rivero : Henri de Rogier

    Manuel Rabi : Ginori

    Gérard Mock : Charles IX

    Le bouffon : Narval

    Synopsis

    Au temps du jeune roi Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis, la belle Isabelle Ginori se fiance à un gentilhomme catholique, Henri de Rogier. Par malheur, François de Baynes, seigneur protestant, aussi courageux que volage, rencontre Isabelle et déclare en termes vifs qu'elle lui appartiendra. Le comte Ginori, parent de la jeune fille, relève le propos. François le tue en duel. Par souci politique, la reine est prête à unir Isabelle et François. Une maîtresse de ce dernier, Lucrèce Pazzi, intervient. Catherine décide alors que le vainqueur du tournoi sera l'époux d'Isabelle. François surpasse son rival mais le cadavre de Ginori est découvert, le coupable démasqué. Chargé par le guet, François succombe. Isabelle et Henri peuvent enfin se fiancer.

    Une controverse

    Puisqu'il s'agit d'un film historique, que d'autre part le programme porte pour mercredi, à 16 heures, "On tourne le film", nous allons d'emblée frapper avant toute chose à la porte d'un archéologue érudit, bien connu des Carcassonnais et qui, fort amoureux de sa Cité où il vit, en connaît sur le bout des doigts la merveilleuse histoire qu'il a passionnément étudiée.

    Dès les premiers mots, M..., qu'un Dieu semble habiter, fulgurant nous arrête : " Un tournoi. Catherine de Médicis ! Mais, monsieur, c'est infâme ! Mais il n'y en eut pas quand Catherine de Médicis et le jeune roi s'arrêtèrent en 1565 à Carcassonne !" Et l'érudit archéologue qu'une sainte fureur, fille du feu sacré, anime et transfigure, nous met sous les yeux le texte magnifiquement conservé "in quarto" plein veau à fers dorés de la "relation du voyage du roi Charles IX, par Abel Jouan", l'un des serviteurs de sa majesté. Mi amusé, mi respectueux, nous lisons à la page que notre hôte marque d'un doigt tremblant le passage suivant : "Et le vendreai 12, jour du dit mois (janvier), Charles IX alla dîner à Barbaira, petit village et coucher à la haulte Carcassonne, qui est une belle et forte ville évesché où il fait son entrée..."

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    Charles IX

    Ici, le narrateur précise que le roi avait fait "pour ce jour... 4 lieues". Et il continue : "Et pensait le roi partir le samedi : le samedi, 13e jour, qui était le lendemain ; mais la neige vient en si grande abondance, tant que personne eût osé aller par pays, et tomba tant qu'elle était en plaine campagne de hauteur de quatre pieds pour le moins : et en fut ainsi assiégé en ce lieu quatre jours durant, pendant lesquels le roi prenait plaisir en un bastillon qu'il fit faire tout de neige en la cour de son logis, lequel fait défendre par ceux de sa maison contre tous ceux des deux ville haulte et basse Carcassonne, qui ne le surent jamais prendre et se retièrent battus."

    Holà ! La passion de la vérité est chose contagieuse ! Nous voilà presque aussi indigné que notre savant ami ! Et nous allons en hête, à la fois pour soulager notre bile et vider notre coeur, frapper à la porte du commussariat général des fêtes.

    - Des rensignements sur le film ? Pour la presse ? Mais, oui, monsieur, avec plaisir !

    Et notre interlocuteur se présente : M. de Maroussin, administrateur de la Société des films français. Décidément le hasard fait bien les choses, qui nous conduit d'emblée à "une grosse légume". Qu'est_ce qu'il va prendre "la grosse légume ! " Et, arborant notre air le plus doctoral et plus dogmatique, nous détachons, avec les plus purs accent du midi et de l'indignation archéologique ensuite :

    - Ah, monsieur ! Un tournoi ! Fi, monsieur ! Nous sommes renseignés, et la vérité historique !...

