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Ecrivains - Page 2

  • Rodolphe Bérenger dit Bringer (1869-1943), journaliste et romancier

    Né le 4 mars 1869 à Mondragon dans le Vaucluse, Rodolphe Bérenger est le fils de Célestin et de Clotilde Amélie Genin. Son père exerce la profession de chef de section aux chemins de fer. Le jeune Rodolphe poursuit ses études au lycée de Grenoble, avant d'obtenir une licence es-lettres à la faculté de Lyon. Ayant échoué au concours d'entrée de l'Ecole Normale Supérieure, il est poussé par ses parents à s'engager dans l'armée. À Lyon, il s'occupe davantage de journalisme que des manœuvres militaires. Son objectif principal consiste à faire carrière dans la littérature. Bérenger monte à Paris en 1891; il réside 33, rue d'Amsterdam près de Pigalle. A cette époque, la presse humoristique illustrée par des caricaturistes s'en donne à coeur joie. Rodolphe Bérenger collabore au Jour, au Paris, au Gil-Blas. Dans Le Figaro, ses éphémérides théâtrales lui valent un réel succès. Toutefois, l'apprenti écrivain nourrit de plus grandes ambitions. Il se met à l'écriture de plusieurs pièces dramatiques : Le bâtard rouge, Le roi Gascon, La conquête du trône... Ces comédies rappellent la Provence dans l'esprit d'un certain Tartarin de Tarascon. Au Théâtre de la République, dirigé par Lemomnier, "Le bâtard rouge" enflamme la critique. Dans un même mouvement, l'auteur publiera un grand nombre de romans et signera des articles dans Le Rire.

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    La Première Guerre mondiale a raison des publications du Canard enchaîné, récemment fondé par Maréchal. Jugée trop pacifiste, la feuille de chou s'éteint dans les tumultes du conflit. En 1916, le Canard enchaîné renaît et s'entoure de nouveaux collaborateurs. Parmi eux, un certain Rodolphe Bérenger qui en prend la direction. L'homme se fait désormais appeler Bringer. Il se créé un alter-égo au sein du journal du nom de Roger Brindolphe. Son activité littéraire se poursuivra jusqu'à son décès en 1943. 

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    Si nous avons souhaité évoquer la vie et l'oeuvre de Rodolphe Bérenger dit Bringer, c'est parce qu'il a été le père d'un héros de la Résistance. De son mariage avec Madeleine Léonie Muret, le 29 septembre 1908, naquit Marie Jules Maurice Jean Bérenger, en 1916 à Vincennes. Jean Bringer s'appelait Bérenger à l'État-civil. Il conserva le pseudonyme de son père jusqu'à sa mort, le 19 août 1944 à Baudrigue.

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    Jean Bérenger dit Bringer

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2023

  • Inédit ! Les derniers instants et le testament manuscrit de Joë Bousquet

    Nous avons pu récemment mettre la main sur une copie du testament manuscrit de Joe Bousquet, rédigé de sa main le 10 octobre 1943 et ouvert quelques mois après le décès du poète. Il nous a paru intéressant de le publier ici in-extenso, mais en prenant soin de ne point divulguer les noms des légataires des précieux tableaux de la collection. Il vaut mieux se demander pour quelles raisons ses anciens amis se sont presque tous - à l’exception d’un seul - empressés de les revendre, plutôt que donner leurs noms en pâture sachant que leurs descendants pourraient en souffrir. Dommage, si l’esprit de camaraderie tel qu’il ressort de ce testament n’a pas été respecté, et que les dispositions de Bousquet pour sa sépulture n’ont pas été tenues. Elles renforcent le drame d’une vie vouée à l’immobilité des membres inférieurs ; elles affermissent la mobilité d’un grand esprit dont le destin fut celui de la lumière éclairant la pénombre d’une chambre aux volets clos. A ce testament dévoilé pour la première fois, nous ajoutons en préambule, un passage des mémoires du chanoine Gabriel Sarraute qui fut le dernier confesseur de Joe Bousquet. Ce texte manuscrit - également inédit - que nous avons retrouvé, nous renseigne sur les derniers instants du poète vécus de très près par le chanoine. 

