Après l’armistice et la démobilisation, la loi du 27 septembre 1940 prévoit la création des Groupements de Travailleurs Étrangers. A l’article premier, « les étrangers du sexe masculin âgés de plus de dix-huit ans et de moins de cinquante-cinq ans pourront, aussi longtemps que les circonstances l’exigeront, être rassemblés dans des groupements d’étrangers s’ils sont en surnombre dans l’économie nationale et si, ayant cherché refuge en France, ils se trouvent dans l’impossibilité de regagner leur pays d’origine ». Dans l’Aude, il en existe plusieurs à Lagrasse, Rouffiac-des-Corbières, Axat, Carcassonne, Bram. Ils portent des numéros distinctifs et sont rattachés à l’antenne régionale du Groupement n°3 basée à Montpellier. Le camp de Bram dans lequel on a regroupé à partir du mois d’aout 1942 les travailleurs étrangers de Lagrasse, a pour chef le dénommé Foulquier. Il exerce son autorité sur l’ensemble des réfugiés, assignés à des tâches de manutention pour le compte de l’État français. Outre des espagnols, le camp regroupe des israélites ayant fui l’Allemagne nazie et les pays qu’elle a annexée. Ils ont trouvé refuge en France, se croyant à l’abri de la répression anti-juive. Célibataires ou mariés, ces hommes ont été séparés de leurs familles, de leurs épouses, de leurs enfants. Ce GTE comptait au départ 263 personnes dont 193 espagnols, 7 polonais, 16 allemands, 10 hongrois, 19 roms, 7 sarrois et 11 autres, employés aux mines.
Préalablement à la grande rafle du 26 août 1942, il est ordonné par le gouvernement de Vichy de « ramasser » les juifs appartenant aux Groupements de Travailleurs Étrangers. Le préfet de région envoie donc ses instructions, via le chef du groupement n°3, aux différents chefs des GTE. Au camp de Bram, le chef Foulquier se prépare à appliquer les directives. Dans son rapport expédié par courrier le 24 août 1942 à Montpellier, nous pouvons lire : « Ce matin, par le train de 7h30, 57 Travailleurs étrangers de la liste sont partis. Dans chaque wagon avait été disposé les balles de paille, deux seaux hygiéniques et deux brocs d’eau potable. Deux jours de vivres copieux et un litre de vin ont été remis à chaque homme. J’ai pu payer les salaires ou primes qui étaient dus à chaque travailleur étranger. » Les 57 hommes sont donc partis en train depuis Bram vers Agde, lieu du départ vers Drancy, où les attendaient 41 autres, et 91 venant de Rivesaltes. Au total, le convoi fut raccordé à 11 heures avec 189 juifs. Devons-nous évoquer les conditions de ce trajet, en wagons à bestiaux remplis de paille fournie par la préfecture de l’Aude ? Les seaux hygiéniques furent vidés à Tournus en Saône-et-Loire, sans qu’aucun passager ne puisse descendre. Une journée entière après le départ d’Agde.
Tous ces pauvres hommes furent ensuite livrés aux nazis à Drancy et partirent vers Auschwitz-Birkenau avec le convoi n°26 le 31 août 1942. Ce transport comptait 1000 déportés, dont 244 enfants. A l’arrivée sur la rampe d’Auschwitz, 961 furent gazés immédiatement. 12 hommes et 27 femmes seulement furent sélectionnés pour le travail. 18 survécurent.
Les juifs du camp de Bram envoyés à Auschwitz
Walter Abrahamshon
Abrahamshon Walter, né le 10 avril 1909 à Berlin (All). Au moment où la guerre civile espagnole éclate, il vit à Barcelone. Il franchit la frontière et se retrouve interné au camp d’Argelès, puis à Gurs avec les Brigades internationales. Il est ensuite transféré au camp de Bram, puis à Drancy. Le 31 août 1942, il fait partie du convoi n°26 en direction d’Auschwitz. Il est immédiatement gazé à sa arrivée, le 5 septembre 1942.
Alt Gustave, né le 25 février 1898 à Kobersdorf (Aut). Exerce la profession de confiseur. Alors qu’il se trouve à Bram, son épouse Perrina Rosenberg est interné au camp de Drancy. Assassiné à Auschwitz.
Altschul Joseph, né le 11 septembre 1892 à Mannheim (All). Il émigre en France en 1933. Assassiné à Auschwitz.
Aranow Max, ne lé 12 août 1913 à Vienne (Aut). Employé de commerce, 15 Löhrgasse 20/7. Il survira à Auschwitz.
Aufrichtig Fritz, né le 2 juin 1901 à Misslitz (Aut). Electricien, Blumauergasse 3 à Vienne. Son épouse est à l’étranger pendant son internement.
Berger Samuel, né le 25 février 1895 à Russ (Bas-Rhin, annexé en 1870). Son épouse est internée au camp de Rivesaltes.
