Dans l’une de ses chroniques, publiées dans La dépêche, Claude Marquié a évoqué en 1999 l’histoire de la teinturerie Sicre. Tout en reprenant ses informations, nous avons procédé à de nouvelles recherches documentaires et généalogiques. Elles ont abouti à enrichir d’une manière significative l’article rédigé par l’historien Carcassonnais.
Le magasin de la teinturerie Sicre en 2023
Louis Antoine Sicre (1901-1977), fils d’un homme de peine du quartier des Capucins, entra au service de la teinturerie Patau à l’âge de treize ans. François Lucien Antoine Patau, né à Limoux le 2 septembre 1861, avait fondé en 1830 une teinturerie au fond de la rue d’Alsace. Il possédait une succursale à Limoux, 43 rue de la Trinité. Son père (1814-1893), lui-même teinturier, était originaire de Villagilhenc. La famille vivait 32 rue de la gare à Carcassonne.
© C. Marquié
Usine de la teinturerie Sicre, rue de la Tour d'Auvergne
Louis Sicre reprit le terrain et les bâtiments de la Blanchisserie moderne située 28 rue Pasteur, appartenant à Justin Gaubert Raynis. En garnison dans plusieurs ville de France, ce militaire était venu s’installer à Carcassonne au début de la Grande guerre. Au numéro 13 rue Chartrand, il réalisait comme tailleur d’habit des effets militaires. On suppose qu’il monta sa blanchisserie après l’armistice de 1918. Louis Sicre épousa sa fille Suzanne (1897-1964) le 12 février 1926 et installa sa teinturerie dans les locaux du 28 rue Pasteur, communiquant avec la rue de la Tour d’Auvergne.
Le magasin (34 rue de Verdun) avant son agrandissement
La teinturerie installa son dépôt au numéro 34 de la rue de Verdun (actuel n°32), dans l’ancien atelier du relieur Jules Bertrand (1851-1918). Sa veuve, Philomène Malet, en conserva une partie pour son logement après la mort de son mari. Lorsqu’à son tour elle décéda, Louis Sicre fit l’acquisition du logement pour agrandir son magasin au début des années 1930. Ceci explique le caractère Art-Déco de la façade actuelle. L’usine de la rue Pasteur employait quatorze ouvriers avant la Seconde guerre mondiale. Elle doubla ses effectifs après la fermeture de la teinturerie Patau dont elle récupéra le local, 34 rue Clémenceau.
© JP Serres
Une ancienne ouvrière, Madame Paule Salangueda, se souvient : « Ce fut très dur. Les fers à repasser pesaient plus de deux kilos. Ils chauffaient autour du poêle à charbon. Il y en avait huit. On les tenait avec d’épaisses poignées, car le dessus était en fer. Pour mes petites mains, c’était très dur. Je serrais les dents… Le soir, je rentrais fatiguée car chez Lamourelle je travaillais assise. A la teinturerie j’étais debout et ce diable de fer qui était si lourd… Louis Sicre sortit une enveloppe de sa poche, qu'il me tendit. Je ne l'ouvris pas car elle devait être donnée intacte aux parents». Quand sa mère l'ouvre enfin : «J'en eus le souffle coupé, je ne m'attendais pas à plus que chez Lamourelle, des 40 francs qu'il me donnait, Louis m'en donnait 56, j'étais un peu fière, à 17-ans et demi, je gagnais plus que les femmes qui travaillaient aux chiffons depuis plus de vingt ans. Au bout d'un an, je gagnais 11 francs par jour, je faisais autant de travail que je pouvais, je fus proclamée ouvrière. »
© JP Serres
La société Sicre et fils dut changer ses statuts au moment de la mort de son fondateur. Le 30 mai 1977, Albert Henri Lucien Sicre (1931-2005) poursuivit seul l’exploitation qu’il détenait en association avec son père. La teinturerie seule n’étant plus rentable, le travail s’étendit au nettoyage et à la blanchisserie. Comme le souligne Claude Marquié, « cette évolution signa la mort de l’usine, détruite en 1981, puis remplacée par un building. Quant aux magasins, ils disparurent quelques années plus tard, à l’exception de la celui de la rue Aimé Ramond.
Sources
C. Marquié / La dépêche / 1999
A. Raucoules / La rue de Verdun
Archives de l'Aude, Tarn, Hautes-Pyrénées
Annuaires de l'Aude (1911, 1921, 1939)
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Commentaires
Quelle belle histoire !! On en redemande.. merci
Quelle belle histoire !! On en redemande.. merci