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    © Charles Camberoque

    Le chanoine Gabriel Sarraute

    28 septembre 1950

    Je vais chez lui à pied, mais très vite. Comme j’entre dans la cour, je vois un vieil homme près de la porte de l’escalier « des artistes » qui dit entre ses dents : « Il est mort. » J’entre rapidement dans la chambre dont les volets sont ouverts. La première chose que je vois est le buste blanc du « double » de Bousquet (Il s'agit du buste de Salomé Verrand, NDLR) et des vêtements en désordre. Bousquet est étendu sur le drap de son lit, avec une chemise blanche qui n’arrive pas aux genoux. Il a la tête penchée sur sa droite, les bras le long du corps, les jambes et les pieds nus moins maigres que je ne croyais, mais les orteils repliés. Il ressemble à un soldat tombé sur un champ de bataille. A côté du lit, sa sœur et plusieurs personnes. Immédiatement, je lui donne l’absolution. Je débouche mon ampoule des saintes huiles et lui donne l’extrême onction d’un signe de croix sur le front. Je lis la formule de  l’indulgence plénière. Ceci fini, je m’agenouille et je prie à ses pieds.

    Je vais avertir M. le curé et à la cathédrale, devant le St-Sacrement, je dis les prières du rituel. J’avertis M. Boyer. Je téléphone à Madame Cazaux. Après-midi, je vais faire une visite au nom de Mgr. On a serré son menton avec un mouchoir. Sa tête est noble  et belle. On ne voit pas ses mains. A sa gauche, il y a un Christ entre deux chandeliers. Je remarque les titres d’un livre dans un rayon par derrière : la cabale. Ces tableaux surréalistes jurent avec la mort. Mesdames Gally et Joucla sont assises. Il me semble que l’espace est grand entre le lit et la cheminée, plus grand qu’avant.

    29 septembre 1950

    Dit la messe pour Joë Bousquet. Inondation d’encre dans tous les journaux. Surtout un regrettable article de Cabanne qui semble vouloir attirer l’attention sur Cabanne lui-même.

    30 septembre 1950

    Sous la pluie, funérailles. Beaucoup de monde. Beaucoup de fleurs dans l’escalier, dans la chambre. Le Dr Soum me dit : « Il a pu faire quelque scandale dans sa jeunesse. Il a réparé. » Le cercueil est dans l’escalier. Suivi le cortège avec Devèze. Sur tout le parcours, grande foule. A l’église, non loin de moi J.B Fourès. La messe, dite par M. le curé, est très pieuse, très recueillie. A la fin, on porte le cercueil sous l’orgue. Là, trois discours que je n’ai pas entendus : Signoles, Nelli (qui termina qu’il retrouverait Bousquet, cum spititu tuo) et le maire, Itard-Longueville. Un fourgon emporte le cercueil  à Villalier, la sépulture au carré militaire ayant été refusée.

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    Testament olographe de Joë Bousquet

    Carcassonne, 13 octobre 1943 (erreur : ceci a été écrit le 10 octobre 1943)

    Joe Bousquet 

    53, rue de Verdun

    Carcassonne

    Moi, soussigné, Joseph Bousquet, homme de lettres, domicile au 53 de la rue de Verdun, m’engage à restituer à ma sœur Henriette Patau, née Bousquet, les sommes importantes qu’elle m’a prêtées tout le temps que ma pension ne me permettait pas de satisfaire mes besoins, et, ne me trouvant pas en mesure de lui restituer ces versements en espèces, me déclare redevable envers elle de tout ma part de propriété. Je la considère donc comme propriétaire de tout la propriété sise à Villalier et que nous avons ensemble héritée de mon père. La part que je lui abandonne ainsi représente, au jour où j’établis les faits, les 400 000 francs qu’elle m’a donnée au cours de ma vie.

    Carcassonne, le 10 octobre 1943

    Joe Bousquet.

    J’ajoute : une partie de mes tableaux et de mes livres doit être distribuée à mes amis.

