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L’Eldorado de Carcassonne à la fin du XIXe siècle

Dans ce Faubourg du Palais, nouvellement construit et dont nous avons parlé lors de précédents articles, se sont établis avocats, notaires, architectes et industriels. Les terrains pris sur d’anciennes parcelles agricoles à de riches propriétaires comme Joseph Teisseire, juge au Tribunal civil de Carcassonne, ont permis l’édification de très belles demeures. En cette seconde moitié du XIXe siècle, la bonne société aime se divertir dans les café-concerts et les salles de spectacles à l’instar des cabarets parisiens de la butte Montmartre. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les artistes parisiens lors de leurs tournées nationales figurent à l’affiche de l’Alcazar ou des Folies Carcassonnaises. Quand cette dernière salle de spectacle ferme définitivement son rideau en 1880 sur le boulevard du canal (face à l’actuel collège Varsovie), Joseph Théodore Sabatier achète un terrain dans le faubourg du palais. Aidé par son épouse Marie Adélaïde Peyre, limonadière de son état, le négociant fait bâtir à partir du printemps 1882 une nouvelle salle : L’Eldorado. En un temps record, l’entrepreneur Barthélémy Marty, charpentier à Rouvenac, fait élever un bâtiment dessiné selon les plans de l’architecte Léopold Petit. A peine n’a t-on pas le temps d’essuyer les plâtres que l’Eldorado est inauguré le 14 juillet 1882 malgré un manque évident de finitions. En vérité, les décorations et ornements prévus par le toulousain Ganin ne seront jamais achevés faute de moyens suffisants : « De gracieuses cariatides devaient encadrer la loge centrale et les loges d’avant-scène. Chaque chapiteau séparant les loges intermédiaires devait recevoir les attributs de musique des plus fins. La coupole devait être encadrée dans des arcs-doubleaux sur pendentifs supportés eux-mêmes par de grandes colonnes corinthiennes. Tous les tons de la salle devaient être , or vert, or jaune sur fonds de velours grenat. L’argent fit défaut, l’architecte ne put exécuter ses plans. Cette salle inachevée, bien éclairée par de magnifiques lampes à arc produit toutefois son effet ; l’acoustique est très réussie. »

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L'Eldorado pouvait s'inspirer de celui de Paris

Son fondateur ne survivra pas longtemps après l’inauguration. Emporté brutalement par la maladie au mois d’octobre 1882, l’affaire sera déclarée en faillite peu de temps après. La veuve Sabatier conserva néanmoins le bâtiment qu’elle mit en location entre les mains de plusieurs gérants. On ne compte pas le nombreuses descentes de police et les contraventions pour infractions à la loi sur les jeux de hasards. En fait de théâtre, c’est également durant la nuit un tripot où l’on joue à la boulotte ou au baccara. Fermé pendant quelques temps, l’Eldorado-Concert finit par réouvrir le 14 novembre 1889, mais la valse des directeurs se poursuit. Monsieur Teisseire, le plus sérieux d’entre-eux diversifie les activités de la salle pour une meilleure rentabilité.

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Eloi Ouvrard

Les meilleures vedettes de la scène parisienne comme les comiques troupiers Polin ou encore Ouvrard, remplissent de joie une assistance fournie. Nous n’évoquons pas ici le nom du célèbre interprète de « J’ai la rate qui se dilate, j’ai le fois qui est pas droit », mais celui de son père, Eloi Ouvrard (1855-1938). Il faut dire qu’à Carcassonne, le public, même à cette époque, boudait quelque peu l’opéra lui préférant la légèreté des opérettes et des revues. Les troupes en garnison assuraient la recette de ces soirées pas toujours du meilleur goût.

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L’Eldorado pouvait également servir de tribune politique lors des élections municipales aux divers candidats, mais également de salle d’enchères. Pour exemple, citons du 16 au 19 juillet 1895 l’extraordinaire vente sur saisie du riche mobilier du château de Malves sur la tête de Catherine D’Esquieu, épouse du marquis d’Alex. Il ne serait pas étonnant que les Gamelin, Le Sueur autres Pillement, provenant de cette collection, ne se soient pas ensuite retrouvés dans l’actuel Musée des Beaux-arts de la ville.

À partir du 15 novembre 1896, l’Eldorado devient la salle des Beaux-arts. On y donne des concerts de musique symphonique dirigé par Michel Mir, sous l’égide du président de la Société des Beaux-arts de Carcassonne, M. Gaston Barbot. L’année suivante, MM. Testut et Mosnier se rendent acquéreur de la gérance et du matériel de l’ancien Eldorado qui appartenait à Louis Gayraud. Ces deux hommes, visiblement peu recommandables, poursuivent des activités illégales de jeu de hasard dans une arrière-salle de l’Eldorado. Louis Jean Pierre Gayraud fait saisir l’établissement en janvier 1898, ce qui lui vaut une visite bourre-pif de la part de Testut. Le 19 mars 1898, l’Eldorado est mis en vente après saisie immobilière.

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Emplacement de l'Eldorado, à l'angle des rues d'Alsace et du Palais.

La salle de l’ancien Eldorado devait ensuite souffrir des conséquences de la Grande guerre. Dans les années 1930, elle sera entièrement rasée pour construire le Dispensaire d’hygiène sociale du département de l’Aude. On l’appelle désormais le Centre médico-social de Carcassonne centre. A travers ces recherches inédites, voilà un lieu totalement réhabilité dans son histoire et son emplacement, déterminé avec exactitude.

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Commentaires

  • Superbe article .je n'avais jamais entendu parler de l'Eldorado!
    Tant de choses sont portées disparues à Carcassonne.
    Vous faites un travail de fou....bravo et merci

  • . Quand le passé est totalement englouti dans le silence et l'oubli .........
    Je suis ahurie de découvrir un tel épisode. MERCI pour la mémoire de la ville et celle de ceux qui y sont attachés . En attente d'une nouvelle pépite?

  • bonjour, ce que j'apprécie ce sont les documents qui accompagnent les articles qui sont toujours passionnants, félicitations

  • Encore un article fort bien documenté !
    Merci Martial !!!

  • Il y avait a Carcassonne de très belles demeures et de très beaux monuments, la ville était riche grace aux drapiers merci de tous vos articles

  • L'Huissier chargé de la vente aux enchères du mobilier: Maître Leon Dantoine, est le père de Dantoine le célèbre caricaturiste -dessinateur de la Dépêche du Midi

  • Encore merci pour cet article super documenté et qui met en lumière
    des pages oubliées de notre ville.

  • Merci Mr Andrieu pour tous vos articles qui retracent la vie d'une ville de province où il faisait bon vivre ! Après la lecture de vos pages très intéressantes sur les cinémas dans les cafés , j'ai lu avec beaucoup de plaisir la publication de I . Debien "le cinéma dans les cafés carcassonnais " à laquelle vous faites référence . Merci d'avoir éveillé ma curiosité et ces moments de partage avec mon ordinateur pendant la lecture de vos articles m'est très agréable

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