    Notre interlocuteur sourit :

    - Ah, monsieur la vérité, dit-on, se porte toute nue ! Mais on la représente toujours et si jeune et si fraîche ! L'histoire, monsieur, est un bien vieille personne, dont les charmes seraient à nos yeux bien désuets et flétris si nous ne fêtions sur leur aridité l'écharpe soyeuse des légendes. Et, d'ailleurs, l'histoire est femme : à ce titre elle peut bien permettre à ses fidèles quelques privautés. Aussi bien, monsieur, est -il intéressant  de noter que ces privautés que nous avons dû prendre fatalement avec l'antique et noble dame, nous ne les avons prises que quand elles ne lui nuisaient pas et quand elles permettraient de maintenir pour le public "l'atmosphère", cette atmosphère, monsieur, que les films historiques français, dignes de ce nom, s'honorent d'avoir su toujours, oui monsieur, toujours respecter ! Soyez tranquille, l'action de notre films se passe au XVIe siècle et c'est dans un cadre entièrement seizième qu'évolueront des personnages d'allure et de caractère très seizième siècle... Nous avons voulu évoquer une période précise de notre histoire, soyez sûr qu'aucun anachronisme ne viendra par le rappel d'une autre époque et d'un autre âge rompre la magnifique grandeur de notre évocation? Pour le reste, l'histoire s'en contentera !

    Tout à l'heure, nous entendions la voix un peu revêche, venue du fond des siècles, d'une science exacte ! Nous entendons à présent la voix de l'art ( de l'art muet, préciserions-nous si nous l'osions !). Elle est, dans la bouche de M. de Maroussin, singulièrement éloquente : notre indignation archéologique a duré ce que durent les roses : nous ne serons jamais digne de l'école de Chartres ! Gémission, gémissons !

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    La technique de Jean Renoir

    Rien n'est négligé pour donner à ce film l'importance qu'il mérioterait d'avoir. Le metteur en scène Jean Renoir, fils du peintre célèbre, qui, toujours à l'affût des procédés nouveaux, est en train d'acquérir une des deux ou trois meilleures places parmi les metteurs en scène. [...] Enfin, au point de vue technique, il convenait d'établir un document photographique susceptible de rivaliser avec les meilleures photographies mondiales. La Société des films historiques n'a donc pas hésité, malgré le coût de cette pellicule, à utiliser exclusivement, ausi bien en intérieurs qu'en extérieurs, de la pellicule panchromatique et à faire établir tout un matériel de studio entièrement spécialisé à cet effet. Précisions que la pellicule panchromatique désensibilisée par un procédé dont les détails techniques n'intéresseraient pas les lecteurs, rend des tons que l'orthochromatique ordinaire ne peut pas rendre. Cette pellicule n'avait jusqu'ici, été employée que pour de grands films. C'est la première fois qu'elle sera utilisée aussi bien en intérieurs qu'en extérieurs pour un film tout entier. L'opérateur sera M. Mundvillers (qui a tourné "le joueur d'échecs") assisté de MM. Lucien Villy, Cerf, etc...

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    Cinémagazine

    Ce titre, Le tournoi dans la Cité, ne devait être qu'un titre provisoire, mais le succès des fêtes du bi-millénaire de Carcassonne fut tel que, de provisoire, ce titre est devenu définitif. On a trop parlé en effet du Tournoi dans la Cité pour le changer désormais. L'argument du film de M. Henry Dupuy-Mazuel nous dit toutefois que ce tournoi eut lieu dans le château de Ferrals. De plus, le décor a été situé, non pas, dans la Cité, mais dans un champ hoers de l'enceinte. Mais qu'importe, pourvu qu'on ait le film ?

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    J'ai eu la bonne fortune d'assister aux préparatifs de ce tournoi, reconstitué par le colonel Wemaere. J'ai vu deux colonels s'entraîner à porter le pesant harnois de guerre pour personnifier les chevaliers s'affrontant dans le jugement de Dieu. Et rien n'était plus plaisant que d'observer, au repos, le colonel Picard, en sa carapace de fer, remplaçant son casque à panache par un moderne feutre gris.

