Le 10 août 1942, les cheminots parisiens de la CGT appelaient à la grève générale contre l’Occupation Allemande. Pendant toute la durée de la Seconde guerre mondiale, des milliers d’entre-eux menèrent des actions individuelles afin de lutter contre l’ennemi. Certains mirent du sable dans les boîtes de roulement pour bloquer les moteurs, firent dérailler les trains, refusèrent de travailler. Au total, près de 9000 cheminots auront donné leur vie pour la libération de la France. Au fil des décennies, les liens avec ces tristes épisodes de l’histoire et leurs actes héroïques se sont estompés. Au bout de 75 ans, une forme d’ingratitude peut être même ressentie dans les rangs des anciens, quand ils voient leurs gouvernants supprimer un statut gagné de haute lutte.
Image d'illustration
Bruno Ganz dans "La chute" / film de 2004
A Bram, le 10 août 1944 ce sont six wagons de marchandises qui se sont lourdement effondrés au milieu des flammes et de la poussière. Trois cheminots venaient de faire sauter la voie ferrée secouant dans un même laps de temps, l’ensemble de la gare. Ces fonctionnaires, membres du réseau Résistance-Fer, ne s’étaient pas trompés de cible. Le train de marchandises françaises acheminait de la nourriture réquisitionnée, pour l’amener en Allemagne. La politique de collaboration décrétée par Pétain, autorisant de tels transfert affamait toute la population française. Le journal vichyste « L’Eclair » condamnait l’attentat le lendemain dans ces colonnes, en ces termes : « Qui empêche les transports et l’arrivée des denrées alimentaires nécessaires dans notre région ? Les Anglo-Américains, par leurs bombardements incessants ; leurs alliés, les maquisards et les Résistants, par leurs vols, pillages, par la destruction des voies et des moyens de communication ou de transport ».
© Musée de la Résistance en ligne
Après l’explosion, les voies ferrées et une partie de la gare étaient saccagées. Il fallut trois jours pour tout réparer. Un ancien cheminot se souvint : « Il y avait tellement de déchets que lorsqu’on en a renversé une partie par-dessus les remblais, on a enterré une vache et un char ! » Il poursuit son récit en évoquant le triste sort d’un ingénieur d’origine juive, qui travaillait à la gare de Carcassonne et qui a été déporté : « J’étais près de la voie et j’ai vu la Gestapo le prendre. Il s’est exclamé : « Je suis fier d’être juif ! J’étais près de lui. »
A Carcassonne, chaque agent de la SNCF était doublé par un Allemand qui n’hésitait pas à dégainer pour un oui ou pour un non. Les soldats étaient énervés car les trains roulaient mal. Il n’y avait plus d’huile pour graisser et attacher les wagons. Au milieu de cette peur de travailler, le chef de gare était un Allemand. Les cheminots le surnommaient Hitler, à cause de sa moustache et de sa mèche de cheveux. La ressemblance s’arrêtait paraît-il là, car Hitler faisait de la résistance à sa façon : « Il changeait les étiquettes des trains de ravitaillement pour les empêcher de partir vers l’Allemagne. Grâce à lui, les Carcassonnais ont pu manger un peu plus pendant quelque temps. »
Sur le quai de la gare de Carcassonne, une plaque un peu isolée rappelle le souvenir des cheminots victimes de la Seconde guerre mondiale.
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René Dualé assassiné le 20 août 44 au Quai Riquet par les nazis
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Commentaires
Bel article qui devrait rafraîchir la mémoire --un peu courte-- de certains...
(@ Martial ANDRIEU-.
Question subsidiaire : avez-vous déjà évoqué, dans vos chroniques, le poète carcassonnais François-Paul Alibert ? ---il devrait être réhabilité, et entrer dans le temple du Parnasse ?... Il repose au cimetière du hameau de Grèze.)
Oui ! Voir lien ci-dessous :
http://musiqueetpatrimoine.blogs.lindependant.com/archive/2013/06/05/francois-paul-alibert-1873-1953-poete-et-auteur-dramatique.html
tres contente de votre retour