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boulevard barbès

  • Inédit ! À la recherche du riche passé architectural du boulevard Barbès

    Comme nous l’avons fait dans l’un de nos précédents articles pour la rue Antoine Marty, nous vous proposons cette fois de remonter le boulevard Barbès (côté impair) à la recherche des beaux immeubles du XIXe siècle. Jusqu’en 1860, la population de Carcassonne vivait encore à l’intérieur des anciens remparts médiévaux rasés à la fin du XVIIIe siècle. Au sud de la Bastide, longeant les fossés comblés et transformés en parcours arboré par Mgr Bazin de Bezons, s’étendait depuis le Calvaire jusqu’au bastion Montmorency, la promenade Saint-Michel. Lui faisant face, quelques habitations avec écuries et la fonderie Bléchemit devaient dessiner les contours du Faubourg L’Araignon, ainsi dénommé le 28 décembre 1868. D’après Léon Riba (Carcassonne, ses places, ses rues / 1951), ce nom viendrait d’une déformation orthographique ; le plan de 1809 désigne l’endroit comme l’Aragnou. Il s’agit d’une prunelle sauvage communément appelée Agragnou en patois. Sa présence sur ces terrains expliquerait le sens de cette dénomination. Un peu plus bas, après la caserne de cavalerie, se trouvait le Faubourg des Jacobins en référence au couvent qui occupait l’emplacement de l’actuel théâtre municipal.

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    © Gallica

    La promenade St-Michel vers 1869

    En 1869, le plan d’alignement voté par la municipalité oblige les constructions à se positionner parallèlement et d’une manière rectiligne à la promenade Saint-Michel. De riches propriétaires viticoles, pour la plupart issus d’anciennes familles drapières de la ville reconverties dans la culture de la vigne, font édifier de beaux immeubles de style Haussmannien à partir de 1870. Parmi les tout premiers, citons l’immeuble Roger au n°91 occupé par Joseph Durand-Roger, fondeur. Un rez-de-chaussée - dévolu à un magasin ou un atelier, un premier étage richement décoré muni d’un balcon dans lequel vivent les propriétaires, un second étage moins décoré et sous les combles, les domestiques de la maison. La plupart de ces nouvelles demeures sont l’œuvre des architectes Marius Esparseil, Charles Saulnier ou encore Léopold Petit connus pour avoir participé à la reconstruction de la capitale. Par ailleurs, on doit au sculpteur Carcassonnais Jean Guilhem l’exécution de certaines façades comme par exemple celle du n° 57.

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    © Gallica

    Le Boulevard Barbès en 1890

    En 1873, la promenade Saint-Michel est entièrement remaniée et replantée ; elle devient un boulevard qui prend le nom d’Armand Barbès, en hommage au tribun républicain. A partir de 1880 et progressivement, la nouvelle numérotation se fait plus précise sur cet axe au fur et à mesure des nouvelles constructions. Ce n’est qu’à partir de 1911 qu’en souvenir de Napoléon Casimir Roumens tué à Debdou (Maroc), que la partie comprise entre la rue de la digue et la caserne est baptisée Commandant Roumens. Les numéros impairs ont néanmoins été conservés dans leur régularité jusqu’au carrefour de l’allée d’Iéna. Lieu des parades militaires, des grandes célébrations religieuses, le boulevard Barbès devient aussi le lieu où l’on négocie la vente de vin. Lors de la foire de Sainte-Catherine ou de celle dite des comportes, les courtiers se réunissent dans les nombreux cafés. A l’intérieur du café des Négociants tenu par Lapasset à l’angle de la place d’armes (Charles de Gaulle), on traite avec une poignée de main la vente à l’hectolitre de vin. Ce n’est donc pas un hasard si les grandes fortunes de la viticulture départementale ont fait construire leurs immeubles à cet endroit, tout en ayant leurs domaines parfois à plusieurs kilomètres de Carcassonne. Certains d’en être eux louent les appartements qu’ils n’occupent pas.