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    Les papillons

    (Max Ernst)

    Suzanne D aura : Les papillons de Max Ernst - grand tableau à fond blanc qui est - en ce moment - contre la fenêtre ; et le Marcoussin : urne grecque.

    James et Jane D auront le grand Max Ernst à fond vert - avec marge blanche, qui est au-dessus des papillons.

    Jean P aura mes deux André Masson, un Tanguy à son choix, un Ernst à son choix.

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    La forêt blonde

    N aura la Forêt blonde qu’il m’a déjà donnée et le Paul Klee qui est sous verre (S’il a épousé Suzette, on ajoutera les anges de pierre).

    Georges et Georgette R auront le premier Fautrier que j’ai reçu… les fleurs nocturnes, la maison du soir de Beaudin, l’Idée fixe de Magritte, (les quatre cadres).

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    Le palais de la courtisane

    (Magritte)

    Adrien G aura le Palais de la Courtisane de Magritte (le torse nu dans une architecture), un Tanguy à son choix, un Max Ernst. 

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    La Tour

    (Salvador Dali)

    Pierre et Maria S auront l’effet de neige de Malkine, un des deux Salvador Dali à leur choix, un Arp à leur choix. A, l’autre Dali et les textes philosophiques qui lui plairont.

    A Germaine M, à Nila de Pierrefeu, on donnera des tableaux que ma sœur choisira. A François-Paul Alibert, on donnera vingt-cinq volumes rares pris dans ma bibliothèque. Je veux aussi que l’on donne à Jean-Baptiste F et à Irène, le tableau d’Othon Friesz et un grand Marcoussin.

    Que l’on donne quelques livres et un partit tableau, le Lhote, par exemple, à C. Dix volumes de la Pléiade à Biguet. Dix volumes à Jean Lebrau et dix à Suzette Ramon et l’opale que je portais au doigt, si elle est mariée avec Nelli. A Jean-Louis et à sa sœur, on partagera sans tarder tous les titres déposés chez Saurel en mon nom et mon compte en banque. Ils se partageront avec Henri, mon frère, les livres de ma bibliothèque, et les tableaux qui resteront après la distribution des souvenirs emmenés ci-dessus. S’il m’arrivait de quitter le port avant la fin de cette guerre, il faudrait prier Julien Benda, André Lang et Sari de choisir en souvenir de moi quelques-uns des livres qui sont toujours à la portée de ma maison. A la femme qui m’aura soigné jusque’à la solution, il ya à payer une rente annuelle de dix mille francs par an jusque’à ma mort. Bien affectueusement à tous

    Joe Bousquet 

    (Ce n’est rien, j’y suis j’y suis toujours) (Rimb.)

    René Nelli et Pierre Sire devront entrer dans ma chambre aussitôt après ma mort. Ils prendront les manuscrits accumulés dans une petit valise posée près de la fenêtre. Ils verront Paulhan, décideront ensemble si cela vaut la peine d’être publié, soit dans la version que j’en tirais, soit dans la version originale. Ils prendront aussi les manuscrits en cours qui se trouvent à la tête de mon lit. Les derniers, ils le garderont un an, en utiliseront - pour eux ce qui sera utilisable, puis les rendront à ma famille. Je n’oublie pas F que j’aime beaucoup. On lui donnera un beau Tanguy, le Sima, un Michaux, dix ouvrages philosophiques (je ne dis pas dix tomes).

    Je veux être enterré dans la terre, à même le sol, roulé dans une étoffe noire, si c’est possible. (Il ne faut pas que tous les fantômes aient la même couleur.) S’il est difficile d’obtenir ces facilités aussitôt, on me mettra dans un récipient, comme les autres peulucres, pour me porter au cimetière et on exécutera le plus rapidement possible les démarches nécessaires pour obtenir l’inhumation sans cercueil. Alors, on rouvrira la boite, et les fossoyeurs feront un grand trou où ils me mettront (il faudra bien les récompenser). Si la permission ne peut pas être obtenue de la mairie, on obtiendra l’autorisation pour Villalier et on m’enterrera dans un coin de la prairie, près de la tonnelle où je m’installais quand je sortais encore.

