© Jacques Blanco
Le 26 décembre 1881, environ cent quarante pétitionnaires des faubourgs de la Paix et l’Iéna demandent l’établissement d’une passerelle en travers du Canal du Midi à égale distance entre les deux ponts, afin que les habitants de ces deux quartiers puissent communiquer et abréger leur chemin vers la ville. Le conseil municipal, après avoir fait réaliser des études, conclue lors de la séance du 13 juin 1882 qu’il y a lieu de " surseoir à toutes suites quant à la pétition dont il s’agit jusqu’à ce que, sur une mise en demeure qui leur sera adressée par l’administration municipale, ses auteurs aient fait connaître, soit pour quelle sommes fixe et déterminée, soit à raison de combien de pour cent, ils s’engageraient à concourir à la dépense de l’ouvrage dont il demandent la construction, en travers de la tranchée du Canal du Midi."
La passerelle vers 1910
Le projet de construction ayant été soumis aux conditions de la municipalité, il sera ajourné sine-die faute d’accord avec les pétitionnaires jusqu’en 1886. A cette époque, les pouvoirs publics sont à la recherche d’un terrain pour l’établissement d’un nouveau lycée en remplacement de celui édifié en 1869. Trois options se présentent à eux : le terrain de M. Campourcy en bordure de la route de Montréal ; le plateau de la Gravette ou allée d’Iéna en parallèle de la voie ferrée. C’est sur ce dernier que la commission arrêta ses vues en accord avec l’inspecteur-général de l’instruction publique. Dès lors, ont vit comme indispensable la construction d’une passerelle en fer pour les piétons dont le coût serait de 2 millions de francs. Finalement, il fut décidé d’agrandir le lycée impérial et le projet de passerelle tomba à nouveau dans l’eau du canal.
Une nouvelle pétition, dix après la précédente, vient relancer le besoin d’une passerelle sur l’actuelle avenue Pierre Sémard. Le maire Antoine Durand considère cette fois que la demande est pleinement justifiée et "qu’il importe d’écouter les doléances des habitants de cette partie de la ville." D’après le devis de l’architecte de la ville, la dépense s’élèverait à 15 000 francs. Malgré les remarques de l’opposition, le conseil municipal finit par approuver la construction de la passerelle longtemps désirée par le quartier. Elle devait être payée par l’emprunt de 900 000 francs contractés par la ville pour une série de travaux, mais au mois de février 1893 alors que l’entreprise de M. Roger avait obtenu le marché, rien n’avait démarré. La cause de ce retard ne devait pas être imputée à la municipalité mais à la Compagnie fermière du Canal du Midi qui, depuis six mois, n’avait toujours pas donné l’autorisation des travaux.
© Collection Francis Teisseire
Plan de la passerelle
Deux ans passèrent… Au mois de septembre 1895, l’entrepreneur M. Roger saisit la ville afin de savoir s’il pouvait enfin commercer les travaux car, à défaut, il présenterait une instance en dommage-intérêts pour couvrir les premiers frais engagés. Le conseil municipal donna satisfaction à l’entrepreneur et les ouvriers commencèrent les travaux au mois de novembre. La Société Dyle et Bacalan de Bordeaux réalisa la passerelle dans ses ateliers en 1896. Elle était constituée de fers plats et résilonnés, reposant sur des galets de dilatation supportés par des massifs de maçonnerie bâtis à la crête des rives du canal.
© Collection Antoine Labarre
La passerelle avant sa démolition
D’après les propos de Francis Teisseire rapportés par Jacques Blanco, la structure métallique fut acheminée depuis Bordeaux en péniche jusqu’à Carcassonne par le Canal latéral de la Garonne, puis le Canal du Midi. Cette structure reposait sur un tablier en chêne qu’il fallait souvent changer.
© Noem / L'Indépendant
Dépose de l'ancienne passerelle devant la maison Lamourelle
Le temps avait fait son œuvre et l’ancienne passerelle inaugurée en 1896 ne présentait plus depuis longtemps déjà toutes les garanties de solidité. Aussi, le municipalité Gayraud envisagea en 1973 de la remplacer par une structure en conformité avec l’époque. Elle fut d’abord déposée puis remplacée par une passerelle en béton précontraint par l’entreprise Safont de Toulouse.
© Noem / L'Indépendant
Les ingénieurs avant la démolition
Les travaux commencés en novembre 1973 furent retardés d’un mois en raison d’un manque d’approvisionnement en ciment. Bien entendu, tout ceci se fit sous le contrôle de MM. Lorblanchet, et Guérin, respectivement ingénieurs du Canal du midi et de la ville de Carcassonne.
La nouvel ouvrage en béton fut inauguré en avril 1974 par le maire Antoine Gayraud. De la passerelle en fer de 1896, il ne reste que les pilers sur lesquels elle fut posée. Ce témoin permet d'observer que la nouvelle a été déplacée 5 mètres en aval.
© Jacques Blanco
Les anciens piliers de la vieille passerelle
Sources
Le rappel de l'Aude, Le courrier de l'Aude
Délibérations du CM de Carcassonne / ADA 11
L'Indépendant / 20 janvier 1974
Souvenirs oraux de F. Teisseire par J. Blanco
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Commentaires
Bonjour, dès 1963, elle était déjà en bien mauvais état; des lattes de bois bougeaient, certaines ne jointaient pas; on voyait le canal à travers; il fallait faire attention ou on posait les pieds; si bien qu'un jour, en allant en classe, le talon de ma chaussure est resté coincé dans un trou,!!! et l'ai du finir la journée un peu bancale!!
heureusement, maintenant , la passerelle est magnifique.
effectivement cette passerelle était nécessaire -elle est bien intégrée et rend d'énormes services--
On voit sur la photo de la dépose l'ancien FJT en arrière plan.
Il me semble, si ma mémoire ne me fait pas défaut qu"il y a plusieurs dizaines d'années il avait vaguement été envisagé de couvrir cette portion de canal pour faire un grand parking. Quelqu'un se souvient-il?
encore une histoire de notre chère ville que je viens d apprendre
merci Martial