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    Le café Tiquet

    A l’angle de la rue de la digue, ainsi dénommée en 1868, se trouve le Café Tiquet. Sur l’imposte au-dessus de la porte située dans cette rue, nous apercevons les initiales entrelacées du propriétaire Antoine Tiquet, né à Carcassonne le 24 décembre 1847.

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    Nos différents recoupements permettent de dater la construction de l’établissement autour de 1874. Les anciens ont connu le Grand Café du Nord à cet endroit, avant qu’il ne devienne la Brasserie du Dôme. Nous nous sommes toujours demandés pour quelle raison ce café avait perdu le Nord, car il se trouve à l’Est. Le Grand café du Nord, propriété de M. Soum, se trouvait depuis 1859 en face du square André Chénier. Racheté en 1884 par Arnaud Laporte, ce dernier débaptise l’établissement et lui donne le nom de Grand Café Continental. C’était encore le Conti de Pierre Pavanetto jusqu’en 1992. A cet endroit, le Grand Café du Nord prenait tout son sens. Il avait pour pendant, le Café du Midi sur le boulevard Barbès près de la cathédrale. Quant au Café du Nord de l’angle de la rue de la digue, il le devient au début du XXe siècle sous la direction de Léon Bourniquel.

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    Au n°3, la famille Roquefère est propriétaire en 1887 avant que M. Boussaguet n’en prenne possession. C’est actuellement le centre de radiologie du Dôme.

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    Au n°13, l’avocat Osmin Nogué et Jeanne Sarraut habite cet immeuble en 1901. Osmin Nogué, membre du Parti radical, avait été élu maire de Carcassonne en 1919 par les conseillers municipaux. C’est grâce à son refus qu’Albert Tomey parvint à endosser l’écharpe. Jeanne Sarraut était la sœur d’Albert et de Maurice Sarraut, fondateur de la Dépêche du midi.

    Au n°19, le cabinet de Maître Pistre, avoué. On retrouve son nom dans de nombreux actes de vente sur surenchère ou saisie immobilière. Maître Rey prit sa succession.

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    Au n° 21. Le 30 juillet 1863, Alfred de Rolland achète une maison à deux corps de logis dépendant de la succession de François Esprit Melchior de Salles (ancien agent voyer). C’est à cette époque le n°11, faubourg des Jacobins. Cette maison possède un jardin donnant dans la rue Saint-Georges (rue Marceau). Alfred de Rolland (1831-1900), membre de la famille connue sous le nom de Rolland du Roquan autrefois propriétaire de l’hôtel particulier qui sert de mairie actuellement, occupait les fonctions de secrétaire du Comité royaliste de l’Aude. Il était également le président de la Croix-Rouge. Nous estimons que la façade a été remaniée suite au plan d’alignement de 1869. Madame Louise de Christol, veuve d’Etienne de Rolland († 1914 à Paris), vend la maison à M. Sentenac.

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    Au n°23. C’est la maison du célèbre peintre Carcassonnais Philippe Emile Roumens (1825-1901) et de son épouse Rose Sauzède. De très nombreuses riches familles ont été portraiturées dans son atelier. Il vivait là avec son épouse, la sœur du maire Jules Sauzède. Leur fils Christian Napoléon Casimir Roumens (1864-1911) avait été tué à Debdou en 1911. Il est connu sous le nom de Commandant Roumens, ceci explique que l’on ait baptisé cette partie du boulevard Barbès avec son nom.

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    Au n°33. Le café Durand appartient à Joachim Durand et à son épouse Louise Laguerre. Joachim avait adopté le fils naturel de son épouse ; il mourra prématurément à Limoux à l’âge de 26 ans en 1906. Connu à ses débuts sous le nom de Brasserie moderne, l’établissement possède une grande salle au 1er étage. La très jolie façade date du début des années 1880. Ce commerce s’appelait alors Le café du Grand Orient et était tenu par Jean Cardouat. On y faisait les réunions de l’Union syndicale des tailleurs de pierre et maçons ; l’un d’entre eux a sûrement sculpté la façade qui a l’aspect d’un théâtre. Lorsque Cardouat met la clé sous la porte, Durand reprend la direction puis vend l’établissement à François Almayrac le 19 février 1914. C’est à cette époque qu’il prend le nom de Grand Café des Américains. Les lettres sont encore visibles en haut de la façade. Il communiquait par l’arrière avec la rue Capelet dans laquelle se trouvaient les femmes de mauvaise vie, comme l’on disait autrefois.