    De toutes es indications, il en est une qui un ordre : je ne veux pas être enfermé dans un bocal. Je veux que de la terre vivante prenne la place de ma chair.

    Et, si l’on tient vraiment à satisfaire mes dernières volontés, c’est dans le cimetière de la Palme que l’on me transportera, dans ce cimetière que l’on trouvera un coin ou m’ensevelir  sans isolant. Je n’ai mentionné ce souhait qu’à la fin, craignant d’encombrer les vivants avec mes fantaisies dans un temps où rien n’est facile. Mais je me flatte de l’espoir que je serai exaucé. Il y a un certain bruit de cloches, une odeur du vent qui ont été ma façon la plus haute de vivre et où La Palme est demeuré pour moi tout entier. Si l’éternité ne devait pas être autre chose que l’union avec ces appels qui font pleurer les enfants, poètes et intelligence de leur sens, elle serait bien toute la douceur dont l’existence humaine peut former le pressentiment.

    Bien à vous,

    Joe Bousquet

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    La tombe de Joë Bousquet à Villalier

    Dernier codicille. Je veux que mon appartement continue à réunir mes amis après ma mort. C’est-à-dire qu’après en avoir retiré les tableaux légués à mes amis, on comblera les vides avec les tableaux qui n’étaient pas accrochés et on laissera la chambre meublée et intacte1 pour qu’elle constitue une espèce de cercle où mes amis se réuniront. Jean-Louis veillera à cela. Ils s’arrangeront ensemble pour l’entretenir. Il y aura un impôt à payer, il sera prélevé sur le revenu de la maison. La maison restera gravée de cette servitude jusqu’à ce que le dernier de mes amis ait disparu à son tour ! Les pièces qui entourent ma chambre - bureau, cuisine, etc… pourront être utilisées, après entente entre mes amis, soit pour abriter quelque camarade dans le besoin, soir pour l’un ou l’autre d’entre eux qui voudrait y séjourner quelque temps. Quand je parle de mes amis, je pense aussi  aux membres de ma famille qui sont aussi mes amis, Adrien, Jean et Georges, Jean-Louis évidemment, Henri, et les femmes, Moune, Jeanne Ducellier, inutile de citer Nelli, Alquié. Si je nomme pas François-Paul Alibert, ce n’est pas par oubli, mais de peur qu’il ne me devance dans le bienheureux oubli.

    1. Les tableaux qui restent accrochés au mur seront donc, après soustraction des legs, la propriété de Jean-Louis. Ceci risquerait de créer une situation bizarre, s’il ne figurait -comme il est vrai - au nombre de mes amis. Si je ne disais - comme je le fais - qu’obligé, par chance ou malchance, de vendre un des tableaux à lui légués, il devra le remplacer par une œuvre plus récente d’un jeune peintre. 

    Fait à Carcassonne, le dix octobre quarante trois.

    Joe Bousquet

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    La chambre de J. Bousquet actuellement

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2021

  • Lamothe-Langon, ce sous-préfet de Carcassonne qui devint faussaire littéraire

    Quel singulier personnage que le baron de Lamothe-Langon ! Oublié de tous, sa vie romanesque se termina à Paris dans le plus grand dénuement malgré l’aide de son fils et un secours de mille francs octroyé par le ministre de l’intérieur. Né le 1er avril 1786 à Montpellier, Etienne Léon n’a que sept ans lorsque son père Joseph Marie de Lamothe, ancien capitaine du régiment de Vivarais et conseiller au parlement de Toulouse, est guillotiné le 18 messidor An II (6 juillet 1794). A quelques semaines près, la fin de la Terreur aurait pu l’épargner. De cette blessure indélébile, chevillée à l’âme d’un orphelin inscrit sur une liste d’émigrés, le jeune Lamothe chercha à s’en relever par la littérature. A dix-sept ans, une fois la tourmente révolutionnaire passée, il se fait connaître par un ode contre l’Angleterre et des chants sur la gloire nationale. Lorsqu’il vint de Toulouse à Paris en 1807, sa réputation d’auteur dramatique et de romancier l’avait précédée. Il cumula bientôt les fonctions académiques, auxquelles l’avaient nommé plusieurs sociétés savantes, et publiques où l’appela Napoléon Ier. Auditeur au Conseil d’état en 1809, sur la présentation de Cambacérès, l’empereur le nomma le 11 juillet 1811 sous-préfet de Toulouse.

