Carcassonne est l'une des villes au monde à posséder depuis le XIIIe siècle, une relique en étoffe qui aurait servi à envelopper le corps de Jésus après sa mort. La plus connue d'entre elles, est bien entendu le suaire de Turin. Grâce au travail remarquable de Claude-Marie Robion et de Michelle Fournié, nous en savons davantage sur l'origine, le parcours et la nature de ce linceul.
Origines
Selon le R.P Bouges et Alphonse Mahul, ce Saint-Suaire aurait été rapporté d'Orient par deux frères Augustins. La date de 1298 que donne le R.P Bouges correspond avec le départ des Occidentaux après la prise de Saint-Jean d'Acre. Elle coïncide également avec la construction à la fin du XIIIe siècle, de la nouvelle église des Augustins. La légende prétend que la relique aurait choisi elle-même Carcassonne puisque les frères ne trouvant pas le chemin de Toulouse où ils souhaitaient la déposer, la laissèrent dans la ville basse. A la fin du XIVe siècle, un nouvel oratoire aurait été bâti dans le couvent des Augustins pour le Saint-Suaire. Il concurrence celui de Cadouin, déposé à Toulouse.
Le procès
En 1403, les moines cisterciens de Cadouin intentent un procès pour récupérer le suaire de Carcassonne. Ils prétendent qu'il est une partie de celui de Cadouin, dérobé par les R.P Augustins et demandent la destruction de l'oratoire de Carcassonne et la restitution des émoluments. En fait, le suaire des Augustins concurrence directement celui conservé à Toulouse dans le collège Saint-Bernard. Les deux rapportent des offrandes grâce aux miracles qu'ils produisent et dûment constatés. Le 12 novembre 1403, le pape Benoît XIII remet le suaire comme possession des Augustins, avec défense aux abbés de Cadouin d'intervenir contre eux à l'avenir. Le jugement est signifié le 13 décembre 1403. Un jugement royal de Charles VI va dans le même sens, le 22 mars 1404.
Les miracles
Onze miracles début 1403 et quarante-sept fin à la fin de cette année, on été constatés d'official du diocèse d'après le procès.
"Le père Bouges en détaille quatre : celui d'Isabeau Albumen, trente ans, qui accablée de douleurs n'avait pu parler pendant quinze jours ; elle réussit à parler à la suite d'un voeu au suaire de Carcassonne ; ayant comparu devant l'official, elle dit croire que ce suaire était un de ceux qui enveloppèrent le corps du Christ. Elle en avait entendu parler par Flore, épouse de Pierre Brungerie qui avait été guérie d'une maladie aux yeux dont il a souffert pendant quinze ans. Jeanne Marini, elle, a été affectée d'une fluxion aux yeux pendant huit mois ; du miracle dont a bénéficié Paul Tussens, un chanoine de la cathédrale, et de sept autres miracles nous ne saurons rien. (Michelle Fournié)
L'ensemble de ces miracles a fortifié le culte au suaire de Carcassonne. La confrérie fondée peu avant 1397 s'étend à la fin du Moyen-âge au Languedoc, Catalogne, Aragon, Royaume de Navarre, Royaume de Valence. Les ostentions attirent près de 10 000 pèlerins.
Après une période de déclin aux XVIIe et XVIIIe siècles, le suaire est solennellement transporté à l’hôpital en 1791. Les ostensions, très rémunératrices, se poursuivent pendant tout le XIXe siècle. Confié à un notaire de la ville en 1795, le suaire est restitué à l’évêque en 1802 et réintègre la chapelle de l’hôpital en 1803. Au début du XXe siècle, il est transféré dans une chapelle de l’église Saint-Michel devenue cathédrale. Le culte s’interrompt de manière progressive et sans ordonnance épiscopale.
Les doutes
Le suaire de Carcassonne
Après que l'on a finalement désigné le suaire de Cadouin comme étant un manteau médiéval fabriqué vers 1100 en Égypte pour un émir arabe, les doutes se lèvent au sein de l'évêché de l'Aude sur l'origine de celui de Carcassonne dans les années 1930. En 1970, le linceul est transféré dans le trésor de la cathédrale Saint-Michel. En 1991, une datation au carbone 14 réalisée par un laboratoire de l'université d'Oxford, révèle qu'il s'agit d'un tissu de la fin du XIIIe siècle.