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    N° 41 et 43. Dans cette très grande et luxueuse maison vivait Gabriel Marie dit Léon Peirière (1851-1949) ; l’un des plus riches propriétaire viticole du département. Marié à Caunes-Minervois le 31 juillet 1877 avec Marie Bernadette Jeanne Juliette Fortanier, il possédait de nombreux domaines dont le château de Salause (Caunes-Minervois) et de Vaissière (Azille). Son père Alphonse Peirière faisait partie du Comité royaliste et avait co-fondé le Courrier de l’Aude. Cet immeuble date probablement du début des années 1880 ; il possède à l’arrière sur la rue des Amidonniers de très belles écuries dont les box ont été conservés. Sur le devant, la façade du boulevard Barbès possède au dernier étage une verrière. C’est là que le couple s’adonnait à sa passion pour la peinture en bénéficiant des conseils d’Emile Capelle. La très grande richesse de M. Peirière ne put lui rendre son épouse bienaimée, écrasée à Paris par un ascenseur en 1897. 

    Au n°53. Nous ne reviendrons pas sur la fonderie Bléchemit et sur le patronage de l’Œuvre dont nous avons évoqué la mémoire avant-hier.

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    Au n°57. Construite pour Gabriel Roux (1820-1899), minotier à Maquens, au n°16 du faubourg Laraignon, cette maison aurait été sculptée par Jean Guilhem vers 1882. Nous retrouvons des dessins identiques dans une maison du 23 rue des Amidonniers, dont nous avons la certitude qu’elle fut décorée par Guilhem.

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    Au n°61. La maison de ce marchand de laine est orné au-dessus de la porte de la sculpture d’un mouton. Nizier Armand Pouzols, né à Limoux en 1812 avait bâtir cet immeuble au n°18 du faubourg Saint-Michel. Il sera transmis à son fils Léon, propriétaire du domaine Saint-Pierre à Saissac avant d’être vendu en 1886 après son décès par sa veuve. Le photographe Numa Verdier dont on retrouve le nom au dos de nombreux portraits habitait également à cet endroit.

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    Au n°65. François Baychelier y tenait une épicerie au rrez-de-chaussée à la fin du XIXe siècle.

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    Au n°69. Cette belle maison sur étages avec une terrasse appartenait à André Antoine Trémolière. Ce riche propriétaire vivait là avec son épouse Marie Paul et ses enfants. Le couple était originaire de Canet d’Aude.

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    Au n°85. A l’angle de la rue de la rivière et du boulevard, l’immeuble saisie à Pascal Coucharière, négociant. Joseph Durand-Roger en fit l’acquisition par jugement de surenchère. C’était en 1873, le n°28 du faubourg Saint-Michel. Cela nous donne une idée de sa date de construction.

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    Au n° 91. Anciennement, 32 faubourg de l’Araignon. Cet immeuble de type haussmannien a été bâti pour le compte de M. Roger, beau-père de François Joseph Michel Durand, fondeur de son état. C’est très certainement le premier immeuble de ce type a avoir été construit sur le boulevard vers 1872. Marius Esparseil pourrait en être l’architecte.Né à Comigne, François Durand avait épousé Charlotte Elisabeth Roger. Il vivait là avec ses enfants tout en s’occupant des affaires de sa fonderie, square Gambetta. 

    Nous arrêtons ici nos pas en face du bastion du Calvaire en espérant avoir réussi à retracer l’histoire de ce boulevard, jadis si riche. Lorsque vous l’emprunterez désormais, peut-être aurez-vous un autre regard sur les beaux immeubles alignés sur toute sa longueur. Il mérite toute notre attention.

    Sources

    La méthodologie de recherche a été la même que celle qui nous a permis de réaliser l'article sur la rue Antoine Marty. C'est-à-dire beaucoup de patience, de temps, de réflexion et de comparaisons pour arriver à ce résultat absolument inédit.

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