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  • Une flèche gothique sur la Tour de l'église Saint-Vincent ?

    "Carcassonne qui possède dans ses murs l’antique Cité (monument unique au monde), doit-elle laisser en ruine le seul monument qu’elle possède dans la Ville basse ?"

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    C’est en ces termes que l’architecte Léopold Petit alerte la population dans une lettre adressée au Courrier de l’Aude, le 4 janvier 1896. Il fait l’amer constat que toutes les villes d’Europe entretiennent « avec un soin jaloux », leurs édifices civils et religieux sans distinction. Les monuments sont les témoins de notre civilisation : « Dis-moi comment tu bâtis, je te dirai quel peuple tu es. »

    Louant le génie de l’architecte de la Tour Saint-Vincent, Léopold Petit qui s’est rendu tout en haut de l’édifice a constaté que les siècles ont épaufré les pierres. Il convient sans attendre d’engager les restaurations qui s’imposent si l’on veut éviter des drames. Plusieurs pierres sont déjà tombées dans la rue épargnant de très peu les passants et les riverains. Certaines épaufrures atteignent 8 mètres de longueur et 4 mètres de largeur et tiennent par l’opération du Saint-Esprit.

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    © Fondation du patrimoine

    Etat des gargouilles avant 2018

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    Nouvelles gargouilles en 2019

    Léopold Petit rappelle que la question revint à plusieurs reprises à l’ordre du jour du conseil municipal et indique comment la mairie songeait à la restauration. « On suspendrait au sommet de la tour une cage mobile que l’on monterait et descendrait à volonté, et des ouvriers, perchés là-dedans, racleraient la tour, détruiraient toute la partie artistique qui, à mon avis, est superbe, et remplaceraient le tout par du ciment, tout ce qu’il y a de plus bonhomme. Ah ! par exemple, ça serait du propre, et nous serions la risée de tous."

     Il suffirait que la ville, l’Etat, le Conseil général, la fabrique et les particuliers constituent la somme nécessaire estimée à 200 000 francs pour restaurer la Tour Saint-Vincent. L’architecte Léopold Petit à qui l’on doit d’avoir participé à l’érection du Palais du Trocadéro pendant l’Exposition Universelle, dessina un projet ambitieux pour la Tour Saint-Vincent. Les plans dessinés en collaboration avec son élève Adolphe Phillipon, furent exposés dans la vitrine de la galerie Caselli, rue Courtejaire.

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    Exemple : Flèche de la cathédrale de Chartres

    Selon lui, la Tour Saint-Vincent du haut de ses 52 mètres n’a pas pu être achevée. Il se propose donc d’y élever une flèche de style gothique ce qui porterait l’ensemble de la tour à 96 mètres. de hauteur. Soit, 28 mètres de plus que les tours de Notre-Dame de Paris. « Vous verrez nos charpentiers grimper comme des singes pour la construction des échafaudages, nos serruriers pour les armatures, nos tailleurs de pierre, employer les plus beaux matériaux de France, les maçons pour les remplissages, etc. Il faut vouloir faire bien, faire grand. Vous verrez un peu si notre classe ouvrière de Carcassonne a besoin d’aller chercher les voisins pour faire ses grands travaux, j’allais dire aussi les architectes, mais je m’arrête là. A l’œuvre, on connaît l’artisan."

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    Ni les lamentations du Courrier de l’Aude, ni les solutions préconisées par Léopold Petit ne firent avancer la restauration. Des pierres de parement continuaient inexorablement à tomber sur la chaussée. L’ancien architecte de la ville proposa au moins de placer un échafaudage à encorbellement autour de la tour, afin d’éviter les drames. Le problème c’est que la ville en charge de l’église ne voulait pas dépenser un centime pour sa restauration. Elle eut alors l’idée de solliciter auprès de l’Etat, le classement de l’édifice au titre des Monuments historiques. Petit confirma que l’urgence était telle que l’on ne pouvait espérer une réponse avant plusieurs décennies. 

    La tour Saint-Vincent se compose de deux parties bien distinctes. La partie carrée et la partie octogonale. La partie carrée - de la base à la toiture - se compose de gros moellons sans ornementation, et en assez bien état, n’offrant aucun danger, ou du moins peu de danger. La partie octogonale - de la toiture au sommet - est ouvragée d’une architecture flamboyante très caractérisée, très hardie, très belle, et c’est dans cette partie principalement que le temps a exercé des ravages indescriptibles. Les parties nord et Est n’ont pas beaucoup souffert.

    Au mois de septembre 1897, la municipalité envoya le dossier pour obtenir le classement de l’église Saint-Vincent. Toujours dans un seul but, celui que l’Etat voudra bien assumer à lui seul la dépense des travaux de restauration. Le conseil municipal réunit le 31 mars 1898 renvoie à la commission des travaux, la question de la restauration de la Tour Saint-Vincent.

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    © www2.sele.fr

    Tailleur de pierre en 2018 à l'église Saint-Vincent

    La flèche dessinée par Léopold Petit ne vit jamais le jour. Quant au classement de l’église comme Monument historique, il n’intervient que le 19 décembre 1907. Soit dix ans après la demande, mais rien n’indique que l'on ait entrepris des réparations pendant ce laps de temps. Au contraire, la question des restaurations à l’église Saint-Vincent agita les débats des conseils municipaux pendant tout le XXe siècle. Il a fallu attendre la municipalité actuelle pour que l’impérieuse nécessité de préserver l’édifice de la ruine, en dégageant les financements pour sa restauration fut prise en compte. Si l’église Saint-Vincent avait été la propriété de l’Etat comme la cathédrale Saint-Michel, elle aurait alors subi une cure de jouvence au cours des décennies précédentes.

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    © www2.sele.fr

    Sources

    Le courrier de l'Aude de 1894 à 1898

    Délibérations Conseil municipal

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