C'est en 1951 qu'un chef d'entreprise, marchand de matériaux de construction, se lance avec quelques amis dans l'organisation du carnaval de Carcassonne. Lucien Geynes fonde le Comité pour les Fêtes du Carnaval en faisant appel aux commerçants, particuliers et aux villages voisins. Cette entreprise philanthropique est entièrement financée par le mécénat local ; au sortir de la guerre, la ville de Carcassonne n'a pas d'argent à consacrer au carnaval. Hélas, c'est précisément à cause d'un manque d'argent qu'en 1962, les festivités cesseront. Plus exactement, on aurait cherché des poux à M. Geynes, dont la générosité faisait de lui un danger politique pour les échéances électorales à venir.
Carcassus V, Roi fainéant
Les carnavals d'avant-guerre consacraient une partie de leur recette, au profit des oeuvres de charité de la ville. Malgré leur disparition progressive, le Comité des Fêtes du Carnaval reversait des sommes à l'orphelinat "Le nid joyeux", aux "Petites soeurs des pauvres" et à l'Hospice des vieux. Les boeufs gras prêtés par les bouchers tirent Carcassus. Une promotion commerciale pour leurs produits.
Place Davilla, devant le marchand de bois Canavy
Les petits lutins
Le Comité du carnaval invite en 1954 l'ensemble des comités de quartiers, les villages, les groupes, les sociétés de Carcassonne à se joindre à la fête et confectionner des chars. M. Geynes a fait ressortir les groupes de Pandores et Bigophones, typiquement Carcassonnais accompagnés en musique par les fanfares, comme celle du Réveil Carcassonnais.
Le char de Chalabre
Entre 1951 et 1962, jamais le carnaval ne fut financé par la mairie. Ce sont les particuliers qui fabriquaient les chars ; une compétition entre elles pour gagner le prix de la plus belle réalisation. On achète des grosses têtes, des masques... Le Comité passe des contrats avec les plus beaux orchestres du moment : Maravella, Raymond Legrand, Hot-Club de jazz, Jacques Hélian... Tout ceci coûte un prix fou et va pousser l'organisation pour rentabiliser à faire payer les entrées, un grand loto, la décade commerciale en centre ville avec l'Union des commerçants. Tout génère de l'activité et des rentrées d'argent ; en 1960, la ville accueille près de 50 000 personnes. Hôtels, restaurants, cafés, tabacs sont pris d'assaut.
Les inscriptions au concours de Reine de Carcassonne sont prises "Aux dames de France" chez Ramond, rue de Verdun. Ce magasin habillait la gagnante et profitait de sa réputation pour vendre ses articles. En 1955, les commerçants annoncent qu'ils offriront chacun un lot à la future reine.
En 1955, Carcassus V est accueilli à St-Gimer dans le quartier de la Barbacane. A la fin du carnaval, il sera jugé par le Vénérable Inquisiteur, l'assesseur-sourd, l'assesseur-poète, le Grand Réquisiteur, le bourreau Ridevaux, le bourreau Dequeur, le bourreau Crassie et le héraut. Carcassus V condamné au bûcher se consume pendant que la foule entonne en occitan
Adiu paure (bis)
Adiu paure Carnaval
Tu t'envas e ieu demori
Per manjar la sopa a l'oli
Traduction
Adieu pauvre
Adieu pauvre carnaval
Tu t'en vas et moi je reste
Pour manger la soupe à l'huile.
La fabrication des fleurs en papier prenaient beaucoup de temps. Trois millions dans le corso fleuri en 1960 ! Un seul char pouvait en posséder 70 000 mille.
Le corsaire
Le carnaval faisait le tour de tous les boulevards de la ville jusqu'à la place Davilla, en passant par l'allée d'Iéna. C'est dire le nombre de chars et de participants à travers Carcassonne.
La Reine du Carnaval 1955
Tout s'est arrêté en 1962... M. Geynes et ses amis auront beaucoup donné de leur personne et leurs efforts restent encore dans la mémoire collective.
Sources
Fêtes et Carnaval dans la ville / Jacques Marrot / 1987
Un grand merci à Pascal Hyvert pour ses photos
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