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    Etienne Léon Lamothe-Langon

    Bien que la baronnie souveraine de Langon, vieille province de Guyenne, fût dans sa famille depuis trois siècle, le sous-préfet se fit d’abord appeler Etienne Léon de Lamothe-Houdancourt. Peut-être est-ce là, la toute première forgerie de ce personnage dont les excès de mythomanie, ne seront démasqués de bien plus tard après sa mort. En vérité, ce patronyme était éteint depuis Louis-Charles, marquis de la Mothe-Houdancourt, lieutenant général, Commandeur des ordres du roi, mort le 3 novembre 1755. Notre faussaire ayant finalement considéré l’emprunt comme obscur, préféra s’en débarrasser par opportunisme. Après avoir servi l’empereur - nous verrons de quelle manière - Etienne de Lamothe, craint d’être traqué à mort par les légitimistes revenus au pouvoir après les Cent jours. Une fois l’orage passé, Louis XVIII l’autorisa par décret en date du 11 mars 1818 à ajouter le nom de Langon à celui de La Mothe.

    Fort de ses mérites auprès la population toulousaine, Napoléon l’avait nommé à la sous-préfecture de Livourne (Toscane). Il s’y fit remarquer en décembre 1813 lors du siège de cette ville et au combat de Viareggio. Ayant évacué l’Italie avec son administration, il revint à Toulouse où les troupes de l’armée impériale du Maréchal Soult étaient opposées à la coalition anglo-hispano-portugaise. Les Anglais ne réussirent qu’à encercler la ville rose et ne réussirent à la prendre en avril 1814 qu’après que Soult l’eut fait évacuer sans aucune perte.

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    Obélisque sur la colline de Jolimont à Toulouse

    Depuis 1839, à la colline de Jolimont se dresse un obélisque rappelant cet épisode historique. Lorsque Lord Wellington s’approcha du sous-préfet Lamothe afin de lui demander des renseignements sur la position des troupes françaises, celui-ci lui répondit :

    « Général, un de mes aïeux fut décapité à Bordeaux, en punition de son attachement à la France ; je répudierais son nom et sa gloire, et je trahirais ma patrie en répondant à vos questions ; je laisse ce rôle aux Français qui ne le sont plus, et dont la foule vous entoure. »

    Les royalistes avaient acclamé les Anglais comme des libérateurs, d’où l’allusion de Lamothe. Il resta sans emploi après l’exil de Napoléon à l’île d’Elbe et l’entrée de Louis XVIII en France, mais reprit du service durant les Cent jours au cours desquels l’empereur chassa les monarchistes du pouvoir. Ce dernier l’envoya comme sous-préfet de Carcassonne le 15 mai 1815 en remplacement du Vicomte Jean Joseph Frédéric de Carrière en fonction depuis 1811 et qui avait été contraint de démissionner à l’arrivée de Louis XVIII. Le baron de Lamothe-Langon eut besoin de toute son énergie pour réprimer les excès auxquels se portèrent les royalistes dans Carcassonne. Il y rencontra pour un court moment un autre baron ; Claude Joseph Trouvé, préfet de l’Aude, le Talleyrand du département aussi à l’aise à faire appliquer les lois du Premier Empire que celles de la Restauration. Reniant l’empereur une nouvelle fois, Trouvé s’enfuit à Paris et laissa la préfecture à Saulnier, qui avec le frère du général Chartrand, alors secrétaire de préfecture, s’appliquèrent à prodiguer la concorde. Le général Maurin et le baron Lescrosnier, colonel de gendarmerie,  également opposés à la violence veillèrent à maintenir le calme.