Wilhelm Blumenfeld
Blumenfeld Wilhelm, né le 4 juin 1898 à Guhrau. Fils de Simon et de Rosa Strassburger, il a 8 frères et soeurs. Membre du cirque Blumenfeld avec avec ses frères Alex, Alphonse, Arthur et Erich, il est le clown Kuki. A Lagrasse, il rejoint le GTE 318 à Bram. Il est déporté avec ses frères Alphonse et Alfred. Alex partira avec le convoi n°19 ; Erich, avec le convoi n°51. Seul Arthut échappa à la déportation.
Alfred Blumenfeld
Blumenfeld Alfred, né le 1er mars 1891 à Marienburg (All). Epoux de Gerda Hohmann, il réside 21 Ludolfstrasse à Magdebourg. Il vit à Paris pendant la guerre, avant de fuit vers la zone libre. A Lagrasse, puis au camp de Bram, Drancy et Auschwitz. Il meurt le 3 février 1945 pendant la marche de la mort.
Bretzfelder Hans, né le 11 juillet 1921 à Munich. Fils de Siegfried et Franziska Fanny Stark. Etudiant. En 1936, il fréquente le collège Cuvier de Montbeliard. Le 14 avril 1938, il émigre à Strasbourg chez Hartamnn, 28 avenue de la paix. Interné à Albi, puis au camp de Bram, il est déporté à Auschwitz. Ses parents se sont suicidé pour échapper à la déportation le 1er avril 1942.
Bun Ernst, né le 27 août 1916 à Vienne (Aut). Marchand. Il habitait Grosse Sperlgasse 41/28. Assassiné à Auschwitz.
Cukierman Joel, né le 5 janvier 1908 en Pologne. Assassiné à Auschwitz
Dublon Paul Ludwig, né le 22 février 1908 à Wittlich (All). Fils de Markus (1875-1951) et de Rosa Goldschmidt (1875-1957). Il émigre au Luxembourg le 16 janvier 1941, puis en France. Assassiné le 2 septembre 1942 à son arrivée à Auschwitz.
Eisler Emmanuel, né le 9 septembre 1918 à Vienne (Aut). Mécanicien, habite Ybbstrasse 15-21/ 4 /11 à Vienne. Assassiné à Auschwitz
Wilhelm Fail
Fail Wilhelm, né le 18 juin 1915. Apatride. Assassiné à Auschwitz
Fraenkel ou Fränkel Werner, né le 11 novembre 1906 à Butow (All). Fils de Herman (1874-1934) et de Gertrude Josephson (1873-1968). Assassiné à Auschwitz
Fraenkel ou Fränkel Siegfried, né le 26 septembre 1887 à Karlstadt (All). Fils de Wolf et de Marianne Adler. Veuf d’Anna Löb. Vit à Mannheim et se réfugie à Monaco pendant la guerre, avant d’être interné à Bram. Sa soeur Saly est morte en déportation.
Friedman Wilhelm, né le 22 juillet 1900 à Budapest (Hongrie).
Fuchs Léopold, né le 21 avril 1901 à Vienne (Aut). Marié à Gertrude Tichauer.
Goldberg Léon, né en Pologne.
Herzel Goldberg
Goldberg Herzel, né le 16 janvier 1897 à Belchatow (Pol). A survécu
Grosman Jacob, né le 10 septembre 1893. Assassiné à Auschwitz
Grünbaum Kurt, né le 8 septembre 1902.
Grünfeld Louis, né le 13 janvier 1925 à Borherhout (Bel). Assassiné à Auschwitz
Grünwald Alfred, né le 12 août 1920. Assassiné à Auschwitz
Hecht Ernst, né le 19 octobre 1922 à Nienburg (All). Assassiné à Auschwitz
Hecht Max, né le 3 décembre 1888 à Gelnhausen (All). Son épouse Hella Dannenberg est réfugiée à Lyon, 7 rue Bellevue. Assassiné le 5 septembre 1942
Heilbrunn Hans, né le 15 janvier 1914 à Ratibow (All). Habite à Mannheim. Envoyé au camp de Gurs le 22 octobre 1940, puis à Bram. Assassiné à Auschwitz
Klein Dagobert, né le 12 octobre 1904 à Wirberz (Pol). Habitait à Berlin. Fils de Samuel (1874-1939) et de Huldah Moses. Assassiné à Auschwitz
Jeckel ou Jäckel Joseph
Josephy Walter. Sa famille est à l’hôtel de la paix, rue Trévise à Paris.
Lazard Erich, né le 15 avril 1899 à Saarlouis. Fils de Samuel et de Johanetta Lazar (1868-1973)
Lind Moritz, né le 26 juin 1909 à Lemberg (Pol). Sa femme Hella Klipper est internée au camp de Rivesaltes à l’âge de 29 ans. Employé, habitait à Vienne, 10 Wolfgangstrasse.