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    Dans tous les coins des remparts, j'ai surpris des appareils de prise de vues braqués sur des groupes costumés : Ici le grand épéiste, Aldo Nadi, s'étant paré d'une barbe postiche, ferraillait avec l'élégant Rivero pour les beaux yeux de Jackie Monnier, qui fut l'animatrice des fêtes du bi-millénaire par sa radieuse joliesse.

     Certains soirs, l'automobile de M. Béjot fit, par les ruelles montantes, une anachronique et triomphale entrée avec un beau lieutenant qui hurlait, pour faire couleur locale "Les vierges aux fenêtres !". Des Annamites de l'infanterie coloniale maçonnait les "raccords" de Mallet Stevens et, dans un ample vertugadin dessiné par Georges Barbier, se foulait le pied...

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    © Ciné-miroir

    Jackie Monnier, ce jour-là, portait avec aisance une ample jupe rose toute surchargée de rinceaux Renaissance et ses larges manches vertes étaient ornées d'un treillis de rubans d'argent rattachés par des perles... André Viollis était en page et notre confrère Stéphane Vallot, de l'Oeuvre se battait en duel avec M. Scott, du Times.

    Les braves Carcassonnais ne sont pas très ferrés en histoire. Il fallait entendre l'un d'eux expliquer à son fils pendant les joutes : "Tu vois, ceux qui sont en noir, c'est des Huguenots, c'est-à-dire des Espagnols." Le même brave homme en m'avisant s'écria : "Tiens, d'Artagnan." Un peu plus loin, on me prit pour Henri IV !

    L'intérieur de la tour Narbonnaise avait été métamorphosé en atelier de costumes par le maître costumier Sauvageau, qui travailla si longtemps à l'Opéra.

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    Et ce n'est pas une petite affaire que d'habiller toute une figuration. celle qu'on avait recrutée pour la foule était si vermineuse qu'il fallut d'abord l'envoyer aux bains. Afin de voir de plus près le tournoi, un parisien de mes amis, avait consenti à revêtir un costume de seigneur du plus pur style Huguenot, un costume de la maison Granier, venant du fond de quelque Tour de Nesle.

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    Très fier, il parada dans la tribune historique, à tapissières et oriflammes, placée au-dessus de la tribune présidentielle. Mais M. Doumergue s'inquiétant du fléchissement des planches au-dessus de sa tête, ces messieurs de la Sûreté générale firent descendre nobles seigneurs et belles dames et les prièrent d'aller faire un tour dans la lice.

    Cinémagazine / N°32-33 /Guillot de Saix / août 1928

    Le duel à l'épée

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    © Gaumont

    Au débouché de la porte des vociférations violentes nous accueillent : "Chanteau ! Amenez un écran !". Un bruit de fers heurtés et des commandements et des cris : "rompez ! Battez ! Ah ! Ah ! Très bien, c'est ça !

    François de Baynes et le comte Ginori sont aux prises. Ils se battent avec une énergie farouche ; leurs masques crispés et tourmentés seront, certes, d'un effet remarquable à l'écran. On dirait, à voir leur harnachement, que "c'est arrivé", à tel point qu'on entend Nadi sur son oeuvre de mort comme le boulanger sur le pain qu'il pétrit. Soudain, il se fend violamment, "Je vais casser l'écran !"

    C'est une galéjade : Aldon Nadi ne casse pas l'écran, on entend par contre un cliquetis sec et on le voit jeter aux pieds des aides une poignée d'épée... La pointe est partie d'un autre côté sifflant aux oreilles du comte, se ficher bruissante et vibrante dans le décor. C'est la troisième depuis ce matin. "Dépêchez-vous de crever !" conseille, sincère, au comte Ginori, vêtu de satin gris, en passant sous l'étroite poterne, sur ses mules de velours vert, son ample robe de brocart.

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    Les décors

    L'ensemble des scènes du film sont tournées en décor naturel dans la Cité, sur les remparts et dans la basilique Saint-Nazaire. Pour le tournoi, le décorateur a réalisé une Cité en carton-pâte à l'extérieur du site dans un champ qui surplombe le cimetière. C'est d'ailleurs là que seront tournées plus tard, les scènes finales du "Miracle des loups" en 1924 et 1960.

