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le tournoi dans la cité

  • Le tournoi dans la Cité, film de Jean Renoir tourné à Carcassonne

    Le tournoi dans la Cité

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    est un film muet de Jean Renoir, produit par la Société des films historiques et tourné dans la Cité de Carcassonne durant les fêtes du bimillénaire en juillet-août 1928.  Le Cadre noir de Saumur exécutera les figures et les combats du tournoi.

    Le tournoi dans la Cité

    Cette photographie, signée Brissy, prise dans la basilique Saint-Nazaire servit à dessiner l'affiche du film.

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    Distribution

    Jackie Monnier : Isabelle Ginori

    Suzanne Desprès : Mme de Baynes

    Blanche Bercier : Catherine de Médicis

    Aldo Nadi : Charles de Baynes

    Enrique de Rivero : Henri de Rogier

    Manuel Rabi : Ginori

    Gérard Mock : Charles IX

    Le bouffon : Narval

    Synopsis

    Au temps du jeune roi Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis, la belle Isabelle Ginori se fiance à un gentilhomme catholique, Henri de Rogier. Par malheur, François de Baynes, seigneur protestant, aussi courageux que volage, rencontre Isabelle et déclare en termes vifs qu'elle lui appartiendra. Le comte Ginori, parent de la jeune fille, relève le propos. François le tue en duel. Par souci politique, la reine est prête à unir Isabelle et François. Une maîtresse de ce dernier, Lucrèce Pazzi, intervient. Catherine décide alors que le vainqueur du tournoi sera l'époux d'Isabelle. François surpasse son rival mais le cadavre de Ginori est découvert, le coupable démasqué. Chargé par le guet, François succombe. Isabelle et Henri peuvent enfin se fiancer.

    Une controverse

    Puisqu'il s'agit d'un film historique, que d'autre part le programme porte pour mercredi, à 16 heures, "On tourne le film", nous allons d'emblée frapper avant toute chose à la porte d'un archéologue érudit, bien connu des Carcassonnais et qui, fort amoureux de sa Cité où il vit, en connaît sur le bout des doigts la merveilleuse histoire qu'il a passionnément étudiée.

    Dès les premiers mots, M..., qu'un Dieu semble habiter, fulgurant nous arrête : " Un tournoi. Catherine de Médicis ! Mais, monsieur, c'est infâme ! Mais il n'y en eut pas quand Catherine de Médicis et le jeune roi s'arrêtèrent en 1565 à Carcassonne !" Et l'érudit archéologue qu'une sainte fureur, fille du feu sacré, anime et transfigure, nous met sous les yeux le texte magnifiquement conservé "in quarto" plein veau à fers dorés de la "relation du voyage du roi Charles IX, par Abel Jouan", l'un des serviteurs de sa majesté. Mi amusé, mi respectueux, nous lisons à la page que notre hôte marque d'un doigt tremblant le passage suivant : "Et le vendreai 12, jour du dit mois (janvier), Charles IX alla dîner à Barbaira, petit village et coucher à la haulte Carcassonne, qui est une belle et forte ville évesché où il fait son entrée..."

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    Charles IX

    Ici, le narrateur précise que le roi avait fait "pour ce jour... 4 lieues". Et il continue : "Et pensait le roi partir le samedi : le samedi, 13e jour, qui était le lendemain ; mais la neige vient en si grande abondance, tant que personne eût osé aller par pays, et tomba tant qu'elle était en plaine campagne de hauteur de quatre pieds pour le moins : et en fut ainsi assiégé en ce lieu quatre jours durant, pendant lesquels le roi prenait plaisir en un bastillon qu'il fit faire tout de neige en la cour de son logis, lequel fait défendre par ceux de sa maison contre tous ceux des deux ville haulte et basse Carcassonne, qui ne le surent jamais prendre et se retièrent battus."

    Holà ! La passion de la vérité est chose contagieuse ! Nous voilà presque aussi indigné que notre savant ami ! Et nous allons en hête, à la fois pour soulager notre bile et vider notre coeur, frapper à la porte du commussariat général des fêtes.

    - Des rensignements sur le film ? Pour la presse ? Mais, oui, monsieur, avec plaisir !

    Et notre interlocuteur se présente : M. de Maroussin, administrateur de la Société des films français. Décidément le hasard fait bien les choses, qui nous conduit d'emblée à "une grosse légume". Qu'est_ce qu'il va prendre "la grosse légume ! " Et, arborant notre air le plus doctoral et plus dogmatique, nous détachons, avec les plus purs accent du midi et de l'indignation archéologique ensuite :

    - Ah, monsieur ! Un tournoi ! Fi, monsieur ! Nous sommes renseignés, et la vérité historique !...