Löwe Erich, né le 17 mai 1911 à Duisburg (All). Assassiné à Auschwitz
Mayer Kurt, né le 10 mars 1923 à Vienne (Aut). A un dossier d’homologation comme résistant au SHD de Vincennes : GR16P 406657
Marx Erich, né le 10 avril 1907 à Mannheim (All). Fils d’Alfred et de Alisa Stern. Sa femme est au camp de Rivel. Assassiné à Auschwitzst
Metzger Rudolf, né le 3 octobre 1900 à Mainz (All). Assassiné à Auschwitz
Moses Samuel, né le 25 juin 1888 à Kirschen (All). Assassiné à Auschwitz
Neumann Isaac, né le 7 novembre 1912 à Czierzanow (Pol)
Nimhauser Nathan, né le 25 mai 1893 à Czernowitz (Ukr). Habitait à Vienne, 21 Wallensteinstrasse. Etalagiste. Sa femme est restée en Pologne. Assassiné le 13 mars 1945.
Ostrowki Pinkus, né le 1er Février 1900 à Sulmiazyn. Sa femme est à Camplong.
Rosenthal Karl
Salomon Walter, né le 6 mai 1911 à Bonn (All). Assassiné à Auschitz
Schlesinger Wilhelm, né le 15 février 1910 à Vienne (Aut)
Schostal Louis, né le 21 février 1920 à Berlin (All). Assassiné à Auschwitz
Kurt Sostamnn
Sostmann Kurt, né le 27 juin 1904 à Mannheim (All). Fils de Julius. Sa soeur, Irma. Son frère, Herbert. Se marie avec Erna Scheuer et le couple émigre en France en 1934 (Paris, XVIIe). Kurt est arrêté, puis envoyé à Bram. Sa femme est à Serviès-en-val, mais parvient à se cacher pour éviter son arrestation par la gendarmerie. Kurt est assassiné à Auschwitz.
Spis Jakob, né le 17 septembre 1890 à Belok (Pol)
Stern Arthur, né le 9 juin 1904 à Francfort (All)
Stern Justin, né le 21 septembre 1899 à Siegelsbach (All)
Sterfels Salli
Stolzemberg Max
Teutsch Willi, né le 5 novembre 1890 à Wenningen (All)
Wang Alphonse, né le 12 décembre 1896 à Vienne (Aut)
Wagschall Paul, né le 10 novembre 1900 à Verbauti (Roumanie). Sa femme est restée à Vienne.
Weiss François, né le 6 novembre 1910 à Vienne (Aut)
Weitzner Ludwig, né le 1er avril 1892
Wolf Eugen
Cette recension a été possible grâce aux dossiers conservés aux archives de l'Hérault. Nous y avons trouvé la liste des juifs de Bram partis le 24 août 1942 pour Drancy. Seulement y figuraient leurs noms et prénoms, alors nous nous sommes mis en quête de retrouver leurs dates de naissance et tout autre renseignements utiles à leur mémoire. Les sites du mémorial de la Shoah, de Yad Vashem, des victimes de l'holocauste, de Filae et de Généanet, ont été indispensables pour rassembler les informations, souvent dispersées. Ainsi avons-nous su que chaque individu fit partie du Convoi n°26 vers Auschwitz le 31 août 1942.
Le camp de concentration de Bram
Depuis 82 ans, on a complément sorti ces victimes de notre honteuse mémoire, car ce sont bien des audois qui les ont livrés aux bourreaux.
Sources
Archives de l'Hérault : 15W35
Mémorial de la Shoah, Yad Vashem, Holocaust victims et survivors database, Filae, Généanet.
Crédits photos
Mémorial de la Shoah
"Été 44, un train pour l'enfer", Pongy Chabanel
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Commentaires
Heureusement qu'ils ont reçu leur salaire, avant de partir. De la paille, des seaux, de l'eau, et deux jours de vivres copieux. Pour se donner bonne conscience peut-être..
quelle tristesse....
quand on lit ça ,on ne peut qu' avoir envie de vomir en pensant à ces horreurs qui hélas ,
n'empèchent pas les hommes de continuer leurs tueries --pour quoi ?en verra t'on un jour la fin ??
L’horrible piège . Ces gens se pensaient en sécurité en France tandis qu’ils ont été pris dans la nasse ici. Ne jamais les oublier , merci pour le rappel Martial
Comme dit Mariech.
Ils croyaient être en sécurité en France.!
Beaucoup de mal à terminer la lecture de votre article, à cause de mon émotivité ! Et chaque fois de me dire "comment peuvent ce comporter certains humain avec d'autres", le pire est que cela continue.... Comment accepter d'appartenir à la même espèce vivante ?
Tous ces hommes, femmes, enfants, ne jamais oublier.