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    Vue aérienne du décor du tournoi

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    Le Cadre noir de Saumur pendant le tournoi

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    La Cité reconstituée pour le tournoi

    Comment voir ce film ?

    La bobine originale a été perdue dans l'incendie de la cinémathèque de Paris dans les années 1960. Nénamoins, le film a été reconstitué depuis à partir de copies d'une façon incomplète. Il a été projeté  à la cinémathèque le 14 décembre 2005 et le 21 avril 2010. Il est la propriété de la société Gaumont qui, je l'espère, fera prochainement une copie DVD commercialisée.

    Sources

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    Les cahiers du cinéma / N° 482

    Vu / N°19 / 25 juillet 1929

    Cinémagazine / N°32-33 / août 1928

    Ciné-miroir

    Photos

    Collection Martial Andrieu

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine / 2015

  • L'histoire de l'usine de glaces Pilpa de Carcassonne

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    Tout commence en 1941 et surtout dans les années suivantes avec l'ULC (Union Coopérative Laitière) une coopérative toulousaine rebaptisée ensuite ULAC. Elle s'associera au cours du temps avec d'autres entreprises de ce type dans la région. En 1974, le marché de ces entreprises s'est progressivement étendu à 17 départements dont la Charente et la région Auvergne. Elles produisent le lait Candia, les yaourts Yoplait, le fromage Fraimont... La croissance est telle qu'en 1988 elle se constitue en un groupe puissant appelé 3A (Alliance Agro Alimentaire) dont le président est un Audois, Jacques Lapeyre. 4000 sociétaires et 2500 salariés veillent à la bonne marche de l'entreprise implantée dans tout le sud-ouest. Le lait ne dérangeant que de faibles marges et dont les cours sont assez aléatoires, le groupe d'oriente vers la production de crèmes glacées ; spécialités de la société Boncolac.

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    Ainsi, naît en 1973 à Carcassonne l'usine Pilpa dans la nouvelle zone de la Bourriette, dont le prix du terrain n'est pas très élevé. Pilpa emploie près de 120 personnes et une soixantaine d'intérimaires ; une main-d'oeuvre peu coûteuse...

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    L'usine Carcassonnaise de la société Boncolac génère un chiffre d'affaire de 490 millions de francs en 1998. Elle promet un plan d'investissement sur quatre ans de 130 millions de francs. La prime d'aménagement du territoire lui octroie 1,6 millions de francs. L'usine Pilpa est grandie ; elle tourne 48 heures / semaine et 6 jours / 7. 

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    Le groupe germano-britannique "R and R Ice cream" rachète à Boncolac pour 23 millions d'euros en juin 2011, l'ensemble de son activité de crèmes glacées. L'usine Pilpa de Carcassonne (137 salariés) et les services commerciaux toulousains (17 salariés) font partie de la transaction. Malgré les bonnes intentions affichées par les nouveaux propriétaires sur le devenir des salariés, ils vont s'emparer des marques de distributeur sous licence Oasis, Disney et Fauchon que produit Pilpa à Carcassonne pour la grande distribution, puis licencier le personnel et fermer l'usine. Les employés avaient de quoi se méfier, puisque R and R avait supprimé des emplois lors de la reprise du glacier breton Rolland en 2010. De son côté Boncolac réalisait en 2010 (groupe 3A) un CA de 709 millions d'euros, en hausse de 11%. Il veut recentrer son activité sur le surgelé traiteur.

    Philippe Carré, directeur général de Boncolac, confie au journal Les échos du 16 juin 2011 :

    « R&R a une puissance de feu européenne et voudra agrandir le site pour vendre en Europe, alors que nous écoulons 90 % de notre production en France »

    De son côté, le groupe "R and R" possède 8 usines et réalise 550 millions de Chiffre d'affaire en Europe avec 2000 collaborateurs en France, Allemagne, Pologne et Royaume Uni. Il use d'une communication assez cynique lorsqu'il s'exprime dans le Daily reporter le 6 septembre 2011 :

    Il est clair que le site de Carcassonne est très vieux et où rien n'a été investi depuis 20 ans, mais nous sommes très heureux de le posséder. Nous allons bien le gérer et il y a un très bon effectif à Carcassonne. Je suis impatient de travailler avec tout le monde là-bas et de bâtir une entreprise vraiment forte. (traduit de l'anglais)

    Un mois après son acquisition, le groupe supprime l'ensemble des commerciaux. Quelques temps après, il ferme les services de recherche et de développement.