    Notre interlocuteur sourit :

    - Ah, monsieur la vérité, dit-on, se porte toute nue ! Mais on la représente toujours et si jeune et si fraîche ! L'histoire, monsieur, est un bien vieille personne, dont les charmes seraient à nos yeux bien désuets et flétris si nous ne fêtions sur leur aridité l'écharpe soyeuse des légendes. Et, d'ailleurs, l'histoire est femme : à ce titre elle peut bien permettre à ses fidèles quelques privautés. Aussi bien, monsieur, est -il intéressant  de noter que ces privautés que nous avons dû prendre fatalement avec l'antique et noble dame, nous ne les avons prises que quand elles ne lui nuisaient pas et quand elles permettraient de maintenir pour le public "l'atmosphère", cette atmosphère, monsieur, que les films historiques français, dignes de ce nom, s'honorent d'avoir su toujours, oui monsieur, toujours respecter ! Soyez tranquille, l'action de notre films se passe au XVIe siècle et c'est dans un cadre entièrement seizième qu'évolueront des personnages d'allure et de caractère très seizième siècle... Nous avons voulu évoquer une période précise de notre histoire, soyez sûr qu'aucun anachronisme ne viendra par le rappel d'une autre époque et d'un autre âge rompre la magnifique grandeur de notre évocation? Pour le reste, l'histoire s'en contentera !

    Tout à l'heure, nous entendions la voix un peu revêche, venue du fond des siècles, d'une science exacte ! Nous entendons à présent la voix de l'art ( de l'art muet, préciserions-nous si nous l'osions !). Elle est, dans la bouche de M. de Maroussin, singulièrement éloquente : notre indignation archéologique a duré ce que durent les roses : nous ne serons jamais digne de l'école de Chartres ! Gémission, gémissons !

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    La technique de Jean Renoir

    Rien n'est négligé pour donner à ce film l'importance qu'il mérioterait d'avoir. Le metteur en scène Jean Renoir, fils du peintre célèbre, qui, toujours à l'affût des procédés nouveaux, est en train d'acquérir une des deux ou trois meilleures places parmi les metteurs en scène. [...] Enfin, au point de vue technique, il convenait d'établir un document photographique susceptible de rivaliser avec les meilleures photographies mondiales. La Société des films historiques n'a donc pas hésité, malgré le coût de cette pellicule, à utiliser exclusivement, ausi bien en intérieurs qu'en extérieurs, de la pellicule panchromatique et à faire établir tout un matériel de studio entièrement spécialisé à cet effet. Précisions que la pellicule panchromatique désensibilisée par un procédé dont les détails techniques n'intéresseraient pas les lecteurs, rend des tons que l'orthochromatique ordinaire ne peut pas rendre. Cette pellicule n'avait jusqu'ici, été employée que pour de grands films. C'est la première fois qu'elle sera utilisée aussi bien en intérieurs qu'en extérieurs pour un film tout entier. L'opérateur sera M. Mundvillers (qui a tourné "le joueur d'échecs") assisté de MM. Lucien Villy, Cerf, etc...

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    Cinémagazine

    Ce titre, Le tournoi dans la Cité, ne devait être qu'un titre provisoire, mais le succès des fêtes du bi-millénaire de Carcassonne fut tel que, de provisoire, ce titre est devenu définitif. On a trop parlé en effet du Tournoi dans la Cité pour le changer désormais. L'argument du film de M. Henry Dupuy-Mazuel nous dit toutefois que ce tournoi eut lieu dans le château de Ferrals. De plus, le décor a été situé, non pas, dans la Cité, mais dans un champ hoers de l'enceinte. Mais qu'importe, pourvu qu'on ait le film ?

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    J'ai eu la bonne fortune d'assister aux préparatifs de ce tournoi, reconstitué par le colonel Wemaere. J'ai vu deux colonels s'entraîner à porter le pesant harnois de guerre pour personnifier les chevaliers s'affrontant dans le jugement de Dieu. Et rien n'était plus plaisant que d'observer, au repos, le colonel Picard, en sa carapace de fer, remplaçant son casque à panache par un moderne feutre gris.

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    Dans tous les coins des remparts, j'ai surpris des appareils de prise de vues braqués sur des groupes costumés : Ici le grand épéiste, Aldo Nadi, s'étant paré d'une barbe postiche, ferraillait avec l'élégant Rivero pour les beaux yeux de Jackie Monnier, qui fut l'animatrice des fêtes du bi-millénaire par sa radieuse joliesse.

