Nous sommes à Paris en 1934 et dans les coulisses du Théâtre de la caricature, la comédienne Dinah Gervyl de son vrai nom Raymonde Faure, fait la connaissance du Roi des loufoques. C'est un véritable coup de foudre ! Les deux amants ne se quitteront plus, alors même que Pierre Dac a épousé une espagnole revêche, Marie-Thérèse Lopez, le 8 janvier 1929. Raymonde Faure a quitté Carcassonne où elle est née le 10 juillet 1909 au 17 rue Courtejaire, pour tenter sa chance dans la capitale. Elle est la fille de Charles Benjamin Faure (employé de commerce) et de Rose Ourtal. Dinah Gervyl fait du cabaret et se fait remarquer par la critique dans le spectacle "Le roi du sex-appeal" en 1936 au théâtre Dejazet. Sa plastique retient toutes les attentions... Avec son amant, elle enchaîne les succès avec "La lune rousse" qu'elle interprète à ses côtés.
La mère de la comédienne, née Rose Ourtal en 1886 à Carcassonne, avait épousée en seconde noces en 1918, Paul Schouver. Ce dernier, chef de bataillon au 31e Régiment d'Infanterie de Bègles trouva la mort en 1930. Rose Schouver quitte alors Carcassonne et s'installe à Toulouse en faisant l'acquisition du Cristal Palace, à l'angle du boulevard de Strasbourg et de la place Jeanne d'Arc.
Le Cristal Palace vers 1930
Lorsque la Seconde guerre mondiale éclate, l'humoriste André Isaac alias Pierre Dac se réfugie en Zone libre dans le sud de la France. Sa compagne qu'il n'a pas encore épousée, reste à Paris. Il effectue plusieurs tournées de son spectacle dans différentes villes. A Nice, le 17 avril 1941 il se risque à une improvisation qui se moque de l'invasion de Mussolini et qui fait plier de rire la salle. Les autorités de Vichy finissent pas censurer Pierre Dac et à le condamner à 100 francs d'amende. Dégoûté par l'ampleur que prend la tournure des évènements en France, il décide de chercher à passer en Espagne pour rejoindre la France libre en Angleterre. Aidé par sa belle-mère Rose Schouver, il réussit à contacter le réseau de résistants Berteaux qui se retrouve au Cristal Palace. Dans ce groupe, il y a notamment Jean Cassou. Rose Schouver alias Ourtal, fait partie du réseau de renseignements Béryl. Dac parvient à franchir les Pyrénées mais se fait arrêter le 16 novembre 1941. Il est incarcéré à la Carcel Modelo de Barcelone avant d'être remis aux autorités françaises. Jugé par le tribunal de Perpignan à un mois des prison seulement et 100 francs d'amende, il est enfermé à la prison de la ville. Un mois plus tard, le 26 mars 1942 avec 433,10 francs en poche, il rejoint sa belle-mère à Toulouse au Cristal Palace. Pierre Dac compte toujours rejoindre l'Angleterre par l'Espagne, mais les Allemands envahissent la zone sud en novembre 1942. L'affaire devient plus dangereuse pour cet homme de confession juive qui va devoir se planquer entre Toulouse et Perpignan, en cherchant des points de chute.
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Dinah Gervyl, alias Raymond Faure
Dans un courrier du 20 décembre 1944 servant de témoignage au profit d'un Carcassonnais condamné par la Cour du justice pour collaboration, Rose Schouver apporte des éléments à décharge en sa faveur. Nous apprenons que ce boulanger de la rue Barbès avait logé Pierre Dac chez lui. Il semblerait que cette famille - membre du Groupe Collaboration - qui devait avoir un lien de parenté avec les Ourtal ou les Faure, a usé de son influence idéologique pour abriter Pierre Dac.
Pierre Dac finira par réussir à rejoindre Londres où il deviendra à la BBC, la voix de la France contre les discours haineux de Philippe Henriot : "Radio-Paris ment, Radio-Paris est Allemand !" Dans la capitale, Dinah ne se sent plus de joie : "Il a réussi, il a réussi" clame t-elle. Le 6 octobre 1944, elle finira par épouser son héros et restera avec lui jusqu'à sa mort en 1975. La comédienne Carcassonnaise mourra le 16 décembre 1977 et est inhumée à Clichy-la-Garenne (92).
Si vous passez à Toulouse, 42 Bd de Strasbourg : Le Cristal Palace...