    Licenciés !

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    © L'indépendant

    Le 5 juillet 2012, "R and R" annonce qu'il ferme l'usine et met au chômage les 123 salariés de Pilpa, dont 45 d'entre-eux ont plus de 50 ans. Comme toujours le cynisme de ces multinationales n'a pas de limites ; elle propose un reclassement des salariés en Pologne (nouvelle usine créée), Italie, Allemagne ou Royaume-Uni. C'est loi la contraint à cela...  On apprend que la production continuera jusqu'en décembre 2012 pour honorer les carnets de commande de fin d'année. Les salariés se voient proposer un congé de reclassement de neuf mois et des indemnités de licenciement de 5000 à 30 000 euros, selon l'ancienneté. Avec la nouvelle loi Macron sur le plafonnement des indemnités de licenciement, combien auraient touché aujourd'hui les Pilpa ?

    À qui appartient R and R ?

    Un rapport du cabinet d’expertise Progexa présente ce fonds d’investissement californien comme une firme de gestion de placements mondiale axée sur les marchés alternatifs. Dans la presse anglo-saxonne spécialisée comme le Financial Times, on peut lire qu’« Oaktree gère des fonds dans les stratégies d’investissement qui comprennent notamment les prêts en difficulté, la dette des entreprises ou encore l’investissement de contrôle ». Tout est dit. Pilpa est pris au piège d’une toile d’araignée de la finance internationale. La mécanique infernale s’emballe et les chiffres font peur. Après étude, on s’aperçoit que R & R est endetté à hauteur de 593  millions d’euros auprès d’Oaktree. Avec un emprunt de 283 millions d’euros de taux à 8,9 % et un emprunt obligataire de 350 millions d’euros au taux de 8,4 %, on comprend mieux l’argument de « mauvais résultats » : R & R se doit en effet de rembourser les frais financiers liés à ses emprunts ; Pilpa fait partie de la myriade des entreprises tombées sous le joug du fonds d’investissement américain dont les bénéfices servent à rembourser ces emprunts. « Résultat, Pilpa est passé du statut d’entreprise viable à celui de Kleenex », s’indigne Rachid Ait Ouakli. Une logique à très court terme où le moindre million est bon à prendre. Oaktree a mis en vente le site de production de glaces de Carcassonne en début d’année, ce qui devrait lui rapporter 2 ou 3 millions supplémentaires. « Quant à 
R & R, ses résultats médiocres, du fait des remboursements qui plombent sa comptabilité, lui permettent peu ou pas de payer des impôts », conclut le délégué syndical. Pendant ce temps, les bénéfices engrangés par Pilpa finissent dans les comptes de sociétés offshore que possède le fonds d’investissement américain. Dans le rapport Progexa, on s’aperçoit que les bénéfices de Pilpa terminent dans des comptes en banques, situés dans des paradis fiscaux aux îles Caïmans et au Luxembourg après avoir transité par R & R Ice Cream à Londres et R & R Ice Cream France. (L'Humanité, 16 mai 2013)

    La bataille syndicale

    Les salariés dénoncent le plan social devant les tribunaux.

    Le 11 décembre celui-ci est annulé par le juge des référés qui estime que le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) présenté par la direction "est manifestement insuffisant dans les mesures de reclassement proposées au regard des moyens du groupe" et que le licenciement collectif de l'ensemble du personnel constitue donc "un trouble manifestement illicite", selon le texte de son ordonnance. 