     Certains soirs, l'automobile de M. Béjot fit, par les ruelles montantes, une anachronique et triomphale entrée avec un beau lieutenant qui hurlait, pour faire couleur locale "Les vierges aux fenêtres !". Des Annamites de l'infanterie coloniale maçonnait les "raccords" de Mallet Stevens et, dans un ample vertugadin dessiné par Georges Barbier, se foulait le pied...

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    © Ciné-miroir

    Jackie Monnier, ce jour-là, portait avec aisance une ample jupe rose toute surchargée de rinceaux Renaissance et ses larges manches vertes étaient ornées d'un treillis de rubans d'argent rattachés par des perles... André Viollis était en page et notre confrère Stéphane Vallot, de l'Oeuvre se battait en duel avec M. Scott, du Times.

    Les braves Carcassonnais ne sont pas très ferrés en histoire. Il fallait entendre l'un d'eux expliquer à son fils pendant les joutes : "Tu vois, ceux qui sont en noir, c'est des Huguenots, c'est-à-dire des Espagnols." Le même brave homme en m'avisant s'écria : "Tiens, d'Artagnan." Un peu plus loin, on me prit pour Henri IV !

    L'intérieur de la tour Narbonnaise avait été métamorphosé en atelier de costumes par le maître costumier Sauvageau, qui travailla si longtemps à l'Opéra.

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    Et ce n'est pas une petite affaire que d'habiller toute une figuration. celle qu'on avait recrutée pour la foule était si vermineuse qu'il fallut d'abord l'envoyer aux bains. Afin de voir de plus près le tournoi, un parisien de mes amis, avait consenti à revêtir un costume de seigneur du plus pur style Huguenot, un costume de la maison Granier, venant du fond de quelque Tour de Nesle.

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    Très fier, il parada dans la tribune historique, à tapissières et oriflammes, placée au-dessus de la tribune présidentielle. Mais M. Doumergue s'inquiétant du fléchissement des planches au-dessus de sa tête, ces messieurs de la Sûreté générale firent descendre nobles seigneurs et belles dames et les prièrent d'aller faire un tour dans la lice.

    Cinémagazine / N°32-33 /Guillot de Saix / août 1928

    Le duel à l'épée

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    © Gaumont

    Au débouché de la porte des vociférations violentes nous accueillent : "Chanteau ! Amenez un écran !". Un bruit de fers heurtés et des commandements et des cris : "rompez ! Battez ! Ah ! Ah ! Très bien, c'est ça !

    François de Baynes et le comte Ginori sont aux prises. Ils se battent avec une énergie farouche ; leurs masques crispés et tourmentés seront, certes, d'un effet remarquable à l'écran. On dirait, à voir leur harnachement, que "c'est arrivé", à tel point qu'on entend Nadi sur son oeuvre de mort comme le boulanger sur le pain qu'il pétrit. Soudain, il se fend violamment, "Je vais casser l'écran !"

    C'est une galéjade : Aldon Nadi ne casse pas l'écran, on entend par contre un cliquetis sec et on le voit jeter aux pieds des aides une poignée d'épée... La pointe est partie d'un autre côté sifflant aux oreilles du comte, se ficher bruissante et vibrante dans le décor. C'est la troisième depuis ce matin. "Dépêchez-vous de crever !" conseille, sincère, au comte Ginori, vêtu de satin gris, en passant sous l'étroite poterne, sur ses mules de velours vert, son ample robe de brocart.

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    Les décors

    L'ensemble des scènes du film sont tournées en décor naturel dans la Cité, sur les remparts et dans la basilique Saint-Nazaire. Pour le tournoi, le décorateur a réalisé une Cité en carton-pâte à l'extérieur du site dans un champ qui surplombe le cimetière. C'est d'ailleurs là que seront tournées plus tard, les scènes finales du "Miracle des loups" en 1924 et 1960.

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    Vue aérienne du décor du tournoi

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    Le Cadre noir de Saumur pendant le tournoi

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    La Cité reconstituée pour le tournoi

    Comment voir ce film ?

    La bobine originale a été perdue dans l'incendie de la cinémathèque de Paris dans les années 1960. Nénamoins, le film a été reconstitué depuis à partir de copies d'une façon incomplète. Il a été projeté  à la cinémathèque le 14 décembre 2005 et le 21 avril 2010. Il est la propriété de la société Gaumont qui, je l'espère, fera prochainement une copie DVD commercialisée.

    Sources

    La dépêche du Midi / 19 juillet 1928

    Les cahiers du cinéma / N° 482

    Vu / N°19 / 25 juillet 1929

    Cinémagazine / N°32-33 / août 1928

    Ciné-miroir

    Photos

    Collection Martial Andrieu

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