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11 novembre 1942 : De Lattre de Tassigny en résistance armée dans les Corbières

La commission d’armistice avait laissé à la France une armée de 100 000 hommes. Quand la Wehrmacht envahit la zone libre, cette armée ne réagit pas. Pourtant une stratégie avait été prévue : Les troupes devaient s’établir en position défensive dans des réduits montagneux afin de harceler l’ennemi. Les Divisions Militaires de Marseille et Montpellier, devaient s’adosser à la mer pour établir des têtes de pont, en vue d’éventuels débarquements alliés.

Seul,

 Jean Joseph Marie Gabriel De Lattre de Tassigny,

Général de Brigade depuis le 22 mars 1939, va tenter de s’opposer à l’invasion en concentrant ses troupes dans les Corbières.

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Le 10 novembre, à 1h30, les Etats-Majors de Région reçoivent un télégramme chiffré (N°128), émanant du 3ème Bureau de l’État-major :

"En vue d’éviter le contact entre les troupes de l’armistice et les troupes étrangères, les généraux commandants les régions militaires doivent être prêts, en cas d’avance allemande au-delà de la ligne de démarcation, à exécuter le déplacement des troupes et États-Majors en dehors des garnisons et des axes principaux de pénétration. Toutes munitions seront prises. Mesures d’exécution décidées à l’initiative des Commandant de Division Militaire, uniquement sur renseignement certain de franchissement de la ligne de démarcation".


Le général De Lattre de Tassigny convoque alors ses officiers d’État-major et fait parvenir également aussitôt aux autres commandants de corps une directive dans ce sens, ses troupes devront se rendre dans le massif des Corbières, en emportant le maximum de munitions. Les éléments de Montpellier, Sète, Castres, Albi et Rodez seront dirigés dans la région sud-ouest de Narbonne, à Thézan et plus au sud. Les unités de Carcassonne et de Castelnaudary se regrouperont à Axat, celles de Perpignan à la Tour-de-France. Le 11 novembre, à 7 heures, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation. De Lattre en est aussitôt avisé. Une heure après, il arrive à l’État-major et fait donner l’ordre d’exécuter les instructions de sa directive. A 9 heures, le général Langlois, commandant du 1er Groupe de Divisions Militaires à Avignon, lui téléphone : ordre de surseoir à tout mouvement de troupes. De Lattre répond :

"Les Allemands ont franchi la ligne. A partir de cet instant, chaque commandant de division a son initiative !"

Or, vers 10 heures, lui parvient un télégramme selon lequel, par ordre du Secrétaire d’Etat à la guerre (Eugène Marie-Louis Bridoux), aucun mouvement de régiment ne doit être exécuté et que les troupes et Etats-Majors doivent rester dans leurs casernements normaux. Le général De Lattre est consterné par cette nouvelle décision qui est contraire à sa conception de l’Honneur Militaire. Il décide donc d’ignorer le contre-ordre pour s’en tenir strictement aux directives du télégramme chiffré. Simone De Lattre approuve son mari. Elle non plus, ne veut pas subir.

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Le carrefour de Fabrezan d'où il enverra chercher de l'essence à l'aérodrome de Lézignan

A 11h30 le même jour, il quitte Montpellier avec son État-major en direction des Corbières. Il est accompagné de ses plus proches collaborateurs. Le convoi se rend à la caserne du 8ème Régiment d’Infanterie et récupère deux canons de 75 et une dizaine de camions de munitions. Après une halte à Saint-Pons, il réussit à passer la route de Carcassonne à Narbonne. Il passe par Moux où il utilise un passage en dessous de la route. Toute l’après-midi, il attend à Villerouge-Termenes des nouvelles de ses troupes. Puis il prend la direction de Padern avec seulement deux véhicules et s’arrête vers 19h à Cucugnan chez le maire Clovis Gauch. Là, il fait le point sur sa carte avec son aide de camp. A 21 heures 30 le général demande à entendre les informations, puis à 22 heures il prend la direction de Padern où il restera à attendre en vain, jusqu’à 2h45, des nouvelles de ses troupes dans la nuit du 12 au 13 novembre. Celles-ci ne viendront pas. Les chefs de Corps ont en effet reçu directement du général Langlois, l’ordre de rester sur place et les routes sont barrées.

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De Lattre dans la clandestinité


Alerté, le Gouvernement de Vichy réagit très rapidement en donnant l’ordre d’intercepter le général qui retourne alors à Saint-Pons où il se livre à l’adjudant de gendarmerie de la brigade locale. Il est emprisonné à la prison militaire de Toulouse. Dans une lettre du 18 novembre qu’il écrit depuis sa cellule toulousaine, le général De Lattre écrit au maréchal Pétain : 

"Ce que j’ai fait ne relève point de la dissidence à laquelle je n’ai jamais songé. Mon acte n’a été inspiré que par l’amour de la France et de l’Armée. Je vous demande, parce que mon devoir de chef me l’impose, de vouloir bien considérer qu’en dehors de moi seul, il ne saurait y avoir de responsables. Quatre de mes officiers, qui sont aujourd’hui mes compagnons de captivité sont, je le crois, inculpés au même titre. Ils n’ont fait qu’exécuter mes instructions et leurs actes ne relèvent que de l’obéissance qu’ils devaient à leur chef."

Le 11 décembre 1942, le général De Lattre est escorté jusqu’au fort Montluc à Lyon. Poursuivi pour abandon de poste et tentative de trahison, il comparaîtra le 9 janvier 1943 devant le Tribunal d’Etat et sera transféré à la maison d’arrêt de Riom le 2 février 1943, où l’administration pénitentiaire lui attribue la cellule (exigüe) qui avait été occupée, un temps, par le député de Narbonne Léon BLUM. Par la suite il occupera une cellule plus vaste qui avait été celle d’Edouard DALADIER. Il s’en évadera dans la nuit du 2 au 3 septembre 1943 et, avec l’aide de résistants de l’Ain, le 17 octobre 1943 un avion l’emmènera en Angleterre d’où il gagnera l’Algérie et la France Libre. Il prendra alors les responsabilités qu’on lui connaît maintenant pour " Ne pas Subir ".

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Cimetière de Mouilleron en Pareds

Sources :


La Fondation Maréchal De Lattre
Archives Départementales de l’Aude
"Jean De Lattre mon mari" / Simonne De Lattre / Presses de la Cité 1972
"De Lattre de Tassigny" Bernard Michal / Editions Famot 1974
"La 2ème guerre mondiale dans l’Aude" Julien Allaux / Editions du sapin d’or 1986


Cet article
a été rédigé M. Sylvain le Noach - spécialiste audois de la Seconde guerre mondiale - que nous remercions pour cet échange.

(Tous droits réservés)

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