    Lionel Rolland, directeur général du groupe "R and R" vient à Carcassonne dans une ambiance houleuse proposer des solutions de reclassement et justifier par une communication hasardeuse, la fermeture de l'usine :

    «Le groupe a perdu 15 M€ de chiffre d'affaires l'année dernière, soit -9 %». Au-delà de cet aspect conjoncturel, le patron de Pilpa met ce plan social sur le compte d'une «forte contraction du marché des marques distributeurs depuis 4 ans»

    Une «contraction» qui n'a pourtant pas empêché le groupe R & R Ice Cream d'acheter une énième société l'an dernier, à Terni en Italie. Le numéro est bien rodé : on rachète une entreprise, on rafle ses marques (dans le cas de Pilpa : Oasis, Disney, par exemple), puis on revend quelques mois après en sacrifiant les salariés. Une course à la rentabilité financière dans un marché à concurrence sauvage - R & R Ice Cream veut rivaliser avec l'ogre Unilever, et Nestlé lorgne sur le rachat du groupe R & R - qui fait bien peu de cas des situations humaines. (La dépêche, 5 avril 2013)

    Le 16 mai 2013, les salariés annoncent qu'il dénoncent une troisième fois devant le tribunal, le plan social proposé par le groupe "R and R". Finalement, c’est avec la direction nommée par le nouvel actionnaire PAI Partners qu’un accord sera trouvé avec les salariés. Tous obtiendront des indemnités supra-légales de licenciements représentant entre quatorze et trente-sept mois de salaire brut ainsi qu’un budget de formation de 6 000 euros par salarié. 

    L'agglo à la rescousse

     Grâce à l'énergie des salariés et à la Communauté d'agglomération du Carcassonnais, une SCOP va être créée afin de pérenniser une partie de l'outil de production et des emplois. Les nouveaux entrepreneurs seront aidés dans leur tâche par Henri Garino et René Escourrou, avec le soutien de la municipalité de J-C Pérez et de l'ensemble des Carcassonnais mobilisés pour Pilpa. La nouvelle direction du groupe "R and R" ne s’oppose pas à ce qu’une nouvelle entité produise de la crème glacée à la condition toutefois qu’elle n’opère pas sur le marché des marques de distributeur. La direction s’engage à laisser sur place une ligne de production, à subventionner 815 000 euros de machines et matériels divers, à financer 200 000 euros de formation ainsi qu’une étude de faisabilité confiée à un cabinet d’experts. Un peu plus tard, la communauté d’agglomération de Carcassonne fera l’acquisition des bâtiments et des terrains pour revitaliser économiquement le lieu et donc permettre, entre autres, à la SCOP de démarrer.

    La Fabrique du Sud

    Le 6 janvier 2014, les statuts de la nouvelle entreprise Fabrique du Sud sont déposés. Une trentaine parmi les anciens salariés va mettre ses indemnités de licenciement et ses allocations chômage dans la SCOP à hauteur de 10 000 euros chacun. L'activité démarre en avril 2014 avec un capital de 400 000 euros. À  ce jour, ils sont une vingtaine à faire tourner la seule ligne de production restante depuis Pilpa et commercialisent avec succès des glaces sous la marque "La belle Aude".

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    Ces glaces de qualité artisanale sont vendues dans tous les supermarchés de la région et proposées chez les restaurateurs comme dessert. 

    Une loi Pilpa

    Pour aider les salariés repreneurs, la loi Economie sociale et solidaire (ESS) du 31 juillet 2014 a créé la Société coopérative et participative (SCOP) d’amorçage qui permet aux salariés de renforcer progressivement leur part au capital social. Le décret relatif à sa création vient d'être publié. Il met fin à l’obligation de détenir la majorité du capital social, frein à la reprise d’entreprises sous forme de SCOP.

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    © Claude Boyer

    Le 19 mai 2015, le Président de la République en visite à Carcassonne se rend dans l'usine de la SCOP Fabrique du Sud. La réussite de ces salariés, devenus patrons, fait le tour des rédactions nationales de la presse écrite et télévisuelle.

    Sources

    Claude Marquié / Aux origines de Pilpa / 2012

    Les échos

    L'Humanité

    La dépêche

    Dailyreporter.com

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