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    Claude Joseph Trouvé

    Après la seconde Restauration, Lamothe-Langon démissionna avant l’ordonnance du 9 juillet 1915. A cause de ses activités contre Eugène François d’Arnauld, baron de Vitrolles, qui avait cherché à soulever le Midi contre l’empereur, l’ancien sous-préfet de Carcassonne était certain qu’on allait l’envoyer à l’échafaud. Toutefois, grâce aux bons secours de Mgr de la Porte, évêque de Carcassonne, Lamothe-Langon put rester dans la capitale audoise et évita l’exil alors que sa femme était sur le point d’accoucher de son premier enfant. Ce petit rejeton prénommé Archambaud-Elix-Marie-Tristan naîtra le 26 juillet 1815 ; il fera une brillante carrière de conseiller rapporteur au conseil du gouvernement d’Alger et se mariera à Carcassonne avec une parente de sa mère, Delphine Hélène Anaïs Gourg de Moure. Elle mourra en 1904, au 62 bis  rue de la République.

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    Caricature montrant Napoléon tordant le cou à Louis XVIII

    Lamothe-Langon resta donc à Carcassonne et se remit progressivement à l’écriture en collaborant d’abord au dictionnaire biographique de Michaud. Jusqu’à l’ordonnance royale du 5 septembre 1816 qui dissout la « Chambre introuvable » favorable à tous les excès contre les bonapartistes, Lamothe-Langon resta cloitré chez lui, abandonné par ses amis. Son deuxième enfant naquit à Carcassonne le 8 décembre 1816 ; Marie Françoise Gabrielle Hélène Louise convolera en Justes noces en 1844 avec un Hellouin de Ménibus - grande famille aristocratique dont est issue la chroniqueuse de télévision, Cécile de Ménibus.

    L’ancien sous-préfet déchu retourna s’installer à Toulouse et publia un livre défavorable à Napoléon dont il avait été pourtant l’un des admirateurs ; ceci afin de rentrer en grâce avec les royalistes. Au mois de mars 1819, Louis XVIII le recycla comme sous-préfet de Saint-Pons, mais  il perdit sa place avant de l’avoir occupée et se mit définitivement à l’écriture.

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    Cet homme, mis à part ses romans, ses pièces de théâtre, ses récits de voyage, ses articles, etc… a été le plus grand des faussaires. Il a fabriqué les mémoires de la comtesse du Barry, de Fabre de l’Aude, du duc de Richelieu, de la Vicomtesse de Fausse-Landry, de Louis XVIII, de Napoléon, de Cambacérès, de la duchesse de Berry et de tant d’autres. Longtemps, on a tenu pour véridiques les informations contenues dans son Histoire de l’Inquisition en France. En fait, Lamothe-Langon réussit à berner les lecteurs avec de faux documents faisant référence à ce qui s’était prétendument passé à Carcassonne dans la prison de la Mure. Tout ceci n’était que romanesque à l’instar des biographies de personnages célèbres sorties directement de son imagination. Lamothe-Langon inventa un style littéraire qui mérite d’être étudié pour ce qu’il est, c’est-à-dire une falsification de l’histoire de France. C’est sans doute tout le bénéfice que nous avons tiré  pour vous raconter la vie de cet homme devenu sous-préfet de notre ville.

    « Elle considérable l’importance de M. le préfet en son département ! Surtout lorsque le chef-lieu est une cité de 3e ou de 4e classe. Là, il existe en matière de Vice-roi : il a ses ministres, ses grands dignitaires et aussi ses ennemis. Là, on le flatte quand on a besoin de lui, ou l’on rit de ses ridicules, lorsqu’on veut s’établir hors de sa sphère d’attraction (Biographie des préfets / Lamothe-Lagon). »

    Sources

    Biographie universelle et portative des contemporains / Rabbe / 1834

    Les après-dîners de SAS Cambacérès / Lamothe-Langon / 1837

    Almanach impérial / Testu / 1813

    Le Gaulois / Le courrier de l'Aude

    La tradition légitimiste et l'orléanisme contemporain / 1911

    Etat-Civil / ADA  11

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