Note du blog
Comme pour les suaires de Cadouin ou de Turin, il n'y eut pas de miracle ; la science a parlé. Il n'en demeure pas moins que pour les deux derniers cités, la dévotion et la curiosité attirent encore des milliers de visiteurs. Ils sont exposés à la vue du public sinon comme des objets de culte, tout du moins comme des instruments de légende et d'histoires. À Carcassonne, c'est tout à fait différent. Le suaire est enfermé à double tour dans une commode de la sacristie de la cathédrale Saint-Michel. L'abbé refuserait systématiquement à toute personne de le voir, prétextant qu'il s'agit d'un objet de culte. Le carbone 14 a surtout révélé qu'il s'agissait d'un objet historique. D'après mes sources, ce linceul est la propriété de l'état puisqu'il se trouve dans la cathédrale.
Pourquoi donc Carcassonne se priverait-elle de la manne touristique, qui pourrait découler de l'exposition dans une vitrine de ce tissu ? À Cadouin (Dordogne), c'est un fac-similé du suaire qui est exposé pour ne pas altérer l'original. Avec quelques oboles laissées à la discrétion des visiteurs, l'évêché pourrait même envisager de financer la restauration de l'église des Carmes. Voilà donc une suggestion que je laisse à votre jugement...
Sources
Le Saint suaire de Carcassonne au Moyen-âge / Michelle Fournié/ Bull. SESA. Tome 110. 2011
Une relique dans la ville / Claude-Marie Robion/ Bull.SESA. Id
sanctuaires.coldev.org
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Commentaires
Martial,
Il convient d'être prudent avec les résultats du carbone 14 sur les tissus. Je te reecommande l'ouvrage de l'historien Jean-Christian Petitfils sur Jésus.Le carbone 14 disait aussi que le saint Suaire de Turin était un faux du moyen-âge.
Jean-Christian Petitfils et le linceul
Jean-Christian Petitfils affirme sans ambiguïté que le linceul de Turin mais aussi la Tunique d'Argenteuil et le suaire d'Oviedo sont ceux de Jésus. Il s'en sort pendant tout son livre pour décrire Jésus physiquement puis la Passion. Il consacre une annexe entière aux trois Reliques. Citation : "Les faisceaux de présomptions en faveur de l’authenticité atteignent des seuils jamais connus dans le domaine historique et archéologique. Ce verdict de la science, ignoré du grand public, est évidemment essentiel dans l’approche du Jésus historique." p. 576.
Le linceul est le drap ayant enveloppé le corps du Christ. Le suaire est un tissu de dimension modeste qui recouvrait le visage de Jésus. La science a démontré par l'analyse du tissu, des pollens, des poussières, de la sueur et du sang qu'il s'agit d'un tissu de Palestine du 1er siècle ayant recouvert le corps d'un homme qui avait les mêmes dimensions que le Christ et sur lequel on a retrouvé toutes les marques de la Passion. De plus ce tissu était collé au corps par la sueur et le sang, le corps n'est pas resté moisir ni se décomposer et pourtant il n'y a pas eu de traces de retrait du corps mais une image, sorte de flash (de la résurrection) imprimé sur le tissu. Seule l'analyse au carbone 14 indique une autre date, mais sachant que le carbone 14 date faux surtout sur ce genre de matériau .... Le sang trouvé sur le linceul de Turin, sur celui du suaire d'Oviedo et sur la tunique d'Argenteuil est le même : groupe AB +
Ce sang a été analysé dans le laboratoire de génétique légale de l'Université de Bologne, doté des appareils sophistiqués les plus modernes et d'une équipe de chercheurs, médecins et biologistes, professeurs d'Université spécialisés en tout ce qui concerne l'ADN. Ce laboratoire travaille avec les services officiels et les polices de nombreux pays et entretient des contacts avec des laboratoires semblables à l'étranger. Les résultats confirment qu’il s’agit d’un sang humain de groupe AB masculin identique à celui de Bavière de même qu’à ceux trouvés sur les reliques de la Passion (linceul de Turin, tunique d’Argenteuil, suaire d’Oviedo, linge de Brugge etc.). Des évaluations plus poussées précisent que la configuration du chromosome Y ne correspond à aucune configuration présente dans la base mondiale de données dans laquelle sont rassemblés 22000 sujets masculins de 187 populations différentes. D’après les scientifiques ce sang est tellement rare qu’il peut être considéré comme unique : une chance sur 200 milliards de se produire. Les scientifiques précisent en outre que ce sang unique n’a appartenu qu’à une personne depuis que l’humanité existe, c’est le sang d’un homme unique qui n’a eu ni ascendant ni descendant. Un des chercheurs a écrit : « c’est bien du sang humain, mais il semble venir d’un autre monde »