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Commentaires
Bravo,
le président (auto proclamé) de l'ULM (Union Loufoque Minervoise) , que j'ai l'honneur d'être ne peut que se féliciter de votre article. J'ai voulu à travers cette association faire revivre l'esprit et l'oeuvre de celui que je considère comme un grand homme (1m63) en créant en 2016 le Festival de Caunes, dédié à la loufoquerie sous tous ses angles (aigus, droits, gauches mais surtout pas obtus).Notre région a un lien privilégié avec Pierre Dac, puisque vous le rappelez, son épouse était carcassonnaise, et puis le "fou chantant" était un voisin. Pierre Dac fut un homme courageux (héro de la première et de la deuxième guerre mondiale) qui fit de cette forme d'humour plus qu'un simple prétexte à des "stand up" (comme on dit maintenant). En 1943, réfugié à Toulouse place Jeanne d'Arc, recherché en raison de ses origines juives, il est allé accrocher un panneau aux grilles de la Kommandatur place du Capitole, panneau portant l'inscription : "il est interdit de donner à manger aux animaux" ! Voix de la France à Londres il combatit avec ses armes la barbarie et la cruelle bêtise de Radio Paris. Samedi dernier 25 août, dans les caveaux de l'abbaye de Caunes Minervois les amateurs et fans de Pierre Dac lui ont rendu hommage à leur façon en délirant gentiment toute une après-midi.
Notre site : https://festivaldecaunes.wordpress.com/ vous accueillera loufoquement ! Prochain festival loufoque de Caunes : samedi 24 août 2019, entrée..et sortie gratuites.
Bien loufoquement à vous
Un très bel article, où j'ai découvert ce morceau de vie de Pierre Dac que j'ignorais totalement ! Merci à vous Martial
Comme toujours une tranche vie en lien avec la chère ville de Carcassonne superbement racontée… Que du bonheur!!!
AVEC BEAUCOUP de retard je découvre cet article sur PIERRE DAC. Nous habitions MONTMARTRE, l'immeuble tres important donnant sur le finiculaire et entouré par la Rue FOYATIER(, les escaliers, )la rue BERTHE (devenue rue ANDRE BARSACQ) la rue CHAPPE et la rue GABRIELLE,nous habitions l'appartement au 1er rue André BARSAC, et pratiquement jouxtant cet appartement: celui de PIERRE DAC, qui lui rentrait par le 20 rue CHAPPE……… CES DEUX appartements en raison de la pente des escaliers, avaient la salle a manger pratiquement au rez de chaussée, mais ensuite les autres pièces augmentaient en hauteur, par exemple la chambre de mes parents apparaissaient à un 2e étage, donc nos deux salles à manger, se trouvant en rez de chaussée,dans la nuit du 15 aout 1948 (j'avais7ans …..),ont reçu la visite de cambrioleurs les mêmes pour PIERRE DAC et pour nous, Nous étions en vacances sur LIMOUX, sans teléphone……….BREF mon père étant aux impots à PARIS, a pu étre prévenu……...par ceux de LIMOUX;;;;;; et il repart le soir même pour PARIS, chez nous tout fut fouillé, les langes de mon frère séchant dans la cuisine, ont été volés….manteaux de fourrures etc.…..des sacs étaient prets, car ils pensaient revenir,,ils ne vidaient pas par les escaliers mais par une chambre donnant dans l'impasse rue BERTHE, et PIERRE DAC, maintenant je comprends, cet appartement n'avait pas été occupé de toute la guerre…….ON A DIT c'est PIERRE DAC, c'est un artiste, un deux pièces, il n'y avait rien à voler…… lui même ne pouvait dire ce qu'on lui avait volé…...…il vivait seul, il nous faisait aux enfants du quartier un peu peu, peur, car quand il nous croisait il bougonnait ;;;;; et en plus son physique;;;;;; ne nous plaisait pas beaucoup!!!!!.ON A JAMAIS SU ….. MAIS nous avions sur le banc en face un clochard, que tout le monde aimait bien….. on lui offrait le potage, un gateau , un café, et lorsque je jouais sur les escaliers, il avertissait ma mère " attention NICOLE s'en va!!!!!"et bien cet homme nous ne l'avons jamais revu………..Alors qu'il était là depuis des années……. D'après la police il aurait été sans le vouloir indicateur…… PEUT ËTRE!!!!!nous vivions dans un "village" des artistes pouvaient tranquillement acheter leur pain, comme JACQUES DUFHILO qui habitait dans l'immeuble de PIERRE DAC, ETmême quelques temps FERNAND RAYNAUD,,FERNADEL à quelques pas avenue TRUDAINE,ainsi que NOEL ROQUEVERT...…...ET ENFIN DALIDA, qui habitait tout au bout de notre rue……..SEIGNIER , un peu plus haut dans notre rue…….je vais arrêter là mais que de souvenirs ( croiser dans l'escalier de mon immeuble BB, francoise SAGAN ,et tous les artistes qui jouaient au THEATRE DE L'ATELIER, ) j'ai quitté MONTMARTRE en 1975 pour revenir sur CARCASSONNE,.... ET retrouver mes racines limouxines……….