© Martial Andrieu
En empruntant les rues de la Bastide, mon regard se porte très souvent sur l’architecture de vieux immeubles. Un grand nombre de questions frappent alors à la porte de mon cerveau. Quel est l’architecte, l’entreprise de maçonnerie, le sculpteur ? Quelle est l’époque de construction ? A qui ont-ils appartenu ? Ces réponses ne se trouvent pas hélas dans une brochure qui pourrait être bien utile aux nombreux visiteurs de notre ville. Il faut alors mener une véritable enquête historique avec les moyens de celui qui recherche une aiguille dans une meule de foin, car rien ou si peu a été recensé. Là où il serait si simple d’avoir une information, l’inaction et souvent le désintérêt des Carcassonnais nous oblige à des jours d’enquêtes. Parfois au bout du tunnel, on aperçoit cette lumière vers laquelle notre quête de vérité nous conduit. L’immeuble dont nous allons évoquer le souvenir, vous est familier mais vous passez sans le voir…
À l’angle de la rue des Orfèvres (Courtejaire) et de la rue de la mairie (Aimé Ramond), se trouvait au n°37 la maison de Michel Crouzet, sellier de son état. Il vivait là en 1851, dans l’ancien immeuble Polycarpe, avec son épouse Joséphine Barlabé et ses trois enfants : Maria, Eugène et Auguste. Trois ans plus tard, le marchand tailleur Jean Belloc fait l’acquisition de cette maison. Au mois de novembre 1854, il annonce par voie de presse qu’il « vient de donner à son commerce une extension considérable sur des bases entièrement nouvelles. »
Immeuble parisien de style Louis-Philippe
L’immeuble est donc reconstruit dans la forme architecturale que nous connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire dans le style Louis-Philippe. Nous ne sommes pas ici dans le néoclassicisme régulièrement observé sur les façades dessinées par Marius Esparseil ou Léopold Petit à travers la ville. Les lignes sont épurées et les ornements pratiquement absents. On pourrait considérer qu’il s’agit là du seul exemple architectural vraiment représentatif de l’époque 1830-1850 à Carcassonne. Alors, à qui attribuer cette réalisation ? Nous pensons qu’il pourrait s’agir de Charles Emile Saulnier (1828-1900), architecte parisien, installé dans notre ville dès 1851 pour participer à la construction du Palais de justice avec Jean Sargines Champagne. Ce n’est que le fruit de notre intuition…
La maison Rolland de Blomac, 6 rue de la République
Le 15 septembre 1860, Jean Belloc (1804-1887) et son fils Jacques (1827-1893) s’associent et forment une société pour une dizaine d’années. Jusqu’en 1880, l’immeuble Belloc demeure l’un des plus beaux magasins de vêtements sur mesure de la ville. Le 1er février, Jacques Belloc installe son commerce à son domicile particulier, dans l’ancienne maison Rolland de Blomac, 6 rue Sainte-Lucie (République). Après son décès, son fils Eugène (1860) ouvre sa propre enseigne de vêtements au 40 de la Grand rue (Verdun).
Le n°37 de la rue de la mairie est ensuite vendu à Jean Henri Escaffre, facteur de pianos. Devenu le n°39 en 1900, on y retrouve le doreur Faraco, marchands de bondieuseries et d’objets du culte catholique (chasubles, aubes, calices, etc). Pour l’anecdote, le bâtiment possédait également les bureaux des pompes funèbres.
Aujourd’hui, ce très bel immeuble loge l’agence immobilière Resplandy depuis quelques années après avoir succédé à l’agence Havas. Sa façade entièrement ravalée ne vous laissera plus de marbre, elle qui n’a pas été bâtie avec la pierre grise de notre pays. Souhaitons qu’une brochure recensant par époque tous ces beaux immeubles vienne enrichir l’intérêt touristique de la Bastide. C’est plus que souhaitable, c’est indispensable !
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